Un autre avion, et tu repars ... My heart is so jet-lag | Aedan

Ce soir-là, j'étais rentrée complétement trempée. J'avais eu l'impression d'avoir erré dans les rues de Washington pendant des heures alors que ce n'était pas le cas. Après avoir tourné les talons, laissant Aedan seul dans cette ruelle, j'étais rentrée directement chez moi, sans trop me poser de questions. Ce n'était pas, que je n'en avais pas eu envie. Je n'en avais tout simplement pas eu la force. Machinalement, je m'étais déshabillée et je m'étais séchée avant d'enfiler des vêtements secs. Cette nuit-là, je n'avais pas réussi à m'endormir. J'avais bien dû me refaire une centaine de fois, le film de cette soirée plus que catastrophique dans ma tête. Ce n'est que le lendemain que les ennuis ont réellement commencé. Une nouvelle fois, j'avais opté pour les pots de glace comme anti-dépresseur. Même si j'avais été très dure avec Aedan en lui disant que je n'attendais plus rien de lui, c'était -en réalité- tout le contraire. Désespérément, j'avais attendu, pendue à mon téléphone durant tout le week-end. Je ne demandais pas grand chose ... Un message ? Un appel en absence ? Rien. Que dalle. Nada. Comment pouvais-je être idiote à ce point ? Le râteau phénoménal de ce vendredi soir, ne m'avait probablement pas suffi ... 

En me levant le lundi matin, j'étais déterminée à faire comme si " tout allait bien". Je m'étais préparée comme tous les matins. Une petite touche de maquillage par ci, une petite goutte de parfum par là. Mes yeux gonflés à force d'avoir trop pleuré ? Camouflés sous l'excuse d'une pseudo allergie, qui n'existait que dans mon imagination. Mon sourire ? Ah ... Mon sourire ... Présent, c'est vrai. Mais complétement faux. Au tribunal, je tentais de garder la face. Grâce à quelques petits services que j'aurai sûrement à rendre plus tard, j'avais réussi à déléguer à d'autres collègues, toutes les affaires où j'avais vu apparaître le nom d'Aedan comme avocat de la partie adverse. Je voulais bien tenter de faire un effort en essayant de faire comme si tout allait bien mais ... Le voir, était au-dessus de mes forces. Finalement, rester au bureau à faire de la paperasse, me convenait parfaitement. Durant toute la semaine, j'avais eu l'impression de n'être que l'ombre de moi-même. Pourtant, ce n'était pas faute d'avoir essayé de me changer les idées. J'avais été boire un verre dans un bar et j'y avais même fait la rencontre d'une charmante dame. Une rencontre assez loufoque, qui m'avait permis de me changer les idées, l'espace d'une soirée. Faire comme s'il n'existait pas, juste l'instant d'une soirée. Oublier quelques secondes, qu'il me manquait encore plus qu'à l'époque où je me tenais à des milliers de kilomètres de lui ... 

Vendredi, alors que j'étais accoudée à mon bureau, cherchant par quel moyen, je comptais réaliser la défense d'un cas désespéré, je reçus un appel qui me remplissait réellement de bonheur. Mon neveu avait vu le jour, plutôt dans la nuit. Mon frère fou de joie, réclamait ma présence auprès d'eux. Il était de coutume dans la famille, que le baptême soit officié quelques jours après la naissance du nouveau-né. Hors de question pour lui et ma famille, de me compter parmi les absentes. D'ailleurs, mon billet d'avion pour le lendemain, se trouvait déjà dans ma boite mail. Ca, c'était du rapide. Finalement, en y repensant, ce n'était pas une mauvaise idée de m'envoler vers la Suède, l'espace d'une petite semaine. En moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, la secrétaire du bureau avait reculé tous mes rendez-vous de la semaine à venir. Il était déjà 15h quand je sortis du bureau, en direction des rues commerçantes. J'avais précisément quelques heures pour tout préparer. Le cadeau, la valise ... Bref, tout restait à faire. 

Une fois le cadeau pour mon neveu en main, je rentra chez moi. Excitée comme une puce, je commença à faire ma valise. Enfin, je tenta de faire ma valise. Avec mon téléphone qui sonnait toutes les 30 secondes, entre les photos et les messages remplis de fierté de ma mère, m'invitant entre parenthèses à faire de même prochainement -merci maman-, j'avais l'impression d'oublier la moitié des choses. Vêtements chauds ? Check. Doudoune ? Check. Produits de beauté en tout genre ? Check. Robe hypersexy et à tomber pour le baptême ? Check. Cadeau ? Check. Photo ? Oh oui ! La photo ! Quoi de mieux qu'Instagram pour étaler son bonheur ? En moins de 30 secondes, valise en main, je m'étais shootée. Un petit message accrocheur, mais qui reste mystérieux à la fois, et c'était dans la boite. En refermant ma valise, après avoir vérifié une 2ème fois que tout y était, mon téléphone sonna une nouvelle fois. En voyant le prénom d'Elijah s'afficher, je fus surprise. Ce n'était pas vraiment son style de me sonner. Eli, c'était le genre de personnes qui préférait s'exprimer par sms. Il devait sûrement avoir quelque chose à me demander ... Et boum. Mon sixième sens était infaillible et sa question ne se fit pas attendre. Retournes-tu définitivement  en Suède ? La question à un million d'euros. Je pense que je suis bien restée à quart d'heure à essayer de le convaincre que je ne fuyais pas. Il avait entendu parler de notre - quoi ? centième - dispute avec Aedan. En ce qui me concerne, je n'avais pas vraiment envie d'en parler. Je ne voulais pas savoir ce qu'Aedan avait pu raconter. Après tout, j'imaginais déjà ce qu'il avait pu dire. Je n'avais pas besoin d'entendre une nouvelle fois, à quel point, j'étais une horrible personne.

Le lendemain matin, j'avais pris un taxi très tôt. Mon avion décollait à 14 heures, mais j'avais décidé de m'y rendre pour 10 heures. J'avais toujours aimé me promener dans les boutiques des aéroports et m'arrêter pour prendre un déjeuner avant d'embarquer. J'étais un estomac sur jambes et la nourriture dans les avions, était juste exécrable.  En entrant dans le hall, j'eue presque inexplicablement, l'envie de regarder une dernière fois derrière moi. Même si je ne partais que pour un court séjour, cette sensation de déjà-vu, m'oppressait, fermant un nœud dans ma poitrine. Soupirant longuement avant de pénétrer dans la file d'attente afin de m'enregistrer et déposer ma valise, je me rendis compte à quel point, j'étais pathétique. Comment pouvais-je encore espérer le voir apparaître ? Une semaine après cette soirée, il était clair et net, qu'entre lui et moi, tout était fini avant même d'avoir commencé. En même temps, comment pouvait-il en être autrement alors que j'avais été très clair. Comment avais-je pu être aussi clair alors que dans ma tête, c'était Bagdad ? Comment avais-je pu être aussi sûre de moi, quand je lui avais déclaré que je n'attendais plus rien de lui ? 

Quoi qu'il en soit, il était trop tard maintenant. Je ne pouvais plus revenir sur ce que j'avais dit. Je devais seulement ... Avancer. Tenter de tirer un trait sur ce qui me faisait tant de mal. Quand j'y repensais ce voyage en Suède et toute cette effervescence autour d'un enfant, allaient sûrement me faire beaucoup de bien. J'attendais beaucoup de cette petite escapade. Revoir ma famille, c'était comme me sortir la tête de l'eau et me permettre de respirer à nouveau. Cela ne faisait que deux mois que j'étais revenue et avec tout ce qui m'était arrivé, je m'étais rendue compte à quel point avoir sa famille auprès de soi, était vital. Prenant mon téléphone en main, je me pris en selfie devant un panneau qui trônait dans le hall, non loin de la sécurité, souhaitant la bienvenue aux voyageurs. Fière de ma photo, je l'envoya à mon frère, qui répondit par un smiley content. Je ne sais pas pourquoi, mais ce petit smiley insignifiant, me fit sourire instantanément. Pour une fois, celui-là n'était pas forcé. Cependant, alors que je venais de remettre mon portable dans mon sac à main, mon regard se posa sur la foule. Au loin, je vis quelqu'un courir dans le hall. Surement un voyageur un peu en retard. Il était fréquent de voir ce genre de scène dans un hall d'aéroport. Cela aurait pu continuer à me paraître anodin si après m'être retournée pour reprendre mon chemin, je n'avais pas entendu crier mon prénom ... Reconnaissant sa voix, je tenta de me cacher derrière ce fameux panneau de bienvenue, que je venais de prendre en photo quelques instants plutôt ... Idiot, n'est-ce pas ? Comme si un bête panneau publicitaire allait pouvoir me cacher bien longtemps ... Cachant mon visage avec mes mains, j'espérais de toutes mes forces qu'Aedan ne m'aie pas vu ... 

Prendre cet avion pour retourner en Suède, faisait remonter un tas de souvenirs. Plutôt désagréables pour être honnête. Des souvenirs que j'aurais préféré oublier. Même si cela faisait plusieurs années maintenant, la situation n'avait pas vraiment changé. J'avais l'impression qu'avec Aedan, nous étions voués à reproduire constamment le même schéma catastrophique ... Une dispute, un dialogue rompu ... Un avion ... Un départ. Même si ce n'était que pour un court séjour, j'avais l'impression de prendre la fuite une nouvelle fois. Finalement, peut-être que ce voyage était tombé à pic. Peut-être que oui, j'avais besoin de fuir. Peut-être que oui, j'avais besoin de me retrouver loin de lui. Peut-être que finalement, il n'y avait que loin de lui ... Loin de nous, que j'arrivais à réfléchir de façon rationnelle.  Près de lui, je me sentais à la dérive. Loin de lui, j'avais l'impression de mourir à petit feu ... Ses mots avaient cet effet dévastateur sur moi.  J'avais lu quelque part, qu'en amour, il n'y avait jamais de juste milieu. Aujourd'hui, je ne comprenais que trop bien la signification de ces mots ... 

Pourtant, lorsque j'ai aperçu Aedan là, en train de courir dans ce hall d'entrée, j'eue l'impression que mon cœur était prêt à exploser. Il m'avait fallu quelques secondes avant de me rendre compte qu'il était bel et bien là, à quelques mètres de moi. J'aurai tellement aimé courir vers lui.  Mais au lieu de ça, j'étais partie me cacher derrière ce panneau ridicule. Que faisait-il là ? Comment avait-il su pour l'aéroport ? Même si quelques années auparavant, le voir là, au milieu de la foule, m'aurait rempli de bonheur, aujourd'hui ... Ce n'était plus le cas. Les souvenirs de la soirée de la semaine passée, tournaient en boucle dans ma tête. Je me souvenais de chacun des mots que je lui avais dit. Je me souvenais de son expression. Je me souvenais de cette violence qui fusait dans ses yeux lorsqu'il m'avait traîné hors du restaurant. Dire que je ne me sentais pas coupable de tout ce qui nous arrivait, était faux. Depuis ce soir où il m'avait surpris avec un autre, jusqu'à cette soirée où je lui avais mis le plus gros stop de l'histoire, tout était de ma faute ...

Appuyée là, contre ce panneau, je priais de toutes mes forces pour que le jeune homme ne m'aie pas vu dans la foule. Mes mains cachant mon visage, j'avais l'impression d'être une petite fille qui se cachait de ses parents après avoir fait une grosse bêtise. Même si une semaine était passée depuis notre dispute, je n'avais pas la force de l'affronter. C'était la raison pour laquelle, j'avais pris la peine de l'éviter au maximum au tribunal. Le regarder dans les yeux en prétendant que je ne l'aimais plus, m'était impossible. La colère et la frustration que j'avais ressenties ce soir-là, m'avaient fait dire des choses qui avaient largement dépassé mes pensées. Aujourd'hui, je l'admettais. Je n'assumais pas du tout ce que j'avais dit. Je n'assumais pas et en plus, je fuyais ... Quelle lâche, je faisais ...

En entendant des bruits de pas se rapprocher de moi, je resserra la pression de mes mains sur mon visage. Même en le sentant face à moi, je ne pouvais pas me résoudre à le regarder. Je me refusais à le regarder. Je ne voulais pas voir ses yeux remplis de haine ou de -je ne sais quelle - rancœur, se poser une nouvelle fois sur moi. C'était au-dessus de mes forces. Pourtant, les quelques mots qu'il prononça tant bien que mal, me rendirent perplexe ... Ne pars pas ... Quoi ? Ne pars pas ... Pourquoi ? Qu'est-ce que cela voulait dire ? Il avait pourtant été clair à ce sujet. Je me souvenais d'ailleurs de chacun de ses mots .... " Tu n'avais qu'à rester en Suède ! " ... Que me valait ce changement ? Avait-il encore quelques choses à me reprocher avant que je ne parte ? Cela ne pouvait pas attendre mon retour ? Et puis, pourquoi ne pas m'envoyer un sms ?  Soupirant longuement, je décida de découvrir mon visage, laissant mes mains glisser le long de mon corps. Posant mon regard sur lui, je me rendis compte qu'il semblait essoufflé. Venait-il de faire un 100 mètres ? 

" Pourquoi ne partirais-je pas puisque ... Je n'avais qu'à rester en Suède ! "

Ouch. Pourquoi avait-il fallu que j'ouvre la bouche ? Même si je m'étais faite violence, je n'arrivais pas à cacher à quel point, ses mots m'avaient blessé ce jour-là, dans cette p*t**n de ruelle. Lorsqu'Aedan m'avait invité, je m'étais faite tout un tas de films. Cependant, aucun d'eux n'avaient été à la hauteur de cette soirée plus que désastreuse. Moi qui avait tant espéré un happy end ... C'était un flop total. Il existait une célèbre expression qui disait : " Faites l'amour, pas la guerre ". Entre Aedan et moi, c'était clair. Nous passions notre temps à nous faire la guerre plus que l'amour, à nos dépends - Pourtant, s'il m'avait demandé de m'asseoir, je me serai certainement couché sans aucune réticence-. Maintenant qu'il était planté devant moi, dans cet aéroport, j'étais curieuse de voir ce qu'il allait encore nous arriver. Dire que je n'avais pas eu envie de fuir, serait mentir. Je me tenais là, contre ce stupide panneau alors que mon instinct, lui, me hurlait de partir ... En courant même .... Qu'attendais-je encore de lui, appuyée là contre mon panneau, comme si c'était la seule chose qui me retenait encore ici ? Contrairement à ce que je lui avais dit ce soir-là, je semblais en attendre énormément de sa part. C'était sûrement la raison pour laquelle, je n'avais pas bougé d'un millimètre depuis que le jeune homme m'avait rattrapé. 

Lui ayant laissé l'occasion de s'exprimer librement, sans que je ne vienne le bombarder avec les sarcasmes de mon cœur saigné à vif, je fus stockée. Même si Aedan avait prononcé ces mots à une vitesse folle, je n'en avais pas perdu une miette. Etait-il sérieusement en train de s'excuser ? Sincèrement ? Ou était-il encore en train de me vendre du rêve à l'état pur, avant de reprendre ses excuses de façon encore plus cruelle que la dernière fois ? Ses mots comme le fait qu'il aie avoué que je lui avais manqué, m'avaient marqué au vif. Agréable comme l'eau froide glissant le long de ma peau un jour de canicule, je n'avais jamais imaginé que de tels mots puissent me faire autant d'effets. Ou était-ce peut être l'effet qu'Aedan avait sur moi ? Quoi qu'il en soit, je m'étais sentie désemparée après l'épisode de la ruelle, me faisant douter de tout ce qu'il avait pu me dire. Finalement, n'était-ce pas un jeu cruel auquel il s'adonnait pour me faire regretter le jour où je suis tombée éperdument amoureuse de lui ? Si tel était le cas, c'était plutôt réussi ... 

" Me retenir comme tu l'as fait à l'aéroport ? Me retenir comme dans cette ruelle ? Sérieusement ... " Soufflais-je d'une petite voix amère. 

Amère. C'était vraiment le mot qui me décrivait le mieux en ce moment. Finalement, n'était-ce pas le cheminement naturel d'un deuil ? Le deuil d'une relation ? Même si ce n'était pas ce que je voulais, je devais me faire une raison, aussi horrible et douloureuse, soit-elle. Elvyra et Aedan, c'était die. Il n'y aurait probablement jamais d'Elvyra et d'Aedan. Je devais juste l'accepter même si mon coeur m'hurlait de réessayer une nouvelle fois. Mais ... Comment pouvais-je réessayer quoi que ce soit en sachant qu'Aedan m'attendrait au tournant afin de m'envoyer violemment dans un champ de roses aux épines acérées. Etait-ce la seule chose que je pouvais espérer afin de le garder auprès de moi ? N'était-ce pas un prix bien trop lourd à payer pour mes crimes ? Probablement. 

Lorsque je sentis le contact de ses mains sur mes épaules, je ne pus m'empêcher de repenser à ce qu'il s'était passé la dernière fois qu'il avait posé ses mains de cette façon sur moi. Fermant les yeux quelques instants, je fus frappée par ce souvenir, qui semblait ancré dans chaque cellule de ma peau. Pourtant, rien ne se passa. Surprise, je rouvris les yeux, cherchant désespérément une explication. Son regard croisa le mien, m'électrisant au passage ... Punaise ... Pourquoi me faisait-il cet effet-là ? Pourquoi avais-je l'étrange sensation de me noyer à chaque fois que mon regard croisait le sien ? Pourquoi ne pouvais-je pas simplement le regarder comme je regardais n'importe quel passant ? Pourquoi fallait-il toujours que mon cœur s'emballe à chaque battement de ses cils, malgré moi ? Pourtant, quelque chose n'allait pas. Je ne savais pas comment l'expliquer mais ... Son regard hésitant, le trahissait. Etrange. Cela ne lui ressemblait pas. Plaquant doucement mes mains contre le panneau qui se trouvait toujours derrière moi, je resta sans voix. Ses mots résonnant une nouvelle fois dans mon esprit. Pour être honnête, j'avais déconnecté après ces quelques mots. Je n'avais même pas fait attention à ce qu'il avait tenté de me dire. Ne pas se quitter comme ça ... Mais ... Que voulait-il à la fin ? Aedan était, définitivement, la plus grande girouette qu'il m'avait été donnée de voir. Etait-il comme le vent ? Une fois tourné à droit, une fois à gauche ? Un jour, je suis l'horrible femme qui lui a brisé le cœur et l'autre, je ne devais pas le quitter ... Mais bon dieu Aedan, à quoi jouais-tu ? Ca en devenait trop cruel   ...

Cruel ? Qu'est-ce qui aurait pu être plus cruel que ce baiser qu'il me vola sans crier gare ... C'était insensé. Comment pouvait-il prétendre me détester autant et m'embrasser l'instant d'après. Quoi qu'il en soit, je l'avais suivi du regard, incapable de bouger. Impuissante, je l'avais laissé poser ses lèvres sur les miennes sans aucune résistance. Je n'en avais ni la force ... Ni l'envie. Clairement, je n'avais aucune envie de le repousser. Ce baiser, j'en avais tellement rêvé ... Je m'étais imaginée la scène un million de fois. Je lui aurais avoué que je l'aimais bien plus que j'aimais la vie elle-même. Il m'aurait avoué combien sa vie avait été vide de sens sans moi. Finalement, on se serait pardonné. On se serait promis de s'aimer. Il aurait posé sa main sur ma joue et je l'aurai regardé avec mes yeux transpirant d'amour pour lui. Il se serait approché tendrement. Je lui aurais soufflé sur ses lèvres que je l'aimais. Il m'aurait sourit. Vous savez ... Ce sourire qui vous fait, définitivement et irrémédiablement, tomber amoureuse d'une personne ? Oui. Je parle bien de ce sourire. Ce sourire qui m'aurait fait fondre sur place. Ce sourire qui aurait marqué mon esprit à tout jamais. Finalement, nous nous serions embrassés. Ce rêve était bien loin de la réalité. Mon aveu s'était transformé en une profonde agonie, que devait encaisser mon cœur bien malgré lui. Cette promesse ? Du vent ... Tout n'était que du vent. A l'intérieur de moi, c'était le chaos le plus total. Mon cœur n'était qu'un champ de ruines. Il battait, c'est vrai. Il battait même bien trop vite. Si Aedan avait posé sa main sur ma poitrine, je suis sûre qu'il aurait pu le sentir à travers ma peau. Mes larmes, je n'avais pu les retenir. J'avais l'impression d'être au bord du malaise. Finalement, ce fichu panneau se révélait extrêmement utile. 

Lorsque nos lèvres se séparèrent, je me sentis submergée par une avalanche d'émotions. Alors que mes larmes inondaient mon visage, j'eue l'impression de manquer d'air. Tentant de reprendre ma respiration, je tenta de balbutier quelques mots ... 

" Pourquoi Aedan ? "

Fermant un instant mes yeux afin de tenter de reprendre le contrôle de moi-même, je me rendis compte à quel point, cela était devenu mission impossible. Plantant mon regard totalement désemparé dans le sien, j'attrapa son bras sans vraiment savoir pourquoi ...

" Pourquoi me fais-tu ça Aedan ? Pourquoi m'as-tu embrassé ? Pourquoi me demandes-tu de rester avec toi alors que la seule chose que tu n'as jamais désiré, c'est que je reparte ? Aedan ... Pourquoi ? Que t'ai-je fait pour mériter autant de mépris ? Fallait-il que tu ailles aussi loin pour me faire regretter d'être revenue ? "

Baissant un instant la tête, je tenta de prendre une grande respiration.

" A quel jeu joues-tu ? Tu ne peux pas juste m'embrasser comme si cela n'avait aucune importance pour toi, et me demander de rester, en espérant que cela me fasse changer d'avis. Qu'est-ce que tu veux ? Jouer avec mes sentiments ? C'est ça ton but ? Tu sais quoi ? Bravo. Tu n'avais pas besoin de m'embrasser pour y arriver. L'autre soir a largement suffi. "

Fuyant son regard quelques instants, je me surpris à rire. Je riais, mais de tristesse. Entre sanglots et rires, je pense que maintenant, je touchais vraiment le fond.

" Qui aurait cru que la personne que j'aime le plus dans ce monde, pouvait être celle qui me ferait le plus de mal ...  Quelle ironie. "

Fermant l'emprise que j'avais sur son bras, je tenta de le forcer à me lâcher. Tout ce que je voulais, c'était partir ... Je voulais prendre mon avion. Je voulais partir aussi loin que possible de lui. Je voulais partir sans me retourner. Je ne voulais plus lui laisser l'occasion de me blesser. Je voulais retrouver des personnes que j'aimais. Je voulais qu'ils me réconfortent. Je voulais simplement que quelqu'un me sauve de mon agonie ...

Oui, Aedan l'avait bien mérité. Ces mots que je lui balançais à la figure sans retenue, n'étaient que le reflet de ce qu'il m'avait dit quelques jours plutôt. Même si la colère y était certainement pour quelque chose dans ses propos, je n'arrivais pas à m'en défaire. Et son silence ... Son silence de ces derniers jours, n'avait fait que confirmer ce que mon cœur pensait tout bas. Finalement, peut-être qu'Aedan le pensait réellement.  Même si j'essayais de me convaincre du contraire, ses mots m'avaient réellement blessé. Comment pouvait-il prétendre vouloir retrouver une complicité, partie en fumée depuis bien longtemps, alors que l'instant d'après, il souhaitait que je ne sois jamais revenue ... Incompréhensible. Aedan était de l'un de ces mystères que la science ne saurait peut-être jamais élucider. Quoi qu'il en soit, j'avais pris le partie de jouer à son propre jeu. Après tout, c'était son truc à lui de retourner les propres paroles des gens contre eux. Peut-être qu'enfin, il comprendrait ce que je pouvais ressentir à chaque fois qu'il utilisait mes propres propos pour m'atteindre. Quand j'y repensais, depuis mon retour, notre relation ne se résumait qu'à cela ... C'était un jeu cruel, mais dans lequel, nous excellions. Comment pouvait-on se faire autant de mal en s'aimant autant ?   

Alors que mes yeux suivaient le moindre de ses mouvements, je remarqua que mes mots semblaient ... L'énerver.  En même temps, à quoi s'attendait-il ? Pensait-il vraiment que quelques excuses lancées comme des feux d'artifice dans le ciel, allaient tout régler ? Pensait-il vraiment que je puisse effacer aussi facilement ce qui avait été dit ? En l'espace de quelques jours, Aedan était sûrement l'unique personne à m'avoir autant blessé en si peu de temps. A cause de lui, je me sentais totalement inexistante. Je me sentais totalement perdue dans un monde que je ne reconnaissais plus. Les couleurs qui m'entouraient, avaient perdu de leur éclat. Plus rien n'avait de sens dans ma vie. Non vraiment. J'avais l'étrange impression que ma vie ne rimait plus à rien sans lui ... Comment avais-je pu devenir aussi accro à un homme qui semblait me détester à un point qu'il m'était presque impossible à imaginer ? Pendant cette longue semaine, j'avais tenté de trouver des réponses sans vraiment y parvenir. Finalement, la colère que traduisait mes mots sans le vouloir, n'était que le reflet de mon incapacité à abandonner cette personne à laquelle, je tenais tant depuis toutes ces années. Aedan était comme une addiction à laquelle, je n'arrivais pas à me soustraire. Dire que l'entendre s'excuser de la façon dont il était en train de le faire, ne m'atteignait pas, serait mentir. Entendre ses regrets, me réchauffaient le cœur. J'en venais même à me demander si finalement, une petite part de lui, tenait toujours  à moi sous cette carapace totalement incassable. 

" Que t'ai-je fait pour t'inspirer autant de haine ? Pourquoi faut-il toujours que chacune de nos rencontres se terminent de cette manière ... " Dis-je en ayant presque les larmes aux yeux.

Oui ... Pourquoi ? Pourquoi lui inspirais-je toujours autant de haine ? Qu'avais-je bien pu faire pour mériter ça ? Mon unique erreur, méritait-elle un tel châtiment ? Mes regrets et mes remords, n'étaient-ils pas suffisants ? J'avais beau chercher, je ne comprenais vraiment pas. Comment pouvait-il être aussi adorable et à la fois, aussi détestable ? Sa main dans la mienne au restaurant ... Je ne l'avais pas rêvé ... Alors pourquoi ? Pourquoi faisait-il comme s'il ne le voyait pas ? Ne le voyait-il pas ? Ne voyait-il pas que j'étais tellement et irrémédiablement amoureuse de lui ? Ne voyait-il pas mon cœur pleuré à chacun de ses mots ? Si me voir, lui était aussi difficile, pourquoi me rejoindre aujourd'hui ? Pourquoi me dire que je lui manquais ? Pourquoi me dire qu'il était désolé ? Mon dieu ... Pourquoi me dire que s'il pouvait recommencer, il le ferait ?  Pour être tout à fait honnête, à cet instant, les mots me manquaient cruellement. Mes lèvres s'étaient entrouvertes, mais aucun son n'en était sorti. Je ne savais pas quoi répondre à ses excuses. J'avais tellement peur de ne pas choisir les mots qu'il attendait. J'avais peur de dire des choses qui le mettraient en colère ... Finalement, le silence s'était imposé à moi comme la solution miracle afin d'éviter le déclenchement d'une énième guerre mondiale, entre nous.

Dire que ce baiser ne m'avait fait aucun effet, était un mensonge. Même si j'étais restée de glace, je ne pouvais pas nier l'évidence. Mon cœur s'était mis à battre à tout rompre et moi, j'avais eu la sensation de glisser un peu plus vers lui. Je l'aimais d'un amour qu'il ne m'était pas possible, d'expliquer et ce baiser, n'avait rien arrangé. Comment pouvais-je m'éloigner de lui, maintenant ? Comment pouvais-je faire semblant de passer à autre chose si Aedan revenait toujours avec ce genre de gestes ? En y réfléchissant bien, ce n'était pas le fait que le jeune homme passe son temps à me maudire, qui me faisait le plus de mal. Non. C'était plutôt ces gestes d'une tendresse à couper le souffle, qu'il m'adressait avant de me maudire de toutes ses forces. C'est ce qui m'avait fait dire qu'il était d'une cruauté incomparable. Comment pouvait-il me donner de l'espoir et me le reprendre aussi violemment ? J'en venais à me demander s'il m'avait écouté la dernière fois. Avait-il entendu que je l'aimais ? Comprennait-il à quel point ce genre de gestes, peut-être insignifiant pour lui, comptait à mes yeux ? Se rendait-il compte de la souffrance qu'il m'infligeait à chaque fois que mon corps entrait en contact avec le sien ? A chaque fois que je sentais son souffle sur ma nuque ? A chaque fois que sa main touchait la mienne ? Le pire de tout, avait été de loin ce baiser ... Alors oui, j'avais été dure. Je lui avais déferlé tout ce que je pensais. En m'écoutant, j'avais la vague impression d'avoir déjà entendu ce genre de discours ... De la bouche d'Aedan. Au tribunal et au restaurant, le jeune homme m'avait dit la même chose ... Et je me souvenais lui avoir répondu la même chose ... Pensait-il vraiment que je sois cruelle à ce point ? Pensais-je réellement qu'il était aussi cruel ? 

" Je suis perdue Aedan. Je ne te reconnais plus. J'ai l'impression de ne plus te connaître. Je ne reconnais plus celui dont je suis tombée amoureuse. Je ne reconnais plus cet étudiant qui est venu s'asseoir à mes côtés ce jour-là à la bibliothèque ... Je ne sais plus qui tu es et surtout, je ne sais plus qui je suis. "

J'étais totalement bouleversée. J'avais essayé de m'arracher de son emprise, en vain. Je ne voulais plus rester là. Il m'avait fallu beaucoup de temps avant de voir la réalité en face. Aedan et moi, n'étions plus ces enfants insouciants. L'aimer, avait sûrement été la chose la plus magique qu'il m'était arrivé dans ma vie. Mais aujourd'hui, l'aimer me demander beaucoup trop de sacrifice. Notre relation était devenue beaucoup trop toxique pour l'un, comme pour l'autre. D'ailleurs, voir ses larmes couler le long de ses joues, me brisait littéralement le cœur. Le voir dans cet état m'était insoutenable. J'aurais tellement aimé le prendre dans mes bras et lui dire que je l'aimais ... J'aurais pu, c'est vrai, mais j'en étais incapable. Et puis, j'étais certaine que ce n'était pas ce qu'Aedan voulait entendre ...  La seule chose qu'il m'était possible de faire, c'était d'essayer de partir loin ... Très loin ...

" Je t'en prie ... Lâche-moi Aedan." 

Tentant une dernière fois de m'échapper, Aedan m'attira contre lui, totalement contre mon gré.  A quoi jouait-il ? Je ne pouvais pas rester une seconde de plus dans ses bras. Pourquoi fallait-il toujours qu'il complique la situation ? Même si je mourais d'envie d'enfuir ma tête contre lui, je ne pouvais pas. Pourtant, quelque chose de totalement inattendu, se passa ... Aedan se mit à prononcer des mots dans une langue étrangère. Une langue qui était loin d'être étrangère pour moi ... Même si la prononciation n'était pas vraiment exacte, la signification de ces quelques mots, ne m'avait pas échappé. Lorsque ces quelques mots atteignirent mes oreilles, j'arrêta instantanément de me débattre. Je me sentais sous le choc. Venais-je vraiment bien d'entendre ce qu'Aedan venait de dire ? Venait-il vraiment de me dire qu'il m'aimait ? Venait-il vraiment de me dire qu'il m'aimait en ... Suédois ? Etait-il réellement possible qu'il aie appris ces quelques mots dans ma langue natale ... Pour moi ? Je n'en revenais pas. Décidèment, depuis mon retour, Aedan ne faisait que me surprendre. Les quelques instants qui suivirent, me semblèrent être une éternité. Une éternité dans laquelle, je m'étais surprise à me laisser aller. Après toutes ces guerres, était-il possible qu'Aedan aie enfin hissé le drapeau blanc ? Finalement, n'était-ce pas ce que j'attendais de lui ? Clairement, ça l'était. 

Le regardant avec des yeux complétement ébahis par ce que je venais d'entendre, je suivis du regard les mouvements de sa main sur sa joue. Maintenant, il était clair que je ne pouvais plus faire semblant. Je ne pouvais plus continuer de faire comme si, ses larmes ne m'atteignaient pas. Pourtant, il ne me laissa pas l'occasion de réagir. Je resta simplement là, à l'écouter. Même si cet instant était bel et bien réel, j'avais encore du mal à y croire. Quel idiot ... Pourquoi lui avait-il fallu autant de temps pour me l'avouer ? Ce n'était pas comme s'il ne connaissait pas mes sentiments pour lui. L'entendre me dire qu'il m'avait aimé durant toutes ces années, malgré la haine et la distance, me fit l'effet d'un coup de défibrillateur sur mon cœur, anesthésié par toute la souffrance que j'avais enduré ces dernières semaines. J'étais prête à lui sauter dans les bras, lorsque je le vis se mettre à genoux devant moi. Non. Impossible. Il m'était impossible de le voir là, à genoux devant moi.

" Tu n'es qu'un idiot Aedan ! ", Dis-je avant de me mettre à genoux devant lui, à mon tour.

Les gens nous regardaient, mais je m'en fichais. La seule chose qui avait de l'importance à mes yeux, en cet instant précis, c'était cet idiot qui m'avait fait tourner en bourrique depuis toutes ces semaines. Sans lui demander son avis, je le pris dans mes bras. Ca en était trop pour moi. Je ne pouvais plus continuer à feindre l'ignorance. 

" C'est vrai. Le mal est fait et je pense être aussi fautive que toi.  Tout ça, a commencé à cause de moi. Si tu savais comme je m'en veux ...  Mais ... Je ne veux plus de ces guerres entre nous ... C'est trop difficile à supporter. "

Des larmes coulaient le long de mes joues alors que je venais de serrer un peu plus mes bras, autour d'Aedan. Maintenant, c'était à mon tour de ne plus vouloir le laisser partir. C'était fou de voir à quelle vitesse, les rôles pouvaient s'inverser. Peut-être que maintenant, c'était lui qui allait avoir envie de fuir ... Quoi qu'il en soit, c'était la première depuis bien longtemps que je me sentais ... Un peu apaisée. Ayant posé quelques instants plutôt ma tête contre son épaule, je me surpris à fermer les yeux, profitant de ce moment que je n'avais plus osé espérer ... 

" Répète-le ... "


Oui, j'avais besoin de l'entendre une nouvelle fois. J'avais besoin de l'entendre afin d'être sûre que je n'avais pas rêvé depuis toute à l'heure. Je savais que ce n'était pas facile pour Aedan, mais j'en avais cruellement besoin. Finalement, après quelques instants, je décida de lâcher l'emprise que j'avais exercé sur lui depuis toute à l'heure. En me redressant, afin de me remettre assise, mon regard croisa le sien alors que nos visages étaient proches. Cette sensation m'était étrangère. Etait-ce ça, ce fameux regard que les romans d'amour décrivaient ? Nous avions tous les deux, des têtes épouvantables et pourtant, alors que mes yeux détaillaient son visage, je le trouvais à tomber. Comme une attraction presque inexplicable, nos lèvres se rapprochèrent, jusqu'à se toucher. Ce baiser était d'une intensité et d'une tendresse à couper le souffle. Rien à voir avec le précédant. Ma main s'était posée sur sa joue balayant les quelques larmes qui restaient. Même si mon cœur battait à la chamade, je n'avais pas cette horrible impression "d'explosion", comme les autres fois. Pour la première fois depuis bien longtemps, je me sentais bien. 

Quand nos lèvres finirent par se séparer, mon regard fixa une nouvelle fois celui d'Aedan. Lui souriant timidement, je pris sa main dans la mienne, la caressant doucement. 

" L'idiote que je suis, pardonne l'idiot que tu es  ... A condition, que l'idiot que tu es, pardonne l'idiote que je suis. "

Au moins, c'était clair. Je ne voulais plus de cette guerre froide que nous nous étions fait depuis ces dernières semaines. Finalement, que nous avait-elle apporté à part de la haine et de la souffrance ?

" Aedan, je ne veux pas reprendre où nous en étions. Je ne veux pas reprendre l'écriture d'une page tâchée par nos erreurs. Ce que je veux vraiment, c'est tourner cette page et en réécrire une nouvelle avec toi. Je sais que le chemin sera long, mais je veux réapprendre à connaître et à réapprivoiser cet idiot qui a fait chavirer mon cœur. Je ne veux pas redevenir cette amie que tu as connu. Je veux devenir cette brillante avocate qui a bien plus qu'un coup de cœur pour ce brillant avocat qui l'a, littéralement, mise à l'amende lors de notre premier procès. "

A mes mots, je me mis à sourire légèrement. Oui, même si j'avais été tétanisée sur place, lorsque j'avais vu qu'Aedan était l'avocat de la partie adverse lors de mon premier procès à Washington, je n'avais pas oublié avec quelle facilité, il avait plié cette affaire en sa faveur. Je ne lui en voulais pas, loin de là. Mais en y repensant, c'était un souvenir qui m'avait replongé quelques années en arrière, lorsque nous nous adonnions à ce genre de jeux de rôle, dans lesquels, le jeune homme gagnait tout le temps.
 
Alors que nous étions en train de nous relever, une annonce se fit entendre. 

" Les passagers du vol à destination de Stockholm, sont attendus à l'enregistrement. Départ du vol à 14h27. "

Voyant le regard  - presque horrifié - d'Aedan en entendant l'annonce, je fus prise d'un élan de panique.

" Ce n'est pas ce que tu crois. "

Oui, ce n'était pas ce qu'il pensait. Lui s'imaginait que je partais définitivement alors qu'en vrai, ce n'était qu'un séjour d'une semaine dans ma famille ...

" Je ... Mon frère vient de devenir papa donc je vais juste passer une semaine auprès de ma famille pour rencontrer le bébé et assister au baptême. "

Réfléchissant quelques instants, une idée folle vint frapper mon esprit.

" Viens avec moi en Suède."

Un petit voyage en Suède afin de se changer les idées et de reprendre un nouveau départ ? Pourquoi pas ! 

Voir Aedan dans un tel état, me brisait littéralement le cœur. J'avais beau retourner le problème dans tous les sens ... J'en arrivais toujours à la même réponse. Je n'avais jamais voulu ça. Je n'avais jamais voulu que se déchire de cette façon. Je n'avais jamais voulu que ma présence lui procure autant de peine, autant de douleurs. Comment notre relation avait-elle fini par devenir ce champ de bataille ? Comment une amitié comme la nôtre, avait-elle pu tomber aussi bas ... Peut-être avais-je été trop naïve de croire que je pourrais revenir dans la vie d'Aedan et faire, comme si. Faire comme si, rien ne s'était passé. Faire comme si, rien n'avait été brisé ce jour-là. Même si le jeune homme affirmait m'avoir pardonné, peut-être que moi, je ne me pardonnais pas. Peut-être que finalement, je lui en voulais de ne pas m'avoir écouté à cette époque. Peut-être que refuser d'entendre -réellement- ce qu'il voulait me dire, était ma façon détourner de lui montrer, ce que j'avais pu ressentir pendant toutes ces années. Ou peut-être étais-je, moi aussi, trop idiote pour comprendre où Aedan voulait en venir. Je l'aimais. Je l'aimais sincèrement, c'est vrai. Mais peut-être que je n'étais pas prête à admettre, que lui aussi, pouvait m'aimer. Comment pourrait-il m'aimer après tout ce qui s'était passé ?

Malgré ma détermination, il n'aura fallu que d'un mot pour faire couler les barrières que j'avais dressées entre nous, depuis cette soirée au restaurant. L'entendre me dire qu'il m'aimait, m'avait fait l'effet d'une bombe sur mon cœur. Inexplicablement, il s'était mis à battre à tout rompre. Même si sur le moment, je m'étais demandée si c'était réel, je ne pouvais pas nier le sens de ces mots. Qu'ils soient en anglais ou en suédois, la signification restée toujours la même. Aucun malentendu n'était possible. Que ce soit lui ou moi, nous ne pouvions plus nous cacher derrière cette excuse. Certains me diront certainement que j'ai été idiote de baisser si facilement les armes après tout ce qu'il s'était passé. C'est vrai. Il ne m'avait fallu qu'un Je t'aime pour m'agenouiller devant lui. C'est vrai, j'étais faible face à ce beau brun qui faisait vibrer mon être depuis toutes ces années et ce, malgré la distance et les mots qui ont dépassé nos pensées. Mais que pouvais-je bien y faire ? Finalement, n'était-ce pas cela qu'on appelait l'amour ? S'apercevoir que l'autre est essentiel dans votre vie et ce, malgré tout ? Malgré la rancœur et l'amertume, laissées par toutes ces années ? Peut-être que l'amour, c'était de se rendre compte à quel point, il rayonnait malgré les larmes qui inondaient son visage. A quel point, rien n'existait plus sans lui dans ma vie. A quel point, je ne voyais pas ma vie sans lui. Finalement, je me rendais compte à mes dépens, qu'il n'existait pas d'amour sans peine. Depuis mon retour à Washington, nous avions partagé l'amour, la haine et les larmes. Aujourd'hui, il était tant que tout cela cesse. 

Lorsqu'Aedan me promit qu'il n'y aurait plus jamais de guerre entre nous, je lui adressa un petit sourire. Je savais qu'il ne pourrait pas tenir cette promesse bien longtemps, mais je ne lui en voulais pas. Malgré le fait que nous nous aimions, je n'étais pas dupe. Je savais que le chemin serait encore long. Il y avait tant de choses dont il fallait qu'on discute. Des choses moins agréables que d'autres, ce qui nous conduirait sûrement à une énième dispute et à une énième réconciliation. Mais je m'en moquais. Blottie là, contre lui, je me moquais bien de ce qui pourrait nous arriver par la suite. Si le ciel devait nous tomber sur la tête, qu'il le fasse. Quand j'étais revenue, j'avais dit à Aedan que je préférais avoir des remords plutôt que des regrets. Ce moment faisait évidemment parti. Je savais que je lui en demandais beaucoup trop, mais je n'avais pas pu m'en empêcher. L'entendre me dire qu'il m'aimait, était une mélodie que j'aurais aimé entendre en boucle indéfiniment. J'aimais l'effet que ces trois petits mots avaient sur mon cœur. J'aimais beaucoup cette sensation d'apesanteur. C'était un peu comme si Aedan était la seule personne qui me tenait au sol. J'avais l'impression que mon cœur s'était vu pousser des ailes. Batifolant dans ma poitrine, comme un petit oiseau lors d'une belle journée ensoleillée. 

Après notre premier - vrai - baiser, j'avais senti le silence qui s'en était suivi, pesant. Trop pesant. C'est sûrement la raison pour laquelle, j'avais tenté de plaisanter un peu. Lorsqu'Aedan précisa que j'étais l'idiote préféré de l'idiot qu'il était, je me mis à rire légèrement. 

" Quel honneur ! J'aime l'idée d'être l'idiote préférée de quelqu'un, ça me donne l'impression d'avoir de l'importance ... Je me sens comme la Lady Di, des idiotes ! "

Une petite plaisanterie ? Sérieux ? Oui. Après autant de drames, autant essayer de placer une petite plaisanterie, remplie de maladresse. Si cela pouvait le rendre moins triste et le faire sourire un peu, j'étais partante. Posant quelques instants l'une de mes mains sur sa joue pour essuyer le tracé de ses larmes, ayant coulé quelques minutes plutôt, je lui murmura quelques mots, à peine audible pour lui.

" Je ne peux pas te promettre une page parfaite. La page aura sûrement quelques ratures ... Voir peut-être quelques taches d'encre ... Mais cela ne changera jamais les sentiments que j'ai pour toi. Je t'ai aimé dès le jour où tu t'es assis à mes côtés dans cette bibliothèque.  Être loin de toi, de tes sourires, de ta présence ... De tes plaisanteries qui ne font rire que toi, a été la pire des punitions. Jamais personne n'a réussi à prendre ta place. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé ... Alors même si je t'en veux à en mourir. Même si je te dis des choses qui dépassent largement mes pensées, ne doute jamais. Je t'aime et ça, rien ne pourra jamais changer ça. "

Alors que mon regard fixait Aedan, je sentis un frisson me parcourir de long en large. Venais-je vraiment de lui dire ... Je t'aime ... Pour la première fois ? Oui. Finalement, c'est l'annonce faite au micro qui brisa ce moment, qui me semblait suspendu dans le temps. Sur le moment, je me sentais totalement affolée. J'avais peur qu'Aedan ne m'écoute pas. J'avais peur qu'il s'énerve une nouvelle fois. La raison de mon départ, n'était pas celle qu'il imaginait. Même si l'idée de retourner définitivement en Suède, m'avait traversé l'esprit, il n'en était rien. En écoutant Aedan m'expliquer que ce n'était pas ce qu'Elijah lui avait dit, je me mis à sourire. Prenant l'une de ses mains dans la mienne, je tenta de plaisanter un peu.

" Elijah a dû en avoir marre de nous voir nous disputer sans cesse. Finalement, je le remercie. Sans lui, tu ne serais peut-être pas venu. Sans lui, nous n'en serions peut-être pas là. "

Oui, Elijah avait bien joué pour le coup. J'espérais avoir l'opportunité de le remercier très prochainement. Après ce qu'il avait fait pour moi au Manhole et là, avec Aedan, je ne pouvais qu'être reconnaissante. Je lui paierai peut-être le passage d'une femme de ménage à son appartement, à l'occasion ! Alors qu'Aedan venait de se relever, je me releva moi-aussi, avec son aide. 

" Déranger ? Tu rigoles ? Au contraire. Tu seras sûrement leur principale préoccupation. Et puis, ça évitera à ma mère de partir à la recherche d'un cavalier de dernière minute pour m'accompagner. "

L'observant avec attention, j'espérais sincèrement qu'il accepte mon invitation. Je savais que tout cela était soudain. Voir même peut-être rapide, alors que nous venions à peine de nous réconcilier. Mais dans le fond, partir loin de tout pendant une semaine ... N'était-ce pas une bonne idée afin de recommencer l'écriture d'une nouvelle page ? Lorsque que le jeune homme finit par me dire qu'il prendrait le prochain vol, je le pris une nouvelle fois dans mes bras. Je me sentais ... Tellement heureuse.

" Tu ne peux pas savoir combien, ça me fait plaisir que tu m'accompagnes. Tu verras. Tu ne le regretteras pas ! "

Finalement, la réalité me rattrapa. Oui, je ne devais pas louper mon vol. Ca serait bête. Pourtant, alors qu'Aedan tenait mes mains dans les siennes, je n'avais plus vraiment envie de partir. Soupirant légèrement, je lui adressa un petit sourire résolu.

" Bon ... D'accord. J'attendrais ton message avec impatience alors. Par contre, prends des vêtements chauds, car la Suède n'est pas réputée pour être un pays chaud. "

Déposant un baiser sur sa joue, nos mains se lâchèrent. Attrapant ma valise afin de rejoindre la sécurité, je ne pu m'empêcher de ressentir un pincement au cœur. 

" A très bientôt Aedan "

Après un dernier signe de la main, je passa la sécurité avec l'espoir qu'Aedan me rejoindrait bien en Suède comme il me l'avait promis ...