Panne d'inspi ? | Andrea

« Oh, Tammy, quand te décideras-tu à te séparer de ce vieux tacot ? » Vexée, elle avait croisé les bras, hostile aux recommandations de l’homme qui lui faisait face, et haussa les épaules, nonchalamment : « Je ne sais pas Tom. Je ne sais pas. Peut-être quand tu sera fidèle ? Oh, non, j’oubliais. TU N’ES PLUS MON MARI. Par conséquent, je peux avoir des conseils à recevoir de la Terre entière, mais pas de toi. Casse toi. » Furieuse, elle était entrée dans sa voiture. Ce « vieux tacot », comme il venait de l’appeler, elle l’avait depuis l’arrivée de sa fille, il y avait maintenant quatorze ans. Et il était hors de question qu’elle s’en sépare maintenant. Tout d’abord, elle était fonctionnelle, et avait tout ce dont Tamara pouvait avoir besoin : chauffage pour l’hiver, climatisation pour l’été, la bluetooth, lecteur cd et USB, c’était le rêve incarné. Et puis, par dessus tout, elle regorgeait de souvenirs. De pique-niques avec sa fille. De journées passées à attendre sur le parking que cette dernière ne finisse sa journée d’école -Si vous lui demandiez, Tamara aurait juré qu’elle n’épiait pas, mais ça ne trompait personne : et après tout, pouvait-on lui jeter la pierre ? Les enfants étaient si mesquins, avec leurs semblables ! - Dans l’habitacle, les rires, les chants, parfois même les pleurs. Les discussions aussi légères ou sérieuses furent elles entre Tamara et Charlène y résonnaient. Non, elle ne pouvait pas se séparer de sa vieille voiture. Elle la garderait jusqu’à la fin, inutile de tergiverser.

Ses mains glissant sur le volant, Tamara soupira «  ne t’en fais pas ma belle. Tom est un crétin. Il n’aime personne d’autre que sa petite personne. Mais moi.. j’t’aime, ma petite voiture. Et si tu veux bien, tu vas m’emmener au ranch où la vieille Peabody habite. Elle veut que je lui fasse une robe sur mesure et déteste les gens en retard »

Souriante, elle mit le contact. Dans ses enceintes, on pouvait entendre « I’m Gonna Be (500 miles) », interprété par les Proclaimers. Bon, ok, ce son était une relique déjà lorsque Tam était jeune, mais elle ne pouvait s’empêcher de l’apprécier particulièrement. Sifflotant, dansant, elle oubliait peu à peu les reproches de Tom, donnant tout ce qu’elle avait dans le refrain, les yeux mi-clos, qu’elle rouvrait environ toutes les cinq secondes, ne voulant pas provoquer d’accident… Lorsque tout à coup, stupéfaite, elle déchanta. Sa voiture ralentit, et de sous le capot, émanait une épaisse fumée blanche : « Oh… non, Mimi, me fait pas ça ! On avait dit 500 miles ! Pas à peine 10 ! j’fais comment pour arriver chez Madame Peabody moi ? Et puis putain, on est au milieu de nulle part ! j’fais comment ? » grimaçant, elle sortit de sa voiture, tentant de capter un signal de portable. Bon sang, ça allait être long…

Impuissante, Tam regardait sa voiture fumer. La fin du voyage, c’était tout bonnement fichu. Grimaçant, elle avait fait quelques mètres pour appeler sa cliente et la prévenir de son retard incongru. La discussion passait mal, tout comme les mots de Tammy qui se fit recaler par l’intransigeante Madame Peabody. « plus la peine de venir, jeune fille ! De mon temps, les jeunes gens avaient un peu d’égard pour leurs anciens ! »Tamara désolée balbutia : « mais madame, je suis sincèrement désolée, ce n’est pas une question d’ég… allo ? Allo ! » Eh merde. Elle avait raccroché. « vas mourir, vieille peau ! » avait-elle pesté avant de lancer, rageuse, son pied dans le pneu de sa voiture « aie ! » quelle andouille. Il ne manquait plus qu’elle ne se blesse bêtement, en plus de ça !
Soupirant, elle s’était assise dans le coffre, attendant une solution miraculeuse. Tout d’abord, peut-être devrait-elle jeter un œil sous le capot ? Ouais. De toutes façons, elle n’avait pas vraiment le choix. Pourtant, cette idée était loin de l’arranger : en temps normal, c’était Tom, qui s’occupait de tout ça.

Elle grimaça une nouvelle fois avant de se lever, soupirant « oh, Seigneur... » avait elle lancé avant de prendre son courage à deux mains. C’était à cet instant, qu’une voix retentit, douce surprise à ses oreilles. Sursautant, elle se retourna, un sourire rassuré s’étirant sur ses lèvres « oh mon dieu, oui ! Merci ! j’aurais jamais cru croiser quelqu’un dans ce trou ! Vous vous êtes perdu ? » demanda-t-elle tentant de détendre l’atmosphère, nerveuse…
Et elle se dirigea vers l’avant de la voiture, ouvrant le capot qu’elle bloqua grâce à la barre métallique qui se trouvait à l’intérieur. Là, elle essaya de regarder. Où ? Elle n’en avait pas la moindre idée. Poule ayant trouvé un couteau, ou chien dans un jeu de quille selon votre préférence animalière, elle n’avait aucune idée d’où poser précisément son regard. « Je crois… que je ferais mieux de laisser faire le pro. » confia-t-elle avant de justifier : « je suis vraiment désolée. D’habitude, c’est mon mari qui... » elle se mordilla nerveusement la lèvre inférieure avant de rectifier « enfin. C’était. » Eh oui. C’était bien beau, d’avoir jeté la plus grosse erreur de sa vie, seulement voilà ! Maintenant, elle serait seule aussi pour ces choses que seul lui savait faire. Et si elle voulait s’en sortir, elle ferait mieux d’apprendre. Observant l’homme face à elle, elle haussa les épaules avant de conclure : « merci beaucoup. Ce serait vraiment génial ! » et lui adressant un sourire, elle lui tendit sa main dans le but de serrer la sienne « au fait : j’m’appelle Tamara. Mais mes amis m’appellent Tammy. Et vous, c’est comment ? »

Rassurée, Tamara se permit de souffler légèrement. Bon, d’accord. Aujourd’hui, elle avait perdu une cliente, et probablement qu’elle devrait investir dans une nouvelle voiture : il fallait se rendre à l’évidence. Cependant, elle avait trouvé une âme charitable pour lui venir en aide, et ça, ça n’avait pas de prix. A sa réponse, Tam avait ri. Pas jaune, encore moins faux, un rire de bon coeur de la demoiselle qui se détendait peu à peu. Pas qu’elle ait mis tous ses espoirs sur l’homme qu’elle venait de rencontrer. Non : il ferait ce qu’il pourrait, c’était déjà adorable de sa part, d’avoir pris sur son temps. Cependant, avoir trouvé une âme charitable la tranquillisait. Elle hocha la tête, lui adressant un sourire :

« Oui… c’est vrai qu’elle ressemble assez à une locomotive des années 1900, peut-être que je devrais la laisser au musée du train ? » avait-elle lancé, un peu amusée par la remarque de l’homme.

Tranquillement, elle se rapprocha, observant, curieuse, son sauveur de la journée. Et riant, elle haussa les épaules « vous savez… j’pense que vous en saurez toujours plus que moi en matière de mécanique. En revanche… j’suis une pro des accrocs ! Si un jour vous abimez un de vos vêtements… vous savez où me trouver ! » avait elle lancé pleine de bonhommie.

Fronçant les sourcils à l’observation du blond, elle haussa les épaules, éclatant de rire : « c’était un connard, j’vous l’accorde. Mais sans doute pas au point de faire ça. Il n’avait pas assez… d’esprit pour ça ? » à leur mariage, Tam aurait eu un tout autre discours. Pour elle, Tom était l’homme le plus intelligent du monde. Mais une enfant et un divorce plus tard, il savait à peine faire ses lacets.

Tamara se recula, laissant celui-ci faire ce qu’il voulait, espérant. Elle en retenait quasiment son souffle. Mais à l’entendre, elle grimaça : « ce n’est pas grave… je ne vous remercierai jamais assez, d’avoir essayé. J’vais appeler une dépanneuse… vous devez sans doute avoir autre chose à faire que de me tracter ! » dit elle, lui adressant un clin d’oeil compatissant. Elle détestait prendre sur le temps des autres, et n’avait en aucun cas envie d’abuser de la gentillesse de cet homme :

« Enchantée ! Oh ! Hm… alors… vous venez d’un pays froid, non ? Je crois avoir déjà entendu ce prénom en Russie » dit elle, tout sourire. Enfin, elle commença à ranger tout ce qui se trouvait autour de la voiture : ses affaires, d’abord. Les outils d’Andrea, qu’elle rangea soigneusement dans la boite à outils de celui-ci, puis, referma le capot. « en tous cas… merci pour votre aide, sincèrement ! »

Rassurée, Tam s’était permis de se tranquilliser. Elle ne savait pas vraiment pourquoi. Après tout, si on y réfléchissait deux secondes, elle aurait pu tomber sur n’importe qui : un mec antipathique, un voleur, un tueur … voire pire ! Sa mère débarquant d’Irlande sans prévenir ! l’angoisse !
Pourtant, face au jeune homme, Tamara se sentit peu à peu se calmer pour une raison qu’elle ignorait. Petit à petit, ses tensions s’étaient évaporées, et elle s’était même surprise à discuter le plus naturellement du monde avec Andrea. Riant à son tour, elle avait hoché la tête

« promis. Je vous tiendrai au courant, quand elle aura atteint le statut de trésor national ! »

Comment ça, elle en faisait des caisses pour sa voiture ? À vrai dire, de son point de vue, c’était même peut-être trop peu : comme elle l’avait aimée, cette voiture ! On devrait carrément lui consacrer un jour férié, oui ! Elle adressa un clin d’oeil malicieux à l’homme, riant doucement à son aveu :

« oulah oui en effet. Vous allez éviter de vous blesser, je repriserai vos boutons avec plaisir ! » et riant, elle reprit « et puis… peut-être qu’on se recroisera sans couture ! » comment, ça, Tamara évoquait l’idée de revoir le jeune homme ?! Mon dieu, elle cachait bien son jeu. Elle qui n’avait de cesse de prétexter que c’était trop tôt, qu’elle n’avait pas besoin de ça, ou encore qu’elle avait Zazie et que c’était tout ce qui lui suffisait… aurait-elle été en train de faire un accroc à ses décisions passées ? Dans tous les cas, ces mots décousus et maladroits le laissaient entendre. Pensive, elle se mordilla la lèvre inférieure, un peu nerveuse. Pas qu’elle ait fait quelque chose de mal. Mais elle pensait à Charlène. Si elle avait été là, elle aurait probablement été la première à la charrier !

A entendre Andréa parler de complot monté par Tom, la demoiselle ne put se retenir de rire à gorge déployée. Lui, pourtant si drôle et intelligent au début de leur relation il y avait de cela plus de vingt ans, aujourd’hui, savait à peine faire ses lacets, aux yeux de son ex-femme. Alors forcément, lorsque l’on imagine que quelqu’un soit aussi bête, difficile de l’imaginer monter un truc pareil : il en fallait un minimum dans le ciboulot ! Lui adressant un sourire rassurant, elle secoua la tête :

« Je vous assure, c’est totalement impossible… ne vous inquiétez pas : la voiture est seulement extrêmement vieille ! » souriant, elle avait continué de le regarder farfouiller sous le capot de sa voiture, comme fascinée. C’était la première fois qu’elle s’intéressait vraiment à ce genre de choses, et aussi futile cela aurait-il pu paraître, elle n’en perdait pas une miette, tenue en haleine par le suspens : allait elle se décider à marcher de nouveau, cette foutue voiture ?!
Rien à faire. Selon lui, elle ne redémarrerait pas. Il se proposa alors de la tracter jusqu’au prochain garage. Bien évidemment, Tamara refusa d’abord. Mais en levant le nez lorsqu’il lui parla du temps, elle se mit à grimacer, grattant son bras, un peu nerveuse :

« Bon… très bien… j’imagine que je n’ai pas vraiment le choix, de toutes façons, n’est-ce pas? » elle mordilla sa lèvre inférieure, avant de poursuivre, retrouvant son sourire légendaire : « mais dans ce cas là… je vous offre un verre lorsque tout ce carnage sera terminé. Pour vous remercier ! » lui adressant un clin d’oeil, elle commença à ranger les affaires. Et une fois les présentations faites, elle sourit, un peu gênée lorsqu’elle vit à la réaction de l’homme qu’elle l’avait probablement un peu froissé ou du moins déstabilisé.

« Oh… D’accord. J’espère que je ne vous ai pas vexé au moins … C’était un peu maladroit de ma part. » et souriant, elle avait froncé les sourcils, écoutant son histoire « en tous cas… j’aurais appris quelque chose aujourd’hui ! Et… ça fait longtemps que vous êtes à Washington ? »

Bon, ok. Tamara pouvait sembler très intrusive avec ses questions. Mais en réalité, elle était simplement curieuse, adorant rencontrer de nouvelles têtes. Lui adressant un sourire, elle se balança sur elle même, un peu gênée. Elle n’était pas habituée à recevoir des compliments et ne savait pas vraiment comment les recevoir :

« Merci beaucoup. Je suis heureuse de vous rencontrer, moi aussi : vous êtes vraiment agréable… on ne croise pas souvent des gens aussi sympathiques ! »

Toujours aussi souriante, elle avait demandé, une fois toutes les affaires rangées : « comment s’y prend-on, pour accrocher la voiture ? Comment est-ce que je peux vous aider ? »