Elliott & Colton + It's good to see you again

Sortir de prison n’avait pas été de tout repos. Évidemment, ma vie ne se comparait pas à ce que j’avais vécu ces cinq dernières années. Je pouvais me reposer, faire ce que je voulais presque quand je le voulais et surtout, je pouvais retrouver les amitiés, relations qui m’avaient été si précieuses et pas seulement pour quelques minutes, séparés par une vitre. Mais profiter pleinement ? Je n’étais pas encore là. Revenir, ou plutôt débarquer dans une réalité se rapprochant de la normale des gens, ça ne m’était jamais arrivé. J’avais donc dû faire avec mon travail, m’assurer d’avoir tout le nécessaire, composer avec la vie en colocation, avec une colocataire qui était beaucoup plus que ça, je le savais. De ce fait, je n’étais pas parvenu à reprendre contact avec toutes les personnes que j’aurais souhaité, ou du moins, passer du temps en leur compagnie. Ce soir, j’allais rectifier le tir en ce qui concernait un de mes amis de longue date, Elliot. Je me sentais ridicule de ne pas avoir su le revoir avant ça, pas aussi longtemps que j’aurais voulu en tout cas, mais ç’allait changer ici et maintenant. En effet, nous avions prévu de passer la soirée ensemble, et il me tardait de pouvoir en profiter, lui parler librement. Dans cet ordre d’idées, inutile de mentionner que lorsque je fus libéré au travail, mettant fin à mon service, je ne m’étais pas fait prier pour ranger mes affaires, me départir de mon uniforme de travail, prendre mes effets personnels et me diriger vers la demeure de mon ami. Je pris la voiture d’occasion que j’étais parvenu à trouver pour me déplacer plus facilement, et je me rendis à l’adresse qu’il m’avait donnée. Arrivé sur place, je vérifiai encore une fois le papier sur lequel j’avais pris note de l’information, et je sortis de mon véhicule, un paquet de bières à la main préalablement acheté. Je frappai à la porte, attendant d’avoir une réponse.

Ç’avait été inévitable; lorsque la porte s’ouvrit et que je vis finalement le visage de mon ami, j’eus un large sourire. Et pourtant, ce n’était pas dans mes habitudes d’être aussi expressif. Mais Elliott, j’étais réellement content de le voir, autrement que derrière une vitre dans un environnement des plus austères. Parce que oui, il avait été un des rares, avec Kaitlyn, qui était venu me payer des visites pendant ces cinq années derrière les barreaux. Je ne savais pas si je lui avais suffisamment dit, mais j’étais reconnaissant envers lui pour l’avoir fait. Peut-être que pour lui, ce n’était pas grand-chose, mais pour moi, c’était énorme. Et j’étais d’avis que je ne pourrais pas suffisamment lui mentionner. Mais au moins, je pouvais le faire de temps à autre, parfois de façon évidente, parfois de façon un peu plus subtile. Comme là, je ne me gênai pas de lui faire part de mon enthousiasme en lui répondant:  « Je suis content aussi, si tu savais ! » Parce que non seulement, ça faisait longtemps, mais aussi, parce que je pouvais le voir là, devant moi, sans rien pour nous séparer. Ne pas avoir peur de créer un malaise, je le prendrais dans mes bras - de façon virile évidemment - mais je ne voulais pas en faire trop soudainement. À la place, je décidai de lui montrer ce que j’avais apporté, affirmant:  « Je ne pouvais pas arriver les mains vides. » Bon ce n’était pas grand-chose, mais ça partait d’une bonne intention. Et puis, j’avais creusé loin dans mes souvenirs pour essayer de voir quelle marque lui conviendrait. Je ne savais pas si j’avais vu juste pour choisir sa préférée, mais j’espérais juste ne pas m’être complètement trompé non plus. Après tout, ça faisait au-delà de cinq ans que nous n’avions pas pu faire ça ensemble, il se pouvait fort bien que mes souvenirs soient flous. Mais j’avais une bonne excuse, non ?

Est-ce que le fait qu’Elliott me demande ce que je voulais boire était venu m’influencer dans ma décision de lui donner tout de suite ce que j’avais apporté ? C’était possible, mais pas nécessairement volontaire. Et puis, je ne pensais pas que sa question soit étrange, susceptible de provoquer un malaise. Pourquoi ? Tout simplement parce que les bières apportées n’étaient pas nécessairement fraîches. Pas dans le sens qu’elles dataient, mais dans le sens que j’avais dû les acheter la veille. Par conséquent, elles n’avaient pas pu passer beaucoup de temps dans le frigo, faisant en sorte qu’il faudrait un moment pour qu’elles soient assez fraîches pour être bues. Mais ne sachant pas précisément ce que mon ami avait, et n’étant pas difficile, je répondis à sa question:  « La même chose que toi ! » Après tout, nous avions des goûts relativement semblables, d’où le fait que je pouvais me le permettre. D’ailleurs, Elliott ne tarda pas à me le prouver quand il me rassura, disant que j’avais tapé dans le mille pour les bières. Tant mieux, ça me rassurait. Le laissant les prendre et m’installant, je ris doucement à son commentaire, adorant voir son enthousiasme. Ça changeait. En effet, peu de gens dans ma vie avaient été heureux de me voir ou me revoir au quotidien. J’appréciais donc chaque fois que ça pouvait arriver. Retrouvant mon sérieux peu de temps après, je réfléchis un peu, et je dis:  « Oh rien de bien excitant… » En fait, il y avait plein de nouvelles choses qui se passaient pour moi, mais je savais que pour la normale des gens, c’était des banalités. Mais parce qu’Elliott me connaissait depuis longtemps et connaissait mon histoire, je pouvais me permettre d’en dire plus, à mon avis. Je me risquai donc à ajouter:  « J’ai enfin réussi à m’acheter une bagnole ! » J’eus un petit rire nerveux, c’était ridicule, mais c’était vrai que c’était spécial, différent me concernant.  « Sinon je… Je m’adapte. Doucement mais sûrement. Heureusement que Kaitlyn est là… » J’aurais pu emprunter une pente glissante et continuer sur ce sujet, mais je me ravisai. Je dis plutôt:  « Et toi aussi d’ailleurs ! Merci encore pour l’invitation. Ça va me faire un bien fou je crois. » Juste de revoir mon ami pour vrai, sans rien pour nous limiter, c’était énorme, comparé à précédemment.

 « Quand tu n’as pas pu en boire pendant cinq ans, ce n’est pas basique, crois-moi ! » Le commentaire était sorti tout seul, je ne savais pas pourquoi. Je n’étais pas du genre à aimer parler de mon temps en prison, à qui que ce soit. Mais avec Elliott, c’était différent. Il était une exception en fait. Mais je n’allai pas plus loin. Plus encore, je n’avais pas tenu ce propos sérieusement. Je refusais qu’il le prenne mal, qu’il pense que mon but était qu’il se taise et qu’il ne passe pas un tel commentaire. Je l’avais dit en blague, réalisant seulement après-coup que ça pouvait provoquer un malaise. J’espérais juste que ce ne soit pas le cas, et comme si j’espérais que ce soit suffisant pour détendre l’atmosphère, j’eus un petit rire accompagné d’un sourire. Et puis, la vérité était qu’une bière, ça m’allait très bien. Je n’avais jamais eu des goûts de luxe, je n’en voulais pas non plus, alors c’était parfait. Mais maintenant, le simple me semblait encore plus intéressant, vers quoi je voulais me diriger. Et une simple soirée entre amis, c’était tout simplement parfait. C’était quand on était privés de choses simples qu’on en réalise l’importance. Ce propos n’avait jamais été aussi vrai pour moi que pendant ces derniers mois. Et faire le tout doucement, ce n’était pas plus mal non plus, d’où le fait que le plus gros évènement que j’avais vécu récemment, c’était le fait d’avoir acheté une voiture. Évidemment, je ne pouvais pas passer outre le fait que je n’étais pas seul, que j’avais de l’aide. Ce fut tout de même rassurant d’entendre mon ami de longue date me rassurer et me dire qu’il aurait pu m’aider. Je souris doucement, avant de répondre sa question:  « Je suis chez Kaitlyn, elle a accepté de m’héberger. » Je n’allai pas plus loin, réalisant que ça faisait un bon moment que j’étais sorti de prison maintenant et que normalement… J’aurais dû avoir trouvé un autre logement, mais je ne l’avais pas fait. Et pour tout dire, je n’en avais pas envie, mais l’avouer serait un peu plus difficile, et surtout gênant. Ce n’était pas contre Elliott, au contraire, s’il y en avait un à qui je pouvais en parler, c’était lui, mais je n’étais pas capable de mettre les mots sur ce qui se passait, pas pour le moment. À la seconde question d’Elliott, j’haussai les épaules, incapable de vraiment dire quoi que ce soit. La vérité était que compte tenu de ma probation, je ne pensais pas que je pouvais aller bien loin. Je ne pensais même pas être en mesure de sortir de l’État, si ça se trouvait… À la blague, je dis:  « Tu proposes quoi ? » En effet, je ne serais pas contre le fait de faire quelque chose avec Elliott, tant que ça ne vienne pas compromettre ma libération conditionnelle. Mais je lui faisais confiance pour ça, autrement je ne lui aurais pas dit à quel point il comptait pour moi. Je ris doucement à son commentaire comme quoi il avait une chambre, d’amis, c’était bon à savoir. J’en pris note mentalement, mais je n’ajoutai pas quelconque commentaire. À la place, je préférai lui dire:  « Assez parlé de moi par contre. Toi alors, quoi de nouveau ? », me disant que c’était la moindre des choses de lui poser la question.