I'll be the brightest star in the sky. [Daerena ♥]

I'll be the brightest star in the sky.

On pouvait dire que Serena était passée de l’excitation à la déception de nombreuses fois ces derniers temps. D'abord son obtention du rôle de Clara dans Casse-Noisette pour le gala de l'école. Un personnage qu'elle rêvait d'incarner depuis qu'elle s'était découvert une passion pour la danse. Jusqu'ici elle n'avait jamais été plus qu'un simple coryphée. Elle avait eu l’occasion de faire quelques pas de trois ou quatre mais rien de plus. Alors quand elle a entendu son nom pour l'interprète de Clara, elle avait d'abord loupé un battement avant d'éclater de joie. Elle n'en revenait pas d'avoir autant de chance.
Quelques temps après avoir commencé les répétition de Casse-Noisette, Serena avait fait une mauvaise chute. Résultat : une entorse à la cheville et une bonne semaine de repos forcé. La jeune fille s'en était tellement voulu de s'être laissée déconcentrer et d'être tombée comme ça. Elle avait craint que, suite à sa blessure, on ne la remplace car elle n'était pas en mesure d'assurer les répétitions. Lorsqu'elle était revenue au Washington Ballet, c'était avec une joie non dissimulée qu'elle avait enfilé ses chaussons, fait ses échauffements... Ravie de constater que son absence n'avait eu aucun impact sur la décision du corps enseignant pour le rôle de Clara, elle s'était replongée dans les entrechats, les pliés et les arabesques avec plus d'énergie et de rigueur que jamais.
Danser pour Serena c'était comme respirer. Autrement dit, c'était vital pour elle. Après plusieurs semaines de répétitions acharnées pour le gala, Ruben Martin vint en personne leur annoncer une triste nouvelle. Les représentations étaient annulées. Pour la jeune fille, ce fut comme un coup de massue. Elle s'était donné à fond, avait passé des heures à s’entraîner. Et elle n'était pas la seule dans ce cas-la. Ils étaient nombreux au sein du Washington Ballet à avoir donné beaucoup d'eux-même pour ce spectacle. Autant dire que le moral des élèves n'était pas au beau fixe malgré les mots de leur maître de ballet qui se voulaient rassurant et encourageant. Mais tous les discours n'auraient pas suffit à faire disparaître la pierre qui était tombée au fond de l'estomac de Serena. Elle était complètement démoralisée. Bien que Mr. Martin leur avait assuré que ce n'était que partie remise, la demoiselle n'arrivait pas à rester optimiste. C'était pourtant un de ses traits de caractère les plus dominants. Mais pas cette fois. Tant d'effort pour rien. Elle était déprimée.
Puis un jour, la rumeur d'une audition assez particulière s'était répandue comme une traînée de poudre parmi les membres de l'établissement . Une équipe de cinéma devait venir pour les besoins d'un tournage. Ils cherchaient des danseurs et ils avaient choisi le Washington Ballet comme lieu pour leur casting. Cette nouvelle avait eu le mérite de redonner du baume au cœur aux étudiants après l'annonce de l'annulation du gala. C'était l'effervescence dans les différents studios où tout le monde s’entraînait avec une ferveur retrouvée. Serena ne faisait pas exception. Après la déception qu'elle avait ressenti, elle se dit que cette audition était une occasion rêvée pour sa carrière naissante.
Les membres de l'équipe du film débarquèrent. Ils étaient plus nombreux que ce que la demoiselle avait imaginé à la base et elle sentit le stress monter. Parmi eux, il y avait le producteur en personne : un beau brun plutôt jeune. Elle qui pensait que tous les producteurs étaient des cinquantenaires, de toute évidence elle avait tord. Mais si il était ici, c'était sans doute parce qu'il comptait choisir lui-même les danseurs qui apparaîtraient dans le film. Il valait mieux ne pas le décevoir. Lorsque ce fut au tour de Serena, le stress lui sciait les jambes. Quand les premières notes du concerto de Chopin résonnèrent, elle prit une grande inspiration avant de s'élancer. Comme à chaque fois qu'elle dansait, Serena ne pensait plus à rien. Tout son être était empli par la musique et son esprit par les mouvements gracieux qu'elle effectuait. Plus rien ne comptait à part la danse. La musique se tut et un grand silence s'installa. Tout le monde la regardait sans rien dire et elle ne savait pas si c'était bon signe. Puis on commença à applaudir et elle put se remettre à respirer. Un peu gênée, les joues rosies, elle salua avant de regagner sa place parmi les autres candidats. Le verdict tomba et Serena crut s'évanouir en apprenant qu'elle faisait partie des heureux élus avec trois autres danseurs. Le sourire qu'elle arbora à l'annonce de cette nouvelle ne la quitta pas pendant une semaine.

Enfin, le jour J arriva. Serena ne tenait plus en place. Elle était excitée comme une puce. Ça faisait déjà plus d'une semaine que, fébrile, elle rayait une par une les cases du calendrier qui la séparaient de ce moment. Comme une enfant le matin de Noël, elle était debout tôt. Et comme à chaque fois qu'elle se réveillait aux aurores, elle allait courir. Ça avait le mérite de lui changer les idées, la déstresser et de dépenser ce trop plein d’excitation qui l'envahissait depuis quelques jours. Une fois rentrée, elle préparait le petit-déjeuner pour Maddie et elle puis allait se doucher. Une routine bien rodée en soit.
La météo étant plutôt clémente, Serena profita de ce beau soleil et de cette brise légère qui lui caressait le visage. Sur son vélo, elle pédala comme une flèche pour arriver au Washington Ballet. C'était la-bas qu'aurait lieu les répétitions mais également les différentes prises du film. C'était une publicité idéale pour l'école et les élèves sélectionnés ne se sentiraient pas dépayser par des locaux inconnus. Ils connaissaient les studios par cœur et n'auraient pas le trac supplémentaire de devoir s'habituer à un nouvel environnement. D'autant que le stress était suffisamment intense comme ça.
Après un petit tour sur internet, Serena avait découvert que le producteur du film n'en était pas à son premier succès. Il était plutôt célèbre et était reconnu dans son milieu. Il était donc clair que faire une apparition dans un de ses films serait un atout non négligeable pour son futur.
La demoiselle arriva toute pimpante ! Elle gara son vélo et entra dans l'établissement en sautillant et fredonnant. Sa bonne humeur ne la quitta pas tout le temps qu'elle se changea. Mais quand elle arriva avec les trois autres sélectionnés dans la salle qui avait été réservée au tournage, elle commença à sentir le stress l'envahir. Après un petit briefing, ils commencèrent à s'échauffer et les premières prises s’enchaînèrent. Au bout de presque deux heures, ils firent une pause. Bien qu'elle avait l'habitude d’enchaîner les heures de danse, ce petit break n'était pas de refus. Elle ne savait pas si c'était les caméras mais elle avait l'impression d'être vidée de son énergie. Serena attrapa une serviette qu'elle passa sur sa nuque puis s'éclipsa pour aller se chercher une boisson au distributeur dans le couloir. Elle jeta son dévolu sur un jus de fruit. Jour de chance ? La machine lui en donna deux pour le prix d'un. Elle se contenta de la première pour le moment et planta la petite paille dans le trou de la briquette. En retournant vers le studio, elle tomba nez à nez avec le fameux producteur. En arrivant à son niveau, la paille dans la bouche en train de siroter sa boisson, elle lui tendit l'autre jus de fruit que lui avait gracieusement offert la machine. Après quelques instants, elle se dit qu'elle devait être bizarre, plantée la avec sa paille et sa briquette. Elle avala sa gorgée. « La machine m'en a donné une en plus. Ce serait dommage de la jeter. ». Elle lui lança un sourire qui avait du effacer le malaise des dernières minutes puisqu'il accepta son jus de fruit. « Alors, ça vous plaît ? J'espère qu'on est à la hauteur de vos espérances... ». Serena laissa sa phrase en suspens, un peu gênée. « … Patron ? Je suis pas sûre de savoir comment je dois vous appeler. ».

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La danse était plus qu'un loisir pour Serena. C'était même plus qu'une passion, elle avait ça dans la peau. Lorsque son père était décédé, elle avait déjà eu du mal à assimiler les circonstance de sa mort. Pendant l'enterrement, elle avait été comme dans un état second. Son corps était la mais son esprit était ailleurs. Elle avait déjà eu du mal à se faire à l'idée qu'elle ne verrait plus jamais son père. Mais quand en plus elle apprit les vraies raisons de sa disparition, ce fut le choc de trop pour elle. Adolescente, elle n'était sans doute pas prête à entendre parler de la fraude, de la fausse accusation et de la prison qui avait amené Mr. Bennett à commettre l’irréparable. Ce qui lui avait permis de se sortir de toutes ses pensées noires et de sa peine, c'était la danse. Ça avait été comme une révélation pour elle. Et depuis, elle n'avait cessé de faire tout ce qu'elle pouvait pour réaliser son rêve d'étoile.
Serena n'était pas spécialement une fille ambitieuse sauf quand on parlait de sa vocation. Elle voulait atteindre le plus haut niveau possible, interpréter les rôles les plus prestigieux et se produire sur les scènes les plus célèbres du monde. Princesse Odette, Coppelia, Giselle ; l'opéras Garnier, le théâtre du Bolchoï... Oui, la jeune fille avait des ambitions plutôt élevées mais loin d'être inaccessible. En effet, bien qu'elle ait commencé la danse classique assez tard, elle avait le talent nécessaire pour atteindre ses objectifs aussi grandioses soient-ils.
Cela faisait cinq ans que la vie de Serena tournait autour de la danse. Du matin au soir, elle enchaînait les figures et les mouvements sur des musiques plus connues que les personnes évoluant gracieusement sur leurs rythmes. Chaque jour qui passait la rapprochait du moment où elle pourrait toucher du bout des doigts son rêve de ballerine. Elle s'était souvent imaginée, alors qu'elle interprétait un des rôles phares de l'opéra, en train de saluer devant une foule de spectateurs qui l'applaudiraient debout, subjugués par son talent. Oui, ce rêve, elle l'avait fait des dizaines de fois. Ce à quoi elle n'avait jamais songé par contre, c'était se retrouver un jour dans un film. Il faut dire que le cinéma et la danse classique avaient beau être tous deux des formes d'art, ils avaient chacun leur public. Et même si des œuvres du grand écran comme Black Swan ou Billy Elliot faisaient se rencontrer le sixième et le septième art, ce n'était pas encore très répandu. Ainsi, l'idée de danser devant des caméras ne lui avait jamais effleurée l'esprit. Mais lorsque l'opportunité s'était présentée, elle ne s'était pas faite prier.

C'était ainsi que Serena se retrouvait aujourd'hui à évoluer sous la direction non pas de son maître de ballet mais de celle d'un metteur en scène et d'un réalisateur. Dans l'ensemble, il y avait beaucoup de similitudes dans la façon de faire mais certains petits détails différaient ce qui rendait l'exercice plus difficile que d'habitude. Les danseurs qui avaient été sélectionnés n'avaient, en soit, qu'un rôle de figurant. Au final, ils seraient la plupart du temps en arrière plan à l'exception d'une scène se déroulant pendant une représentation et l'autre durant une répétition de groupe. C'était celle-ci qu'ils étaient en train de travailler.
La plupart des autres scènes ne concernaient pas les heureux élus mais seraient quand même tournées sur place pour avoir le soutien et le regard des professionnels de l'école. Même si ses apparitions seraient plutôt éphémères et peu nombreuses, Serena était ravie de participer à un tel projet. Lorsqu'elle avait obtenu le rôle, elle avait eu le droit à un pitch du film. L'histoire d'une fille issue d'un milieu défavorisé qui sort de la misère et de la drogue grâce à la danse. Pendant son ascension vers la reconnaissance, elle rencontrera la méfiance de certains élèves et même de professeurs ainsi que l'opposition de sa famille et de ses amis. Elle trouvera malgré tout du soutien auprès de son partenaire avec qui elle connaîtra une belle histoire d'amour. Tout à fait le genre de films que Serena adorait. Il était clair qu'elle irait le voir au cinéma et pas parce que son nom apparaîtrait au générique.

Le temps filait à une vitesse folle, tout comme les différents prises. Il n'était donc pas étonnant que toute l'équipe soit soulagé à l'annonce de la pause. Elle avait déjà entendu dire que les tournages étaient intenses mais aujourd'hui, elle en faisait l'expérience par elle-même et elle ne pouvait que confirmer. Sachant qu'elle n'était qu'une simple figurante, elle n'imaginait pas la charge de travail pour les acteurs principaux. Profitant de ce temps de repos, elle alla se désaltérer avec un jus de fruit. Et comme la machine avait été généreuse, elle put offrir la deuxième briquette au réalisateur qu'elle croisa dans les couloirs. La première impression qu'elle laissa devait sans doute être un peu étrange mais il se laissa tenter et attaqua la boisson à coup de paille à l'image de la jeune fille.
Elle lui demanda alors si il était satisfait du travail qu'ils fournissaient avant de se rendre compte qu'elle ne savait pas comment l'appeler. Il commença alors par éclaircir les choses : il n'aimait pas qu'on l'affuble du nom de "patron". Serena s'arrêta de siroter son jus, se disant que ça commençait bien mal. Mais il continua affirmant que c'était juste qu'il trouvait ça trop formel, comme le vouvoiement et elle put recommencer à boire. Il lui demanda alors de le tutoyer et de l'appeler Daemon. Il affirma alors qu'il trouvait les prises qu'ils avaient faites très bien même si son avis était sans doute peu objectif vu qu'il ne s'y connaissait pas vraiment. La jeune fille lui tendit la main. « Moi c'est Serena. Et pour le coup, je m'y connais pas trop mal en danse. ». Elle esquissa un sourire. « Je peux vous dire qu'on va donner notre maximum pour que votre film soit une tuerie. ». Elle se rendit compte qu'elle l'avait encore vouvoyé et s'amusant de sa propre étourderie, elle s'excusa.
De près, elle pouvait se rendre compte qu'il était plus grand qu'elle mais aussi qu'il faisait encore plus jeune que ce qu'elle pensait. Dès leur première rencontre, elle avait été surprise par sa jeunesse. En fouinant sur internet, elle avait trouvé son âge (la trentaine passée) et qu'il avait su se faire une place parmi les plus grands assez tôt. Il semblait être un petit génie du cinéma et elle espérait pouvoir faire une carrière aussi impressionnante dans la danse. « Vous – pardon – tu es plutôt célèbre. J'ai fouillé sur internet et je suis vraiment contente de faire partie de ce projet. C'est une super opportunité ! ». Ça, on pouvait dire qu'elle avait été hypée par cette idée dès qu'elle avait entendu la rumeur dans l'école. « Qu'est ce qui t'a donné l'idée de ce film ? ». Serena reprit quelques gorgées de son jus de fruit et le bruit caractéristique signifiant qu'elle était à la fin se fit entendre.

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Lui n'avait peut-être pas l’œil expert mais Serena, elle, pouvait se targuer de s'y connaître pas mal. Bien sûr, elle ne se permettrait pas de se clamer experte en la matière. Mais la danse classique était une passion qu'elle pratiquait depuis si longtemps maintenant qu'elle savait un minima de quoi elle parlait. Ainsi, c'était en toute connaissance de cause qu'elle pouvait affirmer que les prises qu'ils tournaient étaient plus que satisfaisantes et que tout le monde se donnait à fond pour donner le meilleur rendu possible. Sans compter leurs professeurs qui avaient l'air plus que ravi de la tournure des événements. Ce film n'allait peut-être pas être l'apothéose de la carrière du réalisateur mais au moins, il serait criant de vérité en ce qui concernait la danse. Lorsqu'elle le vouvoya une nouvelle fois, elle s'excusa de sa maladresse qu'il lui pardonna bien volontiers. Il affirma que ce ne serait qu'une question de temps avant qu'elle ne s'habitue et que ça viendrait à force de travailler ensemble. D'ici, elle ne serait sans doute pas à l'abri d'un ou deux cafouillages.

Daemon Kjærgaard : fils d'un célèbre homme politique et d'une mannequin - à croire qu'il était destiné à devenir célèbre – était un brillant réalisateur. Il s'était très vite fait connaître en Europe puis aux USA. Si son nom ne laissait aucun doute sur ses origines, on pouvait les deviner rien qu'à l'entendre parler. Il avait un léger accent qu'elle n'aurait su identifier si elle n'avait pas lu qu'il était danois. Oui, elle avait lu sa page wikipédia et même si ce n'était pas forcément une source fiable, au moins les données sur ses films devaient être exactes. Au vu de ses réalisations précédentes, elle se demandait comment il avait eu l'idée de ce script. Et lorsqu'elle lui posa la question, elle ne pouvait pas dire qu'elle était franchement surprise de la réponse. Il était plutôt films d'action ou blockbusters que films romantiques. Même si en soit, il abordait des thèmes de société actuelle comme la drogue ou les préjugés. Ça pourrait avoir un certain impact chez certaines personnes issues de minorités. « Je vois, donc la danse s'est pas vraiment votre truc en fait. » dit-elle en lui lançant un regard de reproche. Elle n'était pas vraiment vexée mais c'était drôle de le lui faire croire. « Vous avez tort, Black Swan a fait un carton ! ». Bon, ce n'était peut-être pas tout a fait vrai. Elle le contourna pour jeter sa brique dans une poubelle avant de se diriger vers le studio de danse.

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