Lorelei & Zayn + Should I know you ?

Je n’avais pas pour habitude de m’incruster dans le quotidien dans mes clients. Enfin, pas plus qu’ils me demandaient de le faire. Je n’étais pas du genre à les contacter pour des informations moins pertinentes, sans lesquelles je pouvais très bien me débrouiller. Mais là, dans le cas présent, ce n’était juste pas possible. Il manquait trop de choses, je ne pouvais pas avancer et je savais pertinemment que j’étais loin d’en avoir fini avec ce projet, il était hors de question pour moi de donner à ce client quelque chose d’à moitié vide, qui n’allait pas répondre à ses attentes et qui pourrait lui donner une excuse pour ne pas me payer selon le tarif que j’exigeais. J’avais songé à l’appeler. Mais je ne pouvais pas le faire, considérant le fait que mon explication venait avec un visuel, visuel que je me voyais très mal expliquer sans lui montrer. Faire des descriptifs, c’était dans mes habitudes, mais dans le cas présent, j’avais le sentiment que ç’allait mal tourner et c’était la dernière chose que je voulais. Il me restait alors qu’une option; tenter de me rendre chez lui pour lui en parler. J’avais cherché son adresse dans les informations laissées au début de ce contrat, et après m’être parlé pendant un temps pour me convaincre que c’était une bonne idée - même si au fond de moi, je me disais toujours que ce ne l’était pas - je pris mes clés, le dossier que j’avais commencé à préparer - après avoir sélectionné ce que je voulais lui montrer à ce stade, évidemment - et je pris la route, direction la demeure. Lorsque j’arrivai, je restai un moment dans mon véhicule, terminant de me convaincre que j’allais le faire et si je n’avais pas de réponse, alors, tant pis. Marchant lentement - mais refusant de changer de direction, j’étais trop orgueilleux pour ça, même si personne ne m’avait vu - et je frappai à la porte, attendant de voir si j’allais obtenir une réponse.

Déjà que je n’étais pas confortable à l’idée de me rendre chez un client à l’improviste, assez jeune qui plus est, je réalisai que le peu de chance que j’espérais avoir de tomber directement sur sa personne à l’ouverture de la porte, je n’allais pas l’avoir aujourd’hui. À la place, ce fut une femme, peut-être un peu plus jeune que moi, mais pas assez pour ne pas être la mère de mon jeune client, qui ouvrit la porte, me demandant, d’un ton sympathique, souriant pourquoi j’étais là. Et moi, comme un idiot, je sus seulement lui faire un sourire nerveux. Vous savez, ce sourire qui n’en est pas vraiment un, mais qui me donnait cet air complètement ridicule ? C’était celui-là. Et le pire, c’était que je ne savais pas quoi répondre, comment aborder le sujet. Ça se devait d’être simple pourtant, non ? Je venais voir quelqu’un, je voulais lui parler, voilà tout. Mais non, il n’y avait rien de simple à mon métier, et je n’avais fait que rendre les choses encore plus complexes avec cette situation. Pourquoi n’avais-je juste pas prévenu, tout simplement ? Parce qu’il fallait croire que malgré le fait que j’étais sobre et en pleine possession de mes moyens, j’avais encore des épisodes où je pouvais être un parfait idiot. Inspirant en essayant de reprendre contenance, je me râclai la gorge, puis je demandai:  « Hum… Erwann est là ? » C’était le plus simple à demander, après tout, j’étais là pour le voir lui et personne d’autre. Mais quel type de quarante-deux ans était susceptible de demander à voir un gamin si jeune ? Certainement pas une personne avec de bonnes intentions aux premiers abords. Puis, j’eus soudainement une pensée; et si en fait, la dame devant moi était au courant ? Je ne pouvais pas faire comme si c’était le cas, le prendre pour acquis. Passant tout près de faire une autre bêtise, je me rabaissai à faire ce que je faisais de mieux, après mon métier - même si j’avais la preuve flagrante que finalement, je n’étais pas parfait, même dans ce que je pensais être le plus facile pour moi - c’est-à-dire que je me calmai un peu plus, prit un air un peu plus charmeur, et après avoir regardé la dame de bas en haut, je dis:  « Je suppose que vous êtes…. sa soeur ? » Propos le plus nul qui soit, mais je me disais que peut-être, au moins, ça pourrait détendre l’atmosphère. Ou me valoir une gifle ? Dans tous les cas, j’étais clairement mal parti.

Évidemment que je me faisais juger. Je le sentais dans le regard, dans la manière de la femme qui se trouvait devant moi. Je m’y en attendais, mais il n’en demeurait pas moins que ce n’était pas du tout agréable, de sentir ce regard qui serait capable de me brûler vif sur place s’il avait pu lancer des flammes. Un Zayn cramé pour emporter, voici ce que je serai devenu. Mais je finis par me rattraper, lui dire pourquoi j’étais là, sans toutefois détendre l’atmosphère, ça, je l’avais bien compris. Après, elle me demanda qui j’étais. Si seulement j’avais pu lui dire que j’étais bel et bien un enseignant ou un parent d’élève… Ç’aurait été pas mal plus simple pour parler au jeune homme. Mais parent d’élève ? Non, c’était impossible. Je n’avais pas la tête pour ça, mon enfant imaginaire serait bien capable de s’appeler Donut… N’importe quoi. Un enseignant ? Je pensais que c’était impossible aussi, mais plus l’idée germait dans ma tête plus… Ce serait facile. Pris au dépourvu puisque la femme me relançait et je sentais clairement qu’elle s’impatientait, je lâchai un:  « Oui… » en sachant très bien que ma réponse était incomplète. Me ressaisissant pleinement, j’ajoutai:  « Je suis son enseignant de… Mathématiques. » Pourquoi ? Parce que… Il n’y avait aucune raison valable à mon choix, c’était ridicule. Ce n’était pas comme si moi, j’avais aimé les mathématiques au lycée. En fait, je n’avais rien aimé du lycée, mais ça, c’était une histoire qui ne regardait que moi. Là, il fallait que je continue dans mon mensonge, la couverture la plus nulle que je n’avais jamais utilisé dans ma carrière. J’ajoutai:  « Je voulais le voir parce qu’il a oublié de me remettre… Un… » Comment ces trucs que je ne faisais jamais s’appelaient déjà ?  « Devoir ! Un devoir… de mathématiques. » Mais pourquoi un enseignant viendrait jusqu’à sa demeure pour ça ? Excuse pourrie, vraiment.   « J’étais dans le coin alors… » Non, ce n’était pas logique. M’impatientant contre ma propre personne, je soupirai, et je demandai:  « Je peux lui parler une minute ? Ce ne sera pas bien long. » C’était un peu ma tentative désespérée de mettre fin à cette conversation plus que gênante, mais je ne savais pas si ç’allait marcher. J’avais beaucoup, beaucoup trop de regrets à cet instant. Il fallait bien un premier échec à tout le monde non ? Je n’étais juste pas prêt à ce que ce soit maintenant pour des erreurs vraiment ridicules.