You are doing well ?! || Connor

Jamais tu n’aurais imaginé qu’aller à cette fête clandestine aurait pu aussi mal tourner. Autant tu étais consciente qu’à tout moment les flics auraient pu mettre fin à cette soirée, que des bagarres entre gens trop bourrés auraient pu éclater, que les promesses faites auraient pu être nulles, mais jamais au grand jamais tu n’aurais pu t’imaginer que les éléments se déchaîneraient et entraîneraient une pareille catastrophe. Allongée sur le brancard de l’ambulance en direction de l’hôpital, tu estimais heureux que finalement tu sois allée seule à cette soirée. Tu t’en serais cruellement voulu si Ryder ou Esmée avait été blessé ce soir, par ta faute. Il y avait déjà eu bien assez de blessés dans cette soirée sans y rajouter tes amis. En parlant d’amis et d’Esmée, tes pensées dérivèrent. Tu avais vu Connor et, ce qui t’avait semblé être Maddie, à la soirée. Tu ne savais pas du tout ce qu’ils leur étaient arrivés, s’ils avaient réussi à s’en sortir indemne ou non. Mais tu n’eus pas le temps d’y penser plus. Vous veniez d’arriver aux urgences.
Après avoir été auscultée par un premier médecin urgentiste, qui avait demandé qu’on soigne tes mains blessées par les débris de verre et qu’on nettoie la plaie sur ta jambe, tu avais été amenée en salle de radiographie pour déterminer précisément à quoi été dû ta douleur au niveau du genou et son gonflement. Le premier examen portait à croire que tu avais une déchirure d’un ligament mais il fallait encore déterminer le ou lesquels étaient concernés. D’après les informations que tu avais pu leur donner, malgré que la scène soit encore assez floue dans ta tête, le médecin avait émis l’hypothèse d’une déchirure du ligament collatéral interne. La radio et une IRM permettrait de confirmer tout ça. Le verdict tomba quelques heures plus tard, il s’agissait bien d’une déchirure partielle du ligament collatéral interne accompagnée d’une déchirure du ligament croisé antérieur. Si l’énoncé t’avait fait très peur, le médecin avait rapidement été rassurant en t’expliquant que c’était la meilleure configuration, celle qui ne nécessitait généralement aucune intervention chirurgicale et se guérissait plutôt bien. Quelque peu soulagée, tu avais donc attendu tranquillement le passage de l’infirmier qui devait te poser une genouillère ligamentaire que tu allais devoir garder jour et nuit durant trois semaines, avant de pouvoir t’en contenter que la journée durant trois autres semaines, et te donner les ordonnances pour les antidouleurs et la physiothérapie.
Après le passage de l’infirmier, on t’indiqua que tu pouvais enfin rentrer chez toi. Descendant du lit sur lequel tu étais assise, tu posas le pied droit au sol non sans une légère douleur au genou, malgré les analgésiques qu’on t’avait administré à ton arrivée ici. On ne t’avait pas prescrit de béquilles car il était recommandé de laisser le genou en mouvement pour limiter les complications. Tu t’avanças donc dans le couloir des urgences, qui commençaient enfin à retrouver un peu de calme, en claudiquant. Alors que tu allais bifurquer dans un autre couloir pour rejoindre le hall, tu aperçus au loin quelqu’un que tu connaissais bien. Il t’était impossible de l’ignorer, tu avais besoin d’aller le voir, se savoir comment il allait, ainsi que sa sœur. D’ici tu pouvais déjà voir qu’il ne semblait pas bien et son bras semblait être maintenu. Cela ne présageait donc rien de bon. A ce qui te semblait être la lenteur d’une tortue, tu t’avanças donc vers lui. Quand tu arrivas bientôt à sa hauteur, tu l’appelas. « Connor ? ». Tu l’observas de la tête au pied pour vérifier s’il était blessé ailleurs qu’au bras. Il y avait des traces de sangs sur ses vêtements, est-ce que c’était le sien ?! Tu posas un regard inquiet sur lui. « Tu vas bien ? Qu’est-ce qui t’es arrivé ? ». Toi qui avais tendance à être plutôt acerbe dès que tu lui adressais la parole, cette fois-ci ta voix était douce mais surtout remplie d’inquiétude. Tu avanças une main vers lui. « C’est… c’est ton sang ? ». Tu espérais qu’il réponde par la négative. Mais si ce n’était pas le sien, alors à qui pouvait-il être ? Maddie ? « Et Maddie ? ». Tu n’allais pas pouvoir rester debout dans ce couloir bien longtemps, mais pour le moment tu étais plus inquiète pour lui que pour toi.

Le monde qui t’entoure est un chaos sans nom. Les cris des blessés, le personnel hospitalier qui courent partout, les proches qui cherchent à retrouver leurs proches, les services de secours qui font des allers retours avec des brancards pleins puis vides et les policiers qui cherchent à comprendre ce qui a bien pu causer tout ce chahut. Le bruit est partout, la panique entoure chaque bulle d’air de la salle d’attente tandis que de nouvelles personnes sont amenées par le biais des ambulances par vague toutes les trente minutes. Mais tu es complètement insensible à tout ça, complètement insensible à ton environnement, revivant sans cesse cette scène que tu viens de quitter, Maddie, allongée, inconsciente sur le sol, du sang sur le front, du sang sur les temps. Tu as beau te forcer à repasser en boucle tel un disque rayé les paroles encourageantes du médecin, tu ne restes pas moins bloqué sur cette scène et sur le sentiment qui l’a accompagné. Tu étais inutile à sauver ta sœur, complètement inutile à protéger celle pour qui tu aurais donné ta vie sans la moindre hésitation. Sans l’intervention d’une illustre inconnue, tu n’aurais peut-être même pas eu la présence d’esprit de sortir le corps inanimé de la prunelle de tes yeux pour éviter l’effondrement de la maison sur vous deux tellement ton cerveau était tétanisé par la peur de la perdre. Heureusement que les ambulanciers étaient arrivés vite, que Maddie avait pu être prise en charge rapidement. Les médecins étaient rassurants mais tu ne serais pas rassuré et tu n’accepterais pas de te faire soigner tant que tu n’aurais pas revu ta sœur. Ton épaule te faisait souffrir mais tu n’en montrais rien, préférant jouer au grand dur un peu con qui pense mieux savoir ce qui est bon pour lui que des gens dont c’est le métier. Finalement, après une petite demi-heure d’attente, tu avais fini par revoir la jolie Bennett, réveillée, un peu groggy, elle avait encore quelques examens complémentaires à passer mais elle semblait déjà retrouver des couleurs. Soulagé, tu finis par accepter de voir le médecin pour toi. Le verdict était sans appel, luxation antérieure de l’épaule. Après un mouvement violent visant à replacer la tête de l’humérus de ton bras à sa place, il avait placé ton bras en bandage. Trois semaines d’immobilisation forcée avec obligation de suivre des séances de rééducation par la suite. Tu t’en tirais à bon compte si on considérait qu’en plus d’avoir subi un traumatisme direct avec la chute du buffet sur ton épaule, tu avais également porté ta sœur en dehors de la bâtisse. Tes autres blessures étaient toutes superficielles et constituait surtout en de petites coupures ou des échardes plantées dans la peau. Libre de rentrer chez toi, tu ne voulais pas laisser Maddie seul alors tu rejoignis la chambre de ta cadette. Malheureusement, elle était en train de passer des examens, te laissant seul dans ce couloir blanc. Le stress avait beau faire partie de ton quotidien professionnel, tu ne le vivais pas si bien lorsqu’il s’agissait de ta vie personnelle. Faisant les cent pas dans le couloir, tu priais pour que les examens ne soient pas trop longs et que tu puisse aller voir rapidement ta petite sœur quand soudain le flux de tes pensées fut interrompu par une voix féminine appelant ton prénom. La jeune femme était aussi présente à la soirée et à en juger par l’attelle qui entourait son genou, elle n’était pas sortie complètement indemne de l’enfer. Tu étais tout de même soulagé de la voir en un seul morceau. Je… Ca va.. Baissant les yeux vers tes vêtements, tu constatas la présence du sang évoqué par Abi, un frisson glacial parcouru ton échine alors que tu relevais les yeux vers elle. C’est le sang de Maddie… Elle a été assommée lors de la chute de l’arbre, elle s’est réveillée depuis mais ils lui font des examens complémentaires pour s’assurer que tout va bien… Ton regard croisa le sien, pour la première fois entre vous, pas de rancœur, pas de phrases acerbes ou d’insultes, une simple inquiétude mutuelle. Et toi ? Quel est le verdict pour ta jambe ? Ta voix était plein d’inquiétude non seulement pour Maddie mais également pour cette collègue que tu adorais détester et qui avait manquer d’être grièvement blessée à cette soirée de malheur…

Tout était allé si vite à partir du moment où l’arbre s’était écroulé sur la maison et que la voiture avait fracassé le mur, qu’il t’avait été difficile de réfléchir de manière rationnelle à ce moment-là. Ton seul réflexe avait été de t’inquiéter pour la personne qui était avec toi quelques secondes plutôt et qui t’avait très certainement sauvé la vie ce soir, Gaïa. Tu ne savais pas si tu aurais l’occasion de la revoir, mais tu lui étais infiniment reconnaissante de ce qu’elle avait fait pour toi. Car elle ne s’était pas contentée de te sauver la vie. Une fois qu’elle avait elle-même reprit ses esprits, elle était revenue te chercher pour t’aider à sortir de cette baraque de malheur. Tu l’aurais rejoint avant si tu avais pu, mais malheureusement ta jambe t’en avait tout simplement empêché. C’est seulement une fois dans l’ambulance que tes pensées avaient commencé à s’éclaircir et que tu avais commencé à songer aux autres. Plus précisément à ceux qui, heureusement, n’étaient pas avec toi ce soir. Ils avaient ainsi pu échapper au pire. Quand ton attention s’attarda enfin à ceux présents, notamment Connor et sa sœur, tu étais arrivée aux urgences et tu étais entraînée dans un nouveau tourbillon laissant peu de place à tes pensées. Pas le temps de songer à ce qui avait bien pu leur arriver, un médecin arrivait déjà pour t’ausculter.
Après quelques soins et examens le verdict était finalement tombé, tu souffrais d’une rupture de plusieurs ligaments du genou. Bien qu’handicapant durant la convalescence, la bonne nouvelle était que ce n’était pas aussi grave que cela pourrait le laisser penser. Tu pourrais récupérer correctement à condition de suivre à la lettre les consignes qu’on t’avait donné, et ce, sans opération. Tu pouvais même d’ores et déjà marcher, avec l’aide d’anti-douleurs et anti-inflammatoires bien entendu, mais pas trop longtemps. Tu étais soulagée. Tout ceci aurait pu être bien pire. Tu sortis donc de la salle d’examen avec une genouillère et quelques bandages aux mains.  
Alors que tu te dirigeais vers la sortie, tu reconnus au loin Connor. Si tu étais soulagée de le voir debout dans ce couloir, tu n’étais toutefois pas totalement rassurée. S’il était ici c’est qu’il avait forcément été blessé. De plus, Maddie ne se trouvait pas à ses côtés, ce qui n’était pas bon signe. A mesure que tu te rapprochais, tu pouvais voir qu’il était agité et qu’il était en effet blessé puisque son bras était en écharpe. Ton premier réflexe fût de l’examiner de la tête au pied pour savoir s’il était blessé ailleurs et tu pus ainsi constater que son t-shirt était maculé de sang. D’une voix inquiète, tu lui demandas comment il allait et ce qui lui était arrivé avant de l’interrogeait sur ces traces de sang. Tu espérais sincèrement que cela ne soit le sien. Il te répondit rapidement que cela allait, ne s’attardant pas et t’informant rapidement que le sang que tu voyais était celui de Maddie. Tu grimaças. Maddie tu la connaissais depuis assez jeune en réalité, et bien que tu aies quelque peu perdu contact avec elle en grandissant, tu continuais de prendre de ses nouvelles comme de toute la famille Bennett auprès d’Esmée. Tu ne pouvais donc pas t’empêcher d’être inquiète en attendant le récit des événements que te faisais Connor. « Je suis désolée pour Maddie. J’espère que ça va aller pour elle. ». Tu grimaças légèrement, ton genou te rappelant à l’ordre alors que justement ton collègue t’interrogeait sur ta jambe. « Déchirure des ligaments du genou. Mais ça aurait pu être bien pire en réalité, alors je m’estime heureuse. ». Tu préférais passer sous silence le fait que tu avais sûrement échappé de peu à la mort face à cette voiture qui n’avait finalement percuté que tes jambes. Tu portas ton regard sur ton propre corps et remarqua que quelques bleus commençaient à faire leur apparition et que tes vêtements étaient tâchés à de multiples endroits, parfois par de la saleté, parfois par du sang. Si on rajoutait à ça le maquillage que tu t’étais fait spécialement pour l’occasion, tu devais sûrement peur à voir. Tu reposas ton attention sur Connor, gardant le silence, te contentant de l’observer. « Tu ne m’as dit pas pour ton bras, rien de casser ? » lui demandas-tu en indiquant justement le membre concerné. Tu fis un pas de plus vers lui, pour te reprocher davantage. « Tu veux que je reste… ». Tu n’eus pas le temps de finir ta phrase. Une décharge parcourue l’ensemble de ta jambe, faisant plier ton genou. Étouffant un gémissement de douleur, tu perdis l’équilibre et te rattrapas à Connor. Le médecin t’avait pourtant dire qu’il fallait que tu restes le moins longtemps possible appuyer sur ta jambe dans un premier temps.

La vie ne tient parfois qu’à un fil et chaque jour nous prenons des risques en nous aventurant hors de notre cocon, hors de notre habitat pour le boulot, pour les courses ou même tout simplement pour réchauffer notre tasse de café. Il y avait cependant des actions qui semblaient plus risquer que d’autres, traverser en dehors des passages cloutés sur une avenue passagère, sauter d’un plongeoir de pierre à plus de 10 mètres au-dessus de l’eau, aller à une soirée dans une vieille bâtisse abandonnée… L’évolution humaine nous avait appris à ne pas réaliser des actions stupides pouvant nous mettre en danger, l’instinct de survie était notre plus grand allié mais notre stupidité et notre ego était souvent en contradiction avec ce partenaire de vie. Ce soir ne faisait pas exception à la règle. Des centaines d’être humains s’étaient retrouvés pour faire la fête dans une maison dont l’entretien n’avait pas été fait depuis des années, en plein milieu d’un orage violent et destructeur. Tu ne valais pas mieux que toutes ces personnes qui avaient joué leurs vies ce soir pour quelques verres d’alcools gratuits et tu avais failli le payer de la pire des façons. Non pas en y laissant la vie mais en manquant de perdre l’une de tes sœurs. Tu avais juré sur la tombe de ton père que tu prendrais soin d’elles, tu lui avais juré par-delà la mort que rien n’arriverait à ses quatre princesses et aujourd’hui, tu étais passé très proche de bafouer cette promesse.

La douleur de ton épaule semblait si peu importante face aux blessures de Maddie et malgré les sollicitations des médecins, tu avais mis du temps avant d’accepter de prendre des anti-douleurs et te faire ausculter. Le verdict pour ton bras n’était pas aussi bénin que tu aurais pu le penser mais rien en comparaison des semaines de rééducation qui attendait ta jolie collègue qui venait de te rejoindre et qui avait laissé un genou dans la bataille. Outch ! Tu vas devoir te faire opérer ? Il parait que la rééducation après ce genre d’opération est longue… Ton but n’était pas de faire peur à la brune, bien au contraire, pour une raison étrange si on considérait vos derniers échanges, tu t’inquiétais sincèrement pour elle. L’espace d’un instant, tu ne te concentras d’ailleurs que sur elle, oubliant momentanément ta jeune sœur. Abigaïl était une jeune femme solide, une avocate brillante mais aussi une pimbêche qui te menait la vie dure depuis plusieurs mois maintenant. Votre histoire avait beau être loin derrière vous, une certaine tension continuait de vibrer entre vos deux êtres, tension qui avait atteint son paroxysme dans cette salle d’archives où tu l’avais embrassé avant de te prendre une bonne baffe. Ce coup tu l’avais mérité mais tu ne regrettais nullement de l’avoir embrassé et qu’elle ait répondu à ce baiser. Vous n’aviez d’ailleurs jamais reparlé de tout ça, laissant la scène flotter dans l’air, la frustration et l’énervement qui en découlait se faisait d’ailleurs de plus en plus sentir lors de vos échanges professionnels. Mais aujourd’hui, cette tension avait disparu, comme un drapeau blanc lever au milieu d’un champ de bataille, comme une colombe qui vient guider un bateau proche du naufrage. Cette soirée ne serait peut-être pas entièrement à jeter finalement.

Non rien de cassé, une simple luxation de l’épaule… Tu avais beau avoir le bras en écharpe et la tête remplie de pensées sombres sur ta jeune sœur, il fallait bien reconnaitre que tu avais été très chanceux ce soir et que si ce buffet était tombé quelques centimètres plus loin, tu aurais pu toi aussi être en train de passer des examens pour connaitre l’étendue des dégâts sur ton cerveau. Mais encore une fois, l’avocate vint te sortir de tes pensées quand elle termina plus au moins dans tes bras après avoir voulu faire un pas en avant. Par réflexe, tu avais tenté de la rattraper avec tes deux bras, ton épaule gauche se rappelant au dernier moment à toi quand une douleur électrique parcouru cette dernière et remonta dans ton cou. Grimaçant, tu repris vite contenance, tu n’étais clairement pas le plus à plaindre ici. Est-ce que ça va ? Te retournant sans lâche la jeune femme, tu l’invitas à s’appuyer sur ton bras valide. Viens on va s’asseoir, ce n’est pas une bonne idée que tu restes debout sur cette jambe… Avec une lenteur presque douloureuse, vous finirent par arriver sur les chaises ou la jeune femme s’assit. Tu lui adressas un sourire. Heureusement que le procès fictif est passé, sinon j’avoue que j’aurais eu plus de mal à te prendre au sérieux après t’avoir vu faire un 10 mètres en un quart d’heure. Autant pour elle que pour toi, tu avais besoin de détendre l’atmosphère, de relâcher un peu de cette pression qui serrait ton cœur depuis que le courant s’était éteint dans cette maison de malheur, probablement plusieurs heures en amont. Tu vins t’asseoir à côté d’elle après cette boutade et tu posas ton regard sur la jeune femme. Quelqu’un vient te chercher ? Vu son état, il ne serait pas prudent pour la jeune femme de rentrer seule, surtout si elle devait prendre un taxi et grimper jusque chez elle.

Alors que tu aurais simplement dû quitter cet hôpital après ton auscultation et quelques soins pour rentrer chez toi et suivre les conseils du médecin en te reposant, la vue de Connor au bout de ce couloir des urgences t'avait arrêté net dans ton élan. Malgré tout cet agacement et toute cette tension que tu ressentais à son égard depuis qu'il était réapparu dans ta vie, en dehors des quelques nouvelles que tu avais de lui par Esmée, il t'était difficile de nier que finalement tu tenais à lui bien plus que tu n'oserais te l'avouer. Tu ne saurais dire si la brève histoire d'une nuit que vous aviez connu à l'époque du lycée et de laquelle avait découlé un secret que vous gardiez depuis de nombreuses années y était quelque chose mais cela avait sûrement son rôle à jouer dans cette relation compliquée que vous entreteniez depuis des mois, même s'il faut l'avouer, c'était surtout toi qui était à l'origine de tout cela. Quoique le baiser que vous aviez échangé quelques semaines plus tôt et dont le brun était l'instigateur n'avait certainement rien arrangé à la situation. Ce moment de "faiblesse", comme tu aimais le qualifier par toi-même, était pour toi un aveu de culpabilité : toute cette nervosité que tu ressentais lorsque l'avocat était à proximité était en réalité dû à des sentiments refoulés que tu refusais d'assumer. Mais il était hors de question pour toi de l'admettre, et si l'énervement provoquait par les piques de ton interlocuteur ce soir-là avait été la principale cause de la gifle que tu lui avais asséné juste après avoir rompu le contact entre vos lèvres, cette absence d'assomption en était sûrement aussi responsable. Toutefois savoir que ton collègue avait pu être blessé durant cette soirée, où tu l'avais aperçu brièvement, balayait toutes ces histoires et querelles de ton esprit pour ne laisser place qu'à de l'inquiétude. Inquiétude qui ne fit que grandir quand, en te rapprochant de lui, tu avais aperçu du sang sur ses vêtements. Il t'informa assez rapidement que ce sang n'était pas le sien, mais ce n'était pas pour autant une bonne nouvelle, puisqu'il s'agissait de celui de sa soeur, Cyrilla, qui avait été assommée par l'arbre qui avait chuté sur la maison et donc mit fin à cette fête tout juste commencé. Même s'il t'avait appris qu'elle s'était réveillée depuis et que les médecins lui faisaient actuellement passer quelques examens pour vérifier qu'elle n'avait rien de grave, tu ne pus t'empêcher de t'inquiéter un minimum pour elle. Mais tu pensais aussi à ce que devait ressentir Connor à cet instant. Bien que tu sois fille unique, tu savais que la fratrie Bennett était très soudée, tu n'avais donc aucun mal à imaginé l'état dans lequel ils devaient tous être à cet instant. Tu ne serais d'ailleurs pas étonnée de voir les 3 autres soeurs de l'homme de la maison tout prochainement débarquer. En attendant la discussion s'attarda sur toi. Lui aussi semblait soucieux de savoir comment tu allais et cela te touchais sincèrement. Tu ne faisais rien d'ailleurs pour le cacher, laissant un léger rictus se former du bout de tes lèvres avant de lui répondre sur l'état de ton genou. Quand il entendit le verdict, il s'enquit de te demander si tu aurais besoin d'une opération qui entraînerait alors une longue rééducation. C'était en effet bien souvent le cas lors de déchirures du ligament, mais dans ton malheur tu avais eu de la chance, les différentes blessures qu'avaient subit ton genou ne nécessitaient que tu passes sous le bistouri d'un chirurgien. Du repos, quelques antalgiques et de la rééducation devraient suffire à soigner tout ça. Tes yeux se fixèrent sur les siens. « Heureusement pour moi, cela ne sera pas nécessaire, logiquement juste beaucoup de repos et quelques semaines de rééducation devraient suffire à me faire retrouver un genou comme neuf… ou presque. » finis-tu de dire avec un léger mouvement de tête. Tu t'enquis bien rapidement après cela de savoir ce qu'il en était de son bras puisqu'il ne s'était pas attardé à te donner ce genre d'informations lorsque tu avais demandé s'il allait bien et ce qui lui était arrivé. Une "simple" luxation de l'épaule. Tu ne pus t'empêcher de grimacer, car même s'il semblait trouver ça léger, tu te doutais que cela devait être douloureux. Tu voulus t'avancer un petit plus vers l'avocat tout en lui demandant s'il souhaitait que tu restes en attendant d'avoir le verdict pour sa soeur ou qu'il soit rejoint par le restant de ta famille mais tu n'eus pas le temps de finir ta phrase. Une violente décharge électrique partant de ton genou blessé et irradiant dans tout ton membre inférieur fit plier ta jambe te précipitant littéralement dans les bras de Connor. Dans ta chute, tu cherchas à te rattraper à lui et ce dernier n'hésita pas à user de ses deux bras, malgré l'écharpe qui soutenait celui convalescent, pour t'empêcher de finir au sol. Après avoir repris tes esprits, tu t'appuyas sur le bras valide que te présenta le brun alors qu'il te demandait si cela allait. Mais ce qui t'inquiétais le plus à cet instant c'était de lui avoir fait mal en chutant. Le rouge aux joues tu t'empressas de t'excuser. « Je suis désolée ! Ça va ton bras ?! Tu ne t'es pas trop fait mal en essayant de m'épargner cette chute ? ». Ce changement radical de comportement vis-à-vis de vos précédents échanges était des plus étonnants. Il n'y avait vraiment plus aucune trace de toute l'animosité dont tu faisais preuve à son égard depuis des mois. Il te proposa ensuite d'aller vous asseoir afin de reposer ton genou. « Le médecin m'avait pourtant dit de ne pas rester debout trop longtemps… mais comme à mon habitude je n'en fais qu'à ma tête. ». Venais-tu réellement de reconnaître auprès de ton collègue que tu étais quelqu'un de têtu ? Totalement. Mais pas de doute sur le fait qu'il était déjà au courant. Il pourrait même, sans aucun mal, confirmer tes dires s'il le souhaitait. Toujours dans une lenteur extrême, et non sans douleur, tu suivis Connor jusqu'aux sièges présents non loin de là en prenant appui sur son bras. Une fois assise, tu posas de nouveau ton regard sur lui et le vit sourire. Les paroles qui suivirent t'arrachèrent un petit rire. C'était de bonne guerre et surtout, il n'avait pas tort, avec ton genou tu étais extrêmement lente à te déplacer. Mais nul doute que bientôt tu arriverais de nouveau à te mouvoir un peu plus rapidement. « Haha ! Très marrant Connor. » dis-tu comme si tu ne trouvais pas cela drôle alors que ta voix et tes yeux trahissaient le contraire. A ton tour tu lui souris. « Merci de m'avoir rattrapé. ». Même si tu te doutais que cela relevait certainement plus du réflexe que d'une attention particulière, tu tenais à le remercier. Tu le lui devais bien avec tout ce que tu lui faisais subir depuis qu'il avait rejoint le cabinet. Tu le suivis du regard lorsqu'il vint s'asseoir à côté de toi et te tourna vers lui pour mieux l'observer : il semblait si soucieux. Pris dans la contemplation des traits de son visage, tu fus surprise quand il t'interrogea sur si quelqu'un avait prévu de venir te chercher. Tes joues s'empourprèrent à l'idée qu'il ait pu s'apercevoir de ton regard quelque peu insistant. Décidément les évènements de ce soir t'avaient réellement chamboulé et laissaient apparaître de toi une Abigail sans toutes ses barrières. Te reconcentrant sur la question que t'avait poser le brun, tu te rendis soudainement compte que tu n'avais même pas pris le temps de réfléchir à tout cela. Tu n'avais appelé personne pour te ramener, pas même un taxi. « Non. Pour tout t'avouer je n'y ai même pas pensé. J'aurais eu l'air maligne une fois sortie de l'hôpital quand je me serais rendue compte que je n'avais aucun moyen de transport pour rentrer chez moi. ».Tu rigolais légèrement en t'imaginant le ridicule de la situation. Mais pour le moment, tu ne songeais même plus à quitter les lieux. Tu n'avais pas envie de laisser ton collègue seul face à l'attente interminable des résultats des examens de sa soeur. « Au fait, avant que mon genou ne me précipite sur toi, j'essayais de te demander si tu souhaitais que je reste le temps que tu aies des nouvelles de Cyrilla ou que le restant de la famille Bennett te rejoigne ? ». Au plus profond de toi tu espérais qu'il ne refuse pas. Tu n'étais clairement pas pressée de rentrer, n'étant même pas certaine de réussir à fermer l'oeil après ce que vous veniez de vivre.