What the fuck are you doing here ?! | Sora ♥

Tamara n'avait pas une minute à perdre. Toute la matinée, elle l'avait passée sur sa nouvelle collection: elle avait pris du retard sur la confection de ses prototypes, et ses dessins étaient, pour certains, en attente d'être validés par l'équipe d'assemblage: après tout, elle avait des idées, il y avait de la recherche mais pour autant, elle ne travaillait pas seule: elle était nouvelle dans le milieu, et ne se rendait pas toujours compte de la difficulté de réalisation de certaines pièces. Et puis, il y avait tout ce ménage qu'elle avait eu à faire: si Tom aimait l'ordre et le "rien qui dépasse", elle devait bien admettre que sa fille et elle avaient quelque peu exagéré, ces derniers temps: était-ce un ouragan, qui avait traversé le salon ? non. C'était sa belle princesse qui avait étalé toutes ses fringues dans le salon pour faire un défilé de mode à sa mère avant d'aller à la fac.

Et puis, elle avait aussi à préparer le repas avant qu'elle rentre ! le balai encore dans les mains, Tam fit la liste des ingrédients dont elle aurait besoin. Pommes de terre ? check. viande ? check. Pâte ? ch... Comment ça, pas check ? MERDE ! pensa-t-elle en lâchant son balai. Elle avait complètement oublié d'acheter la pâte, ingrédient pourtant nécessaire à la confection d'une tourte !

Ni une ni deux, elle se précipita au pas de course vers l'épicerie où elle avait ses habitudes, sans même faire attention à ce qui l'entourait. Une fois à l'intérieur, elle chercha dans les rayons sans pour autant trouver le Saint Graal ! là, elle se tourna vers la jeune femme à côté d'elle, qu'elle prit sur le coup pour une vendeuse:

- excusez moi, vous n'avez plus de p... elle s'arrêta net, observant la blondinette, avant de terminer sa phrase, d'une tournure qu'elle n'avait pas prévu: uuuutain de merde ! Soraya ? c'est bien toi ? qu'est ce que tu fais là ? Tu n'es pas avec ta mère ?

Rencontre inattendue pour Tamara. Elle qui était partie pour faire ses courses en coup de vent, prise par le temps, ne l’était tout à coup plus du tout : face à Soraya, elle était si surprise que ce n’était pas seulement l’horloge au dessus de sa tête qui s’était arrêtée, mais la vie elle même. Les gens autour lui semblaient immobiles et ridiculement insignifiants. Instantanément, des tas de souvenir en compagnie de la blondinette et de ses parents refirent surface. Les premiers anniversaires de Soraya et de sa fille, Zazie. Les après-midis cuisine et autres ateliers improvisés ou encore, plus tard, les repas en famille (car oui, avec le temps, Tamara ne voyait pas seulement une amie dans la personne de la maman de Soraya, mais une proche, de confiance, presque comme une sœur avec qui elle adorait passer son temps) , source potentielle d’ennui pour les enfants qui, forcés par l’attente, redoublaient d’ingéniosité pour exaspérer les parents de leurs bêtises ou improviser des parties de trappe-trappe. Pour les parents en revanche, la question était bien différente. Ces repas, ils s’étaient toujours passés dans la bonne humeur : l’époque où tout allait bien, même entre Tom et elle ; où la moindre chose était légère et se surmontait en un claquement de doigt.
Fière comme si c’était sa fille, elle observait satisfaite la belle jeune fille que la blondinette était devenue… Concentrée comme jamais sur la blondinette à qui elle adressa un sourire, elle continua, sans se douter de la réelle signification des mots de Soraya : « Mais… où est elle d’ailleurs ? Vous êtes de retour en ville ou seulement de passage ? Si vous avez le temps, j’aimerais vous inviter à la maison, ça fait tellement longtemps ! Sans compter que Zazie sera contente de te revoir ! Vous passiez votre temps à faire des bêtises ensemble, quand vous étiez petites ! » riant légèrement, elle posa son attention sur les rayons, récupérant le nécessaire pour faire le repas de sa fille qui n’allait pas tarder…

« je suis vraiment désolée de te l’annoncer ainsi, mais... » son coeur a raté un battement, puis deux. Bien vite, Tamara eut l’impression qu’elle allait faire une attaque. Ok, peut-être qu’elle s’inquiétait de trop, mais elle avait de bonnes raisons, de flipper. Après tout, a-t-on déjà entendu une bonne nouvelle commencer de la sorte ? « waw, Billie ! j’suis vraiment désolé d’te l’annoncer ainsi, mais ton p’tit boule est si bien moulé dans ton fut’… ça t’dit qu’on aille à l’arrière de ma twingo ? » NON. CA. N’EXISTAIT. PAS. Et visiblement, elle avait eu raison, de se méfier. Car à la suite de la phrase de la blondinette, elle sentit ses jambes se dérober sous ses pieds. Fermement, elle agrippa une des étagères du rayon où elles se trouvaient, tout juste le temps pour elle de reprendre son équilibre et ses esprits : « non… non j’ai du mal entendre… dis moi que j’ai mal entendu Soraya, s’il te plait... » les larmes aux yeux, elle tituba jusqu’au rayon des apéritifs, expliquant à la jeune femme : « J’ai b’soin d’un verre. » . Mouvement mécanique et non réfléchi, elle se jeta sur le premier pack de bières venu : des despé. C’était très bien, ça, y’avait de la téquila, dedans. Un petit coup de pouce pour reprendre ses esprits. Bien vite, elle alla au rayon des babioles de toutes sortes et trouva un décapsuleur. Elle ouvrit deux des bouteilles et en tendit une à Soraya « j’sais qu’t’as pas l’âge, mais si t’es la même que ma fille… bois avec moi. » l’esprit un peu embrouillé, en pleine déréalisation, elle avait l’impression de voir la scène de l’extérieur. Aussi, lorsque le vigile lui demanda d’arrêter immédiatement de boire dans un lieu public, elle avait trouvé normal de lui répondre d’un doigt d’honneur, avant de lui lancer un majestueux « vas te faire cuire les couilles, tête de gland ! » la réponse fut sans appel : un coup de taser pour elle, et une mise à la porte des plus dégradantes. Cependant, elle s’en foutait : elle avait ses bières et sa blondinette. Rien n’était plus /important. Posée sur le parking du seven eleven, elle reprit ses esprits : « seigneur… Soraya… mais quand est-ce que c’est arrivé ?! Tu n’es pas seule au moins, y’a quelqu’un qui s’occupe de toi ? Tu sais que tu peux venir à la maison quand tu veux hein ? Et puis… Zazie va bien. Mais tu pourras lui demander par toi même. Elle rentre à midi. Tu mange avec nous, et c’est pas une question ! » elle adressa un clin d’oeil à la jeune femme, encore légèrement déboussolée par la nouvelle et termina sa bière pour se donner définitivement du courage...

Déboussolée, Tamara était perdue. Elle qui avait mis tant de temps à accepter le départ de son amie, se disant que quoiqu’il arrive, elles pourraient toujours se retrouver en temps voulu, découvrait tout à coup le sens de l’humour bien trop cynique que la vie avait à offrir à certaines personnes. Jamais. Plus jamais elle ne pourrait profiter de ces soirées avec son amie. La serrer dans ses bras. S’amuser comme une adolescente. Bien sûr, elle avait Charlène, avec qui faire tout cela. Mais une amie n’en remplace jamais une autre. Elle eut une pensée pour ce rêve qui ne se réaliserait jamais : elle qui aurait tant aimé que ses deux meilleures amies puissent un jour se rencontrer ! Elles auraient fait un trio détonnant, elle en était convaincue. Réalisant qu’une page se tournait, une larme roula sur sa joue « Non ma douce… c’est moi qui suis désolée ! j’ai été maladroite. Excuse moi pour ces questions. C’était lourd de ma part...  mais… j’peux te demander où tu vis ? Comment est-ce que tu te débrouilles ? Tu peux venir à la maison dès que tu veux, hein ? Tu le sais j’espère ? Je serais toujours là pour toi, ma puce.» Tentant de reprendre un semblant de contenance, elle essuya ses larmes, écoutant la jeune fille répondre à sa question. Elle était bouleversée. Pauvre petite. N’ayant plus les mots, elle n’eut d’autre réflexe que celui de la serrer dans ses bras. Comment pouvait-elle faire autrement ? Murmurant, elle replaça une mèche des cheveux blonds de la jeune fille et caressa sa joue tendrement ; comme elle l’aurait fait avec sa propre fille. « j’suis tellement désolée poussinette… » elle l’observa un instant et conclut : « j’aimais beaucoup ta maman. C’était comme une sœur pour moi. Du coup… t’es un peu comme ma nièce !  » lui adressant un clin d’oeil bienveillant, elle ouvrit la voiture et demanda d’un ton doux et rassurant : « Zazie ne va pas tarder à rentrer. On y va ? » lui adressant un sourire, elle demanda finalement « qu’est ce que tu fais maintenant ? Tu travailles ? t’étudies ? » maladroite, elle tentait tant bien que mal de ramener un peu de douceur et de normalité dans la conversation. Elle en avait besoin, et probablement que Soraya aussi : remuer des couteaux dans des plaies qui ne se refermeraient probablement jamais totalement n’était pas nécessaire

Aussi surprise que perdue, Tamara se sentait comme prise au piège. Pas par Soraya, non. Seulement, elle avait envie de se faire toute petite, de disparaître. Voire même, de remonter le temps, morte de honte à cause de sa maladresse. Bien évidemment, elle n’aurait jamais pu prévoir ce qui adviendrait de son amie. C’était évident, et heureusement : si elle avait su, si elle avait connu un moyen pour que Dahlia soit encore des leurs, elle n’aurait pas hésité, peu importe ce qu’il aurait pu être. Seulement voilà. Ses envies de monde parallèle n’existaient pas. Elle ne disparaîtrait pas. Son amie ne reviendrait pas. Et tout ce qu’elle pouvait faire pour le moment, c’était encore d’être là, de partager un moment de normalité avec Soraya.Aux mots de la rouquine, elle hocha la tête, lui adressant un sourire bienveillant. Soufflée. Comment pouvait-elle être aussi sereine ? Bien évidemment, elle se doutait que ce n’étaient que des apparences. Mais cette force extérieur en déstabiliserait plus d’un. Tamara y compris. Inquiète, elle demanda à la jeune femme si elle avait un endroit où dormir. L’idée qu’elle se retrouve dehors lui était insupportable.

Rassurée, elle hocha la tête « j’suis contente de savoir ça. Tu sais pas combien ça me rassure ! Dans tous les cas… Je le répète, ma chambre d’amis t’est grande ouverte… Ne serait ce que pour une soirée pyjama ! » elle lui adressa un clin d’oeil, sachant très bien que la jeune fille aurait les mêmes souvenirs qu’elle, à cette évocation. Les journées où les petites jouaient ensemble, tandis qu’elle et sa meilleure amie passaient leur temps à discuter de tout et de rien, laissant parfois les petites dormir ensemble après une dure journée à jouer et courir partout… ces journées étaient un souvenir qu’elle chérissait plus que tout, particulièrement agréable. Une fois à l’intérieur de la voiture, elle adressa un grand sourire à la jeune fille, répondant ensuite à sa question « moi ? Ben… j’ai arrêté la décoration d’intérieur. J’avais besoin de nouveauté je crois. Et puis avec mes imprévus... » elle grimaça, la page cancer, elle pensait l’avoir tournée… pourtant, c’était encore difficile pour elle, de pouvoir en parler aussi librement qu’elle le voudrait. En réalité, elle ne savait pas si Dahlia lui avait dit. Il serait donc possible qu’elle ne comprenne pas, mais était-ce un mal ? Tamara n’en était pas si sure… elle haussa les épaules, soupirant légèrement « disons que… j’trouvais plus de fringues qui me correspondaient alors… j’ai appris à coudre. » elle rit avant d’ajouter : « aujourd’hui… j’ai ma propre marque de vêtements. tu sais tout ! » large sourire sur le visage, elle lui adressa un clin d’oeil, se garant devant la maison. Elle pouvait voir la lumière à travers la fenêtre, lui indiquant que sa fille était rentrée : « allez ! En piste, jolie demoiselle ! En plus… Zazie est rentrée. » elle lui adressa un sourire avant de sortir de la voiture qu’elle ferma lorsque Soraya la suivit : « bon. Tu verras. Le seul truc qui a changé dans la maison… c’est que j’me suis débarassé du meuble le plus encombrant. » taquine, elle ouvrit la porte, avant de chuchoter, amusée « je parle bien évidemment de mon ex-mari ! » et riant, elle la laissa entrer « après toi ma puce ! »

Tamara ne savait pas vraiment quoi faire , quoi dire. Elle se sentait démunie. Elle aurait tellement voulu être là, lorsque c’est arrivé, pour soutenir Soraya. Cette gamine était l’amie de sa fille, mais pas seulement. D’un sens, c’était presque comme sa nièce, tant elle et Dahlia étaient proches. De véritables siamoises, jusqu’à leur déménagement,pour ainsi dire.
Mais elle avait beau se flageller et culpabiliser de son absence passée, elle était pourtant consciente que tout ce qu’elle pouvait faire maintenant, c’était tout simplement d’être là pour la blondinette. Lui apporter un peu de normalité, peut-être même, de lui changer les idées. Et … quoi de mieux, que de se retrouver, avec une amie ? c’était donc tout naturellement qu’elle avait ramené la jeune fille avec elle, ayant hâte de voir ses retrouvailles avec sa fille.En attendant, elles resteraient tranquillement à discuter de tout et de rien dans la voiture, une façon comme une autre de rattraper le temps perdu, en somme. Hochant la tête, elle adressa un clin d’oeil malicieux à Soraya avant de l’écouter… Et à son tour, de se perdre dans ses pensées. Là, elle revoyait certaines scènes, quelques unes plus drôles que d’autres, de bêtises que les filles avaient faites. Des traces de peinture sur les murs, leurs noms écris sur la porte de la chambre de Zazie. Son obligation de les réprimander mais cette envie dévorante de fondre tant elle les trouvait mignonnes : des amies pour la vie ? Peut-être, peut-être pas. Une chose était en revanche sure, c’était que Zazie serait très contente, de revoir son amie d’enfance : souvent, elle avait demandé à Tam des nouvelles, espérant un retour sur Washington : on pouvait toujours rêver, non ?

Sans entrer dans les détails, Tamara avait répondu à la question de la jeune fille. Pas qu’elle n’ait pas confiance, simplement, elle ne tenait pas à plomber l’ambiance plus qu’elle ne l’avait déjà fait. Haussant les épaules elle sourit : « On est jamais trop certain. Mais… pour le moment, il semble bien vouloir me laisser tranquille, ce foutu crabe ! » avait elle lancé, dans un semblant de bonne humeur. Comme elle l’avait toujours fait : elle refusait de céder à la peur. « Bien sûr ! Je les ai toutes à la maison. A vrai dire, je les mets souvent ! Merci beaucoup en tous cas… c’est très gentil bichette ! » se mit-elle a rire, avant de laisser la voiture dans l’allée. Laissant la jeune fille retrouver son amie, elle envoya un baiser dans les airs à sa fille, avant de se mettre aux fourneaux : il n’y avait pas une minute à perdre !

Elle adressa un sourire à Soraya. Un court instant, elle la revoyait courir avec Zazie, revenir dans des états pires qu’imaginables. Regard attendri qu’elle lui lança, se reconcentrant ensuite sur la route, l’air de rien. Moment de flottement, avant la question fatidique. Comme elle le pouvait, elle essayait de la rassurer. Dans le fond, rien n’était sûr, mais pour le moment, elle pouvait dire qu’elle allait bien. Ce n’était pas un malheureux petit crabe qui allait lui faire peur. Elle se mit à sourire, caressant affectueusement la tête de la jeune fille « t’es adorable ma Soraya… mais ne t’en fais pas, j’suis en bonne voie. » et lui adressant un clin d’oeil, elle finit par faire des effets de style, amusée « oh ? Tu crois que je serais prise dans les émissions à la con qui passent à la télé ? Cristina me valide ? » et lui adressant un clin d’oeil, elle lui proposa « si tu veux… je te montrerai mes dessins tout à l’heure. Ce ne sont que des ébauches mais… ça a de la gueule ! » elle sourit « et puis… il y a aussi la collection que je viens de terminer, dans mon dressing ! » lui adressant un clin d’oeil, elle finit enfin par se garer, laissant les filles se retrouver lorsqu’elles entrèrent dans la maison.
Perturbée comme jamais, Tamara faisait semblant de rien, mais pourtant, elle n’était pas certaine de tromper qui que ce fut. Regard interrogateur de sa fille. Pas un mot. A la place, un sourire « regarde quelle surprise j’t’ai ramenée ! » elle lui adressa un clin d’oeil, heureuse de voir la réaction de Zazie de qui elle se contenta d’embrasser le front, avant de se diriger dans la cuisine, histoire de leur faire leur repas. Enfin, les filles arrivèrent peu de temps après, et Tamara les aida à son tour « bon. Vous êtes grandes, maintenant. On s’fait un apéro ?  Promis. Pas une grenadine pour prétendre que c’est du vin, cette fois !» lança-t-elle taquine, puis elle reprit plus sérieuse : « au fait Sora, je ne t’ai pas oubliée ! Si tu veux voir mon bazar… on a un peu de temps, avant de passer à table ! » elle n’attendit pas longtemps pour aller lui montrer sa collection. Et quand tout fut terminé, les trois demoiselles se mirent à table. Le but ? Rattraper le temps perdu, si toute fois cela pouvait être possible… l’après midi passa trop vite au goût de Tam. Mais quelle importance ? Elles s’étaient promis de se revoir bien vite ; et Tam était bien décidée à honorer cette promesse.