[flashback] Sœur infernale ft. June&Olivia

Le jour était enfin arrivé. Nous avions bouclé le livre et il paraissait aujourd’hui. « June, tu viens boire un verre avec nous ce soir ? » me demandait Michael, comme si la réponse n’était pas évidente. Spoiler : elle était pourtant évidente. « Comment pourrais-je ne pas venir ? » m’exclamais-je, presque outrée qu’il ait douté de ma présence. C’était un rituel, une coutume, une tradition. A chaque jour de parution, toute l’équipe qui avait bossé sur le livre se réunissait pour fêter ça. L’achèvement d’un travail de plusieurs mois. J’envoyais rapidement un texto à Jake, pour qu’il ne m’attende pas pour manger et que je rentrerais certainement tard. Je préférais prévoir. « Je vais boire un verre avec les collègues pour fêter le livre. Ne m’attends pas. Je t’aime. » Simple, mais efficace. Jake avait l’habitude. J’étais souvent ailleurs le soir, faisant la fête, tandis qu’il restait à la maison avec Jimy car il travaillait tôt le lendemain. Il savait que j’étais une femme qui avait besoin de bouger, de voir du monde, de faire la fête jusqu’à pas d’heure. Comme si j’avais encore dix-huit ans. Dix-huit à ma montre, toute la troupe se dirigeait vers le bar le plus proche.

Deux assiettes de tapas et cinq verres plus tard, nous étions toujours dans une forme olympique. La quasi-totalité de l’équipe était déjà partie retrouver sa famille et dormir. Nous n’étions plus que trois. Michael, le responsable d’édition ; Alicia, la lectrice-correctrice ; et moi, l’illustratrice. Nous étions déchaînés sur la mini piste de danse, nouveau verre à la main en en faisant tomber la moitié à côté à chaque geste. Je n’avais même plus la tête assez claire pour penser à la femme de ménage le lendemain qui nettoierait le sol tout collant. Et nous avons continué ainsi pendant deux heures de plus, accumulant les verres, et les notes aussi. La fin de soirée fut tout aussi folle. Nous étions sortis du bar et nous étions lancé dans un jeu absurde d’action-vérité, comme des gosses. L’alcool fait rajeunir, a priori. « Action. » hurlais-je de folie, pensant être vraiment trop une déglingo en demandant une action. « Montre tes seins au type de l’autre côté de la route ! » demandait Alicia, tout aussi irresponsable que moi à l’heure qu’il était. Je vous rassure, Alicia et Michael étaient de très bons amis, en plus d’être des bons collègues, sinon ça aurait été assez bizarre directement de franchir la frontière travail/perso comme cela. « Trop faciiiiile ! » rigolais-je en commençant déjà à traverser la route. Si j’avais regardé à droite et à gauche avant de traverser ? Absolument pas. Et en plus, je titubais. Nous étions vraiment sur un moment de responsabilité intense. Si Jake avait été là, rien de tout cela ne se serait passé. Lui, il canalisait la folie sans être anti-fun pour autant. Il gérait tout ça. Je me retrouvais enfin devant le gars et soulevais directement mon t-shirt en rigolant comme une bécasse. Je n’avais aucune honte, ni pudeur. Pour moi, c’était que des seins, pas de quoi faire un esclandre. Free the nipples ! « Madame, nous allons vous amener au poste.[/color][/b] » entendais-je avant que je percute vraiment ce qu’il se passait. Pas de chance, c’était un flic. J’avais un voile devant les yeux, qui m’empêchait de voir net. Pourtant, l’uniforme aurait dû m’aiguiller. Quelle sotte. J’étais vraiment trop saoule. Et probablement mes deux compères aussi. Je jetais un œil dans leur direction… Mes deux compères qui avaient fui pour ne pas être dans la même merde que moi ! Bandes de lâches. Ils auront un coup de fil de ma part demain, eux. « Rhoooo, c’était un jeuuuu, vous n’êtes pas drôle ! » avouais-je comme s’ils en avaient quelque chose à faire.


J’avais finalement atterri au poste, en cellule de dégrisement. J’avais pu passer mon coup de téléphone, avant de sombrer sur le banc très inconfortable en priant pour ne pas vomir. Un instant plus tard, j’étais avec Olivia. Bordel, j’avais complètement zappé ce qu’il venait de se passer ces vingt dernières minutes. Demain, ça allait être compliqué, je le sentais. « Franchement ? Encore une fois June, t’es sérieuse ? » désespérait-elle. Je le sentais, elle était remontée. Mais à l’instant même, j’en avais profondément rien à faire. « Ça vaaaaa, on dit jamais deux sans trois ! » me défendais-je (si on peut appeler ça se défendre). Et quand je disais jamais deux sans trois, c’était vraiment le nombre d’appel qu’Olivia avait eu de la police ce mois-ci. Nous n’étions que le 16 août. Le mois n’était pas fini. « Je pensais que j’avais appelé Jake. » ajoutais-je en baragouinant. C’était faux. J’appelais toujours Olivia. Automatisme. Je ne voulais jamais réveiller ou embêter Jake, d’autant plus que ça l’aurait mis dans l’embarras, en ajoutant de sacrées contraintes avec Jimy qui n’avait que cinq ans. Il ne pouvait pas réveiller la voisine pour lui demander de garder Jimy juste le temps qu’il vienne me chercher, c’était une vieille conne. Alors qu’Olivia, je me permettais de l’embêter chaque jour de l’année. C’était ça le rôle d’une sœur, non ? « Et puis CE N’EST PAS MA FAUTE, s'ils ne sont pas drôles... » finissais-je par déclarer, comme si j’étais totalement une victime dans cette histoire.