My brother, my hero ! [ft. Connor]

My brother, my hero !

Le jour n'était levé que depuis peu sur la grande ville de Washington mais la capitale était déjà bien réveillée. Les passants, pressés de se rendre sur leur lieu de travail, hélaient un taxi ou bien s’agglutinaient devant l'entrée du métro, créant un embouteillage humain. Bien que le ciel était plutôt clément et épargnait aux habitants une pluie malvenue, le fond de l'air était assez frais. A peine 5°C au thermostat et les washingtoniens s’emmitouflaient dans leurs écharpes, remontaient leurs cols et buvaient un café plus que bienvenue qui les réchauffaient et diluaient les dernières brumes de la nuit. Au milieu de toute cette agitation, Serena marchait d'une bonne foulée en direction de Meridian Hill Park. Cheveux noués en queue de cheval au dessus de la tête, écouteurs vissés aux oreilles et smartphone glissé dans son brassard de running ; la jeune fille avait décidé d'aller courir. Il n'était pas dans les habitudes de Serena de se lever aux aurores pour un footing matinal. Elle était plutôt du genre étirements dans son pyjama tout en se brossant les dents. Mais la nuit avait été plutôt agitée. Oh rien de cauchemardesque, juste un mélange d'excitation et d'angoisse qui l'avait maintenue éveillée pendant plusieurs heures malgré les trois tisanes et la séance de yoga trouvée en hâte sur YouTube. A 7h, elle avait donc laisser tomber l'idée de s'endormir et décida de sortir de son lit. Elle attrapa la tasse qui avait contenu ses tisanes et la déposa sur le socle de sa machine Nespresso. Elle ne buvait presque jamais de café mais la vision de son reflet dans la fenêtre du salon et la taille de ses cernes l'avait convaincue de faire une entorse à ses habitudes. Serena dégusta le breuvage noir tout en regardant le jour se lever sur la capitale. Elle avait à peine avalé la moitié de sa tasse qu'elle la posa sur le plan de travail de la cuisine et fonça dans son armoire. Elle y dégota rapidement ce qu'elle était venue y chercher : un jogging, un pull et une bonne paire de chaussettes. Elle s'habilla rapidement, attrapa son téléphone sur sa table de chevet et retourna dans le salon. Elle se faufila alors dans la chambre de sa jumelle qui, elle, dormait à point fermé. Elle lui emprunta son brassard de running et sortit sur la pointe des pieds sans faire le moindre bruit. Elle chaussa alors une paire de baskets et sortit de l'appartement non sans avoir laissé un petit mot à Cyrilla pour ne pas l'inquiéter.

Et voici Serena se faufilant dans la cohue des travailleurs matinaux de Washington. Il ne lui fallut pas plus de 10 minutes pour atteindre Meridian Hill Park. La foule des cols blancs laissa place à une armada de joggeurs, seul ou en groupe, qui, comme elle, venaient se défouler avant de partir au boulot. Serena lança Spotify et choisit une playlist plutôt sportive pour accompagner sa motivation et son footing. Au bout de 45 minutes de courses, la jeune fille s'arrêta essoufflée, les mains sur les genoux, reprenant sa respiration. Elle n'était pas adepte du jogging mais elle allait peut-être changer d'avis. Cette petite escapade matinale avait pour but de lui vider l'esprit et on pouvait dire que ça avait eu l'effet escompté. Pendant trois quarts d'heure, elle avait senti la boule qui lui cramponnait l'estomac peu à peu lâcher prise. Ne restait que ce sentiment d'avoir enfin atteint son but, de voir ses efforts payer et cette excitation qui précède parfois le saut dans l'inconnu. Car en effet, c'était l'inconnu qui attendait Serena depuis qu'elle avait obtenu son premier grand rôle à l'école.
Quand on lui avait annoncé la nouvelle avant-hier, elle avait cru tomber dans les pommes. La surprise lui avait fait louper un battement mais une fois le choc passé, un sentiment de fierté et une joie immense l'avait envahi. Son professeur l'avait félicitée avant de la mettre en garde de ne pas se reposer sur ses lauriers et de redoubler d'efforts. A part la somme astronomique de travail en plus qu'allait devoir fournir Serena, elle n'était pas sure de savoir à quoi s'attendre. Tout ce qu'elle espérait, c'était ne pas se planter.
La demoiselle rentra plus sereine à son appartement d'Adams Morgan, non sans faire un détour par le Starbuck pour récupérer deux boissons chaudes et deux muffins pomme cannelle. Alors qu'elle franchissait la porte d'entrer, Cyrilla sortait tout juste de sa chambre. Les cheveux en bataille, baillant à s'en décrocher la mâchoire, elle gratifia sa jumelle d'un « 'jour' » et d'un signe de main encore endormi. « J'ai ramené le petit dej'. » lança Serena tout en posant les cafés et le petit sachet contenant les pâtisseries sur le plan de travail juste à côté de sa tasse complètement froide désormais. Cyri s'avança vers sa jumelle pour lui faire un câlin puis se ravisa, fronçant le nez. « Je te laisse la douche, t'en as besoin. » dit-elle avec un petit sourire en coin, faisant semblant de chasser une odeur désagréable. Serena détacha ses cheveux et jeta l'élastique sur sa moitié. « C'est comme ça que tu me remercies ?! ». Pour toute réponse, Cyrilla s'affala dans le canapé et l'autre jumelle pouffa tout en se dirigeant vers la salle de bain. L'eau chaude coula sur son visage, lui faisant un bien fou. Elle resta environ 20 minutes sous le jet avant de rejoindre sa sœur dans le salon, habillé d'un jean, d'un pull moutarde et de bottines à talons. Cyri buvait son café et dégustait son muffin tout en regardant la chaîne d'infos d'un air distrait. « Nouvelle habitude le jogging ? » lança-t-elle sans détourner le regard de la télé. « Peut-être bien. ». Serena attrapa son latte macchiatto, le petit sachet contenant son gâteau et sortit de l'appartement. Elle récupéra son vélo dans le hall de l'immeuble et enfourcha la bécane direction Wisconsin avenue.

Une fois arrivée à destination et sa bicyclette enchaînée avec l'anti-vol, elle se pressa de rejoindre les vestiaires pour se changer. Chignon fixé sur la tête et chaussons au pied, elle pouvait commencer les étirements. Première... deuxième... troisième... quatrième... cinquième... Serena enchaînait les positions. Des bases connues depuis bien des années mais qui sont les fondations de la danse classique et ne devant en aucun cas être négligées. Après plusieurs heures de travail, Serena s'accorda une petite pause déjeuner avant de reprendre de plus belle. Tout se passait pour le mieux, la jeune fille enchaînait les pas et les figures sans difficulté. C'est alors que Ruben Martin, le maître de ballet, entra dans la pièce. Est ce que c'était le stress ou bien la fatigue de ne pas avoir dormi cette nuit ? Elle fit un faux mouvement et tomba lourdement sur le parquet du studio... Les autres danseurs se précipitèrent vers elle pour s'assurer qu'elle allait bien. Ils essayèrent de la remettre sur pied mais sa cheville la faisait souffrir. Ils appelèrent alors Megan, le médecin de l'école, qui confirma ce que Serena soupçonnait déjà. C'est sur une civière que les pompiers transportèrent la jeune fille jusqu'à leur camion pour la conduire à l'hôpital. Pendant tout le trajet, elle se maudissait d'avoir été aussi facilement distraite. On aurait dit une première année... Les pompiers la sortirent de ses pensées et la laissèrent aux bons soins des infirmières. Serena connaissait plutôt bien les lieux et les personnes qui y travaillaient. « Un jour, tu vas te retrouver dans un fauteuil. » lui lança Judith, l'infirmière en chef des urgences. On l'appelait rarement pour des petits bobos de ce genre mais elle avait de la sympathie pour notre danseuse et était ravie de s'occuper d'elle. Après avoir vérifié que rien n'était cassé et bandé sa cheville, elle laissa Serena se reposer. Une fois seule, elle commença à s'imaginer le pire. Ce n'était qu'une entorse mais elle avait peur que ça lui coûte son rôle. Elle avait travaillé trop dur pour se faire écarter par une insomnie et un peu de stress. Une blessure stupide pour une fille stupide... La porte de sa chambre s'ouvrit ce qui la tira de ses pensées. Connor apparut dans l'encadrement. Elle prit une expression lassée. « J'arrive pas à croire qu'il t'ait encore appelé ! ». L'école avait pris l'habitude de téléphoner à Connor quand elle se blessait même si ce n'était qu'une coupure. A croire qu'il leur avait mis la pression pour garder un œil sur elle. « Je suis une grande fille tu sais, t'as pas à tout plaquer dès que j'arrive pas à mettre un pied devant l'autre. ».

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My brother, my hero !

Faire des insomnies lorsqu’un cas te travaillait plus qu’un autre, que les similarités entre ta propre vie et celle de ton client étaient importantes ou même que le combat mené par ton client te tenait à cœur, n’était pas si rare que tu l’aurais espéré. Mais ce matin, lorsque tu ouvris les yeux sur ce plafond blanc que tu connaissais si bien pour le voir chaque matin, tu fus soulagé de ne pas avoir à entamer une routine pour survivre à une journée suivant une insomnie. Tu avais bien dormi et pour cause, tu avais clôturé hier vers 18h, une affaire qui durait depuis des mois et tu l’avais fait de la meilleure des façons, en obtenant gain de cause pour ton client. Cette victoire t’avait même valu un entretien avec ton supérieur hiérarchique, content que tu sois parvenu à convaincre ton client de poursuivre l’attaque en justice contre ce gros groupe malgré les différentes propositions et menaces à peine voilées reçues, il était également fier de voir que tu avais su rapporter un gros chèque au cabinet et te prévoyais de grandes affaires et de beaux jours devant toi. C’était toujours plaisant de se voir gratifier de compliments de la sorte et même si tu étais conscient qu’il ne fallait pas se reposer sur ses lauriers et que chaque affaire était une chance de montrer tes talents comme un risque de tout perdre, tu ne cachais pas ta joie quand tu étais rentré hier soir chez toi. Même le fait que tu te retrouves face à un appartement vide et pas vraiment d’amis avec qui célébrer cette victoire n’avait pas réussi à entacher ton moral de conquérant.

Alors quand tu avalas ta première gorgée de café vêtu uniquement d’un boxer dans ta cuisine, regardant par la baie vitrée l’étendue noire qu’offrait la nuit parsemée de petites touches de jaune signifiant que la ville se réveillait peu à peu, tu ne pus t’empêcher d’arborer un grand sourire. Tu avais surement l’air un peu idiot mais un idiot heureux et c’était tout ce qui comptait pour le début de cette journée. Après avoir pris le temps d’enfiler une tenue un peu décente, tu partis pour ton footing matinal habituel dans les rues de ton quartier. Tu n’étais pas le seul à te lever aux aurores pour pratiquer ce sport mais il fallait bien avouer qu’il n’y avait pas grand monde en ce matin plutôt frisquet. Saluant les habitués que tu croisais et que tu commençais à repérer pour les croiser chaque jour, tu finis ton tour au bout d’une petit heure. L’odeur qui se dégageait de toi était loin d’être celle de la rose mais rien qu’une petite douche ne pouvait faire disparaitre. C’est ainsi qu’une heure plus tard, tu entrais dans le métro, vêtu d’un costard cravate gris, de tes lunettes et de ta mallette d’avocat. La journée serait calme aujourd’hui, le temps que tu finisses de ranger les documents assignés à ta précédente et glorieuse affaire et que tu te remettes dans celles que tu avais mis de côté, il serait l’heure de déjeuner.

Prenant un peu de temps pour toi, tu revins de ta pause un peu plus tard que la plupart de tes collègues mais personne ne t’en tint rigueur. Ton enthousiasme et ta bonne humeur du jour étaient communicatifs et personne ne pouvait nier que tu travaillais d’arrachepied quand c’était nécessaire. Il y avait toujours des collègues qui t’offraient des regards désapprobateurs mais leurs jugements et leur négativité ne pouvaient t’atteindre aujourd’hui. C’était une belle journée et tu avais bien l’intention que cela en reste une. Malheureusement, au bout de quelques heures de travail, tu reçus un coup de fil qui vint un peu changer la donne. La directrice de l’école de ta sœur ne semblait pas trop au courant de ce qui s’était passé ni même de la gravité de la blessure, la seule chose qu’elle savait c’est que Serena avait été transportée à l’hôpital par les pompiers et qu’étant son numéro d’urgence, elle t’avait appelé pour te prévenir. Inquiet à l’idée qu’il soit arrivé quelque chose à ta petite sœur, tu pris rapidement ton manteau et informa ton supérieur qu’une urgence familiale venait de se produire. Malgré la réticence de ce dernier a te laisser partir, tu fourras ton ordinateur dans ta mallette et pris la direction du bus, tu pourrais toujours te reconnecter dans la soirée ou dans la nuit si c’était nécessaire. Le trajet jusqu’à l’hôpital fut long, bien plus long que ce que tu avais anticipé mais le stress et l’angoisse n’étaient pas étrangers à ce sentiment de lenteur.

Arrivée à l’accueil infirmier, tu indiquas ton nom et la personne que tu recherchais ainsi que le lien qui vous liait. L’infirmière de l’accueil t’indiqua un numéro de chambre mais avant que tu puisses t’y rendre, tu fus interpellé par une autre infirmière. Elle avait pris soin de ta sœur et elle te rassura sur l’étendue des blessures, ce n’était qu’une entorse finalement. Serena allait bien et elle pourrait redanser dans quelques semaines à peine, cette nouvelle te soulagea profondément. Une fois les informations données, tu te rendis dans la chambre indiquée. Poussant la porte doucement pour ne pas réveiller la jeune Bennett si elle dormait, tu la trouvas finalement bien réveillée et excédée de te voir débarquer. Souriant, tu lui déposas un baiser sur le front comme à ton habitude. Tu as quand même été emmenée à l’hôpital je te signale, on est à l’étape au-dessus de ne pas savoir mettre un pied devant l’autre… Et puis, que cela te plaise ou non, tu es ma petite sœur, tu auras beau avoir 55 ans et trois enfants, j’accourais dès que tu as un bobo ! T’asseyant sur le siège à côté du lit de ta sœur, tu la regardas. Qu’est ce qui s’est passé du coup ? Entrainement trop poussé ? L’univers dans lequel évoluait ta sœur était un univers de requin au même titre que le tien mais il requérait de pousser son corps et son esprit dans ses derniers retranchements, sur cette fine ligne qui sépare le mouvement gracieux de la blessure de fin de carrière. Tu avais parfois peur pour elle, peur qu’elle se blesse mais aussi peur que ses rêves soient inatteignables. Tu étais persuadé qu’elle avait un talent fou et qu’elle pourrait soulever des montagnes, tu étais derrière elle depuis le premier jour et tu resterais à ses côtés dans toutes les décisions qu’elle prendrait mais tu avais parfois peur que ce monde aux nombreux candidats mais aux peu d’élus la dévore toute crue.

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My brother, my hero !

Des séjours à l'hôpital, Serena en avait fait plus d'un. Le tout premier remontait à ses 4 ans, quand elle était tombée du toboggan au parc et c'était ouvert le genou. Elle avait eu trois points de suture et sa maman lui avait toujours dit qu'elle avait été très courageuse. Il y avait aussi eu cette fois où elle avait découvert son allergie à l'arachide quand elle avait 7 ans. Un repas ordinaire avec une famille ordinaire qui c'était terminé aux urgences avec une Serena qui ne pouvait plus parler à cause de sa langue qui était devenue énorme. Mais c'est quand elle avait commencé la danse qu'elle avait obtenu sa carte de fidélité au George Washington hospital. Fracture de la cheville, du cinquième métatarsien, du tibia ; entorse du genou, lésions musculaires des ischio-jambiers... Autant dire qu'elle en avait connu des blessures. Elle avait du subir des opérations et de la rééducation; sa famille disait même que c'était plus dangereux que la boxe. Une fois, leur mère avait tenté de la convaincre d'abandonner. Mais Serena n'avait jamais baissé les bras. Elle aimait la danse ! C'était plus qu'une passion, c'était une vocation et ça avait été, à une époque, sa bouée de sauvetage.
Quand elle avait atteint l'âge de comprendre ce qui était arrivé à son père, la jeune fille avait cru perdre pied. Une colère grandissante commençait à envahir tout son être. Tout ceci était complètement injuste et elle en voulait à la terre entière. Puis il y avait eu ce jour où toute sa classe avait assisté à un ballet : Giselle. Ce fut une révélation. Est ce que c'était les costumes, la musique ou bien la grâce des danseurs ? Ou peut-être tout ça à la fois, elle ne saurait le dire. Mais elle était tombée amoureuse de la danse ce jour-la. La rigueur, la concentration et la régularité nécessaires à cette discipline avaient permis à son mal-être de disparaître peu à peu. Il y avait un nouvel ordre dans son esprit et il était plus que bienvenue. La danse l'avait donc sauvée même si parfois, elle payait le prix d'un entraînement rigoureux. Bien que dans ce cas, on pouvait difficilement mettre son entorse sur le dos du perfectionnisme...

Serena se sentait un peu honteuse de s'être blessée de la sorte. Était-ce pour cela qu'elle s'était sentie exaspérée à l'arrivée de Connor ? Elle n'avait pu s'empêcher de lui faire remarquer que sa présence n'était pas nécessaire. Mais pour toute réponse, il sourit et l'embrassa sur le front. Ce geste avait eu pour effet immédiat de dissiper son animosité. Un petit sourire s’immisça alors à son tour au coin des lèvres de la jeune fille. Certes, elle avait été quelque peu agacée de voir son frère débarquer à l'improviste mais maintenant, elle était quand même heureuse et soulagée de le voir. C'était comme ça avec Connor, sa présence la calmait et la rassérénait. Elle se sentait en sécurité lorsqu'il était la comme si rien ne pouvait jamais lui arriver.
Il s'inquiétait, comme toujours. Il affirmait que si elle avait été transférée à l'hôpital, ce n'était pas juste pour faire joli. Mais Serena savait qu'il n'en était rien. Ils lui avaient juste fait une radio pour vérifier que la cheville n'était pas cassée. Une fois le diagnostique confirmé et sa blessure qualifiée de bénigne, elle pouvait sortir avec une simple ordonnance d’anti-inflammatoire. « Ce n'est qu'une entorse, il n'y a rien de grave. ». Sa sollicitude la touchait vraiment même si, d'après ses propres termes, elle devrait faire avec jusqu'à sa mort. Oui, elle ne pouvait que se sentir comblée d'avoir un frère si prévenant. Ce n'était pas la première fois qu'il venait la chercher à l'hôpital et ce ne serait sûrement pas la dernière. Il était vrai que, parfois, il l'avait retrouvée dans un sale état. C'était peut-être pour ça que dès que l'école l'appelait, il se faisait un sang d'encre... Mais cette fois-ci, il n'avait aucune raison de paniquer. En s'asseyant sur le fauteuil à ses côtés, il demanda plus de précision sur le pourquoi du comment de cette blessure. Le rouge lui monta immédiatement aux joues. En effet, contrairement à ce que son frère sous-entendait, la rigueur de l’entraînement n'y était pour rien.

« Si seulement c'était ça... ». Serena se sentait vraiment ridicule de s'être laisser distraire comme cela. Ruben Martin était le maître de ballet de son école. C'était une légende à ses yeux, il était doué, enthousiaste, pédagogue, créatif... bref, elle lui vouait une véritable admiration. De plus, c'était forcément en partie grâce à lui qu'elle avait eu le rôle de Clara car sans son approbation, sa prof ne lui aurait jamais laissé sa chance. Ce qui signifiait qu'il lui faisait confiance pour interpréter ce personnage important et qu'il pensait qu'elle en avait les capacités. Le voir entrer dans la pièce alors qu'elle répétait lui avait envoyé une décharge d'adrénaline qui, combinée au manque de sommeil, l'avait faite perdre ses moyens. Un faux mouvement et elle se retrouvait par terre avec une simple entorse. Si on voyait le bon côté des choses, elle pourrait reprendre au plus tôt. Une petite semaine de repos ferait l'affaire. Mais d'un autre côté, elle avait eu la maladresse d'une novice sous les yeux de Ruben ! Elle aurait préféré tomber pendant un porté particulièrement compliqué, elle aurait au moins eu l'excuse de la difficulté de l'exercice... Est ce que cette maladresse allait lui coûter sa place ? Après tant d'efforts et de sacrifices, elle ne saurait le supporter. Rien que d'imaginer perdre le rôle de Clara, une boule se formait au creux de son ventre. Elle pourrait en pleurer mais elle put se contenir.
C'était sans doute grâce à l'aura apaisante qui émanait de son frère. C'était vraiment comme un super pouvoir qu'il avait sur elle, cette capacité à la convaincre que si il était la, alors rien ne pouvait jamais lui arriver. Ce sentiment de sécurité extrême qu'il lui faisait ressentir. Elle se leva du lit et alla se poser sur les genoux de son frère, enroula ses bras autours de sa nuque et cala sa tête au creux de son cou. « Je suis contente que tu sois venue. ». Finalement, elle n'était pas si embêtée par sa présence. C'était bien une fille pour changer d'avis aussi vite. En tout cas, il voyait venir le retour de Serena, la petite dernière qui aimait qu'on s'occupe d'elle. Elle appréciait ce sentiment d'être choyée. Depuis toute petite, elle était la préférée, celle qu'on chouchoute, qu'on câline, qu'on trouve trop mignonne. Celle qui peut faire oublier ses bêtises rien qu'avec un sourire. Celle à qui on donne le dernier biscuit... Elle aimait cette place de benjamine que Cyri n'avait jamais essayé de lui ravir, bien trop contente d'échapper à cette démonstration d'amour dégoulinant. En grandissant bien sur, elle usait de moins en moins de cette position confortable, l'égoïsme laissant place à la maturité ; même si il lui arrivait de s'en servir comme d'un joker à l'occasion. Et puis, il n'y avait rien de mal à laisser son grand frère prendre soin d'elle de temps en temps. Elle resta blottie contre lui pendant quelques minutes avant d'ajouter : « Tu n'auras pas de soucis avec ton boulot j'espère ? ». C'était à son tour de s'inquiéter. Il ne fallait pas avoir inventé l'eau chaude pour deviner qu'en plein milieu de l'après-midi, il avait forcément du quitter son bureau en laissant en plan ses dossiers pour venir la chercher. Elle n'aimait pas que son frère s'absente pour venir à sa rescousse. Si ça lui donnait l'impression d'être incapable de s'occuper d'elle-même, c'était surtout qu'elle avait peur qu'il finisse par s'attirer des problèmes. Certes, il était un brillant avocat et ses patrons seraient totalement stupides de se séparer de lui mais on ne sait jamais, avec la crise... Elle s'en voudrait de faire perdre son travail à Connor...

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My brother, my hero !

La passion de Serena pour la danse était exigeante, tant pour son corps que pour son moral, ta petite sœur s’imposait également un rythme de vie que peu de jeune gens de son âge s’imposaient de gaieté de cœur. Entre les entrainements de plusieurs heures chaque jour, les régimes alimentaires stricts et contraignants, les chutes, les blessures et les refus, le monde de la danse classique n’était pas fait pour tout le monde. Ta cadette avait toute ton admiration pour s’être lancée dans ce défi et pour réussir chaque jour à enfoncer des portes ouvertes pour se faire sa place dans son école et dans son milieu. Néanmoins, ses fréquents séjours à l’hôpital, ses opérations successives et ses différentes blessures ne ta rassuraient pas sur son avenir. Aujourd’hui encore tu avais été appelé par une directrice d’école qui ne semblait même pas se préoccuper assez de ses élèves pour savoir la gravité ou la nature de la blessure qui avait conduit l’une d’entre elles a être conduite par les pompiers aux urgences les plus proches. La peur d’un jour recevoir un coup de fil t’annonçant que la blessure était trop grave, que c’était la chute de trop, l’opération de trop, l’élongation de trop était toujours présente mais contrairement à votre mère, tu ne partageais pas tes doutes avec la jeune Bennett. Pour toi, elle devait se donner toutes les chances de réaliser son rêve, tu serais là pour l’aider à se relever si la chute devait arriver. Ce serait dur il est vrai mais renoncer à son rêve par peur serait probablement plus dévastateur pour la jeune femme qu’autre chose. Les regrets et les remords sont deux choses différentes mais on arrive plus facilement à se remettre des seconds que de vivre dans les premiers.

Tu n’avais pas prévenu ta génitrice de l’incident, Serena aurait tout le loisir de le faire si elle en avait envie au prochain repas de famille. Ce n’était pas ton rôle de balancer ta petite sœur, surtout que tu étais son numéro d’urgence pour une bonne raison, elle savait que tu ne la jugerais pas, que tu l’encouragerais et la soutiendrais jusqu’au bout malgré les épreuves. Ta mère s’était fait une raison sur la passion et la volonté de sa fille de mettre son corps et son esprit à rude épreuve pour toucher un rêve qui semblait hors de portée mais elle restait maladroite et parfois blessante dans ses remarques. Toi, tu préférais demander à ta petite sœur comment elle s’était retrouvée ici, la cheville en bandage. La réponse apporter par la patiente ne fut pas à ton goût mais en croisant son regard, tu compris qu’il n’était pas nécessaire de creuser la question pour le moment. Tu aurais toute l’occasion de lui en reparler quand tout ceci se serait un peu calmé. La jeune Bennett était pour l’instant sous le coup de l’émotion entre la blessure, la douleur, le transport à l’hôpital, la peur probable de ne plus pouvoir danser car une simple blessure pouvait parfois mettre fin à des années de travail et la délivrance d’apprendre qu’il s’agissait d’une simple entorse bénigne. Inutile de lui imposer tes inquiétudes en plus et tes questions invasives. Ton instinct de grand frère était de protéger la jolie brune même si cela créait de la frustration et des interrogations chez toi, le principal était qu’elle soit saine et sauve.

Elle activa d’ailleurs la carte de la petite dernière en se levant du lit et en se lovant dans tes bras. Souriant, tu la serras contre toi. Serena n’avait qu’une dizaine d’année quand votre père était parti, elle était encore une enfant qui avait besoin de son père, besoin d’un repère. Votre mère avait été un véritable pilier de la famille et elle avait tenu bon, pour vous cinq, mais elle n’avait pas pu faire cela toute seule alors vous aviez aidé, toi et Esmée, vous aviez pris l’habitude de consoler vos petites sœurs quand les larmes venaient troubler leur journée, d’aller les chercher à l’école, de les emmener chez le médecin ou au sport. Vous étiez en quelques sorte devenu des parents de substitution et bien que votre présence n’aurait jamais pu remplacer celle de votre père, vous aviez aidé à leur éducation et leur développement. Tu avais donc une relation particulière avec Serena et Maddie. Bien que les jumelles soient très différentes dans leurs comportements, tu reconnais en Serena la jeune adolescente perdue que tu avais emmené à la danse et qui en était revenue tout heureuse, toute fière et prête à courir après ses rêves. Je ne voudrais être nulle part ailleurs ! Est-ce que ça te dirait de prendre un goûter à l’appartement ? Je vais appeler un taxi pour nous ramener dès que tu auras reçu ton ordonnance et on pourra passer à la pharmacie sur le chemin du retour. Passer du temps avec ta sœur, avec ta famille était quelque chose de très important pour toi et en ces instants, dans cette chambre d’hôpital peu accueillante, cela te semblait encore plus important de savourer les instants que t’offrait la vie avec ceux que tu aimais. Souriant à ta cadette, tu secouas la tête de gauche à droite. Ne t’en fais pas pour mon boulot, j’ai rapporté un chèque équivalent à plusieurs mois de mon salaire juste hier… Si mon chef me tient rigueur de mon départ alors que je lui ai indiqué avoir une urgence familiale, je pense que d’autres cabinets seront ravis de m’avoir. La vérité c’est que tu n’en savais rien et que si tu étais licencié, tu serais probablement dans de beaux draps. Mais virer quelqu’un qui venait de faire une belle victoire alors qu’il avait une urgence familiale qui justifiait son départ précipité serait complétement abusif et tu n’étais pas avocat pour rien, tu te ferais un plaisir de porter le cabinet devant les tribunaux si cela arrivait.

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My brother, my hero !

Bien que Serena ait réussi à esquiver le pourquoi du comment elle s'était retrouvée dans cet état, elle savait que ce n'était que partie remise. Connor ne lâcherait pas l'affaire si facilement. Il n'était pas avocat pour rien ! Il savait mener ses interrogatoires et pousser les témoins à avouer ce qu'ils auraient préféré garder pour eux. Ce n'était donc qu'une question de temps avant qu'il n'utilise ses capacités de ténor du barreau pour qu'elle lui  dise ce qui s'était passé. Et elle ne pourrait faire autrement que de lui raconter sa maladresse. Elle avait honte de cette chute si ridicule. Mais ce n'était pas seulement à cause du fait que son maître de ballet avait du la voir, ni parce qu'elle n'avait pas réussi à gérer son stress. Une des raisons était qu'elle ne voulait pas décevoir son frère. Peu importait le nombre de blessures ou de séjours à l'hôpital, il était un soutien sans faille pour Serena. Il ne lui reprochait pas de repousser toujours plus loin ses limites pour atteindre l'excellence et son rêve, contrairement à leur mère. Il ne cessait de l'encourager malgré l'inquiétude dont il était parfois  la proie. Il avait beau ne pas vouloir le montrer, elle voyait bien dans ses yeux qu'il se faisait du mouron pour elle. La première fois qu'elle était sortie de l'hôpital en fauteuil, il ne l'avait pas lâchée d'une semelle pendant toute sa convalescence. Et pourtant il avait été ravi quand elle avait pu renfiler ses chaussons. Aujourd'hui encore, bien que sa blessure fut bénigne pour le coup, elle savait qu'il était encore inquiet. Mais il continuerait à la soutenir contre vents et marées, quoi qu'il arrive. Donc si elle se retrouvait un jour ne plus pouvoir danser, il en serait presque autant affecté qu'elle. Tout à l'heure, elle avait fait une chute stupide et elle ne voulait pas le dire à Connor car elle réprouvait l'idée qu'il ait honte d'elle. En plus de la soutenir, elle savait qu'il la trouvait douée et elle ne voulait pas perdre son « admiration ». Si elle devait déceler ne serait-ce qu'une once de déception dans les yeux de son frère, elle ne pourrait le supporter. Et ce serait presque pire que de ne plus pouvoir danser.

Alors qu'elle était confortablement calée sur ses genoux, il lui proposa de la ramener chez lui pour prendre le quatre-heure après avoir récupéré ses médicaments sur le trajet. Elle ne put s'empêcher de lâcher un petit rire à cette allusion. Il la traitait vraiment comme une gamine. Il avait avoué de son propre chef qu'il la verrait toujours comme sa petite sœur chérie même lorsqu'elle serait mariée avec des enfants. Non pas qu'elle avait hâte d'en arriver à ce stade, mais elle n'avait plus cinq ans non plus. « Oui, puis après tu m'aideras à apprendre ma poésie avant de me lire une histoire... ». Elle se moquait de lui ouvertement. Elle n'avait pas pu résister à l'occasion de le taquiner gentiment, c'était vraiment trop tentant. Mais pouvait-elle le blâmer de la traiter ainsi ? Après s'être lovée dans ses bras comme elle le faisait enfant lorsqu'elle avait fait un cauchemar, la réponse était non. Il était plutôt normal qu'il joue les papas poule. D'autant que ce rôle lui était imparti depuis la mort de leur père. Est ce qu'il l'avait pris par obligation ou bien de façon naturel ? Peut-être un peu des deux. Serena n'y avait pas vraiment songé lorsqu'elle était petite. Pour elle, ça tombait sous le sens d'aller voir Connor quand il y avait une araignée dans sa chambre ou bien quand elle avait peur de l'orage... C'était lui qui l'attendait à la sortie de l'école et la ramenait à la maison. Il vérifiait ses devoirs, la bordait le soir, la consolait quand elle avait un bobo au genou et grondait les garçons qui lui tiraient les cheveux dans la cour de l'école. A l'adolescence, il gardait un œil sur les éventuels prétendants qui traînaient autour de sa sœur. Tout ça, c'était une évidence pour Serena quand elle était encore jeune. Mais en grandissant, elle se rendait bien compte que ce n'était pas à Connor de s'en soucier... Et pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de le solliciter dès qu'elle se retrouvait confrontée à un obstacle. Elle souhaitait ardemment qu'il ne lui reproche jamais de lui avoir donné une telle responsabilité même inconsciemment.
Quand elle évoqua le fait qu'il avait quitté son travail précipitamment, celui-ci la rassura comme à son habitude. A priori, il avait fait gagner beaucoup d'argent au cabinet récemment et il n'y avait pas de raison pour qu'ils se formalisent de son absence, d'autant que celle-ci était justifiée. Serena se sentit plus sereine et elle ajouta d'un ton léger : « Plusieurs mois de salaire hein... Je savais que t'étais le meilleur ! Ils vont s'arracher tes compétences si tu te retrouves au chômage ! ». Ce que, bien sur, elle ne souhaitait pas. Mais si tel était le cas, il n'y resterait pas longtemps avec un tel talent. Elle ponctua sa phrase d'un léger baiser sur la joue de Connor. Ce fut à ce moment que Judith réapparut dans la chambre. « Désolée d'interrompre vos embrassades mes poussins mais je viens soigner la malade. ». Elle tendit à Serena un cachet de paracétamol et un verre d'eau. Elle avala le comprimé et rendit le gobelet vide à Judith. « Voila, tu peux rentrer Princesse. ». Une fois en possession de son ordonnance et des recommandations quant à sa convalescence, ils purent quitter l'hôpital. Serena était accrochée au bras de son frère, marchant presque à cloche-pied. Elle avait beau avoir l'habitude de se blesser, elle n'avait pas encore trouvé le moyen de garder une démarche assurée avec un pied en moins. Bien que boiteuse, elle essayait de garder une allure normale car il était hors de question que Connor la porte et elle était presque sûr que l'idée lui avait effleuré l'esprit.

Une fois dehors, ils ne mirent pas longtemps à trouver un taxi pour les conduire chez Connor. Comme prévu, ils firent un petit détour par la pharmacie pour récupérer des anti-inflammatoires et une bande pour maintenir sa cheville immobile. Ils arrivèrent enfin chez le jeune homme. Quand elle franchit la porte, Serena constata que... c'était le bordel ! De la vaisselle s'entassait dans l'évier, des tasses de café traînaient par ci par la. Et surtout, il y avait des piles de dossiers un peu partout dont certaines feuilles avaient décidé d'habiller le sol. « Et ben, je constate que certain échappe aux inspections d'Esmée ! ». En effet, l'aînée des Bennett passait régulièrement chez Serena et Cyrilla pour vérifier que le frigo était plein, l'appartement propre et rangé, la lessive faite... Mais de toute évidence, elle ne passait pas chez tout le monde. Il avait un traitement de faveur. Ou alors il n'hésitait tout simplement pas à foutre Esmée à la porte quand elle se pointait pour mettre de l'ordre. C'était peut-être le plus probable. « Quelque chose te travaille ? » lança-t-elle pour trouver la source de ce désordre. Elle ne voyait pas d'autre explication à ce laisser-aller qui ne ressemblait pas vraiment à son frère. Il n'était peut-être pas une fée du logis mais c'était rarement dans cet état. « Ou bien quelqu'un ? ». Un dossier particulièrement compliqué ou un client désespéré... Qu'est ce que ça aurait pu être d'autre après tout ?

crackle bones

My brother, my hero !

Tes yeux firent un léger mouvement vers le ciel quand Serena t’indiqua la possibilité de lui apprendre une poésie avant de lui lire une histoire. Tu savais que cette remarque n’était qu’une perche saisie par la jolie brune, perche que tu avais toi-même tendue à ta cadette en lui proposant de prendre le goûter chez toi. Ton attention n’avait pas été d’infantiliser la jumelle mais tu savais que c’était plus fort que toi, elle aurait beau continuer à grandir, continuer à vivre sa vie, à prendre en maturité et à devenir la femme belle et forte que tu savais qu’elle serait, elle resterait la prunelle de tes yeux, celle que tu devais protéger à n’importe quel prix. Elle resterait ta petite sœur, celle dont tu avais du gérer la crise d’adolescence, celle dont tu avais sécher les premières larmes d’un cœur brisé, celle qui avait su illuminé ta vie avec sa sœur lorsque tout semblait sans espoir pour toi. Exactement et si tu n’es pas sage, je te lirais un texte de loi sur la réglementation des bordures de trottoirs en ville ! Un grand sourire sur le visage, tu savais pertinemment que la jeune femme adorerait cette idée d’histoire du soir. Le seul avantage de ce texte était probablement son effet soporifique, comme quoi, on devrait peut-être songer à incorporer plus de notions de cour dans les bouquins pour enfants.

Le contact des lèvres de ta sœur sur ta joue t’arracha un sourire encore plus grand. Tu avais conscience d’être un bon avocat, probablement pas le meilleur car il te restait énormément à apprendre et que cette profession était en constante évolution. Mais tu étais bon dans ce que tu faisais et tu le faisais avec le cœur, avec les tripes, ce qui te coûtait parfois lorsque le cas n’aboutissait pas comme tu l’aurais souhaité mais qui pouvait également te permettre de décrocher la lune comme sur cette récente affaire. Mais finalement, entendre un compliment de ta petite princesse valait tous les chèques de frais de procédure du monde. Son sourire et sa bonne humeur était communicative et malgré les lieux dans lesquels vous vous trouviez, tu ne pouvais t’empêcher de sourire à l’infirmière qui vint apporter médicaments et ordonnance à Serena. Les deux femmes semblaient se connaitre, le visage de la soignante te disait vaguement quelque chose, elle était probablement dans les parages lors des différents passages de la jeune danseuse dans ces murs. Après un rapide check-out au comptoir et un règlement des frais médicaux qui seraient remboursés par l’assurance de l’école ensuite, le voyage jusqu’au taxi fut court en distance mais intensément long en temps. Ta petite sœur clopinant à tes côtés mettant quatre fois plus de temps à marcher qu’habituellement où tu devais déjà s’habituer à son rythme et ses jambes plus courtes que les tiennes. D’un geste rapide, tu finis par passer un bras derrière le dos de la jeune femme et un derrière ses genoux et le trajet se finit avec une jolie brune légèrement énervée dans tes bras. C’est soit ça, soit je te mets dans un fauteuil pour arriver à la station de taxi ! Et tu ne plaisantais pas, il était hors de question de passer dix ans à traverser un parking.

Le trajet des urgences à l’appartement fut court et bercé de rire alors que vous aviez fait un léger détour par la pharmacie pour récupérer le traitement de la jeune femme. Arrivé chez toi, tu pris à nouveau ta sœur dans tes bras pour gravir les escaliers qui menait à ton chez-toi, situé au troisième étage avec un ascenseur en panne depuis une semaine. Reposant ta sœur avant d’ouvrir la porte, tu ne t’attendais pas à prendre une remarque sur l’état de ton logement. Bien qu’un simple regard à l’intérieur te confirmât que c’était plutôt mérité. Tu laissas échapper un rire à la remarque de Serena. Breaking news, c’est moi l’ainé, Esmée ne fait pas d’inspection chez moi, juste chez vous et probablement de temps en temps chez Riley. Ce n’était pas faute d’avoir essayé mais la jeune Bennett avait bien du se rendre à l’évidence qu’en débarquant en cinq minutes à peine chez toi de jour comme de nuit, elle ne pouvait pas s’attendre à ce que ton intérieur soit aussi clean qu’un sou neuf en permanence. Elle avait fini par laisser tomber. Lorsque c’était trop peu rangé à son goût, elle proposais de déplacer le repas ou l’apéro chez elle, ce qui t’arrangeait pas mal. Ton regard croisa celui de ta jeune sœur alors que tu sortais les différentes sortes de thé et de café que tu avais dans ton placard. Comment ça quelqu’un pouvait te perturber ? Non, personne n’avait plus ce pouvoir sur toi. Enfin, personne pour qui tu accepterais de reconnaitre que si. D’une voix un peu évasive, tu esquivas la question de Serena. Mon affaire s’est terminé hier, je n’ai pas eu le temps de tout classer, les derniers jours ont été plutôt intenses… Si on considère une certaine scène dans une certaine salle des archives, intense était bien le mot pour décrire ces derniers jours. En revanche, l’affaire que tu venais de terminer n’avait rien à voir avec les dossiers qui trainaient un peu partout sur ton bureau et ta table de salon puisque ces derniers étaient destinés à l’enquête que tu menais sur ton père. Tu n’avais pas honte de ce travail que tu faisais et si Serena s’aventurait un peu plus dans tes affaires, tu ne l’en empêcheras pas, c’était également son droit de savoir ce qui s’était passé. Elle était très jeune quand tout ceci était arrivé et contrairement à Esmée ou toi, elle n’avait pas cette volonté vitale de découvrir la vérité, de révéler les mensonges et d’innocenter votre paternel. Thé vert à la cerise ou café noir ? Désolé, je n’ai plus beaucoup de choix, j’ai encore du chocolat en poudre avec du lait d’amande ou de riz dans le frigo si tu veux. Ouvrant un placard derrière toi alors que la jeune femme se faisait une place sur le bar de la cuisine pour s’asseoir et manger, tu ajoutas Par contre en gâteaux, j’ai un stock d’a peu près toutes les conneries que tu peux trouver au magasin… Et c’était à peine de l’exagération, ton métabolisme te permettait de manger un peu n’importe comment et ton travail t’obligeait souvent à manger n’importe quand et rapidement, ce qui n’était pas le meilleur combo quand on y pensait, heureusement que le sport compensait tout ça. En parlant de ça, tu savais que le sujet de sa blessure ne plaisait pas à ta sœur mais tu étais obligé de le ramener sur la table, soucieux de savoir si elle poussait trop son corps ou si autre chose se cachait derrière cette entorse bénigne. Laissant l’eau de la bouilloire chauffer derrière toi, tu te retournas et t’appuya sur le plan de travail du bar de ta cuisine. Mais avant de pouvoir manger, j’aimerais savoir ce qui s’est passé et qui t’a conduit à l’hôpital… Du chantage affectif grâce à le bouffe ? Pas une grand technique d’avocat mais une technique de grand frère imparable !

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My brother, my hero !

Avoir la place de benjamine n'avait jamais été une mauvaise chose pour Serena, bien au contraire. En effet, elle s'accommodait très bien d'être la petite dernière. Elle avait ravi la place de peu. D'exactement 17 minutes ! C'était le temps qui séparait la naissance de Cyrilla de celle de sa jumelle, faisant d'elle l'ultime Bennett de la famille. Depuis, la jeune fille n'avait cessé de profiter de son statut. Dès son plus jeune âge, elle avait bien compris qu'elle était la chouchoute. Elle était la plus mignonne, la plus sage, la plus craquante, la plus adorable.... Tous les adjectifs y passaient et Serena adorait être une petite princesse aux yeux de tous. Elle avait très vite appris à jouer de ses charmes enfantins et de ses petits sourires angéliques pour obtenir ce qu'elle souhaitait. Il n'était donc pas rare qu'elle ait la dernière part de gâteau, la place du milieu sur le canapé, le lit du haut... Mais ce n'était pas tout : elle se servait aussi de son statut pour échapper aux punitions. Comment une si jolie petite fille pouvait-elle faire des bêtises ? Impossible. Pourtant, elle avait déjà piqué dans le pot à cookies avant de dîner, déjà cassé le vase sur la table du salon, déjà "emprunté" le maquillage de sa maman... Mais comment pouvait-on lui en vouloir ? Elle savait y faire pour se sortir de toutes les situations.
Cette place de benjamine, c'était un peu comme un joker dont elle se servait un peu à toutes les sauces lorsqu'elle était petite. Aujourd'hui, âgée de 23ans, il était vrai qu'elle avait grandi et était plus mature. Mais ça ne l'empêchait pas d'utiliser cet atout de temps en temps. Elle n'avait pas hésité à ressortir son passe-droit à peine deux minutes après avoir assuré qu'elle n'était plus une enfant. Mais c'était plus fort qu'elle et il avait suffi que Connor la pousse un peu pour qu'elle s'engouffre dans la brèche, comme si ils étaient revenus plusieurs années en arrière.
Toutes ces histoires de poésie, de goûter et de contes pour s'endormir n'étaient que des prétextes pour se taquiner gentiment. Entre frère et sœur, c'était presque le sport national ! Connor et Serena le pratiquaient à un niveau olympique depuis bien longtemps maintenant et ils étaient plutôt doués tous les deux. Preuve en était que comme petite histoire du soir, le jeune homme lui proposa un texte de loi au nom tellement barbant qu'elle n'en retint pas la moitié. « Ça à l'air tellement soporifique... Pas de doute que je m'endormirai dès la première phrase ! ». Elle prit une mine interrogative avant d'ajouter « Cela dit, ça peut peut-être me servir comme ça la prochaine fois que je me ramasse dans la rue, je pourrais peut-être coller un procès à la ville pour trottoir non réglementaire. ». Est ce qu'elle plaisantait ? A moitié seulement...

Il était désormais temps de quitter l'hôpital. Elle n'avait qu'une petite entorse, elle n'allait donc pas passer la nuit la. Alors qu'ils tentaient de quitter l'hôpital, le handicap de Serena se faisait ressentir, un escargot serait allé plus vite qu'eux. La jeune fille tentait désespérément de combler sa lenteur mais il apparut rapidement que ses effort étaient vains... Comme elle l'avait envisagé, Connor ne se contenta pas de ce rythme digne d'une tortue et il l'attrapa telle une princesse portée par son preux chevalier. A croire qu'il avait lu dans ses pensées car elle avait prié intensément pour justement éviter cette démonstration de galanterie. Quinze ans auparavant, Serena aurait été plus que fière et ravie que son frère la porte comme ça dans ses bras. Aujourd'hui, elle sentait déjà le rose lui monter aux joues. Elle se doutait qu'il ne pensait qu'à ménager sa cheville déjà endommagée mais le regard amusé des autres patients et du corps médical qui les fixait la rendait mal à l'aise. Elle était loin d'être impotente, elle pouvait se déplacer quand même. Bon, certes, elle mettait cinq minutes à faire deux mètres. A peine commença-t-elle à essayer de se débattre que Connor mit les points sur les "i" : c'était ça ou le fauteuil. Elle devait donc choisir entre la peste et le choléra. Au point où ils en étaient, autant continuer comme ça et limiter au maximum d'attirer encore plus l'attention sur eux. « Vous savez Monsieur le super avocat, de temps en temps il faut savoir négocier avec la partie adverse ! ». Et elle lui lança un petit regard en coin avant de s'avouer vaincue.

Lorsqu'ils arrivèrent en bas de l'immeuble de Connor, Serena fut ravie à l'idée d'emprunter l'ascenseur, elle allait au moins esquiver le port princier de son frère jusqu'à l'appartement. Qu'elle ne fut pas sa déconfiture quand elle constata que le Saint Graal était hors-service ! Ni une ni deux, elle se retrouva de nouveau dans les bras de son aîné. Encore plus gênée que la première fois, elle était désormais rouge tomate. La porter sur 200 mètres, passait encore mais la on parlait de trois étages dans une cage d'escaliers pas forcément ultra moderne... « Je peux marcher, je t'assure, ce n'est qu'une entorse. Je suis pas légère en plus. ». C'était presque une supplique. Comment il allait faire pour bosser si il avait le dos en compote à cause de sa boulette de sœur ?! Pire ! Si ils venaient à perdre l'équilibre et qu'ils dévalaient l'escalier sur le cul ?! Avec sa malchance, ce serait totalement possible. Elle jeta alors le regard de chat potté le plus convainquant dont elle était capable combiné à une petite moue dont elle avait le secret depuis vingt ans. Elle n'avait pas beaucoup d'espoir mais elle tenta quand même le tout pour le tout.

L'appart de Connor était en chantier, chose qui ne serait jamais arrivée chez les jumelles notamment à cause des visites régulières d'Esmée. Il semblait en être dispensé, ce qu'il confirma. A priori, Monsieur avait certains privilèges dû à son droit d’aînesse. Comme quoi, il n'y avait pas que la position de benjamine qui possédait une carte joker. Toujours était-il que ça n'expliquait pas le désordre ambiant. Quand elle interrogea son frère sur cette pagaille, il se justifia en avançant que son affaire n'était résolue que depuis peu et qu'il n'avait pas encore eu le temps de s'occuper de classer le dossier. Soit. Serena ne chercha pas plus loin, après tout, elle n'avait aucune raison de ne pas le croire. Ça devait être une sacrée affaire en tout cas pour l'avoir accaparé à ce point.
Alors que Connor farfouillait dans ses placards, Serena décida de donner un coup de main à son frère. Elle commença par ramasser quelques papiers qui traînaient par terre et tenta tant bien que mal de les rassembler sur un coin de la table basse. Elle attrapa les trois tasses qui avaient laissé des traces de café et les rapporta dans la cuisine où son frère semblait se battre avec une boite de thé et un reste de café. Le choix semblait cornélien et c'était celui qui s'imposait à la demoiselle. Mais attention, la vie était pleine de rebondissements et un troisième challengeur entra dans l'arène. A l'évocation du mot "lait", un grand sourire s'afficha sur le visage de Serena. Pour ça, elle n'avait pas grandi d'un iota et sa boisson préférée restait celle des enfants de 0 à 10 ans. Elle posa ses fesses sur le tabouret du bar de la cuisine. « Plutôt lait de riz, sauf si on veut refaire un tour à l'hôpital.» dit-elle en se rappelant son petit détour par les urgences suite à son allergie aux arachides. Il lui proposa d'accompagner son rafraîchissement d'une petite gourmandise. Contrairement à la boisson, la il avait du stock. Rien ne valait les gâteaux préparés par Esmée et Serena se damnerait pour une part de son crumble aux pommes. Mais elle se contenterait du paquet d'oréos qu'elle voyait depuis sa chaise. Mais il semblait qu'il n'était pas encore l'heure de la dégustation. Adossé au plan de travail de la cuisine en attendant que l'eau bout, Connor relança le sujet de sa cheville blessée. Elle le savait, il ne pouvait pas laisser ça de côté. Elle s'était doutée qu'il essayerait de la cuisiner à un moment ou à un autre mais elle ne pensait pas que ça viendrait si tôt.
De toute évidence, il était temps pour elle de passer à table. Il ne lâcherait pas, c'était plus que certain alors elle se lança. « C'est une chute débile comme je te l'ai dit. Le maître de ballet est entré dans le studio et ça m'a déconcentré. J'ai perdu l’équilibre et je suis tombée. ». Elle regardait le fond de sa tasse ne voulant pas croiser le regard de son frère. Elle avait peur d'y déceler de la déception. « Depuis que j'ai eu le rôle de Clara, je me donne à 200% et la, je me vautre devant la seule personne que je veux impressionner... Je suis ridicule. ». Elle évitait toujours le regard de son frère préférant contempler son lait de riz. Puis, souhaitant ne pas s'attarder sur le sujet, elle tenta d'amadouer son frère avec une de ses fameuses petites moues. « Je peux manger mon biscuit maintenant ? ».

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My brother, my hero !

Chacune de tes quatre petites sœurs était la prunelle de tes yeux. Pour toi, elles étaient les quatre merveilles du monde et rien ni personne ne devait leur faire du mal ou leur porter préjudice. Bien sûr, tu avais conscience du monde qui vous entourait, des dangers d’être une jeune femme dans cette société et des aléas de la vie qui pouvaient mettre en travers de votre chemin tout tracé un terrible obstacle. Néanmoins, tu faisais chaque jour tout ce qui était en ton pouvoir pour qu’elles soient les plus heureuses et les plus en sécurité possible. Alors forcément, cet appel de l’école de Serena t’avait fait tout plaquer pour la rejoindre à l’hôpital. Peu importait que cette blessure soit bénigne ou que la jolie Bennett s’amuse à se moquer de toi ou de sa maladresse, tu avais accouru et tu le referais sans hésiter encore et encore. Tout comme tu n’hésiterais pas plus à prendre dans tes bras ta petite princesse pour gagner cinq minutes sur le trajet jusqu’au taxi qui vous ramènerait dans ton appartement. Un rire s’échappa de tes lèvres face aux protestations de Serena. Elle pouvait se débattre et invoquer tous les arguments du monde, ta patience avait une limite quand au temps perdu à rejoindre le taxi. Le fait que ce porté permettait également de soulager sa cheville blessée et lui éviter une certaine douleur à chaque pas était un bonus non négligeable. Parfois il faut savoir imposer sa vision des choses, mademoiselle la danseuse unijambiste. Voir ta sœur blessée ne te faisait pas rire mais tu essayais de ne pas montrer ton inquiétude à ta cadette, préférant arborer un visage rieur et taquin. Une blessure même bénigne n’avait rien d’anodin pour une danseuse. Les douleurs, la rééducation et la perte de confiance en soi étaient autant d’obstacles qui se dresseraient sur la route de la brunette dans les prochaines semaines. Tu n’avais aucun doute que ta sœur était forte et qu’elle parviendrait à tout surmonter mais tu avais peur que ce rituel ne devienne une habitude, que chaque blessure soit suivie d’une autre et qu’au bout du compte, le rêve de la jeune femme ne soit plus qu’un songe lointain. Sans la danse, Serena ne serait pas devenue celle qu’elle était aujourd’hui et tu étais persuadé que sans la danse, tu perdrais la Serena joyeuse et taquine qui se débattait dans tes bras alors que vous montiez les trois étages en direction de ton logement. Je confirme, il va falloir arrêter les crumbles d’Esmée au repas de famille mademoiselle. Bien entendu, c’était une blague car la jeune Bennett était presque aussi légère qu’une plume et les poids que tu poussais régulièrement à la salle permettait à tes muscles d’être prêts pour ce genre d’effort. Ton trait d’humour était d’ailleurs souligné par un joli sourire sur ton visage, toujours dans la taquinerie et l’embêtement quand il s’agissait de Serena.

Son supplice prit finalement fin quand le tien commença alors que ta jeune sœur te faisait remarquer l’état dans lequel tu avais laissé ton salon ce matin en partant. La vérité était que ce bazar était là depuis plusieurs jours voire plusieurs semaines pour certains papiers mais vivant seul et n’ayant que très rarement de la visite en dehors de tes sœurs, tu avais laissé un peu aller l’aspect rangement de ton quotidien. Il faut dire que les journées de dix heures de boulot s’enchainaient et que dans les rares jours de repos que tu t’accordais, il y avait tellement mieux à faire que de ranger des papiers qui te resserviraient probablement une heure plus tard de toute façon. Attrapant les tasses tendues par Serena avec un sourire, tu les plaças dans l’évier qui ne débordait pas encore de vaisselle bien que la pile d’ustensiles sales commençât à grimper. Gardant ce sourire sur tes lèvres, tu t’infligeas une baffe mentale pour avoir proposer de l’arachide à ta jeune sœur dont l’allergie ne datait pas d’hier. Tu étais tête en l’air ces derniers temps et bien que l’affaire que tu avais terminée hier avait été responsable de nombreuses de tes dernières nuits blanches, les rêves d’une jolie brune qui avait accompagné tes nuits de sommeil ne devaient pas être complètement étrangers à ces loupés. Tu sais, j’aime beaucoup l’hôpital, c’est un endroit calme et reposant… Conscient de ta propre bêtise, tu essayas de noyer le poisson dans un peu d’humour, pas sûr que l’effet escompté se produise sur ta jeune sœur. Du coup, tu rabattis ta stratégie de défense sur la nourriture, stratégie qui fonctionnait presque dans tous les cas et qui était imbattable quand elle était associée à une question qui déstabilise la personne qui vous fait face. Attendant patiemment la réponse de ta sœur, tu lui servis un verre de lait de riz et te servis un café avec l’eau bouillante de la bouilloire et un sachet de café soluble. Ce n’était clairement pas le meilleur café au monde mais tu n’avais pas eu le temps de faire les courses depuis déjà deux semaines et vivais désormais sur tes réserves. Le café soluble te permettait au moins de boire un peu de cette boisson si particulière que tu chérissais tant. Mais relevant les yeux de ton mystérieux breuvage, tu écoutas attentivement le récit de Serena. Selon elle, la chute était de son dû et ne résultait que d’une mauvaise concentration. Hochant la tête, c’est un éclair d’inquiétude qui passa dans tes yeux quand elle s’infligea elle-même l’adjectif de ridicule. Posant ta tasse sur le comptoir, tu attrapas le menton de ta jeune sœur et la regarda dans les yeux. Tu n’es pas ridicule ma puce, jamais ! Tu es juste humaine et ça arrive de tomber, c’est pour mieux se relever et les époustoufler lors du spectacle. Tu avais ressorti le surnom que tu lui attribuais quand elle était petite pour l’occasion, lui montrant ainsi qu’elle avait ton soutien inconditionnel et sans péremption dans le temps comme lorsqu’elle avait commencé la danse. La gratifiant d’un petit bisou sur le front, tu t’éloignas d’elle pour attraper le paquet d’Oreo que tu lui tendis. Tu peux même en prendre deux vu que tu as été relativement sage. Jetant un œil sur la pile de dossier qui trainait sur le bar, tu reportas bien vite ton attention sur la jeune femme, tu n’avais pas envie de te remettre au travail, tu préférais largement en apprendre plus sur la vie de ta princesse. Dis-moi, en dehors de la salle de danse, ça va ? La colocation avec Maddie se passe bien ? Les deux jumelles avaient toujours eu une relation très fusionnelle et leur emménagement commun n’avait surpris personne. Néanmoins, les années avaient forgé deux caractères bien distincts qui n’étaient pas toujours compatibles pour un quotidien partagé. Oh d’ailleurs, j’y pense, un des clients du cabinet nous a donné des tickets pour aller voir un one man show au centre de DC, c’est dans deux semaines mais je me demandais si cela pourra vous intéresser toi et Maddie ? J’ai deux places en plus.

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My brother, my hero !

Serena était têtue. Oui oui, une vraie tête de mule. Elle était clairement butée et parfois de mauvaise foi... Bref, elle n'en démordait pas facilement. Certes, elle n'était pas la seule dans la famille dans ce cas-la, même si elle pouvait prétendre être la plus bornée. Alors quand Connor essaya de savoir les raisons de cette petite visite à l'hôpital, elle ne lâcha rien. Maintenant, ils se battaient dans le couloir parce qu'il voulait la porter alors qu'elle voulait se débrouiller toute seule. Malheureusement, lui aussi était du genre têtu donc ce serait à celui qui ferait craquer l'autre en premier. A ce petit jeu, ils étaient tous les deux très fort et quand ils s'y mettaient, ça pouvait durer des heures. Bien qu'elle comprenait ses arguments, elle ne voulait pas pour autant se faire traiter comme une assistée. Et bien qu'elle ait donné tout ce qu'elle pouvait, elle dut s'avouer vaincue pour cette fois. Elle avait essayé désespérément de négocier mais il mit fin à la discussion en la traitant de cul-de-jatte. Le fait qu'elle soit dans ses bras avait au moins le mérite de lui permettre de lui donner le coup de poing le moins douloureux du monde dans l'épaule. Maintenant, en plus de son infirmité, il pourrait se moquer de sa force pas du tout herculéenne.
Une fois dans l'immeuble, rebelote. Nouveau combat pour savoir comment ils allaient grimpé les étages jusqu'à l'appart de Connor. Serena changea de stratégie, misant sur le fait qu'elle n'était pas un poids plume et que ça serait sans doute peu pratique de monter les escaliers avec elle dans les bras. Elle ne doutait pas que son frère avait de la ressource. Il était musclé, allait à la salle... Il avait sans doute toute la force nécessaire pour la trimballer dans les étages mais ce n'était pas une raison pour foncer tête baissé. Encore une fois, le jeune avocat ne lui laissa pas l'occasion de palabrer plus longtemps. Cela dit, il confirma qu'elle pesait son poids en affirmant qu'elle devait arrêter les petits desserts d'Esmée. Comme toute la gente féminine de la planète, elle se trouvait grosse mais se supportait pas qu'on suggère que c'était vrai. Bien sûr, elle savait qu'il rigolait au vu du grand sourire collé sur ses lèvres. Mais elle prit quand même l'air le plus offusqué dont elle était capable. « Si c'est comme ça, je ne t'adresse plus la parole. ». Oui, c'était tellement crédible comme menace. Surtout quand on connaissait Serena et le fait qu'elle soit une pipelette de première.

Une fois dans l'appartement, Serena constata que c'était la bazar. Elle qui avait des tendances maniaques sur les bords se demandait comment on pouvait vivre au milieu de ce fourbis ! Ce devait être le privilège ou l'inconvénient de vivre seul. Elle donna un petit coup de main pour essayer de ranger mais dans son état, autant dire qu'elle ne servait pas à grand chose. Mais c'était le geste qui comptait après tout.
Connor ne tarda pas à lui proposer de quoi boire et manger et sa menace de ne plus lui adresser la parole ne tint pas très longtemps. Il lui suggéra alors un choix qui la surprit : du lait d'amande. Elle était allergique aux arachides et à priori Connor avait oublié... Ah bah bravo ! Paye le frère en carton. De toute évidence il savait qu'il avait fait une bourde et tenta de rattraper le coup avec de l'humour. « Ah c'est donc pour ça que tu te précipites quand je me retrouve la-bas. Je comprends mieux. ». Elle aussi savait jouer la carte de l'humour.
Utiliser son point faible pour lui tirer les vers du nez, c'était vraiment une technique d'avocat véreux. Elle savait qu'il finirait par revenir à la charge mais se servir de sa passion pour les sucreries était vraiment une tactique déloyale ! Bien évidemment, la menace aux biscuits avait marché comme sur des roulettes et Serena ne mit pas très longtemps avant de lui raconter le pourquoi du comment elle s'était foulée la cheville. Un peu honteuse, essayant d'éviter son regard, elle sentit la main de Connor la saisir par le menton pour l'obliger à le regarder dans les yeux. Il la rassura en lui disant que ça n'avait rien de ridicule de tomber et que ça arrivait à n'importe qui. En entendant qu'il l'appelait "ma puce", elle se sentit automatiquement plongée des années en arrière. Et bizarrement, c'était réconfortant. Lorsqu'il déposa un baiser sur son front, elle ne put s'empêcher de sourire et se redressant légèrement sur sa chaise. Comme lorsqu'elle était petite, elle se sentait importante dans les yeux de son frère et ça la rendait fière.
Maintenant qu'elle avait craché le morceau, elle réclama son dû ! Elle ne perdait pas le nord, surtout quand il s'agissait de gâteau. Pire qu'une gamine ! Elle se demandait ce que penserait son maître de ballet si il savait qu'elle se laissait mener par le bout du nez pour un paquet d'Oreo... Elle avait, pour l'instant, réussi à cacher cette facette de sa personnalité et c'était tant mieux. Mais quand Connor lui affirma qu'elle pouvait même en prendre deux, elle ne se fit pas prier, attrapant le petit emballage argenté renfermant les précieux biscuits. Alors qu'elle en trempait un dans le lait et qu'elle en croquait un morceau, il lui demanda comment ça se passait avec Cyri. Inquiet ou juste curieux ? Un peu des deux sans doute. Elle avala ce qu'elle avait dans la bouche avec une grande gorgée de lait qui ne manqua pas de lui laisser des moustaches sur les lèvres. « Tu nous connais, on est les deux moitiés d'une même personne. C'est naturel pour nous de vivre ensemble. Le jour où on se séparera ce sera parce qu'on aura trouvé une autre moitié... Et je suis sûre que tu n'as pas hâte que ça arrive. ». Elle lui jeta un regard espiègle avant de boire le contenu de son verre. Si il y avait bien un sujet sur lequel il était drôle de le taquiner, c'était celui-ci. Dans l'esprit de Connor, il était improbable que ses sœurs se trouvent un copain. Surtout les jumelles puisqu'elles étaient les plus jeunes. Ainsi, c'était toujours très drôle de voir sa tête quand elles évoquaient l'éventualité de se caser. Ça devenait beaucoup moins drôle quand l'éventualité devenait réelle. Mais en l’occurrence, aujourd'hui elle n'avait rien à craindre.

Serena attaquait son deuxième paquet de biscuit quand Connor se rappela d'une chose. Un client lui avait fait cadeau de place pour un spectacle et il lui demanda si Cyri et elle seraient intéressées. « Bah dis donc, tu ramènes des chèques d'un montant scandaleux, on t'offre des places de spectacle. T'es vraiment un tueur à la barre ! ». Oui c'était un compliment. Elle était fière d'avoir un frère aussi compétent. « Et bien pourquoi pas, ça peut être sympa ! Mais t'as personne d'autre avec qui y aller ? ». Wink Wink. Oui, elle pouvait se montrer lourde quand elle le voulait. Moins de tact c'était pas possible. Mais si il se montrait parfois intrusif dans leur vie amoureuse, elle pouvait en faire de même de temps en temps non ?
La jeune fille termina ses biscuits et son verre de lait puis décida d'aller rejoindre le canapé du salon pour étendre sa jambe. Non pas qu'elle avait mal assise sur son tabouret mais la position n'était pas la plus confortable non plus pour sa cheville. Elle essaya d'esquiver les quelques papiers qui traînaient par terre. Pas la peine de glisser et de se fouler l'autre cheville. Elle s'assit en faisant attention de n'écraser aucun dossier. Et alors que ses yeux balayaient les différents documents posés sur la table basse, son regard fut attiré par quelque chose en particulier. C'était une photo qui dépassait d'une pochette. Elle ne pouvait en voir qu'un quart mais elle la reconnut tout de suite. Elle prit le cliché dans ses mains et elle dévisagea son père. C'était la photo qu'ils avaient fait au poste lors de son arrestation. La voir fit remonter toute une foule de sentiments en elle ainsi que certains souvenirs. Des bons et des mauvais... « Tu travailles toujours sur le dossier de Papa ? » dit-elle sans lâcher des yeux le cliché dans ses mains. Elle savait que Connor et Esmée ne lâcheraient jamais l'affaire et si parfois elle préférerait qu'ils passent à autre chose et arrêtent de se pourrir la vie avec cette histoire, une partie d'elle-même souhaitait qu'ils atteignent leur but et que leur père soit enfin lavé de ces accusations mensongères. En attendant, elle ne pouvait qu'assister impuissante à cette bataille qui paraissait sans fin.

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My brother, my hero !

La relation que tu partageais avec chacune de tes sœurs était différente, alors que tu cherchais souvent à décrypter Riley et Cyrilla, Esmée et Serena étaient de vrais livres ouverts à tes yeux. Tu poussais sentir qu’elles n’allaient pas bien en un simple regard comme tu pouvais te vanter de les réconforter en quelques mots. Le seul inconvénient de ces deux relations était que les deux jeunes femmes étaient tout autant en mesure de déchiffrer ton regard que toi le leur. L’ainée de tes quatre sœurs étaient probablement la plus douée à ce jeu et cela faisait quelques jours que tu prenais soin de l’éviter pour échapper à un interrogatoire en règle. Esmée n’était pas dupe et les nombreux messages que tu recevais chaque jour le prouvait bien, elle était d’ailleurs proche de la réalité en affirmant que c’était une femme qui te taraudait l’esprit et pas seulement le boulot comme tu l’affirmais… Heureusement pour toi, elle n’avait pas encore relié les points entre eux pour comprendre qu’elle ne connaissait que trop bien la brune que tu adorais détester. La petite dernière de la fratrie commençait à devenir assez forte à ce jeu également et ta bourde sur son allergie risquait de lui mettre la puce à l’oreille sur ton esprit perturbé. Heureusement pour toi, elle ne creusa pas beaucoup plus loin et se contenta de te suivre sur la carte de l’humour. Que veux-tu ? Je ne peux pas résister à ses longs couloirs blancs qui sentent le désinfectant. ajoutas-tu avec un air dramatique plutôt mal joué.

Taquiner ta petite sœur faisait partie de tes prérogatives de grand frère mais la protéger également. Elle savait que tu finirais par lui faire cracher le morceau sur ce qu’il s’était passé et comment elle avait fini à nouveau sur un lit des urgences. C’est probablement pour cela qu’elle lâcha aussi vite l’information. La voir baisser les yeux et sentir son inconfort, sa honte d’être tombée te fendit le cœur. Tu étais du genre à soulever une montagne pour obtenir un sourire de tes proches et si ce trait de caractère était décuplé pour tes sœurs, il l’était encore plus pour les deux petites dernières. Tu refusais de les voir baisser les bras, de les voir se flageller pour une raison ou une autre et surtout tu refusais de les voir malheureuses. En cet instant, Serena était plus embarrassée qu’autre chose mais tu pris le temps de la rassurer, de lui montrer que cette chute ne changeait rien, ni à sa carrière, ni à l’amour que tu lui portais. Rien ne pouvait entacher ce dernier, elle serait toujours ta sœur, ta princesse, un des amours de ta vie, quoi qu’il arrive.

Affichant un sourire espiègle alors que la brunette relevait la tête avec une moustache de lait au-dessus des lèvres, tu gardas tout de même ton sérieux pour écouter sa réponse et boire une gorgée ou deux de café sans manquer de t’étouffer. Mais finalement, tu manquas quand même de le faire lorsque Serena mentionna la possibilité de trouver son âme-sœur. Tu n’étais pas prêt pour cela et tu doutais de l’être un jour. Voir Esmée sortir avec de garçons était déjà quelque chose de compliqué pour toi mais les jumelles étaient et resteraient probablement des enfants à tes yeux pendant encore de nombreuses années. Avalant difficilement ta gorgée de liquide noire, tu regardas ta sœur dans les yeux, essayant d’y déceler un aveu de romance. Inutile de se précipiter, tu as tout le temps du monde pour trouver quelqu’un ! déclaras-tu en insistant sur la notion de temps. Tu voulais que tes sœurs soient heureuses mais elles étaient bien trop jeunes pour parler âme-sœur ou même d’emménager avec quelqu’un. Tu avais 9 ans de plus qu’elles et pourtant tu n’envisageais pas de te caser non plus. Il faut dire que tes envies de mariage et d’enfant avaient disparues avec Lucinda…

Le sujet revint sur une thématique plus légère quand tu mentionnas les tickets de spectacle reçus dans une affaire gagnée par le cabinet quelques semaines plus tôt. Tu souris à ta jeune sœur. Je suis un tueur à la barre mais ce n’est pas moi qui ai gagné ces billets, c’est une collègue. Essayant de rester le plus neutre possible, tu te remémoras la scène où Maitre Crowell avait annoncé à l’ensemble du cabinet qu’Abigaïl avait ramené un des plus gros chèques de l’histoire de la firme et qu’avec ce chèque venait des billets pour chacun d’entre vous. Comme chacun de tes collègues, tu avais félicité la jeune avocate, non sans réticence. Elle avait mené cette affaire à bien, certes, mais elle restait cette personne que tu ne pouvais encadrer alors lui offrir des félicitations et des remerciements pour les billets avaient été un véritable défi pour toi. Levant les yeux au ciel face à la remarque absolument pas discrète de ta sœur, tu lui répondis en haussant les épaules. Non personne mais dans tous les cas, c’est avec vous que je préfère y aller.

Terminant votre goûter, tu laissas ta sœur rejoindre le canapé tandis que tu rangeais les tasses utilisées dans l’évier et le lait au frigo. Tu ne pris pas le temps de laver ou rincer les tasses, inutile de faire semblant alors que ton appartement était un fouillis géant. Ces tasses comme le reste de la vaisselle sale seraient lavées quand tu trouverais le temps ou la motivation de tout ranger dans ton logement. Tu te postas derrière le canapé alors que ta sœur regardait le cliché de votre père dans son costard de travail, probablement le dernier qu’il avait porté avant d’enfiler la combinaison orange dans laquelle il avait quitté ce monde. Oui, celui ou celle qui l’a fait accusé était très doué et n’a laissé presque aucune trace mais je trouverais le véritable responsable de tout ça et il finira derrière les barreaux, je te le promets. Faisais-tu une promesse à ta jeune sœur ou à toi-même ? Probablement un peu des deux. Si tu veux, je peux te montrer un peu les pistes qu’on a suivi avec Esmée. Tu ne souhaitais pas cacher quoique ce soit à tes sœurs. Bien qu’elles soient moins impliquées dans ces recherches que vous, elles avaient le même droit de regard sur tout ça, après tout, il était leur père à elles aussi. Riley n’avait jamais voulu en savoir plus et les jumelles étaient jusqu’alors trop jeunes pour vraiment comprendre les enjeux de cette affaire. Depuis quelques mois déjà, tu les trouvais l’une comme l’autre plus curieuse sur ces sujets et tu n’hésitais pas à leur partager tes infos et tes souvenirs de cet homme qui était en grande partie responsable de votre existence. Tu veux rester manger ce soir ? Promis, je te laisse choisir ce que l’on commande et le film que l’on regarde.

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My brother, my hero !

Serena et Cyrilla étaient les deux dernières de la fratrie et étaient, à ce titre, traitées comme des enfants. Pourtant, elles grandissaient toutes les deux et même si la benjamine adorait qu'on la chouchoute comme lorsqu'elle était petite, elle souhaitait malgré tout être prise au sérieuse. Elle voulait qu'ils la voient comme la jeune adulte qu'elle était. Malheureusement, ça ne semblait pas être pour tout de suite au vu de la réaction de son frère à l'évocation de se trouver un partenaire de vie. Bon, il n'y avait pas de risque pour l'instant puisque aucune des jumelles n'avaient de jeune homme en vue. Mais ça arriverait forcément un jour. Serena ne voulait pas que toute l'organisation de son mariage parfait ne devienne jamais réalité ! Le voir prêt à s'étouffer en imaginant ses sœurs avec un petit ami lui rappela la fois où les jumelles lui avaient annoncées qu'elles quittaient le domicile familial pour vivre seules. Toutes les deux mais seules. Elles avaient cru qu'il allait s'évanouir, disant à leur mère qu'elles ne pouvaient pas vivre toutes les deux, qu'elles étaient trop jeunes. Même si Amélia était triste de voir les petites dernières quitter le nid, elle n'était malheureusement pas un soutien pour son aîné. Il avança des arguments tous plus absurdes les uns que les autres mais en vain. Leur décision était prise et elles emménagèrent dans leur chez elles quelques semaines plus tard. « Tu sais tout de même que ça arrivera un jour n'est ce pas ? ». Si on l'écoutait, Cyrilla et elle finiraient vieille fille. Elle se dit tout même qu'un vu de sa réaction, le jour où l'une d'elles lui annoncerait la nouvelle, il faudrait peut-être le faire près d'un hôpital au cas où il fasse une syncope...
Si il semblait ravi que leur vie sentimentale soit le néant total, elle ne se fit pas prier pour le taquiner sur la sienne. Lorsqu'il lui avait proposé d'aller voir un spectacle avec lui, précisant qu'il avait eu des billets par le boulot, elle se jeta sur l'occasion. Pas discrète pour un sou – et en même temps, c'était le but – elle le questionna pour savoir si il ne préférerait pas y aller avec quelqu'un d'autre. Le sous-entendu était tellement flagrant qu'elle n'avait pas besoin de préciser sa pensée. Quand il ajouta qu'en plus c'était une de ses collègues qui les avait gagnés, l'occasion était trop belle pour ne pas la saisir. « Et cette collègue, elle veut pas y aller avec toi ? ». Un vrai éléphant dans un magasin de porcelaine. Les plaisanteries les plus courtes étant les meilleures, elle décida à contre cœur d'arrêter de le taquiner et de mettre fin à son supplice. « Je serais ravie qu'on y aille ensemble ! ». Passer du temps avec Connor était quelque chose qu'elle adorait et ce depuis toute petite. Un vrai pot de colle avec son grand frère adoré même si, à une certaine époque, il aurait préféré qu'elle le laisse tranquille.

Décidant d'aller s'installer sur la canapé pour adopter une position plus agréable pour sa cheville, Serena tomba sur une photo qui fit remonter beaucoup de choses en elle. Ça faisait des années que leur père était décédé mais Connor n'avait jamais lâché l'affaire. Il avait carrément changé de carrière pour pouvoir rétablir la vérité et défendre des personnes dans la même situation. Serena savait que ça le rongeait de ne pas savoir qui était à l'origine de ce coup monté qui avait coûté la vie à leur père. Ainsi, elle ne fut pas spécialement surprise de découvrir le dossier d’enquêtes sur la table du salon agrémenté de ses notes personnelles. Lorsqu'elle évoqua les différents documents, son frère lui promit qu'il finirait par trouver le véritable coupable peu importe à quel point il avait bien masqué ses traces. La jeune fille se mordit la lèvre en entendant ses mots milles fois répétés. Lui et sa sœur étaient complètement obnubilés par cette histoire et peut-être était-elle influencée par sa mère mais elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter pour ses aînés. Si cette personne était aussi douée que ça, qu'est ce qui l'empêchait de s'en prendre à Connor et Esmée ? Sans compter qu'à vivre dans le passé, on en oublie l'avenir et elle ne voulait pas qu'ils s'embourbent dans une cause perdue. Il lui proposa alors de lui montrer ce qu'ils avaient réussi à dégoter avec leur sœur. « Je... sais pas... ». La voix a demi éteinte, Serena avait le regard dans le vague. Elle avait envie de savoir bien sûr ! Si l'ordure responsable de tout ça se retrouvait derrière les barreaux, elle en serait plus que ravie. Peut-être pourraient-ils enfin tous faire leur deuil ? Mais une peur sourde accompagnait cette envie de découvrir la vérité coûte que coûte. Un "Et si" tellement difficile à refouler qu'il en devenait toxique. « Et si tu finissais par découvrir que tout ça n'était pas un coup monté ? Que tout était vrai ? ». Elle n'y croyait pas vraiment, elle avait beau ne pas avoir bien connu son père, elle ne l'imaginait pas faire ce genre de choses. Mais elle ne l'imaginait pas non plus mettre fin à ses jours et pourtant. « Ça ne le fera pas revenir parmi nous de toute façon... Et puis tant que nous on est persuadé de son innocence c'est suffisant non ? ». Elle savait que ce genre de discours n'était pas forcément ce que Connor voulait entendre mais elle avait peur et pour une fois, elle le disait à voix haute. Toute cette histoire avait eu suffisamment de conséquences désastreuses sans qu'ils passent le reste de leur vie à chercher une aiguille dans une botte de foin. Une larme avait fini par couler le long de sa joue. « Il me manque. ».

Après ce moment fort en émotion pour la benjamine, le calme revint petit à petit. Elle se sentait soulagée d'avoir pu parler à cœur ouvert de ses craintes et de ses sentiments. Elle n'avait jamais vraiment osé le faire ne se sentant pas légitime à se plaindre devant son frère qui souffrait bien plus qu'elle même si il ne laissait rien paraître. Elle avait hésité pendant tout ce temps de se confier à lui alors que d'habitude, il était le premier avec qui elle partageait ses doutes si l'on omettait Cyrilla. Une genre de cachotterie honteuse dont elle était enfin libérée. Connor lui proposa alors de rester manger et d'occuper la soirée devant un film. La possibilité de passer encore un peu plus de temps avec celui qu'elle considérait comme le seul homme de sa vie lui rendit le sourire. Sa réponse ne devait donc laisser aucun doute puisqu'elle était inscrite sur son visage. Tout comme le film qu'elle voudrait voir d'ailleurs. Elle était plutôt prévisible à ce sujet puisqu'elle ne se lassait pas de le regarder. « On peut voir Ballerina ? » demanda-t-elle avec des yeux de chat poté. Elle adorait ce film et passait plus de temps debout à danser avec l'héroïne qu'avachie sur le canapé. Bon, pour cette fois elle devrait se contenter de suivre avec attention puisque sa cheville ne lui permettait pas de faire la moindre figure. Elle ferait juste les dialogues du coup. Elle s'attendait déjà à voir son frère soupirer en imaginant devoir le regarder pour la énième fois. Mais la plus à plaindre au final, c'était Cyrilla qui devait supporter ça plus que tous les autres membres de la fratrie. Donc il pouvait faire un effort. « Je te laisse choisir le repas ! ». Voila, c'était un bon compromis pour qu'il accepte de subir plus d'une heure de Serena complètement absorbée par le film d'animation.
Dès les premières minutes, la jeune fille était totalement emprunte par l'ambiance du film. Elle avait beau l'avoir vu des dizaines de fois, elle rigolait toujours au même moment, pleurait à chaque fois qu'elle revoyait certaines scènes. Lorsqu'elle entendit quelqu'un sonner à la porte, elle supposa que c'était le livreur. « J'y vais ! » et elle se leva d'un bond, oubliant qu'elle n'était pas en état de se précipiter pour ouvrir. Une douleur vive se fit ressentir dans sa cheville et elle tomba. Allongée par terre, sa blessure la lançait. Elle attrapa sa jambe comme si le fait de poser ses mains sur la source de son mal pouvait le soulager. Ses traits étaient barrées par la douleur et elle se mordit la lèvre pour ne pas se mettre à pleurer.

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