[Crowell & Moring LLP] Forced head-to-head || Connor

Jour de match pour l’équipe de baseball du cabinet ! Même si tu n’es pas une grande amatrice de baseball tu aimes aller soutenir l’équipe. Et puis c’est un bon moment à passer entre collègues dans un cadre un peu moins formel que celui du cabinet. Aujourd’hui l’équipe affronte celle d’un gros cabinet concurrent, la victoire n’en sera donc que plus savoureuse. Petite nouveauté, l’équipe accueille Connor, le nouvel arrivant. Bien entendu ils se sont déjà entraînés tous ensemble mais c’est donc son tout premier match. Tu espères juste que l’équipe ne va pas perdre à cause de l’arrivée de cet élément perturbateur ce petit nouveau. Le match commence et tout se passe bien pour le moment. Arrive le tour de Connor. Tout le monde est attentif pour voir s’il sera à la hauteur du restant de l’équipe. Quand il marque son point, tout le monde est content mais tu remarques rapidement qu’une de tes collègues exprime sa joie de manière bien plus excessive que les autres. Tu rêves ou… *Sérieusement ?!* Ta collègue serait-elle entrain d’en baver pour le petit nouveau ? Tu secoues la tête à cette idée qui te semble pathétique. Tu décides finalement de te reconcentrer sur le match, mais inconsciemment tu gardes un œil sur elle durant le temps restant imparti. Finalement le coup de sifflet de fin de match résonne et c’est dans une immense joie que tous tes collègues dans les gradins et toi-même vous levez pour fêter la victoire. Tout le monde commence à descendre sur le terrain pour aller encenser l’équipe. A ce moment tu t’aperçois que la fameuse collègue que tu avais gardé à l’œil sans t’en rendre compte fonce droit vers Connor pour le prendre dans ses bras et le féliciter. Tu laisses échapper un rire nerveux devant cette scène avant de descendre à ton tour sur le terrain rejoindre l’équipe et féliciter tout le monde. Le chef du cabinet déclare qu’une fois l’équipe changeait la fête continuera dans la cafétaria du bureau et donc qu’il donne rendez-vous à tout le monde là-bas dans un petit quart d’heure. Cela ne t’arrange pas vraiment, tu avais prévu d’aller faire une course après la fin du match. Tu t’excuses donc en prévenant que les rejoindrait après avoir fait ce que tu avais prévu et tu t’éclipses.

Ta course effectuée tu peux enfin prendre le chemin du bureau. Mais les transports en commun ne semblent pas d’accord avec toi. La ville est entièrement embouteillée à cette heure-ci et tu mets bien plus de temps que prévu pour arriver à destination. Tu finis même par t’arrêter un arrêt plus tôt pour finir le chemin à pied. Non pas que cela soit grave que tu arrives avec du retard à la célébration mais tu aimerais éviter de louper toute la fête quand même. Enfin tu arrives au pied du grand building où se situe le cabinet, tu entres et fonces droit vers les ascenseurs. Alors que les portes étaient entrain de se fermer, une main passe pour les arrêter et les faire se rouvrir. Tu souffles, un peu déçue de devoir attendre encore un peu après la course folle que tu as dû déjà faire pour revenir ici. Quand tu relèves les yeux, tu vois à ta grande surprise Connor entrer dans l’ascenseur. *Sérieusement ? Mais qu’est-ce qu’il fait là lui ?* Tu pensais sincèrement qu’il serait déjà là-haut avec tout le restant de l’équipe à fêter sa victoire. Tu lèves les yeux au ciel avant de t’appuyer contre une des parois de la cabine et de croiser les bras pour bien signaler que tu n’es pas enclin à discuter. Tu n’étais pas franchement pas ravie de l’avoir vu débarquer dans ton cabinet il y a quelques mois, alors que tu pensais ne jamais le revoir. Et depuis tu le lui faisais bien ressentir. L’ascenseur se met en marche et alors que vous êtes arrivés à mi-chemin, la cabine s’arrête brutalement et les lumières s’éteignent. Un léger éclairage de secours prend le relai assez rapidement mais la cabine ne bouge plus. La surprise passée, tu t’acharnes bêtement sur le bouton de l’étage où vous deviez vous rendre en espérant voir l’ascenseur reprendre son chemin, mais c’est peine perdu. Il faut te rendre à l’évidence, il y a une panne. Plus précisément une panne d’électricité, très vite confirmée par le bruit lointain d’un onduleur qui se met à sonner. « Putain ». Tu ne peux t’empêcher de lâcher un juron. Te voilà coincer alors le seul mec avec qui tu aurais aimer ne pas rester coincer. Tu toises rapidement du regard Connor, avant de regarder partout autour de toi s’il n’y a pas une solution de secours. Rien ! Le temps va être long…

Cela fait maintenant près de trois mois que tu as intégré les rangs du cabinet Crowell & Moring LLP. Les journées sont chargées, les affaires intéressantes et tu as souvent l’occasion de démontrer que tu sais ce que tu fais là et que tu n’as pas l’intention de partir à la première secousse. Mais la compétition reste rude entre avocats, particulièrement dans la jungle des non-associés. Tu essayes chaque jour d’obtenir les meilleurs clients, les meilleures affaires mais parfois tu échoue et tu dois laisser l’un de tes collègues l’emporter. Cela ne te gêne pas trop car tu es finalement bien occupé mais tu dois bien avouer que lorsqu’une certaine brune gagne les affaires, tu fais la grimace. De toutes les personnes que tu pensais croiser lors de ta carrière d’avocat, Abigail était bien la dernière. Dans tes souvenirs, elle était bonne à l’école mais tu ne pensais pas qu’elle aurait l’audace de se lancer dans sept ans d’études avec un examen comme le barreau au bout. Pas qu’elle n’en soit pas capable mais financièrement, les choix qu’elle avait fait te semblait improbables. Tu te souvenais parfaitement de sa situation au lycée et d’après ta sœur, la chose n’avait pas été plus simple lorsqu’elle était entrée à la fac. Mais de toute évidence, la jolie jeune femme avait réussi à soulever des montagnes et à arriver à ses fins. Impressionné, tu n’en étais pas moins dégouté lorsqu’elle recevait les bonnes affaires et que tu étais laissé pour compte avec des affaires de commis d’office comme tu n’en étais pas moins fier lorsque c’était toi qui devais aller au tribunal et qu’elle se contentait de signer des accords de confidentialité à la noix.

Mais aujourd’hui n’était pas un jour de compétition ou de dispute, enfin si mais pas entre toi et Abigail. Aujourd’hui, c’était une compétition entre votre cabinet et le cabinet voisin. Plus important en termes de client et de chiffre d’affaire, tu avais bien compris que la victoire à ce match amical de baseball avait une valeur très symbolique aux yeux de toute la boite. Tu étais le petit nouveau qu’on avait recruté à l’arrache quelques jours avant le match, tu n’avais donc pas le droit à l’erreur. Heureusement pour toi, le baseball tu connaissais et c’est sans trop de difficulté que tu assuras ton rôle de batteur et de receveur. Le match ne dura que deux manches que ton équipe gagna allégrement. La victoire avait bon goût et ce n’est pas cette collègue qui se jetait dans tes bras alors que la sueur transpirait sur ton visage qui allait dire le contraire. Arborant un sourire quelque peu gêné, tu mis le compte de sa réaction excessive sur le coup de la joie de la victoire et supposa qu’elle aurait fait ce câlin à n’importe quel membre de l’équipe si elle l’avait croisé avant toi. L’associé principal, maitre Crowell, prie ensuite la parole pour annoncer à tout le monde que la fête de la victoire se déroulerait dans la cafétéria, après que vous vous soyez changés. Un sourire de ta collègue plus tard, tu filais aux vestiaires avec mes camarades de baseball. La joie se lisait sur le visage de chacun et la plupart semblait plus motivés par la fête qui s’annonçait que par le match lui-même quelques heures plus tôt. Filant à la douche et enfilant un pantalon de costard ainsi qu’une chemise propre, tu sortis bon dernier du vestiaire, le téléphone à l’oreille. Ta sœur t’avait appelé cinq fois durant le match et tu voulais savoir si c’était urgent. La conversation ne t’apprit pas grand-chose mais la jeune Bennett avait besoin de parler et comme à son habitude, elle s’était tournée vers toi. Tu ne refusais jamais d’aider tes sœurs, surtout les deux plus jeunes que tu avais pratiquement élevé et aujourd’hui ne fit pas exception à la règle. Tu fis signe à tes collègues de partir sans toi, ces derniers pensaient probablement que tu étais au téléphone avec une conquête puisqu’ils te firent des grimaces évocatrices. Levant les yeux au ciel, tu déclenchas l’hilarité générale avant le grand départ pour la fête.

La conversation s’éternisa et vous en vinrent à parler de ta mère, qui semblait reprendre des couleurs et le sourire ces derniers temps. Tu soupçonnais qu’un homme était derrière ce changement mais tu n’en dis rien à ta sœur, ne voulant pas brusquer ni ta génitrice ni ta petite sœur dans la découverte ou la révélation de cette nouvelle relation. Ne voyant pas l’heure tourner, tu raccrochas au bout d’une bonne demi-heure de discussion. Soupirant devant ton retard, tu te rendis dans l’immeuble du cabinet. Tout le monde était probablement déjà en train de faire la fête et probablement un peu pompette au vu de la journée passée. Piquant un sprint pour ne pas louper l’ascenseur qui se refermait, tu te faufilas de justesse avant que les portes ne se referment. Et c’est là que tu vis une personne que tu aurais préféré éviter ce soir, Abigail. Tu lui adressas néanmoins un signe de tête poli sans lui adresser le moindre mot. La cabine commença sa montée dans un silence digne d’un mauvais film d’horreur. Puis soudain, tout s’arrêta. Ta collègue s’acharna sur le bouton, sans franc succès. Il fallait se rendre à l’évidence, vous étiez coincés et en très mauvaise compagnie qui plus est… Le gros mot sortit par la jeune femme te fit sourire en coin. Classe… Tu t’approchas des boutons et tenta de trouver un bouton d’appel d’urgence que tu finis par enclencher. Une sonnerie se fit entendre puis plus rien. Allo ? Allo ? Nous sommes bloqués dans l’ascenseur, est-ce que quelqu’un nous entend ? Tu te sentais plutôt ridicule à parler ainsi mais ton ridicule ne fit qu’augmenter quand la seule chose que tu obtenu en retour fu un grésillement et un bruit de déconnexion. Si quelqu’un t’avait entendu, toi tu ne l’avais pas entendu, tu n’étais donc pas du tout certain qu’on viendrait vous sauver de sitôt… Résigné, tu t’assis dans un coin de l’ascenseur, loin de la jeune femme de préférence. La situation était gênante au possible et tu espérais sincèrement que cela ne durerait pas trop longtemps, surtout que la conversation avec ta sœur avait vidé la batterie de ton téléphone et que tu ne pouvais pas appeler les pompiers ou qui que ce soit pour vous sortir de là. Est-ce que ton téléphone fonctionne ?

Bloquée dans les bouchons, tu te maudis d’avoir prévu une course juste après le match alors que tu aurais pu te douter que si l’équipe gagnait, vous alliez fêter ça. Alors que tu n’es plus qu’à un arrêt de ta destination, tu jauges rapidement la circulation et décide finalement de descendre là et de finir le chemin à pied bien que tu sois en talons. Il ne te reste pas tant de distance que cela à parcourir, cela devrait aller. Quand tu t’engouffres enfin dans l’immeuble où se trouve le cabinet tu es soulagée. Tu n’as pas manqué de jeter un coup d’œil derrière toi avant d’entrer pour t’apercevoir que tu ne voyais même pas l’ombre du bus où tu te trouvais quelques minutes plutôt. Ton choix était le bon. Tu prends donc la direction de l’ascenseur, bien décidée à enfin profiter de la fête. Cet imprévu t’a fait perdre une bonne demi-heure et tu te doutes que l’ambiance doit être à son comble déjà là-haut. Alors que les portes se referment, tu soupires quand tu vois quelqu’un les retenir pour prendre l’ascenseur avec toi. Tout est décidément fait pour tu ne puisses pas arriver à cette fête ! Quand tu relèves les yeux tu es surprise de constater que la fameuse personne qui a retenu les portes n’est d’autre que Connor. Pitié ! Cela n’aurait pas pu être quelqu’un ? Et puis comment cela se fait-il qu’il ne soit pas encore à la fête ? Tu pensais bien être bonne dernière avec tout ce retard que tu avais. Levant les yeux au ciel, tu t’appuie contre l’une des parois de la cabine et croise les bras. Vous ne vous adressez pas la parole d’habitude alors tu ne vois pas pourquoi cela devrait changer. Et puis l’ascenseur est déjà en chemin vers les étages, alors ce silence de mort ne devrait pas durer trop longtemps. Enfin c’est ce que tu pensais jusqu’à ce que la cabine s’arrête brusquement et que l’éclairage normale soit remplacé par un éclairage de secours. Avant de te rendre à l’évidence que vous êtes victimes d’une panne d’électricité, tu t’acharnes bêtement sur le bouton de l’étage où vous étiez censés vous rendre comme si cela pouvait changer quelque chose. Tu finis par lâcher un juron auquel Connor répond ironiquement avec un sourire en coin. Tu le toises du regard. « Je me passerais de tes remarques. » réponds-tu d’un ton froid, avant de regarder tout autour de toi s’il n’y a pas une solution de secours. Tu le vois finalement s’approcher des boutons et actionner celui qui sert d’appel de secours. Tu ne crois pas à cette solution, la plupart du temps ces boutons ne fonctionnent pas vraiment. Mais pourquoi pas. Tu regarde les boutons comme quelqu’un pouvait apparaître par miracle pour venir à votre secours avant de poser ton regard sur Connor, sourcils levés, lorsqu’il prend la parole. Finalement après un silence, seul des grésillements se font entendre puis un son signalement la fin de la conversation… inexistante. Tu ne peux t’empêcher de laisser échapper un petit rire moqueur. Tu ne croyais absolument pas en cette solution et tu avais raison. Tu ne peux pas lui avoir reproché d’essayer au moins. Tu finis par te retourner et faire quelques pas dans le peu d’espace que vous aviez, pendant que tu entendais Connor s’assoir dans le coin opposé au tien. Il a raison, qu’il garde ses distances. Finalement il prend la parole, te demandant si ton téléphone fonctionne. « C'est peine perdu, on ne capte jamais rien dans l'ascenseur... ». A ton souvenir, le réseau n'a jamais été dans l’ascenseur. Tu finis quand même par sortir ton smartphone de la poche de ton manteau, jetant rapidement un coup d'oeil sur le réseau avant de lui montrer ton écran comme preuve. « Comme tu peux le voir il fonctionne très bien mais on ne capte rien… ». Tu aurais pourtant bien aimé. Tu n'avais pas l'intention à l'origine de sortir ton portable de ta poche mais tu t'attendais à ce qu'il te demande dans le doute. Aucun ne vous deux n’avaient envie de rester enfermer dans cet ascenseur avec l’autre pendant des heures, et pourtant c’était bien partie pour. Tu soupires une nouvelle fois en regardant vers le haut puis tu finis par t’assoir également dans le coin opposé à Connor. Le situation devait être comique vu de l’extérieur. Jambe fléchies, les bras appuyées sur les genoux, tu regardes un petit moment le sol. Le silence pesant de la cabine laisse encore plus entendre le bruit des appareils qui sonnent pour signaler la coupure de courant. Tu vas finir par t’arracher la tête si vous devez rester des heures dans cette situation. Alors finalement, dans un nouveau soupir tu relèves la tête en direction de Connor. Tu hésites quelques secondes, te mordant même la lèvre inférieure, avant de prendre enfin la parole à ton tour. « Tu t’es pas si mal débrouillé pour ton premier match ». Tu n’avais pas trouvé mieux à dire… mais surtout tu n’étais pas capable d’admettre qu’il avait été très bon en réalité et qu’il était peut-être même meilleur que certains membres de l’équipe qui était déjà là depuis quelques années. Tu repensas soudainement à ta collègue qui semblait en pincer pour lui. Tu souris à l’idée que celle-ci devait être bien triste de ne pas voir Connor à la fête et qu’elle serait certainement verte de jalousie de savoir que tu auras été enfermée avec lui pendant tout ce temps dans cet ascenseur. Tu lui aurais volontiers laisser la place mais en attendant ça te faisait un bien meilleur sujet de discussion sur lequel tu allais pouvoir embêter ton cher collègue. « Apparemment tu as déjà tapé dans l’œil d’une de tes collègues monsieur le tombeur. » finis-tu par lancer sur un ton moqueur.

C’était bien ta veine de te retrouver coincé dans cet ascenseur avec Abigail, sans aucune autre issue que cette porte blindée qui refusait de s’ouvrir, probablement coincée entre deux étages. Tu aurais dû être 5 étages plus haut, à savourer le champagne et à te faire féliciter par tes collègues pour une performance sportive que tu jugeais plutôt moyenne. Les avocats du cabinet adverse étaient probablement meilleurs au tribunal que sur le terrain car sinon, ce ne serait pas bien compliqué de faire passer Crowell & Moring devant eux. Mais l’heure n’était pas aux bulles et aux tapes dans le dos, non, c’était plutôt la paroi en métal froid de l’ascenseur que tu sentais à l’arrière de ton crâne. Le mince espoir d’appeler du secours fut rapidement balayé par le manque de service de ta compagne de galère. Et dire que quelques années plus tôt, tu aurais adoré te retrouver seul avec elle dans un ascenseur… Aujourd’hui, tu préférerais nettement être coincé avec Roger, l’agent de sécurité de deux mètres pour cent quatre-vingts kilos. Pas pour le sex-appeal de l’agent, non pour ça, Abigail était loin devant mais au moins Roger ne te lançait pas un regard noir à chaque fois qu’il te voyait ou ne faisait pas en sorte que tu passes pour un abruti aux yeux de ta hiérarchie dès ton deuxième jour. Tu ignorais ce que tu avais pu faire pour mériter tant de mépris et de rancœur de la part de la jeune femme. Mais il faut dire que tu n’avais pas spécialement envie de faire d’effort pour comprendre ce qu’il se passait dans sa tête. Tu n’avais pas envie d’avoir quelqu’un comme Abigail dans ta vie, tu devais déjà la supporter à travers les histoires que racontais ta sœur sur sa meilleure amie pour la vie. Alors ta réaction quand tu l’avais vu pour la première fois à ce bureau, non loin du tien, trois mois auparavant, avait été de tourner les talons et de l’ignorer profondément, d’agir comme s’il s’agissait d’une simple collègue. Et cette décision avait probablement été la meilleure de toute ta vie ! Mais maintenant que tu étais coincé avec elle dans cet ascenseur et qu’elle agitait son téléphone devant tes yeux pour que tu attestes qu’elle n’avait pas de réseau, le destin te sembla bien vicieux. Je me doute que ton plus grand rêve n’est pas de rester coincée ici pendant des heures donc pas la peine de m’agiter ton téléphone sous le nez… S’il y avait eu une opportunité de sortir, tu l’aurais déjà prise…

Les minutes passent, tu hésites à faire une sieste. Après tout, quitte à être coincé ici pendant plusieurs heures, pourquoi ne pas utiliser ces précieuses minutes à bon escient et ainsi pouvoir travailler sur tes affaires plus tard ce soir. Enfin surtout sur ton affaire personnelle, sur celle qui t’a fait devenir avocat, sur celle qui t’empêche de dormir avant trois heures du matin depuis plus de deux semaines, celle de ton père. Il faut dire que cette piste semble sérieuse, ce collègue qui est resté dans l’entreprise pendant des années avant de monter sa propre boite avec des fonds insoupçonnés. A moins que son histoire d’héritage d’une grande tante vivant en Europe soit vraie ce qui expliquerait… Le flux de tes pensées est soudain interrompu par une voix. Levant les yeux vers Abigail, tu es surpris par le compliment. Merci. J’ai joué quelque fois pendant mes études de commerce… Avec tes collègues de boulot qui étaient de grand fan mais la jeune Barnes n’a pas besoin d’avoir autant de détail sur ta vie alors tu t’arrêtes vite dans les confidences. Puis l’avocate reprend la parole ce qui te fais rire un coup. Serais-tu jalouse ? demandes-tu en levant un sourcil vers la jeune femme. Et puis je ne sors pas avec des avocates… Enfin tu ne sors plus serait plus exact mais encore une fois, Abigail n’a pas besoin d’avoir trop de détail, surtout sur Lucinda… Et toi, avec lequel de ces ravissants porteurs de cravate trop serrées es-tu déjà sortie ou sors-tu actuellement ? Tu te moquais assez facilement de tes collègues qui avaient tous plus ou moins le même style : chemise claire, cravate noire, costard noir ou bleu foncé. Quand tu étais arrivé le premier jour, tu avais failli avoir une attaque en croisant un homme en costard gris clair tellement le dress-code semblait normé dans le cabinet.

Poussant ton sac de sport sur le côté, tu étends tes jambes pour les étirer. De longues heures d’attente en perspective, rien de très bon pour les articulations, surtout après un effort physique comme un match de baseball. Soupirant, tu attrapes la bouteille d’eau qui dépasse de ton sac et en bois une longue gorgée. Puis tu te tournes vers la jeune femme en lui tendant la bouteille. Tu en veux ? Malgré la situation, il fallait continuer à s’hydrater. Tout en restant raisonnable si vous ne vouliez pas vous retrouver à avoir envie d’uriner dans dix minutes…

Pourquoi il avait fallu que tu prévoies cette foutue course après le match ? Pourquoi ne l’as-tu pas reporté à plus tard ? Le destin était-il si cruel ? Comme si cela ne t’avait pas suivi de voir Connor débarqué trois mois plus tôt dans le cabinet où tu travaillais alors que Washington D.C en compte un nombre impressionnant, il fallait maintenant que tu te retrouves coincer dans cet ascenseur en sa compagnie pour une durée indéterminée. Tu ne savais même pas toi-même pourquoi le voir redébarquer ta vie, même en tant que simple collègue, t’exaspérait autant… Était-ce parce que vous vous étiez silencieusement promis de ne jamais vous revoir après la nuit passée ensemble au lycée ? Et que tu considérais qu’en débarquant au cabinet il avait rompu cette promesse jamais faites ? Ou était-ce en lien avec ton agression il y a quelques années auparavant qui t’avait fait perdre totalement confiance aux hommes ? Tu ne savais pas très bien. Peut-être un combo des deux ? Tu ne t’étais pas vraiment posé la question mais tu avais agi comme ton cerveau te le dictait, de manière froide et dédaigneuse. Personne ne comprenait parmi tes collègues qui les avaient remarqués, ces regards noirs que tu lançais à Connor les rares fois où vous étiez en contact et les remarques acerbes que tu pouvais lui faire. Connor lui-même ne devait pas le comprendre mais il avait réagi comme attendu, il restait loin de toi et limitait au maximum les contacts malgré votre position de collègues pouvant être amenés à collaborer. Le destin était donc bien mesquin de vous enfermer là, tous les deux dans un espace si réduit pour un temps indéterminé. Le brun n’avait pas tort, s’il y avait eu une seule solution pour sortir de là tu l’aurais saisi sans hésiter. Il n’avait pas apprécié ta démonstration de mauvaise foi quand tu lui avais agité ton smartphone sous le nez pour lui prouver que tu ne captais rien ici. « Ah oui, tu crois ça ? ». Bien que sa remarque soit juste, tu faisais quand même encore une fois preuve de mauvaise foi et avais levé les yeux au ciel avant d’aller t’asseoir à ton tour dans le coin opposé à celui-ci.

Alors qu’un silence de mort était tombé dans la cabine, le bruit lointain des onduleurs signalant la coupure de courant te bousillait déjà la tête. Si tu ne voulais pas finir avec une migraine à t’en fracasser la tête sur les parois, il fallait que tu rompes ce silence pesant. Mais quelle idée t’avait pris d’engager la conversation avec un demi-compliment. Sérieusement ? T’avais pas meilleur sujet de conversation ? Dès qu’il prit la parole pour te remercier et préciser qu’il avait joué quelques fois durant ses études de commerce, tu regrettas aussitôt ton choix. Alors pour ne pas t’enfoncer dans cette conversation sordide à tes yeux, tu changeas aussitôt de sujet en repensant à ta collègue beaucoup trop fan de la performance du brun pour ne pas être suspecte. Par contre tu ne t’attendais pas qu’il retourne aussitôt la conversation en te demandant si tu étais jalouse. Tu serras aussitôt les poings, énervée que ton petit n’est pas fonctionné. Et puis pour qui se prenait-il pour prétendre que tu pourrais être jalouse de ta collègue ? Tu lui jetas un de ces regards noirs qu’ils connaissaient déjà par cœur. « Moi, jalouse ? De quoi ? De qui ? Ce n’est pas parce qu’elle te considère plus que tu ne le mérites que tu dois te croire si irrésistible Connor. ». Ta réponse était cinglante, il t’avait piqué au vif. Par contre sa remarque suivante attira ton attention. Pourquoi avait-il besoin de préciser qu’il ne sortait pas avec des avocates ? « Tu as ton propre code déontologique pour choisir d’ignorer les avocates ? La pauvre, elle va être si déçue quand elle va apprendre qu’elle ne pourra pas t’avoir juste à cause du métier qu’elle fait. ». Tu en profitais clairement pour te payer la tête de ta collègue au passage. Et après on s’étonnait que tu aies passé la plupart de ta vie assez solitaire ? Avec un pareil comportement cela ne devrait pourtant étonner personne. Bien sûr, tu aurais pu t’y attendre, il finit par te demander avec lequel de tes collègues tu étais déjà sortie ou sortais actuellement. Non en fait il n’avait pas parlé de « collègues » mais de « porteurs de cravate trop serrée », ce qui était très juste. Mon dieu que l’apparence des avocats pouvait être vieux jeu… une horreur ! « Je ne suis pas certaine que cela te regarde mais ils pourraient bien tous allaient s’étrangler avec leurs fameuses cravates trop serrées avant que j’accepte de sortir avec l’un d’entre eux. ». Tu n’avais clairement que peu de considération pour tes collègues. Dans le milieu de requins qu’était celui de la justice, il valait mieux faire bande à part. Et cela te convenait très bien comme ça, tu avais déjà vécu une bonne partie de ta vie ainsi de toute façon. « Alors si les avocates c’est non, quel métier te fait fantasmer ? Les petites infirmières qui pourront soigner tes blessures quand tu te seras pris la balle en pleine tête durant un match de baseball ? ». C’était très clichée ce que tu venais de sortir là, mais ça t’amusait car tu étais presque certaine que cela le ferait réagir. « A moins que ce ne soit ces "ravissants" porteurs de cravates qui font chavirer ton cœur dorénavant ? ». Tu avais bien insisté sur le « ravissant » puisque c’était l’adjectif qu’il avait lui-même choisi un peu plus tôt pour désigner vos collègues. « Aurais-tu changé de bord depuis toutes ces années Connor ? ». Tu le toisais pour voir sa réaction. C’était un comble quand même que tu le questionnes sur cela alors que c’était toi qui t’étais tournée vers les femmes depuis ton agression. Mais ça il n’avait pas besoin de le savoir.

Le brun finit par étendre ses jambes et prendre sa bouteille d’eau dans son sac de sport. C’est vrai que tu n’avais même pas pensé à ça… si vous deviez rester coincer ici des heures il valait mieux que vous ayez de l’eau. Après avoir bu il te tendit la bouteille pour t’en proposer. « Non merci, je n’ai pas soif. ». Non non ce n’était pas par orgueil que tu venais de lui répondre ça, tu n’avais vraiment pas soif. Tu ne voyais pas trop l’intérêt d’accepter de boire une gorgée par politesse si vous deviez tenir avec sa seule bouteille le temps que quelqu’un vienne vous sortir d’ici.  

La tête perdue dans des réflexions sur le cas de ton père, tu fus surpris que la jeune avocate pris la parole. Surtout pour te faire un compliment. Il faut dire que vos relations n’étaient pas au beau fixe depuis ton arrivée dans le cabinet quelques mois plus tôt. Tu n’avais pas demandé à l’avoir comme collègue mais le destin semblait obstiné à mettre des bâtons dans les roues de cette enquête qui te tenait tant à cœur. Peut-être était-ce un signe que tu devrais arrêter, tout envoyer balader et laisser ton géniteur reposer en paix ? Non, tu étais convaincu que ton devoir était de rendre justice, pour lui, pour celle qui t’avais mis au monde, pour tes sœurs qui avaient presque tout perdu avec cette affaire et pour toi, qui refusait de voir la mémoire de ton père bafouée ainsi. Alors si le destin voulait s’amuser à placer sur ta route des petits obstacles insignifiants comme quelques heures passées bloqué dans un ascenseur, tu étais prêt à les surmonter et à atteindre ton objectif. Mais Abigail n’était pas du genre à rester plusieurs heures sans un mot, elle n’était pas du genre à laisser le bruit de l’onduleur bercé tes songes pendant les quelques minutes ou les quelques heures que vous passeriez dans cet espace réduit. Non, elle était plutôt du genre à insinuer que ton succès auprès des femmes du cabinet ne s’appliquait pas à elle. Sa répartie était un peu trop cinglante pour quelqu’un qui prétendait n’en avoir que faire des avances de notre collègue envers ta personne. Serait-elle réellement jalouse ? Tu pariais plutôt sur de la frustration mal placée. A moins que ce ne soit pas à cause de toi qu’elle soit jalouse mais de toi et qu’elle ait des vues sur cette collègue depuis longtemps. Je te laisse m’éclairer sur ce point… Car il n’y a absolument pas de quoi être jalouse… A moins que tu n’aie des vues sur la jolie Nancy ? Dans ce cas, elle est toute à toi ! Oui car toi tu ne voulais plus faire entrer une avocate dans ta vie privée, à vrai dire, tu ne voulais plus faire entrer qui que ce soit dans ta bulle personnelle, Lucinda avait tout dévasté et votre rupture était encore trop fraîche, trop récente, trop douloureuse pour être digérée. Tu ne cherchas même pas à répondre à sa pique sur le code déontologique. La jolie brune ignorait tout de ta vie, de ton passé et de tes histoires, hors de question de lui donner ne serait qu’un indice sur les raisons de ton choix…

Tu fus bien plus surpris quand la jeune femme répondit à ta question sur ses conquêtes. Tu ne t’attendais pas spécialement à ce qu’elle accepte de répondre et anticipait plutôt une autre pique sur le fait que tu étais aussi un homme à la cravate trop serrée bien que tu n’en portes pas tous les jours. La réponse de la jeune femme te fit rire un instant. Je m’assurerais de passer le message à Andrew alors… Le pauvre n’avait de toute évidence aucune chance avec elle, mais tu étais presque prêt à le laisser se prendre une veste s’il se décidait à se lancer un jour avec l’avocate. Un rire s’échappa de ta gorge face aux mots de ta compagne d’ascenseur. Ce qui me fait fantasmer ? Retrouver le ripoux qui a fait de ton père un bouc émissaire et a détruit ta famille ? Oui complètement mais tu ne pouvais partager autant d’informations avec elle… Certainement pas les hommes… Disons simplement que pour le moment, je suis bien seul… Bien qu’il faille comprendre que la discussion était close, tu doutais qu’Abigail s’arrête là. Si tu devais lui avouer que tu sortais d’une rupture difficile, tu sentais déjà les moqueries et les vannes pour les dix prochains mois arriver. Il ne fallait rien partager avec ses collègues, surtout ceux qui vous prennent en grippe dès le premier jour parce que vous avez eu le malheur de les connaitre quelques années en amont.

Après avoir rangé ta bouteille dont la jeune Barnes ne voulait pas dans ton sac, tu fermas celui-là et te releva. Tes muscles étaient déjà douloureux pour certains, rester ainsi assis risquait de rendre le réveil du lendemain et du surlendemain semblables à des épreuves olympiques. Fixant un point invisible devant toi, tu plias la jambe droite et l’attrapa avec ta main. T’étirer ferrait aussi passer le temps et cela te permettait de ne pas penser aux sujets qu’Abigail avait involontairement fait remonter à la surface, ton père et Lucinda… Te concentrant à fond sur tes étirements, tu passas à l’autre jambe. Progressivement, ton cerveau se concentra sur tes mouvements. Seule la vision de la jeune femme te rappelait le degré de ta malchance. Résigné à passer quelques heures avec elle dans cette cage, tu te rassis après de longues minutes d’étirement. Vous n’aviez pas échangé un mot et l’atmosphère était plus que pesante alors tu décidas en bon samaritain proche de l’ennui mortel de rompre l’ambiance de morgue. Ça fait longtemps que tu travailles pour ce cabinet ? Sujet simple, sans controverse, tu avais choisi la facilité avec cette question dont la réponse se trouvait sûrement sur son profil LinkedIn…

Pour mettre fin aux bruits incessants des onduleurs qui sonnaient à travers les étages privés d’électricité, tu avais choisi de rompre le silence et de lancer un sujet de conservation… glissant. Attaquer le sujet des conquêtes amoureuses ou plutôt sur l’intérêt non dissimulé d’une de tes collègues pour Connor n’était peut-être pas le plus judicieux. Toi qui avait vu dans ce sujet de conversation un moyen de jouer sur les nerfs de ton cher collègue, tu devais le reconnaître, celui-ci était plutôt doué pour retourner la discussion à son avantage. Et cela avait bien sûr le don de t'irriter. Tu n’aimais pas perdre le contrôle, encore moins de ce que tu avais toi-même initié. Cela avait commencé par son allusion à une possible “jalousie” que tu pouvais ressentir à voir Nancy s’intéressait à lui. Si dans un premier temps tu pensais qu’il parlait pour lui, en réalité maintenant il se permettait de supposer que tu puisses avoir des vues sur celle-ci. Non mais pour qui il se prenait sérieusement ?! Si, certes, cela faisait quelques temps que tu ne fréquentais plus que des femmes, de manière intime tout du moins, oser prétendre que tu puisses avoir un intérêt plus que professionnel pour cette femme t’énervait. Mais si tu te laissais emporter par ton énervement, tu ne gagnerais qu’à attiser encore plus sa curiosité, ce qui n’était absolument pas ton but. Alors cette fois-ci tu pris une grande inspiration avant de lui répondre. “Il va falloir m’expliquer où tu vois de la jalousie dans ma simple remarque. Je n’ai que faire de cette Nancy. Je me demandais juste si ses démonstrations d’attention étaient suffisamment voyantes pour que tu daignes lui faire comprendre que tu n’es pas intéressé ou si on allait devoir subir bien pire dans les semaines à venir.”. Tu levais les yeux au ciel à l’idée de voir cette femme se ridiculisait en pensant qu’elle avait une chance d’attirer, un jour, l’attention de Connor. Est-ce que tu aurais un peu de compassion et irais lui faire part que c’était peine perdue pour elle ? Absolument pas. Tu n’avais que faire de la plupart de tes collègues en réalité. Ok tu t’entendais un peu plus avec certains, mais cela restait très professionnel entre vous. Tu ne voulais pas que tes collègues puissent approcher que ce soit de près ou de loin ta vie privée. “Mais en tout cas je tenais à te féliciter, tu n’es pas avocat pour rien. Beau retournement de conversation.”. Tu fis une moue comme si tu étais impressionnée mais en réalité ta remarque était purement ironique.
Bien sûr, Monsieur prenait le luxe d’ignorer certaines de tes questions. Apparemment tu avais quand même touché juste, il y avait dans ce sujet des éléments sensibles sur lesquels il n’avait pas envie de s'épancher, encore moins avec toi certainement. Pas la peine d'insister, l’attaque frontale était peine perdue avec un avocat. Quand le sujet dériva sur ton possible intérêt pour tes collègues masculins, et qu’il mentionna un certain Andrew tu pris un air interrogateur. A ton souvenir il n’y avait pas d’Andrew dans le cabinet. “Il faudrait encore que Andrew existe…”. En réalité, il était possible qu’il y ait un Andrew dans tes collègues et que tu ne l’avais juste pas retenu. Tu ne faisais pas semblant quand les gens ne t’intéressaient pas, tu étais même capable d’oublier leur existence. Mais c’était bien beau de vouloir concentrer l’attention de tes conquêtes, mais quand était-il de lui ? Tu étais curieuse, tu voulais réussir à lui soutirer des informations. Après tout tu avais lâché des bribes d’informations toi, alors pourquoi pas lui ? Pendant une fraction de seconde tu crues enfin qu’il allait répondre franchement à une de tes questions mais tu fus bien déçu quand il se contenta de dire qu’il n’était pas intéressé par les hommes. Ca tu t’en doutais. Bien qu’il ne soit pas impossible de changer d’orientation sexuelle du genre au lendemain, bizarrement tu n’arrivais pas à imaginer Connor s'intéressait à autre chose qu’à des femmes. Alors que tu pensais avoir clairement perdu au jeu de celui qui arriverait à soutirer des informations à l’autre, il lâcha soudainement ce qui représentait une bombe pour toi. Il était bien seul pour le moment ?! Se rendait-il compte de ce que cela avouait sur sa situation ? Déjà cela signifiait qu’il avait eu une histoire avant d’être de nouveau célibataire actuellement. Bon à la limite, ça, cela n’avait rien de miraculeux. Ce n’est pas parce que toi, tu avais enterré ta vie sentimentale avant même qu’elle ne voit le jour réellement, que c’était le cas de tout le monde. Mais le fait de spécifier être bien seul signalait certainement que sa rupture n’avait rien eu d’agréable. Ok… il n’y a sûrement jamais rien d’agréable à se séparer de quelqu’un qu’on a aimé, qu’on soit l’instigateur de la rupture ou non, mais venant de Connor tu étais certaine qu’il y avait bien plus que cela. Et tu n’allais pas laisser passer l’occasion de t’enfoncer dans cette brèche… à ta manière ! “Oh ! Mais c’est qu’on a un petit coeur brisé ici.”. Bien sûr tu t’attendais à ce qu’il réfute en bloc cette affirmation. “N’essaye pas de nier, on ne dit pas “être bien seul” quand on a pas un antécédent malheureux.”. Pas question de le laisser se défiler cette fois-ci !

Après avoir refusé sa bouteille d’eau, en l’absence de sensation de soif pour le moment, Connor rangea cette dernière dans son sac et se leva. Tu arquas un sourcil avant de retenir un rire en le voyant commencer à faire des étirements. En réalité tu étais bien consciente que se retrouver un espace réduit comme celui-ci juste après un match sportif n’avait rien de bon pour les muscles et qu’il avait totalement raison de faire ça. Mais impossible pour toi de t’empêcher de trouver la situation ridicule quand il s’agissait de Connor. Tu ne savais pas vraiment pourquoi tu avais ce genre de réactions uniquement avec lui. Tu levas les yeux au ciel avant de te concentrer sur autre chose que sa session d’étirements. Quand il se rassit enfin, tu manquas d’échapper un “enfin” que tu avais toutefois pensé très fort. Après ce long moment de silence, c’est finalement lui qui décida de relancer une discussion. Un peu moins audacieux que toi, il te demanda si cela faisait longtemps que tu travaillais dans le cabinet. “Cela fait à peu près 4 ans.”. Tu avais obtenu ton barreau 3 ans en arrière et tu avais passé un an en stage chez eux avant cela. Mais bien sûr, peu avare en détails, tu t’étais bien gardée de préciser cela. “Et toi, tu travaillais pour quel cabinet avant d’arriver ici ?”. Cela promettait d’être une conversation assez ennuyeuse mais après tout il fallait bien trouver quelque chose vu que vous ne saviez pas combien de temps vous alliez rester enfermer ici.

Avais-tu réussi à toucher un point sensible de la jeune Barnes ? Dans tous les cas, l’évocation de sa potentielle jalousie semblait la faire sortir de cet état de calme apparent et de ces piques qu’elle te lançait, sans doute dans le but de te voir sortir de tes gonds. Elle faisait fausse route, ta tête et ton corps bien trop rodés à ces exercices de manipulation mentale de part ton métier et ton expérience familiale. Tu avais quatre sœurs et une mère curieuse, inutile de dire que tu connaissais les entourloupes que la gente féminine utilisait pour obtenir des informations que tu désirais garder secrètes. Tu souris à la jeune femme, plantant ton regard sur elle. Le simple fait que tu es remarqué les attentions de Nancy envers moi prouve que tu n’es pas indifférente, Abi’… Tu savais que tu marquais un point et que ta remarque risquait de l’énerver un peu plus, surtout maintenant que tu l’avais agrémenté de son surnom. En revanche, tu n’arrivais pas à déterminer sur quel point elle n’était pas indifférente. Nancy bien qu’elle criât haut et fort que ce n’était pas le cas ? Toi alors qu’elle te montrait chaque jour qu’elle n’appréciait pas ta présence dans le cabinet où elle bossait ? Ou simplement le fait que ses collègues puissent avoir une vie sociale et sentimentale ? Abigail avait toujours été assez sauvage et sans la relation qui liait Alyssa et elle, il n’y aurait probablement eu jamais re contact entre vous. Enfin tu n’en savais rien, le destin n’étant pas la chose que tu maitrisais le plus. En effet, si tu avais pu choisir, tu n’aurais certainement pas mis la jeune Barnes dans ta liste de souhait pour collègue. La jeune femme rompit de nouveau le silence pour te féliciter pour ce retournement de conversation avec un regard évocateur. Tu éclatas de rire un instant. Merci mais je n’ai pas de mérite, tu as lancé une conversation glissante toute seule….

Tu observas la jeune femme un instant avec un air interrogateur, était-elle sérieusement en train d’insinuer qu’Andrew n’existait pas ? A vrai dire, tu t’étais peut-être planté dans le prénom du jeune homme n’ayant jamais eu à faire avec lui directement. Mais tu n’étais pas dupe à tous ces regards dérobés, au fait qu’il passait à chaque fois devant son bureau pour se rendre au sien, malgré le détour que cela engendrait. Mais tu te retins de le dire à ta compagne d’ascenseur car cela revenait à avouer que tu avais passé un peu plus de temps que la normale à l’observer, elle. Andrew existe… Cravate noire, chaussures bleues foncées, costume toujours trop grand, qui vit toujours chez papa maman et qui rapporte son déjeuner dans des tupperwares tous les midis… Observateur, toi ? Oui un peu, les détails de la vie quotidienne faisaient la personnalité des gens et tu étais bien déterminé à cerner tes collègues. Ne voulant pas donner trop d’informations à ta consœur, tu t’en tenu au minimum dans tes réponses à ses questions un peu trop personnelles à ton goût. Mais elle n’était pas avocate pour rien, elle aussi et elle saisit la perche au passage, sautant sur les petites lignes cachées derrière tes mots. Tu pris sa remarque de plein fouet, fronçant le regard. Attaqué sur un sujet plus que sensible, tu ne pris même pas la peine de mettre les formes dans ta réponse. Cela ne te concerne en rien ! Sujet clos ! Tu n’essayais pas de nier, elle avait complétement raison et vous le saviez tous les deux. Ta remarque brusque et frontale jeta un froid sur la pièce de deux mètres carrés.

Tu avais besoin d’évacuer tout ce stress et cette colère que la jeune femme avait réussi à faire ressurgir en évoquant sans vraiment l’évoquer la jolie rousse qui avait brisé ton cœur. Alors tu te levas et tu t’étiras, pas question de faire de mouvements brusques, l’ascenseur étant probablement à plusieurs mètres au-dessus du sol. Mais tu avais besoin d’extérioriser cette rage sous-cutanée. Quand tu sentis que ton cœur et ton corps n’était plus au bord de l’implosion, tu repris la parole par un sujet plus banal, moins audacieux et surtout avec moins de risque de conflit pour vous deux. Cela faisait quatre années qu’elle bossait ici, autrement dit, toute sa carrière vu qu’elle avait deux ans de moins que toi environ. Je bossais pour Lawrens & Associates… C’est un petit cabinet à quelques rues d’ici. Tu n’étais pas sûre qu’elle connaitrait mais bon tu répondais à sa question plus par politesse que pour vraiment lui en apprendre plus sur toi… Le silence retomba quelques instants avant que tu ne pousses un long soupir, lassé de cette situation. Il faut vraiment que ça tombe sur moi ce genre de connerie quoi… Tu te parlais plus à toi-même qu’autre chose mais la frustration de se retrouver dans ce petit espace sans solution d’évasion commençait à échauffer ton cerveau et ton calme apparent. J’espère qu’ils vont pas nous laisser là toute la nuit…

Après ta première réaction très brusque sur ta potentielle jalousie vis-à-vis de l'intérêt de Nancy envers Connor, tu avais besoin d'essayer de reprendre le contrôle de tes émotions. Tu étais avocate, tu avais donc appris à les maîtriser mais bizarrement face à Connor tu semblais soudainement perdre tes moyens. Depuis que tu avais sombré dans la drogue suite à ton agression et que tu avais réussi à t'en sortir, tu ressentais un fort besoin d'avoir le contrôle sur tout, tout le temps. Alors forcément, que les pics du brun te fassent autant réagir, ça te déplaisait au plus haut point. Tu te concentrais donc sur ta respiration pour petit à petit redescendre en pression et répondre enfin de manière moins réactionnaire. Sauf que ton cher collègue ne semblait pas vouloir te laisser avoir le dernier mot. Monsieur insistait sur le fait que si tu avais remarqué les attentions de Nancy à son égard c'est que tu n'étais forcément pas indifférente. Si cette phrase suffisait déjà largement pour te refaire monter en pression aussi vite, le fait qu'il la ponctue avec ton diminutif t'agacea encore davantage. Si en soit n'importe qui avait le droit de l'utiliser, tu estimais qu'il n'en avait pas le droit en tant que simple collègue, d'autant plus avec le peu d'entente qu'il y avait entre vous deux. Tu plantas un regard noir, presque haineux dans le sien. "Qu'est-ce qu'il faut que je te dise pour que tu comprennes que j'en ai rien à foutre que ce soit de toi ou de Nancy ?!". Ta mâchoire était serrée et tes doigts s'étaient refermés sur tes mains pour ne former que deux poings prêts à cogner. A ce moment-là tu aurais tout donné pour être ailleurs et surtout, pour avoir un punching-ball devant toi pour évacuer tout ton énervement. Tu aurais sûrement besoin d'aller à la salle de boxe après être sortie d'ici. Après quelques minutes de silence durant lesquelles tu t'étais fortement concentrée pour retrouver ton calme, tu repris la parole pour féliciter ironiquement ton interlocuteur d'avoir retourné la situation en sa faveur. Tu avais lancé cette conversation dans le but de jouer sur ces nerfs à lui et finalement c'était les tiens qui avaient été mis à rudes épreuves. Mais apparemment avoir réussi à t'énerver ne lui avait pas suffit car il te fit remarquer que tu t'étais mise dans cette situation toute seule… Tu préféras ne plus répondre et plutôt l'attaquer lui.
A ta grande déception, Connor avait une meilleure maîtrise que toi et il esquivait sans mal les sujets sur lesquels il ne voulait pas s'attarder. Insister aurait été peine perdue alors tu continuais à le questionner jusqu'à ce qu'il lâche enfin quelque chose d'intéressant. Quand le sujet Andrew, un de tes soi-disant collègues qui serait intéressé par toi, arriva sur la table, tu rigolas intérieurement quand le brun su aussi bien décrire le concerné dont tu ignorais l'existence. Et après Monsieur se permettait de te faire des remarques sur le fait que tu avais noté les intentions de ta collègue ? C'était vraiment l'hôpital qui se fou de la charité là. "A ce que je vois on est observateur… c'est quand même une grosse blague après la remarque que tu m'as fait précédemment.". Ta réflexion était sans émotion cette fois-ci, la tension étant enfin redescendue. Alors que tu commençais à perdre espoir d'arriver à lui soutirer une quelconque information intéressante, il lâcha enfin une phrase qui aurait pu paraître des plus innocentes mais qui ne sonnait absolument pas ainsi à tes oreilles. Un léger rictus prit place sur ton visage. Après qu'il ait réussi à te faire perdre ton sang-froid quelques minutes plutôt, tu n'allais avoir aucun remord à appuyer où ça faisait mal. Déformation liée au métier certainement. Tu fis donc remarquer de manière narquoise que le brun avait sûrement eu le coeur brisé. Et avant qu'il ne réfute tes propos, tu les étayas en précisant ce qui te laisser penser cela. Tu vis instantanément son visage changé, son regard se durcir. Tu avais touché un point sensible, peut-être un peu trop sensible d'ailleurs car sa réponse se fit brusque et très sèche. Tu jugeas finalement plus judicieux d'en rester là avant que vous ne cherchiez à vous entretuer d'ici à ce qu'on vienne vous sortir de là. Un point partout… Match nul… Chacun avait suffisamment réussi à jouer avec les nerfs de l'autre.
Le silence retomba dans la cabine de l'ascenseur. Il était lourd, pesant. Il fut uniquement interrompu par la séance d'étirement de Connor. Quand il eut fini, c'est lui qui décida de réengager la conversation sur un sujet beaucoup moins dangereux mais beaucoup plus ennuyeux par la même occasion. C'était sûrement mieux ainsi après tout. Tu l'informas donc que cela faisait à peu près 4 ans que tu travaillais chez Crowell & Moring LLP. Tu lui retournas ensuite la question concernant son passif avant ce cabinet. Il t'indiqua qu'il avait travaillé pour Lawrence & Associates non loin d'ici. Ce nom te disait très vaguement quelque chose, sûrement de l'époque où tu avais écumé des pages de noms de cabinet lorsque tu recherchais un stage. Le silence retomba. Cette conversation n'aurait jamais pu vous mener bien loin de toute façon.
Alors que tu étais en train de te demander si l'un d'entre vous allez osé reprendre la parole à un moment ou si vous alliez passer le restant du temps ici sans un mot de plus, le brun laissa échapper un long soupir. Tu ne savais pas exactement depuis combien de temps vous étiez enfermés ici, n'ayant pas eu le réflexe de regarder l'heure quand vous vous étiez retrouvé dans cette situation, mais ce soupir et les paroles qui suivirent en disaient long sur son état d'agacement face à la situation. Il n'y avait peut-être pas que ça, mais en tout cas cela y jouait fortement, c'était certain. Il finit par ajouter qu'il espérait que vous n'alliez pas passer toute la nuit ici. "Je l'espère aussi…". Pour la première depuis que vous étiez coincés ici, voir même depuis que vous vous étiez recroisés pour la première fois à son arrivée au cabinet, ta réponse se voulait douce. Aucune remarque acerbe, aucune mauvaise intention à son égard, juste une sorte de soutien psychologique. En réalité la situation te pesait également mais le fait que Connor commence à perdre patience te mettait soudainement mal à l'aise. Tu te mis à jouer machinalement avec tes doigts. Ton regard était fixé sur le sol, n'osant plus regarder ton partenaire de galère. "Tu sais… parfois on dit que les choses n'arrivent pas par hasard… peut-être que…". Ta phrase était hésitante, tu marquais plusieurs pauses… mais ce qui allait suivre était d'autant plus difficile à avouer que c'était toi qui était à l'origine de cette situation entre vous. "Peut-être qu'on avait besoin de ça… Je veux dire…". En fait, tu ne savais pas vraiment où tu voulais en venir. Tu avais l'impression que si tu en disais plus, cela allait sonner comme des excuses vis-à-vis de ton comportement envers lui alors que tu étais persuadée qu'aussitôt sortie d'ici tout serait pareil. Alors histoire de ne paraître trop niaise, tu préféras tout gâcher. "Non, en fait laisse tomber… C'est débile ce que j'étais en train de dire. On a juste la poisse quoi.".

La situation n’était idéale pour personne et te retrouver coincé dans un ascenseur ne faisait clairement pas partie des plans de ta journée. Mais te retrouver coincé dans un ascenseur avec la jeune Barnes ne faisait clairement pas partie de tes plans de vie. Vos échanges peu cordiaux et votre animosité l’un envers l’autre depuis que tu avais passé les portes du cabinet étaient bien la preuve que vous n’étiez pas fait pour rester à proximité l’un de l’autre trop longtemps. Restés dans une pièce de deux mètres carrés sans solution de sortie n’allait certainement pas arranger les choses. Surtout vu la tournure que votre conversation prenait. Après t’avoir attaqué sur l’attirance que pouvait avoir l’une de vos collègues envers toi, la jeune femme ne semblait pas capable de conserver son calme face à tes remarques sur sa jalousie évidente. Mais tu n’étais pas en reste, incapable de te contrôler quand le sujet de Lucinda fut mis sur la table indirectement. Vous étiez beaux tout les deux, à vous disputez comme un vieux couple marié depuis trente ans qui découvre l’infidélité de l’un de ses membres. Tu ne pris même pas le temps de répliquer sur tes talents d’observateurs. Tes études de commerce et de droit t’avaient formés et forgés à épier les moindres comportements des gens, à apprendre leurs secrets sans qu’ils te le disent, à accumuler des informations sur tes collègues, sur tes confrères, sur tes clients comme sur les clients adverses. Tu étais un observateur et tu savais que certains détails pouvaient changer le verdict d’un procès alors tu ne te privais jamais d’être ce hibou perché au loin qui observe et retient les petits aspects de la vie quotidienne comme la couleur de la cravate d’Andrew. Oui, tu étais observateur. Oui, tu étais conscient que tu avais utilisé tes talents pour observer Abigaïl un peu plus que tu ne l’aurais fait d’un ou d’une collègue classique. Oui, tu reconnaissais tout ça mais pour toi-même, hors de question que la jeune femme ne s’en rende compte. Il n’y avait aucune raison qu’elle le sache, ce n’était pas comme si tu observais les allées et venues de tes collègues autour d’elle car tu t’intéressais à elle. Non, votre histoire était du passé, du passé lointain, du passé enterré. A moins que tu n’essayes simplement de t’en convaincre. Dans tous les cas, le silence semblait la meilleure de vos options dans cette situation insolite…

Mais vous étiez avant tout des êtres humains, rester dans le silence et la solitude d’une cage d’ascenseur immobile sans perspective de fin de calvaire n’était pas une situation confortable ni pour toi, ni pour la jeune femme. Vous aviez besoin d’échanger, besoin de vous rassurer en comblant le silence environnant même si c’était en vous engueulant. Alors tu abordas un sujet aussi plat et banal qu’il t’était possible de trouver et sans grosse surprise, cette conversation tourna court. Vous auriez pu échanger sur vos vies, sur vos familles mais dans quel but ? Abigaïl connaissait déjà une bonne partie de ton histoire grâce à Alyssa et tu n’avais pas spécialement envie de partager sur les autres aspects que ta sœur ignorait. Vous auriez pu parler boulot, mais là encore, votre précédent échange montrait que ce sujet était glissant et potentiellement source de conflits. Alors tu commenças à perdre patience, à soupirer, à jurer comme un charretier sur ton sort et à prier à haute voix qu’on ne vous laisse pas là toute la nuit. Tu te parlais plus à toi-même, pour casser ce silence qui t’entourait mais tu t’attendais aussi à essuyer une remarque cinglante de la jeune femme. Ton calme apparent menaçait à chaque instant de partir en fumée, de laisser place au Connor de la boxe, au Connor de la salle d’audience, celui qui a besoin de bouger, celui qui a besoin de hausser le ton, celui qui a besoin de faire entendre sa voix même quand il a tort. Mais ce fut une remarque douce, un support à ta requête que tu reçus à la place. Surpris et légèrement déstabilisé, tu regardas la jeune femme qui commença à jouer avec ses doigts. Les mots qui sortirent de ta bouche finirent de te déstabiliser. Venait d’elle d’insinuer que votre mésaventure du jour était un signe du destin pour vous mettre tous les deux dans cet ascenseur ? Non tu avais dû rêver, ce n’était pas la jeune avocate qui allait dire des choses comme ça, c’était plutôt ton cerveau, pris de fatigue et d’énervement qui commençait à se faire des films pour passer le temps. Mais la jolie brune continua de briser le silence à ta plus grande surprise. Tu la regardas d’un air sceptique et intrigué à la fois. Puis la jeune femme revint sur ses paroles et balaya tout ce qu’elle venait de t’annoncer. Finalement, ce n’était qu’un coup du sort que vous vous retrouviez là, tous les deux. Tu levas les yeux au ciel avant de reposer tes yeux sur la jeune femme. La vraie poisse aurait été de devoir supporter Nancy toute la soirée ! Est-ce que tu avouais à demi-mot que tu préférais passer la soirée à te crêper le chignon avec Abigaïl plutôt que d’avoir ta collègue pendue à ton bras et à chacune de tes paroles ? Tu souris à la jeune femme, l’humour permettait de cacher un tas de choses et tu espérais que ta compagne de galère prendrait tes derniers mots comme une plaisanterie et non comme une déclaration de paix. Car tu n’étais pas dupe, tu savais que dès que l’ascenseur se remettrait en route, vos chemins seraient à nouveau divergents et vos échanges à nouveau électriquement désagréables.

Mais la situation était exceptionnelle et bien que cela ne dure que quelques heures, peut-être qu’Abi avait raison et que c’était quelque chose dont vous aviez besoin, que ces échanges presque cordiaux vous permettraient de travailler ensemble dans les prochaines semaines et prochains mois sans avoir envie de vous étriper. C’était déconcertant, déstabilisant et presque effrayant mais tu n’étais plus si malheureux que ça que ta compagne de galère soit Abigail Barnes et non quelqu’un d’autre. Si tu avais eu le choix, avec qui du cabinet aurais-tu choisi de te retrouver enfermée dans cet ascenseur ? La question pouvait paraitre débile et enfantine mais tu étais intéressé par sa réponse et surtout tu réfléchissais à ta propre réponse. Tu n’étais pas là depuis longtemps et certains de tes collègues t’avaient déjà fait comprendre que tu n’étais pas spécialement le bienvenu avec ta tête de roublard qui se prend pour un fils à papa. Un autre t’avait même fait remarquer que tu aurais dû te lancer dans une carrière de mannequin plutôt que d’avocat car tu avais clairement une gueule à te déshabiller pour de la thune plutôt qu’à représenter la veuve et l’orphelin. Le monde du droit était un monde de requin mais tu ne te fichais guère de leur avis, tu savais pourquoi tu étais là et quelles étaient tes qualités et tes défauts. En revanche, tu devais bien avouer que tu avais été particulièrement fier de voler une affaire à ce cher collègue… Après tout, tu étais un requin toi aussi et les requins nagent rarement en groupe…

Si se retrouver enfermer dans un ascenseur à cause d’une panne d’électricité n’était certainement pas une situation idéale, tu n’avais clairement pas mis du tient pour que les choses s’améliorent. La simple idée de devoir rester enfermée là, pour un temps indéterminé, avec Connor t’était apparemment tellement insupportable que tu n’avais même pas été capable de faire preuve de courtoisie juste durant ce laps de temps. Tu n’avais carrément pas essayé. Tu avais direct attaqué et maintenant tu te plaignais de te faire attaquer. Mais c’était toi qui l’avais provoqué la situation, c’était toi qui l’avais cherché. A quoi t’attendais-tu en ayant un pareil comportement ? A ce qu’il reste calme, qu’il ne se défende pas ? Ce n’était clairement pas la nature d’un avocat et encore moins de Connor. Tu ne l’avais certes connu qu’à l’époque du lycée, et plus jamais revu depuis son arrivée au cabinet, mais à ton souvenir il n’était déjà pas comme ça à l’époque. Tu avais clairement été idiote de faire ça et tu en payais les frais maintenant. Tu avais voulu jouer à la plus maline mais tu es tombé sur plus malin que toi. Tu te retrouvais prise à ton propre jeu et avec un Connor en colère dorénavant. Heureusement pour toi, il semblait avoir une meilleure maîtrise que toi de ses émotions. C’est pourquoi après quelques étirements, il avait réussi à retrouver son calme et à réengager une conversation beaucoup moins dangereuse pour toi comme pour lui. Une conversation courtoise, peut-être même un peu trop pour vous deux. Après deux brefs échanges, le silence était retombé dans la cabine. Si conserver ce silence pouvait sembler être la meilleure des solutions, surtout avec deux imbéciles incapables de discuter de manière cordiale, le fait d’être enfermé dans un si petit espace avec un bruit de fond répétitif finissait clairement sur les nerfs. Et c’est Connor qui en montra les premiers signes. Cela te déstabilisa. Tu aurais pourtant parié sur le fait que tu serais la première à craquer. Si les mots prononcés par ton confrère ne cherchaient pas vraiment de réponse, tu choisis quand même d’y répondre. Les signes de nervosité que montrer le brun avait un drôle d’effet sur toi. Toute cette animosité que tu avais déchaîné sur lui depuis que vous étiez coincés dans cette cabine d’ascenseur avait disparu. Un changement de comportement radical, même étonnant. Est-ce que le comportement que tu avais jusque là était juste là pour cacher ta propre nervosité face à la situation ? Tu ne le savais pas toi-même mais il y avait quand même peu de chance car ce n’était pas juste ici que tu te comportais comme cela avec lui. Toujours est-il qu’à cet instant, la Abigaïl qui avait cherché à jouer sur les nerfs de son collègues quelques minutes plus tôt avait disparu. A la place, tu te mis à émettre l’hypothèse que peut-être vous ne vous étiez pas retrouvé dans cette situation pour rien, que cela était nécessaire. Tu semblais presque prête à concéder que ceci arrivait pour que votre relation soit meilleure par la suite mais tu n’allas pas aussi loin. Avouer une chose pareille serait te duper toi-même. C’était juste un passage à vide, un moment de faiblesse face à cette situation si particulière. Tu balayas donc tout ton discours pour finalement en revenir à la même conclusion que Connor, vous aviez juste la poisse. Ce qui te surpris par contre c’est d’entendre le brun dire que la réelle poisse aurait de devoir supporter votre collègue, Nancy. Tu levas un sourcil étonné à cette remarque avant relever enfin la tête vers ton interlocuteur et de lui sourire. A cet instant l’avocate avait disparu, tu ne cherchais plus de sens caché derrière ses mots, pourtant tu aurais pu. La conversation continua de t’étonner quand ce dernier te demanda avec qui tu aurais préféré être enfermé dans cet ascenseur parmi vos collègues si tu avais eu le choix. Sa question te posa une colle. Tu n’avais pas la moindre idée d’avec qui tu aurais « aimé » être enfermé ici. Tu étais une solitaire et pourtant pour rien au monde tu n’aurais voulu être seule dans cette cabine. Toute seule tu aurais certainement paniqué. Mais malgré ça tu étais incapable de choisir quelqu’un parmi tes collègues. Bien que tu t’entendais bien avec certains d’entre eux, te retrouvais confiné dans un espace si réduit avec l’un d’entre eux te donnaient des angoisses rien que d’y penser. D’autant plus s’il avait dû s’agir d’un homme. Depuis ton agression, tu n’avais jamais regagné totalement confiance en la gente masculine. Le seul homme en qui tu avais confiance était Ryder, celui qui était devenu ton meilleur ami après t’avoir retrouvé à moitié déshabillée dans cette ruelle où tu avais failli te faire violer. Alors peut-être une collègue féminine ? La plupart d’entre elles t’insupportaient rien qu’en les regardant. En réfléchissant à tout ça, tu ne t’étais pas rendu compte du blanc que tu avais laissé traîner, le regard perdu dans le vide en direction de celui qui t’avait questionné. Tu secouas légèrement la tête pour te sortir totalement de tes pensées. « Seule… J’aurais été très bien toute seule. ». Tu savais très bien à cet instant que tu te mentais à toi-même en disant cela. Avant que tu ne puisses retourner la question à Connor du bruit se fit entendre à l’extérieur de l’ascenseur puis des voix. « Est-ce qu’il y a quelqu’un là-dedans ? ». Tu poussas un soupir de soulagement. Enfin quelqu’un venait à votre secours. Ton regard croisa brièvement le regard de ton collègue avant que tu ne t’exprimes. « Oui, on est là ! Nous sommes 2. On est enfermé ici depuis… ». En fait tu n’avais aucune idée depuis combien de temps vous étiez enfermé dans cette cabine. Tu avais perdu toute notion du temps. « Ok, ne vous inquiétez pas, on va vous sortir de là. Eloignez-vous des portes s’il vous plait. ». Cette mésaventure touchait enfin à sa fin. Tu te relavas et te positionna sur le fond de la cabine. Alors que les portes étaient sur le point de s’ouvrir et que tu te trouvais aussi proche de Connor depuis bien longtemps, tu confessas d’une voix faible : « C’est toi que j’aurais choisi. ».