Douceur de l'amitié ll Milan

Ce serait mentir que de me dire que je n'étais pas entourée, outre mes frères et ma famille, je pouvais compter sur mes proches amis, et le couple Gabriella/Milan notamment. Ils avaient toujours été là pour moi et je sais que je ne manquais de rien avec eux. Depuis ma séparation Gabriella était une vraie mère poule et je me doutais que Milan s'inquiétait également pour moi. Pourtant, j'essayais de ne pas trop me plaindre, bien au contraire. Je suis envieuse de leur couple; d'un point de vue extérieur, je les trouve beaux, leur famille est équilibrée, je rêverais d'avoir la vie de mon amie, mariée et maman... c'est mon rêve le plus cher et quand j'y pense ça me fait un sacré pincement au coeur. J'essaie de ne surtout pas m'apitoyer sur mon sort, ça ne servirait à rien et puis, il faut bien l'admettre, c'est moi qui ai voulu rompre pas Léo... Bref...

Voilà trois semaines que j'ai intégré ce cabinet d'avocat qui me convient parfaitement. L'ambiance est sympa et je m'y sens bien. Je suis sur un dossier assez délicat pour le coup et je prends tout mon temps pour étudier chaque pièce que la cliente a amené. Je ne veux rien laisser au hasard et je veux à tout prix essayer de trouver une solution pour cette maman démunie. Je sais que les affaires familiales traitent souvent sur lemme sujet mais ça m'est égal pour moi la famille c'est important alors ça me semble tout à fait normal que j'aide ces personnes.
Alors que je suis tranquillement la tête dans mes dossiers, le vibreur de mon téléphone posé sur le bureau non loin de mon clavier me fait sortir de mes réflexions. Un message de Milan s'affiche. Il me propose de déjeuner avec moi. La simple idée de manger avec mon ami m'emplit de joie. J'aime beaucoup passer du temps avec les Hill. Donc j'avais accepté sans hésiter ce bon déjeuner, surtout qu'il avait proposé le chinois. J'adorais cette nourriture, régulièrement avec Léo nous mangions chinois, il savait que j'aimais ça et après sa garde à la caserne, il me ramenait toujours de quoi manger du restaurant. Il savait que j'aimais ça. Milan avait donc visé juste. Je regarde l'heure alors, j'avais encore une bonne heure avant de rejoindre mon ami. Une heure qui passe soudainement trop vite. Je m'affole lorsque je me rends compte que je risque grandement d'être en retard.

Prenant ma veste, je me dirige vers le bureau d'Adaen pour lui dire que j'étais disponible par téléphone si besoin mais que je déjeunais à l'extérieur. Trouvant le chemin du restaurant, j'envoie un message à Gabriella. Cela me manque nos repas à quatre je dois bien l'avouer, depuis l'an dernier nous n'avons rien fait.. Je rejoins l'entrée du restaurant et y voit Milan arriver aussi. Je souris directement en le voyant. La douceur de notre amitié me fait du bien. Je me doute que ce déjeuner bien qu'il soit sans pensées mais il doit vouloir vérifier que tout va bien pour moi..

Coucou toi.

Dis-je en accompagnant ma salutation par une brève étreinte.

Tu vas bien ?

Il avait l'air en tout cas d'aller bien, au moins un de nous deux...

Milan avait toujours bien aimé Elena. D’abord amie de Gabriella, elle était devenue, de fil en aiguille, son amie, à lui aussi. Alors forcément, lorsque la femme du dessinateur lui avait vaguement expliqué la situation, il n’avait pas hésité une seule seconde. Il voulait lui montrer que lui aussi, à son échelle, était là, faisant avec elle, ce qu’il aurait aimé que l’on face avec lui, les jours où il était au plus bas.

Après une matinée bien chargée, composée de quelques rendez-vous avec son éditeur – pour son nouveau projet ; et d’un autre avec un de ses amis illustrateurs pour une collaboration sur ce nouveau livre, il avait, dès qu’il avait eu un instant de pause, envoyé un sms à la jeune femme, pour lui proposer un repas entre amis. Après tout, il était en centre ville, et de mémoire, le cabinet d’avocats où Elena avait commencé à travailler il y avait de cela quelques temps aussi… Ils pourraient donc faire d’une pierre deux coups, et ainsi prendre leur pause de midi ensemble.

Une fois ses rendez-vous passés, Milan décida de se poser dans un café, attendant tranquillement que le temps passe, jusqu’à l’heure du repas. Pas très loin du resto – en réalité même : en face, il voulait voir Elena arriver pour être sûr de ne pas la manquer ; il envoya un message à Gaby. Elle était déjà au courant du fait qu’il devait manger à l’extérieur ; Milan s’arrangeait toujours pour la prévenir en avance. Cependant, l’idée de passer le repas avec leur amie ne venant seulement que de lui effleurer l’esprit, il lui proposa de les rejoindre… Déjà quelque chose de prévu. Il grimaça, un peu déçu. Il adorait, ces repas qu’ils avaient pu faire, tous ensemble par le passé, à quatre. Maintenant, ce ne serait plus qu’à trois, mais ce n’était pas un problème pour Milan : après tout, s’ils avaient décidé de mettre fin à leur relation, c’était bien pour quelque chose, personne n’avait le droit de juger ça. Pas même les amis et proches. En réalité… eux, encore moins : il savait comme ces derniers pouvaient souvent se permettre de mettre leur grain de sel dans les affaires personnelles d’autrui, sous couvert de cette foutue proximité.

Au bout de quelques minutes, il aperçut la jeune femme arriver et traversa la rue. Là, il répondit à son étreinte amicale, embrassant sa joue, tout sourire : il était heureux de la revoir, d’autant que cela faisait un moment, qu’ils ne s’étaient pas croisés :

« Je vais bien, merci ! Et toi alors ? Gaby m’a vaguement expliqué… j’suis vraiment désolé pour toi, 'lena. »

Il grimaça un peu. Comme entrée en matière, il y avait mieux, il le savait pertinement. Lui adressant un sourire léger, il ouvrit la porte du restaurant : « après toi ma belle ! » il salua ensuite le serveur qui vint les placer et une fois à leur table, il retira son manteau :

« comment ça se passe, au cabinet, Perry Mason girl ? » avait il lancé pour plaisanter, avant de tranquillement s’installer…

Gabriella avait de la chance d'avoir Milan à ses côtés. Cet homme était doux, affectueux, gentil et surtout serviable. Ils étaient vraiment devenus comme une deuxième famille pour moi, vraiment. J'appréciais beaucoup Milan, sans aucune ambiguïté. Il avait beaucoup de points de caractère similaires à l'un de mes quatre frères, et le voir ça me réconfortait toujours car ça me rappelait mon frère qui lui était au front, absent et que je ne voyais que peu. Alors l'idée de déjeuner avec lui me faisait plaisir, je n'avais rien à cacher à Gabriella toute manière, je n'avais aucune vue ni là ni jamais pour lui, c'était une simple et belle amitié et je respectais notre leur relation pour la briser de n'importe quelle manière, car oui je suis envieuse de ce qu'ils vivent mais je suis pas malsaine au contraire je me réjouis du bonheur des autres en général.

J'aurais aimé que Gabriella soit là aussi pendant ce déjeuner, j'appréciais beaucoup les moments avec ce joli couple marié mais avec Milan comme seule compagnie ça me convenait très bien aussi, d'autant plus qu'avec ma douce Gabi nous avions prévu de sortir bientôt quand nos emplois du temps respectifs le permettraient. Faire une pause dans ma journée n'était pas si mal en fin de compte, comme ça, ça rythmait bien ma journée qui avait pas trop mal commencé mais ça me donnait surtout l'occasion de ne pas trop m'évader dans mes pensées et l'envie d'écrire à Léo qui devait bien être occupé. J'en avais marre de faire les voyeuses en stalkant son compte Instragram pour être un peu plus mal après.

Enfin sur place devant mon ami, l'étreinte est la plus naturelle possible car c'est toujours de la sorte que nous nous disons bonjour. Contente de le voir je lui souris. Je me rends compte que même en étant avec lui, je ne peux pas ne pas penser à Léo plus d'une minute. Milan est peiné par notre séparation ce qui me fait hausser les épaules en tirant une moue.

C'est gentil mais t'inquiète ça va.

Un maigre sourire accompagnant ma phrase, c'était totalement faux, je n'étais plus moi même, en me séparant de lui, il avait emporté une partie de moi avec lui et ma joie avec. Mais je ne voulais inquiéter personne et surtout je ne voulais pas me morfondre sur moi même. Aujourd'hui, je n'allais pas craquer il fallait juste que je profite du bon moment que m'offrait mon ami. Par chance, on entra rapidement dans le restaurant où le serveur nous plaça à une table de deux. Je le remerciais en m'asseyant tout en me mettant à l'aise.

Mon nouveau boulot me plaît pas mal, les gens sont gentils et toi t'en es où de tes projets un peu?

Le serveur nous proposa un apéritif, je pris un kir cassis avant d'ouvrir le menu pour réfléchir à quoi manger ce midi. J'avais une faim de loup mais ce n'était clairement pas une raison pour tout commander.

Malgré les raisons de leur rendez vous, Milan était content de retrouver son amie pour quelques précieuses minutes autour d’un repas. En temps normal, c’était en compagnie de Gaby, le plus souvent, qu’ils prévoyaient ce genre de retrouvailles. Mais Milan aimait aussi les moments passés seul avec son amie. Pas d’une quelconque façon mal placée : l’illustrateur était fou de sa femme depuis vingt ans, et malgré le temps qui passait, son amour pour elle était chaque matin plus fort que la veille. Cependant, il aimait la promiscuité d’un moment partagé avec un proche, famille ou amis. La dynamique de ces moments passés seuls étaient bien évidemment différents de ceux passés à quatre. De deux couples, on passait soudain à deux individus : Milan et Gaby avaient toujours été de ceux qui avaient su garder leur individualité. La fusion ? c’était pas leur truc, chacun avait son caractère, et c’était encore ce qui faisait leur force.

Il regrettait que sa femme n’ait pas pu se joindre à eux pour ce repas, mais relativisait : ce n’était que partie remise, pour se voir tous ensemble, et qu’une question d’heures tout au plus pour la serrer dans ses bras. Rien qu’il ne soit pas en mesure de supporter ! Tranquillement, il s’installa à la table que leur avait signifié le serveur. Il se doutait que ça ne devait pas être la fête pour Elena. « ça va ». Ces deux mots étaient le mensonge le plus répandu sur Terre, Milan n’en était pas dupe. Pour autant, il n’était pas de ceux qui tiraient les vers du nez. Il avait toujours détesté qu’on le force à parler, préférant l’idée que l’on vienne lui parler si on en ressentait le besoin, tout simplement : Pudeur ou élégance de sa part, c’était sans doute un mélange de tout ça.

« J’insiste pas alors. Mais… si jamais… tu sais que je suis là, hein ? » s’était il contenté de lui rappeler dans un clin d’oeil bienveillant. Là, il avait porté son regard sur la carte. Pour elle, un kir cassis. Pour lui un martini rouge. Mains jointes sous son menton qu’il soutenait ainsi, il écoutait attentivement son amie lui parler de son nouveau travail : « c’est déjà un bon point. Si tu as réussi à t’intégrer, t’as fait le plus gros ! c’est jamais facile de débarquer quelque part où la dynamique et les liens entre les personnes sont déjà établis ! » il lui adressa un clin d’oeil, avant de lui annoncer tout sourire « ben… j’avais fait une petite pause, à la naissance d’Hailee. J’voulais profiter de ma famille. Mais malgré tout, j’ai jamais su m’arrêter de dessiner. J’ai fait ça toute ma vie alors… » il haussa les épaules et poursuivit « tu sais, j’crois que j’ai tellement gribouillé sur les petites conneries qu’on pouvait faire au quotidien, que j’ai commencé un nouveau projet : j’suis sur une BD qui reprendrait un peu notre vie de tous les jours. Ca va être cool ! » avait-il lancé tout enthousiaste !

Comme très souvent lorsqu'on passe du bon temps, ça passe très vite.. et même si je ne travaillais pas avec une pointeuse j'avais des rendez-vous toute l'après midi. L'heure qui allait suivre en compagnie d'un de mes amis les plus chers allait passée vite mais je me devais d'en profiter au maximum. Avec Milan c'était simple, naturel et j'appréciais chaque instant avec lui, lui ou sa famille d'ailleurs. Je les enviais tellement. Même si c'est régulièrement en compagnie du couple que je me retrouvais, c'était tout aussi normal de me retrouver avec Gabi ou Milan, seuls. Je ne me plaignais pas d'avoir des amis qui m'appréciaient assez pour vouloir me voir de façon assez soutenue. Je dois bien avouer qu'en ces temps-ci j'en avais vraiment besoin de mon entourage. Je connaissais ce couple d'amis depuis aussi longtemps que je m'en souvienne. Je ne me rappelais même plus la première fois que l'on s'était rencontrés eux et moi quoi qu'il en soit, l'amour qu'ils se portaient l'un envers l'autre était d'une telle douceur que ça donnait envie à n'importe quel allergique de tomber amoureux.
Même si j'avais la chance de passer des moments privilégiés avec l'un ou l'autre, présentement Milan, j'aurais bien aimé que Gabriella soit de la partie mais elle n'avait pas pu..
Une fois installés, il est vrai que je ne voulais pas me plaindre. Déjà, parce que si nous en étions arrivés là Léo et moi c'était entièrement ma faute... Et puis... je l'avais cherché, cette situation je l'avais voulu... mais j'avais tout de même le coeur brisé en deux, mon coeur avait du mal à battre sans le rythme de celui du pompier. J'étais terriblement mal à l'intérieur et j'essayais vraiment de faire ça à ça et de paraître souriante et peu abattue mais ce n'était pas le cas en réalité et mes proches amis s'en doutaient j'en suis certaine comme Milan par exemple. Parler de mon nouveau travail me détendait, car le sujet Léo était un sujet trop sensible et trop frais.

Et bien tu me connais, j'arrive à m'intégrer facilement dans une équipe, alors j'étais pas spécialement stressée mais je suis venue pour éviter d'avoir affaire à Tom.. Je ne pouvais plus être dans le cabinet où il était.. Avoir trompé Léo est la pire chose qui me soit arrivée.. J'ai honte.

Je hausse les épaules en regardant mon verre. J'ai vraiment honte de ce que j'ai fait, je donnerais tout pour retourner en arrière et refuser les avances de cet homme. L'avocat était beau gosse, je ne pouvais pas le nier.. mais je ne l'aimais pas. J'aimais éperdument Léo même si j'étais allée voir ailleurs. Quand Milan me parle de ses idées, je souris. Fière de lui, j'avais déjà hâte de pouvoir lire sa nouvelle oeuvre.

Et tu l'as bientôt terminée? J'ai hâte de la lire, avec ta famille, ça risque d'être assez drôle. Gabriella me raconte souvent les bêtises de Hailee ou quoi. En tout cas, je suis contente que ton inspiration soit au rendez vous. J'adore lire et voir tes illustrations. L'idée de BD est tellement bonne c'est top.

Je souris mais mon esprit s'évade rapidement et pense à Léo je ne peux pas m'en empêcher.

Tu as des nouvelles de Léo? Vous l'avez vu depuis notre séparation?

Faire comme si de rien n’était. Sur le moment, Milan n’avait pas trouvé mieux à faire. La pudeur des sentiments : surtout, ne pas trop les exposer. Pas que ça le dérange, au contraire. Il avait toujours été là pour ses proches, il s’en faisait un point d’honneur. Cependant, s’il y avait une chose qu’il n’aimait pas… c’était bien tirer les vers du nez des gens. Les forcer à parler, non merci. Cela lui avait toujours donné l’impression d’être de la police. Quelle horreur ! Non. En revanche, si l’on ressentait le besoin de parler, il était une écoute précieuse, et s’efforçait d’être de bon conseil, autant qu’il le pouvait.

Tranquillement, il regardait la carte du restaurant, réfléchissant déjà à sa commande. Ses yeux avaient beau ne pas forcément se concentrer sur la demoiselle, ses oreilles, quant à elles, n’en perdaient pas une miette. A ses aveux, il reposa sa carte, mordillant doucement sa lèvre inférieure, grimaçant. Il laissa un court silence s’installer. Pas de quoi lui laisser le temps de devenir gênant. Juste celui de peser ses mots ; peut-être aussi de la rassurer : surtout, ne pas blâmer. Milan détestait être dans le jugement. Au bout de quelques instants, il prit enfin la parole, l’ongle de son pouce glissant sur sa lèvre inférieure

« Tu sais… c’est pas la peine de te torturer. Je veux dire : c’est vrai, tu as fait une erreur. Mais et après ? l’important, c’est que tu en aies conscience : tu as déjà fait le plus gros. Reste à savoir ce que tu veux vraiment ? » il hésita, et finit par conclure « si tu tiens à lui, je crois que ça vaut le coup de s’accrocher. Sinon… aller de l’avant. Mais… si tu t’en veux autant… j’peux assurer sans trop me tromper que tu l’aimes toujours, n’est ce pas … ? »

Sa main vint se poser sur le bras de son amie qu’il caressa de son pouce, bienveillant, tandis qu’il lui offrit un clin d’oeil.
Son geste terminé, il hocha la tête à sa question. Ses bras se croisèrent sur son torse, et il répondit, enthousiaste à l’idée de son livre bientôt achevé : « j’ai encore plusieurs petites choses à modifier mais dans l’idée… c’est bientôt terminé, oui ! Si tu veux… tu pourras le lire en avant première ! Tu sais que ton avis est important pour moi ! » il lui adressa un clin d’oeil. Les avis de ses proches étaient extrêmement importants pour lui : ils lui permettaient de se faire un premier avis sur la façon dont l’ public recevrait son travail. Et il ne parlait même pas de l’avis de Gaby. Celui-ci était primordial. Il était celui qu’il finissait toujours par suivre. Pas seulement parce qu’elle était sa femme, mais aussi et surtout parce qu’elle le connaissait mieux que personne : elle savait le pousser à trouver mieux, toujours. Et puis, avoir une femme écrivaine pour un illustrateur, ça n’avait pas de prix ! Adressant un sourire à Elena, il fronça les sourcils : « Tu veux peut-être parler d’Hayden, plutôt ? Hai est encore trop petite, ses bêtises se résument à de vagues tentatives de nous faire pipi dessus au changement de sa couche ! » il se mit à rire, et conclut : « mais… carrément, j’veux vraiment en faire un truc à la fois touchant et drôle. J’espère que ce sera réussi ! Et… content que l’idée te plaise ! c’est trop gentil ! »

Il prit la carafe d’eau et se servit un verre dont il préleva une gorgée. Un peu surpris par la question de la jeune femme, il fronça les sourcils : « Je ne vais pas te mentir, j’ai eu quelques nouvelles depuis votre séparation , oui. Mais ces derniers temps beaucoup moins… j’avoue que je n’ai pas pris le temps de revenir vers mes amis, mon taff m’a totalement bouffé. » il se mit à rire, avant de poursuivre : « mais aux dernières nouvelles, il allait bien… ça va peut-être te paraître bête comme question, mais… tu n’en as plus depuis longtemps ? »

Ce que j'appréciais beaucoup avec Milan c'est qu'il n'était pas de nature curieuse quand on parlait de ma vie par exemple. Il ne cherchait pas à me tirer les vers du nez pour découvrir des anecdotes croustillantes à mon égard. Au contraire, il préférait sans doute que j'y aille à mon rythme et que je lui confie ce que j'avais envie de lui confier. Rien de plus, rien de moins. Ce qui permettait à notre amitié d'être légère et sans prise de tête depuis des années. Notre amitié prospérait sans doute car c'était quelqu'un de posé, calme et qui savait écouter ses amis quand ils en ressentaient le besoin. Il était de bon conseil et j'appréciais nos discussions plutôt constructives.
Tout ce qu'il y avait d'écrit sur le menu me faisait envie pour autant, je n'allais pas me goinfrer, j'avais encore une longue après midi devant moi, il fallait être raisonnable. Même si j'avais déjà choisi, je discutais avec mon ami qui avait un oeil sur moi et un oeil sur la carte du menu. Je ne me sentais pas pour autant délaissée car il m'écoutait vraiment d'une oreille très attentive.
On parlait de Léo, et de mon blocage affectif depuis que j'avais commis l'irréparable. Léo me pardonnait mais je n'arrivais pas à me pardonner moi, c'était pesant et le poids de la culpabilité avait raison sur mon couple. Je sais que Léo veut qu'une chose c'est que nous nous remettions ensemble mais moi je n'y arrive pas.

J'aimerais réussir à me pardonner comme Léo a réussi à le faire mais c'est plus fort que moi. Il mérite mieux. Lui a toujours été droit, sincère et fidèle et j'ai même pas su l'être, je ne sais même pas pour quelle raison, parce que je l'aime... je blâmais les hommes et les femmes qui trompaient leur partenaire avant et je suis devenue l'une d'entre eux et j'ai beaucoup de mal à l'accepter. Léo a envie de se remettre avec moi mais moi même si je suis attirée par lui et amoureuse je fais un blocage.. Je suis une véritable girouette et il mérite mieux.

Je hausse les épaules et je replonge mes yeux dans la lecture de mon menu. histoire de fuir le regard de mon ami et me préparer à ses prochaines paroles. Evidemment que Milan ne se trompait pas, l'amour qu'il y avait entre Léo et moi était visible pour le plus commun des mortels, on a toujours été heureux, amoureux et ça se voyait... et oublier trois ans de vie en un mois ce n'était pas la joie.
Le toucher affectueux de Milan me fait comprendre l'importance de l'amitié. Sa main posée sur mon bras signifie beaucoup, à ce moment précis il n'y a pas besoin de mot, le geste parle de lui même. Cette marque d'affection de Milan me fait avoir les larmes aux yeux, car oui.. Je suis à bout et j'essaie pourtant de faire bonne figure. Après ce petit moment tendresse rempli de compassion et d'amitié, on bifurqua sur une pente un peu moins dangereuse pour mon petit coeur meurtri par l'absence de Léo. L'écouter parler de son bouquin me fit esquisser un petit sourire timide.

Je le lirais avec plaisir. Je suis déjà sûre à 200 pour-cent que je vais dévorer ton oeuvre. Et pour Hai, justement elle me raconte qu'elle est coquine quand vous vous occupez d'elle pendant le bain ou au moment de changer sa couche. C'est chou. En tout cas, je suis contente que ça aille entre vous.

Les commandes prises, notre plat n'allait pas tarder à arriver sur la table. Cependant, tout ce à quoi je pensais c'était le pompier, impossible de me l'enlever de l'esprit. J'écoutais la réponse à ma question même si je connaissais déjà la réponse mais l'entendre était différent.

Si j'ai des nouvelles de temps en temps. Enfin j'essaie d'en prendre car il n'en donne pas vraiment au final. mais bon.

C'était sans compter notre petite entrevue plus tard dans un café qui finira mal ou notre soirée chez moi qui avait dérapé.. Enfin tout n'était que chaos nous concernant, et c'était bien triste de nous voir nous déchirer de la sorte.

Faudra vraiment se caler un dîner ensemble avec Gabriella, ça fait longtemps qu'on a pas mangé tous les trois.

Après plusieurs échanges, le repas arrive. Je souris, bien affamée et répond

Bon appétit Milan ! D'ailleurs tu fais quoi cet après midi?

Milan écouta son amie avec attention. Pas évident, de donner les meilleurs conseils qui puissent être, lorsque nous même, nous n’avons jamais expérimenté la situation. Mais pour autant, étrangement, Milan était assez fier de n’avoir jamais été dans le même cas de figure que son amie. Si le mimétisme avait parfois du bon, là… ce n’était clairement pas le cas. Jamais l’idée de lui avait traversé l’esprit. Entre Gabriella et lui, c’était clair, simple. Et jamais il n’avait eu envie d’être avec une autre femme qu’elle. Maintenant encore moins que jamais : ils avaient tout pour être heureux, et il fallait être fou, pour craindre le bonheur : ce n’était qu’un bon moment à passer.
Cependant, ça ne l’empêchait pas de comprendre Elena, et de lui adresser un peu de compassion. Les amis, c’était toujours là dans les bons comme dans les mauvais moments, après tout, et Milan ne faisait pas exception à la règle ! Au contraire : il avait tendance à en faire toujours trop, avec ses amis. On le considérait souvent comme fou, ou trop gentil. Mais il connaissait la valeur d’un geste compatissant ou amical envers quelqu’un que l’on aimait.

Il lui adressa un sourire, l’écoutant et hocha la tête un peu amusé « je me doute, en même temps… j’crois qu’on va bientôt devenir comme ces parents qu’on trouvait insupportables, il y a encore quelques mois : tu sais, de ceux qui vont te bassiner en mode : ‘regaaaarde, elle a fait un traaiiiit c’est son premier dessin !! elle va être illustrateur comme son papaaaa !’ et autres ‘tu sais pas quoi ?? hier elle a dit : Kapouéééé ! Kapoué ! Incroyable, non ?? qu’est ce qu’elle manie bien les mots ! Comme sa maman !‘ alors que spoiler alert, pas du tout, c’est une enfant d’un an, t’attends pas à ce qu’elle soit immédiatement reconnue comme l’héritière de Steinbeck ! » il se mit à rire, avant de demander à son amie : « par pitié. Si on finit comme ça, dis nous de la fermer ! » il hocha la tête, souriant puis prit une gorgée de son verre d’eau avant d’avouer : « Merci beaucoup Lena ! » Il ne s’étala pas plus, par tact : inutile de lui jeter au visage tout ce qu’il pensait de Gabriella et sa famille. Premièrement, parce qu’elle le savait déjà mais aussi et surtout parce qu’il était conscient que ce n’était pas le moment. Pourtant, il savait. Il savait la chance qu’il avait eue d’être tombé sur elle un peu par hasard. De s’être marié avec cette femme qu’il trouvait magnifique, drôle, et était devenue avec le temps sa meilleure amie et sa confidente en plus d’être sa femme. Les engueulades ? Il y en avait eues de temps à autres. Mais elles avaient pourtant été rares, bruines dans le ciel bleu. Il hocha la tête à la réponse de son amie :

« l’important, c’est que tu en aies… j’veux dire, si tu veux quelques chances de reprendre un jour des relations apaisées avec lui… j’crois que c’est bon signe, si vous continuez à vous parler, t’en penses quoi ? » il lui adressa un clin d’oeil bienveillant, avant de conclure « j’te souhaite que ça s’arrange en tous cas… et puis si jamais un jour tu as besoin de quoi que ce soit… tu sais où tu peux me trouver… Et Gaby aussi. Mais bon, j’t’apprends rien, hein ? » il se mit à rire légèrement, puis hocha la tête « bien sûr ! Je ne sais pas trop où elle en est dans son programme de ces derniers jours, mais… je lui demanderai, je suis sûr que ça lui ferait plaisir en plus !

Les premières assiettes arrivant, il remercia le serveur et commença à se servir « bon app’ Léna ! » et il réfléchit un instant « à vrai dire, je n’ai pas grand-chose à faire. J’pensais profiter un peu du soleil pour me balader et aller aider Gab’ avec les petits ! Et toi ? Tu as prévu quoi ? »

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