I'm hurt, thanx for your precious help Mister | Teddy

C’était l’heure de ma pause. Une demi-heure que je pouvais prendre pour moi. Suffisant pour me permettre de me changer les idées et repartir de plus belle après pour la fin de mon service, pas suffisant pour que je puisse rentrer chez moi ne serait-ce quelques minutes, dire bonjour à mon épouse et repartir. Ce n’était pas la fin du monde. Sauf mon collègue qui habitait carrément l’autre côté de la rue, peu d’entre nous, gardiens de sécurité, allaient ailleurs pendant cette pause. J’avais appris à m’y faire, en fait, l’idée de rentrer ne me serait même jamais passée par la tête si ce n’était pas du fait que je savais qu’Hazel était dans ses dernières semaines de grossesse et qu’elle pourrait devoir se rendre à l’hôpital à tout moment. Je n’allais pas le nier, ça me rendait terriblement nerveux. Je ne lui montrais pas, je ne le montrais pas vraiment, mais je le sentais, et ça se voyait à certains moments, dans certaines situations. Par exemple, avant, je pouvais laisser mon portable dans mon casier toute la journée, maintenant, il était constamment dans la poche de mon pantalon, au cas où il sonne. Et là, cette pause, je n’allais pas simplement regarder si j’avais des messages comme toute personne normale l’aurait fait. J’allais faire ce que j’avais pris l’habitude de faire, soit sortir à l’extérieur, prendre l’air, mais aussi en profiter pour appeler mon épouse, simplement pour entendre sa voix, lui demander comment elle allait. Rien d’extraordinaire, mais une conversation suffisante pour me rassurer. Attrapant le sac dans lequel j’avais rangé un sandwich pour mon déjeuner dans la salle du personnel, je sortis ensuite dehors, par l’entrée principale du musée. Profiter de l’espace vert était plus qu’agréable aussi, surtout quand le temps le permettait, comme aujourd’hui. Mais avant que je puisse descendre les marches, trouver un banc où m’asseoir, manger et faire cet appel qui me tardait à passer, je vis une personne, qui, clairement, n’était pas là pour faire comme maintes touristes le faisaient parfois, soit s’asseoir sur les marches du musée. Ce n’était pas la fin du monde, mais parfois, c’était juste gênant, surtout lors de journées occupées. Fronçant les sourcils, je la regardai, n’aimant pas vraiment voir comment elle gesticulait. Je n’étais pas du genre sociale, je n’aimais pas me mêler de ce qui ne me regardait pas - d’où le métier d’agent de sécurité d’ailleurs, faire le piquet et parler un minimum aux gens, c’était parfait pour moi - mais si elle avait besoin d’aide, ce serait ridicule de ma part de ne pas lui porter assistance, d’autant plus que bon… L’uniforme ferait clairement de moi un lâche si je ne le faisais pas. M’approchant, j’arrivai à sa hauteur, et je demandai:  « Est-ce que… Ça va ? » en tentant encore de voir ce qui pourrait clocher. Était-elle blessée ? C’était l’hypothèse la plus plausible que j’avais pour le moment.

Je savais que je devais m’attendre à une réponse négative en allant à la rencontre de la jeune femme pour lui venir en aide, mais je dus admettre que ça ne me plaisait pas de savoir que non, ça n’allait pas. Pourquoi ? Parce que ce n’était pas l’endroit pour qu’il se passe quelque chose de grave. Pas pour les apparences, ça, je m’en moquais pas mal. Mais plutôt parce que je n’avais rien sur moi pour vraiment lui venir en aide, et des marches, ce n’était pas l’idéal. Ça n’aurait pas pu arriver à l’intérieur ? À mon avis, ç’aurait été plus simple, mais bon, bien des choses n’étaient pas simples dans la vie. Je l’avais appris à mes dépens et vécu pendant cinq ans. Tentant de ne pas m’emporter, surtout qu’il serait idiot pour moi de le faire, j’attendis de voir, regarder ce qui pouvait clocher pour l’aider comme je le pouvais. J’étais loin d’être médecin ou même infirmier, mais j’avais quelques connaissances de base en premiers soins. Tout d’abord grâce à l’armée, mais aussi par le fait de devoir survivre par moi-même avec trop peu de ressources. Heureusement, avant que je n’aie à poser quelconque diagnostic qui n’aurait pas eu lieu d’être crédible, la jeune femme me dit ce qui n’allait pas, me demandant de la raccompagner jusqu’à sa voiture. Je fronçai les sourcils, ne pensant pas que c’était une bonne idée. Conduire avec une cheville fraichement foulée ? Ça ne me semblait pas sécuritaire, et personnellement, je ne me sentais pas confortable à l’idée de la laisser quitter ainsi. Pinçant les lèvres, je réfléchis un instant, et je dis:  « Vous ne préférez pas que je vous aide à entrer dans le musée ? » Dit comme ça, ma proposition semblait peut-être un peu étrange et sans contexte. Il me fallut quelques secondes pour le réaliser, mais finalement, je dis:  « Je travaille au musée. Je pourrais aller vous chercher de la glace pour mettre votre cheville si vous voulez… » Ce n’était pas grand-chose, mais si ça pouvait atténuer sa douleur, c’était mieux que rien non ? Après, la décision finale lui revenait. Elle ne me connaissait pas, je ne la connaissais pas, ce n’était pas à moi de choisir pour elle. J’avais fait une simple proposition, elle pouvait en faire ce qu’elle voulait. Si elle voulait vraiment retourner à sa voiture, qu’il en soit ainsi. Je ne pourrais pas me reprocher de ne pas avoir proposé quoi que ce soit.