[flashback]déco-ratage |Zayn

Zayn Clarke, détective privé. J’avais finalement reçu mes cartes d’affaire. Et à la regarder, c’était là que ça commençait à devenir vrai. Je ne savais pas comment réagir. Tout s’était passé si rapidement ces dernières semaines. J’avais du mal à composer avec tout ça. La sobriété, le nouveau métier, le fait de travailler à domicile. Travailler à domicile, passer du temps dans cet appartement dans lequel je me retrouvais que pour dormir. Cet appartement qui n’avait aucun goût, presqu’aucune fourniture, qui était ridicule. Sophia le savait, et elle m’avait recommandé de prendre un décorateur d’intérieur pour m’aider à faire quelque chose de potable. Pour me sentir mieux, pour me sentir plus… Chez moi. Je ne savais pas ce que ç’allait donner, mais j’avais décidé de me montrer ouvert à l’occasion. De toute façon, je ne savais tellement pas ce qui se passait avec moi ces temps-ci, je me disais que ma meilleure amie savait ce qui était bien pour moi. Évidemment, les clients ne surgissaient pas au hasard, je ne recevais personne aujourd’hui. C’était mieux comme ça. Enfin, il y avait la personne embauchée qui allait venir, mais c’était tout. Attendant sa venue, j’avais tenté de… faire de l’ordre dans.. Ce qui n’était pas grand chose. Le nécessaire pour vivre et voilà. Finalement, peut-être que Sophia avait raison. Mon appartement avait quelque chose de pathétique. Tournant en rond au salon - ou ce qui était la pièce qui devait être le salon, mais il n’y avait qu’un téléviseur et… un vieux fauteuil défoncé - j’entendis finalement frapper à la porte. Et je me surpris à être nerveux. En d’autres circonstances j’aurais pris un verre, fumé un joint avant qu’elle arrive mais… Je ne pouvais pas, je ne pouvais plus me rabaisser à ça. Je devais donc composer avec mes nerfs et tout ce que ça impliquait. J’allai ouvrir la porte, offrit un sourire timide à la personne qui se trouvait devant moi. Je ne connaissais que le nom, rien de plus.  « Madame Wordsworth ? » Autant confirmer que c’était bien elle, avant d’ajouter un :  « Bonjour, merci d’être venue. » Je devais faire quoi de plus ? Je ne savais pas. C’était la première fois que je laissais quelqu’un entrer chez moi pour… juger mon appartement, et être payée à le faire. Sophia, elle le faisait gratuitement, et ça ne me dérangeait pas. J’avais encore bien à apprendre sur tout ça, et le fait d’être dans le néant me rendait anxieux. Mais ça, c’était devenu normal, tout me rendait anxieux dernièrement.

Le femme qui se trouvait devant moi semblait très… enthousiaste par rapport à son métier. Pour moi, c’était perturbant. D’habitude, j’étais capable d’être charmeur et agréable - pour ne pas dire adorable - mais là je me sentais si vulnérable de l’accueillir dans ma demeure alors que je ne la connaissais pas que je ne savais pas tant comment réagir. Par conséquent, quand elle me demanda si je pouvais entrer, je ne sus faire mieux que de me décaler de la porte, lui indiquer d’un signe de la main qu’elle pouvait entrer comme bon lui semblait. Chose faite, je refermai la porte, prenant mon temps pour le faire, sans trop savoir si c’était un geste volontaire de ma part pour essayer de fuir cette situation dans laquelle je m’étais embarqué ou si c’était intentionnel, parce que je me sentais un peu trop pris au piège. Mais obligé d’affronter la réalité, je me retournai de nouveau, pour la voir commencer à prendre des notes. Déjà. Et déjà, elle passa un premier commentaire, commentaire qui semblait l’amuser mais qui, moi, m’arrachait un sourire nerveux. Je le savais très bien que mon appartement était pathétique, mais avant, j’y passais que trop peu de temps. Je terminais mon service, j’y revenais pour dormir et c’était pas mal tout. Maintenant, c’était différent. Ce logement allait devenir mon lieu de travail, et je devais composer avec. Évidemment que je pourrais tenter de prendre plus grand, mais la vérité était que je ne voulais pas. En fait, je ne pouvais pas. Je lançais ma propre affaire, je n’avais pas les moyens de dépenser sur un appartement plus grand avec un loyer plus difficile à payer, bien loin de là. Je ne passai pas de commentaire sur le fait qu’on pouvait faire mieux. Je le savais très bien. Un gamin de huit ans que je pourrais laisser dessiner sur les murs saurait faire mieux. Mais je n’en avais rien à faire, alors pourquoi je m’y serais attardé ? Il n’y avait aucun raison à mon sens, d’autant plus que pour ça, je n’avais aucun talent, aucune expérience. Mais pour mon bien - et pour que Sophia ne me frappe pas si elle savait que j’avais reculé sur l’initiative - je ne dis rien attendant que Tamara me pose une question, à laquelle je pourrais répondre autre que par un signe de profonde humiliation. Mes attentes ? Je ne savais pas du tout. Que ça devienne un environnement potable ? Ce serait un bon début à mon avis.  « Et bien… Je vais travailler de mon domicile, donc ce serait bien qu’il y ait un… Lieu de travail. » Pour ça, j’avais opté pour une pièce à l’arrière, bien éclairée mais qui, en ce moment, ne comportait qu’une table et une chaise empruntés. Rien pour organiser quoi que ce soit. Me disant que ça pourrait être pertinent, je marchai en direction de la dite pièce, et je dis:  « Ce serait ici… » Et voilà. Je la laissais faire les constations qu’elle voulait à partir de là.  « Pour le reste, je n’ai pas vraiment de préférence. » En fait, la vérité était que je m’en moquais bien, mais je n’allais pas le dire comme ça. Ce serait bien idiot de ma part de prendre le risque de l’offenser dans les… cinq premières minutes. Juste ça ? Ce rendez-vous allait être bien long pour moi… Elle, elle semblait à son aise, mais moi, je ne l’étais pas, mais pas du tout.

Alors que certaines gens disaient fièrement le métier qui pratiquaient dans les premières minutes où ils rencontraient une personne, moi, ça n’avait jamais été mon genre. Pour ça, j’étais plutôt discret, surtout que dans certaines situations, je me devais de rester discret, parce que je ne voulais pas me faire démasquer. Maintenant, c’était différent. Si je voulais faire un nom pour moi-même, il fallait bien que j’en parle, et dans le cas présent, c’était même une nécessité. À la question de la dame alors, je répondis:  « Détective privé. » Il me fallut faire un effort surhumain pour ne pas grimacer de surprise. Pas parce que je mentais, mais parce que ça n’avait pas l’habitude de sortir de ma bouche, pas encore. C’était une des rares fois que je me présentais ainsi depuis que j’avais démissionné du commissariat, et la première fois que je me présentais ainsi à une inconnue, compte tenu que la seule personne à qui j’en avais parlé, c’était Sophia. Toutefois, si je n’avais pas grimacé, la nouveauté se trahit encore une fois lorsque ma réponse à la nouvelle question de Tamara se fit… Peu convaincante. Enfin, à mon avis, le fait de lui dire:  « Donc je suppose que oui… Je vais peut-être devoir recevoir des gens… » En vérité je me voyais plutôt faire les entretiens nécessaires dans des lieux publics, mais si c’était confidentiel et ça devait rester discret… Il était vrai que ce n’était pas nécessairement approprié. Ça ne voulait pas dire que l’idée me plaisait vraiment, mais j’allais faire avec. Pour tout dire, en ce moment, j’étais plus paumé qu’autre chose. Je n’avais aucune stratégie, je n’avais rien planifié. Je savais ce que j’allais faire et voilà tout. Quand on savait ce qui s’était passé avant, c’était énorme, mais comme ça, devant une inconnue, c’était un peu ridicule. Du coup, je ne me vis pas lui dire que j’avais choisi la pièce parce que c’était la seule disponible. Je souris seulement en coin me disant que si ça lui convenait, alors c’était tant mieux. J’aurais aimé ne pas devoir à trop intervenir, comme si je pensais que ça se ferait tout seul, mais non. Je me fis soudainement bombarder par une tonne de questions qui, soudainement, me firent sentir un peu inconfortable. Pas parce que c’était trop personnel, mais parce que je me sentais complètement incompétent. Je restai silencieux, tentant de trouver quoi dire, en vain. Fermant les yeux, je les rouvris quand elle me demanda si elle était chiante. Malaise. C’était la dernière chose que je voulais. Secouant la tête, je dis, gêné:  « Non. Vous faites seulement votre boulot et c’est très bien. » Ce n’était tellement pas mon genre d’être timide, mais j’avais toujours l’alcool pour m’aider à décompresser dans une situation de stress. Plus maintenant. Inspirant, je dis:  « C’est juste que… Je n’ai pas tant de préférence. Je ne m’y connais pas et je ne passe presque jamais de temps ici… » Et ça se voyait, au vu du minimum de meubles qui se trouvait là… Essayant de contrer ma nullité encore une fois, je dis:  « Si vous trouvez que le logement a du potentiel… Je vous laisse carte blanche. Tant que je ne me retrouve pas avec des tapisseries et portraits horribles partout… » J’essayais tant bien que mal de revenir à mon naturel - que malheureusement, je ne connaissais plus vraiment au vu des derniers évènements - en faisant une blague, même si bon, c’était un minimum sérieux. Et comme si j’étais déterminé à lui montrer ma bonne volonté, je lui fis signe de la main, signifiant qu’elle pouvait prendre toutes les photos qu’elle voulait pour faire son travail convenablement.