Laissez moi prendre l'air, quitte à tout foutre en l'air ı Ulysse

Jamais tu n'oserais leur confier. Au grand jamais tu te verrais confier ces démons qui te hantent, ces pensées sombres qui filent dans ton esprit depuis que tes parents sont plus là. Tu as veillé à sourire, à sauver les apparences, mais ça ne suffit plus. Ces démons te rattrapent petit à petit. Ton insouciance s'est jetée par la fenêtre ce soir là. Même s'ils ont pu croire que ça allait pas trop mal, tu as l'impression d'être seulement l'ombre de toi-même. La musique ne suffit plus à te procurer un échappatoire pour éviter d'y penser. Te surcharger non plus. Et vu l'engueulade qui se profile à l'horizon avec ta tante, vu ce que ta remarque peut engendrer, tu ne te sens pas de rester ici. Même si tu t'estimes chanceuse de les avoir, tu n'es pas réellement chez toi au final. Sans réfléchir, tu as emballé quelques affaires dans un sac. Ton coeur te dit de rester, ta tête te dit de fuir. Tu as laissé ton téléphone sur la table de nuit de cette chambre que tu occupais après l'avoir éteint. Prendre l'air, il faut que tu prennes l'air. D'habitude, tu réfléchis, tu agis intelligemment. Mais pas cette fois. Tu as succombé à ton impulsivité. Tu ne veux parler à personne, tu n'as plus la force pour ça. S'ils savaient comme tu aurais aimé y rester, toi aussi. S'ils savaient combien de fois tu as silencieusement songé à en finir. Derrière ce sourire et ces belles apparences, la réalité est tout de suite bien moins jolie. Une boite de médicaments, se jeter sous un train, tu aurais pu. Mais malgré tout, tu les aimes. Tu ne peux pas leur faire ça, tu ne veux pas être un poids supplémentaire après la mort de ta mère. Parce que même s'ils ne t'ont jamais donnée cette impression, tu te sens comme un poids. Ce boulet qu'on traine inlassablement derrière soi. Après avoir emballé tes affaires, tu quittes l'appartement de ta tante sans te retourner, tu n'en as pas le coeur. Fuir. Fuir pour retrouver ta solitude, fuir pour mieux réfléchir, fuir pour mieux respirer. Fuir, sans te retourner. Tu reviendras peut-être, mais plus tard. Tu ne sais pas encore où aller, mais chaque chose en son temps. Dans ta course, tu bouscules quelqu'un. Et, même si tu es complètement perturbée et absolument loin d'être dans ton état normal, tu t'excuses. J'suis désolée, je vous ai pas vu arriver. Et là, ton regard s'attarde sur le visage de cet homme. Visage que tu connais beaucoup trop bien. Qu'est-ce que tu fais là? Lui demandes-tu simplement, sans savoir pourquoi il est là. Peut-être que c'était un hasard, tu n'en sais trop rien, mais tu ressens ce besoin de lui faire la demande suivante... Laisse moi partir, j't'en supplie. J'peux pas rester ici, laisse moi m'en aller. Ta voix se brise après ces quelques mots, ton coeur est lourd, assombri par la douleur. Cette douleur que tu as enfermé pendant trop longtemps en espérant que ça puisse passer...

En temps normal, tu réponds toujours aux messages. Dès que tu les vois d'ailleurs. Mais là, t'as tout fermé. Tout devient soudainement si étouffant, beaucoup trop lourd à porter pour toi. tout quitter l'espace de quelques heures, ou de quelques jours tout au plus. Probablement jusqu'à demain en soi. Mais tu as besoin de temps pour réfléchir à tout ce qui vient de se produire. C'est le moment où tu exploses, ce moment où les apparences ne suffisent plus. Petit à petit, tu sombres. Petit à petit, tu réalises que c'est trop tard. Que tes parents ne reviendront jamais. Ils sont partis et toi t'es là. Tu as beau être entourée de ta famille, tu as toujours cette sensation d'être seule alors que tu ne devrais pas. Tristement, tu ressens ce besoin de tout lâcher pour mieux penser à toi, où que tu ailles. Assumer de telles faiblesses est très difficile pour toi. Au grand jamais, tu ne t'étais sentie aussi mal dans ta peau, dans ta vie de manière plus générale. Cette sensation est insoutenable pour toi. Mais il était sans compter sur Ulysse qui a réussi à t'intercepter avant ton départ. Est-ce une immense chance ou le pire malheur existant sur Terre? Tu n'en sais rien en réalité...

Un chargeur? Tu le regardes sans réellement comprendre, il pensait sérieusement que t'avais plus de chargeur? Non mais j'ai pas pris mon téléphone avec moi, sinon il manquait pas de batterie. Fin...? Et c'est seulement après que tu comprends que non, c'était pas vraiment pour un chargeur. Simplement qu'il s'inquiète pour toi. Ton regard se pose sur lui, il y voit peut-être à quel point tu t'écroules? Tu n'en sais rien à vrai dire. Ça ira mieux quand je me serais éloignée un peu. Ne serait-ce que quelques heures, j'en ai besoin. Je peux plus Ulysse, je sature, je suis à bout et je m'écroule... Première fois que tu l'admets à haute voix. Première fois que tu confies ce mal-être que tu veillais à cacher du mieux que possible. Mais là, tu ne peux plus faire semblant, tu ne peux pas nier l'indéniable... Ouais, c'est allé trop loins. Ils posent beaucoup de questions, ils doutent et ils se méfient. Et d'un côté, je les comprends totalement. Mais j'ai besoin d'air... Tu as l'impression d'étouffer, de ne plus être capable de respirer. Partir avec lui? Est-ce réellement une bonne idée? Non, pas vraiment vu la situation. Mais c'est mieux que de rester seule. Je, d'accord... Dès que ta réponse est donnée, tu ressens ce besoin de regarder tout autour de toi. Personne que tu connais n'est dans les parages. À nouveau, tu poses ton regard sur lui. Merci pour tout ce que tu fais... Tu as besoin de t'en aller, hâte de pouvoir respirer. Puis, tu as confiance en lui, quoi qu'ils en disent.

Ce besoin de t'en aller est plus fort que tout, bien au delà du raisonnable. Comme si tu pouvais échapper à la dure réalité de la vie en prenant la fuite. Fuir n'a jamais permis à qui que ce soit de régler un problème, ni même de le laisser derrière soi. En parler semble bien au delà de ce que tu es capable d'encaisser pour l'instant. Faut juste que tu partes, même si c'est pour mieux revenir demain. Ce soir, ce n'est pas une bonne idée. Intérioriser ne fonctionne plus, tu exploses et tu ne souhaites pas leur imposer quoi que ce soit. Même sans savoir ce que tu peux traverser, Ulysse est présent pour toi. Il a beau être ton employeur, il n'en reste pas moins ton ami pour autant. Et visiblement, il tient ce rôle à merveille. Que ce soit par cette proposition ou les paroles qu'il peut tenir à ton égard.

J'ai pas l'intention de faire quoi que ce soit, Ulysse. Je te le promets. Juste fuir pour mieux revenir demain, c'est très bien. Merci... Quoi qu'il entente par là, tu n'as pas l'intention de faire autre chose. Respirer, extérioriser pour mieux revenir, c'est simplement ça dont tu as besoin. Ni plus, ni moins. Si tu restes ici, tu risques d'en arriver à un stade de non retour et ce n'est absolument pas le but. Il faut que tu acceptes que l'inévitable s'est produit mais bordel, c'est dur. Si dur. Personne ne devrait avoir à vivre quelque chose d'aussi difficile. Certes, c'est le cycle de la vie et c'est inévitable, mais ils étaient jeunes. Bien trop jeunes que pour mourir. Tu te voyais déjà dans vingt ans, avec eux jamais bien loin. Sauf que tu ne pourras jamais connaître ça.

Ouais, fin ils ont surtout pas aimé la manière dont tu leur a répondu, je ne vais pas te mentir... Ça a fait bien pire que mieux... Si lui parvient à faire cette tentative pour dédramatiser, tu n'y arrives pas avec autant de facilité que lui à vrai dire. C'est assez pesant pour toi... J'ai tenté de leur expliquer mais rien à faire... Dis-tu en soupirant avant de hausser légèrement les épaules.  Suite à sa proposition, tu ne peux simplement pas refuser. Sa question te fais arquer un sourcil. Bah... Oui? J'avais pas besoin de plus. J'allais pas trimballer une valises, je pars pas en vacances non plus. Après ça, tu grimpes du côté passager, t'installant à côté de son fils. Tu gardes ton sac sur tes genoux, il n'est pas bien lourd de toute façon.

Cette ambiance te pèse réellement, tu déteste ça et tu n'avais certainement pas besoin de te retrouver au sein d'une situation si étouffante. Comme si ton quotidien n'était pas déjà suffisamment difficile à lui seul. Parce que oui, Ulysse n'aurait jamais dû répondre ainsi à ta famille et c'est une certitude. Mais ça, il le réalise suffisamment bien. Tout ça est réellement parti d'un énorme malentendu puisqu'entre vous, il n'y a aucune ambiguïté, rien au delà d'une amitié et du fait qu'il s'agit de ton patron. De toute façon, ton coeur n'est pas vraiment à prendre si tu souhaites être honnête avec toi même sur toute la ligne. Sauf que tu n'as même pas la tête à penser à ça, cette sensation d'étouffer est trop présente, tu ressens ce besoin de t'isoler, de pouvoir souffler et penser un peu à toi. Loin de toi l'envie d'empirer encore la situation avec ta famille, tu reviendras certainement demain en t'excusant, en leur expliquant ce qu'il se passe, mais pas maintenant. Avant ça, il faut surtout que tu puisses t'apaiser, que tu puisses ne plus être sur le point d'exploser telle une bombe à retardement. C'était difficile à imaginer, mais c'est vrai que ça aurait été mieux de ne pas répondre. J'espère juste que cette situation va s'apaiser au plus vite... Ce n'est même pas tant des réseaux dont tu as besoin de prendre du recul, c'est de manière générale. De toute manière, tu n'as même pas ton téléphone avec toi puisque tu l'as laissé chez ta tante et c'est certainement mieux ainsi à vrai dire. Est-ce que cela peut faire du mal à quiconque ? Non. C'était donc la meilleure décision à prendre. Ça m'embête que tu sois obligé d'en arriver là, je suis vraiment désolée... Ton regard se pose sur lui, t'occuper d'animaux ? Pourquoi pas, les animaux sont certainement le meilleur réconfort qui soit, avec les enfants. Penser à autrui va certainement pouvoir te laisser un peu le temps de redescendre en pression. Pourquoi pas oui, ça serait même avec plaisir ! Je ferais ce que je peux pour t'aider. Et... Merci de m'emmener avec toi. Parce que oui, tu es reconnaissante de ce qu'il fait pour toi, cela va de soi. Passer du temps loin de tout te fera le plus grand bien.