Atelier couture | Charlie

Cela faisait quelques semaines maintenant que Tamara était installée à son compte. Enfin. Bon, ok, elle n’en était pas à son coup d’essai, mais en toute franchise, on ne pouvait pas dire non plus que la couture était, à la base, son milieu de prédilection. Mais peu à peu, elle s’était passionnée pour ce milieu. En même temps, elle ne s’était pas vraiment donné le choix non plus. Après son opération, elle avait eu besoin de créer, se réinventer. Rendre, grâce à ses vêtements, une part de féminité que la maladie lui avait volé.
Alors sans relâche, elle avait travaillé. Appris, observé. Demandé conseil. Dessiné, beaucoup pour ne garder au final que certains de ses modèles. Elle en était certaine, pour progresser, elle devrait, avant tout, être intransigeante avec elle même.
D’ailleurs, ça commençait à porter ses fruits. Pour sa gamme, d’abord, qui trouvait le succès escompté face aux femmes qui en avaient réellement besoin et qui comme elle, traversaient ou avaient déjà traversé cette passe de reconstruction. Mais, étrangement, elle s’était également fait de nouveaux amis un peu partout : l’inspiration pouvait naître n’importe où. Dans la rue, bien évidemment, mais également dans les showrooms, ou encore dans les spectacles, quels qu’en aient été le genre : Tam, c’était une boulimique de curiosité. Et elle n’était jamais rassasiée. D’ailleurs, c’était ainsi, qu’elle avait rencontré Charlie. Rêveuse devant ses costumes, elle n’avait pas pu s’empêcher d’aller le voir, après une représentation. Le féliciter. Engager la discussion et de fil en aiguille, discuter chiffon. De là, il n’avait pas été rare de voir Tam lui demander son avis sur un prototype. Mais cette fois-ci, c’était Charlie, qu’elle attendait. Au programme, deux trois retouches, ainsi que quelques conseils de couture. Du moins, c’était ce qu’elle avait compris, lorsqu’ils s’étaient eus au téléphone. Tranquillement, elle s’était préparée -comprenez par là : elle avait rangé son salon que sa fille et elle même avaient mis sans dessus dessous après une bataille de coussins sans avoir pris la peine de remettre de l’ordre… depuis trois jours- et avait été préparer le café, attendant sagement que son ami n’arrive, chantonnant dans sa cuisine sur un vieux disque de Coldplay…

@Charlie Summers

Patiente, Tam l’était de façon générale. Mieux, elle ne pouvait que comprendre le retard des autres : en temps normal, c’était elle qu’on attendait, alors, elle n’allait pas râler, surtout pas sur son ami, surtout pas un jour où elle se sentait aussi zen. Et puis de toutes façons… ce n’était pas son genre. Non, vraiment pas. Sauf si… sauf si, peut-être, ça avait été son ex mari. M’enfin. En toute honnêteté, fallait dire ce qui était : pour lui gueuler dessus, tous les prétextes étaient bons, retards ou pas. Elle était bien contente, de ne plus avoir à souffrir sa tronche au réveil, se contentant de la voix atypique de Chris Martin.

Les yeux encore dans le vague, elle avait beau venir de faire le rangement primaire -nécessaire pour ne pas confondre sa maison avec un squat, franchement, comment Zazie et elle avaient-elles pu en arriver là ?? - elle n’était toujours pas réveillée, comme hypnotisée par la fumée qui s’échappait en volutes au dessus de sa tasse. Ce calme, il y avait bien longtemps, qu’elle n’y avait pas goûté . Quelques minutes de pause, si rares dans cette vie qu’elle vivait à fond, en comblant chaque petit vide de peur de s’ennuyer, elle entendit finalement frapper à la porte. Sortie de ses rêveries, elle était allée ouvrir à Charlie, tout sourire : « hey ! Salut ! Comment tu vas ? » riant, elle se décala pour le laisser entrer, haussant les épaules « ne t’inquiètes pas, ça arrive à tout le monde ! Et puis… ça m’a permis de ranger un peu. C’était Bagdad, ici !  Et encore. A Bagdad… je crois que t’aurais au moins trouvé un coin pour poser tes affaires !» avait elle lancé en riant. Oui, l’analogie était limite, mais elle s’en foutait. Humour douteux : c’était sa marque de fabrique. Elle succéda à Charlie et l’invita à entrer, lui proposant de poser ses affaires. « fais comme chez toi ! Pose tes affaires où tu veux et… on peut passer au salon. J’étais en train de boire un café. Tu veux boire quelque chose avant de commencer les choses sérieuses ? » lui avait-elle proposé dans un clin d’oeil plein de malice.

Contente de voir Charlie, Tamara s’était empressée de lui proposer de rentrer. Excuses balayées, retard bien vite oublié, elle ne pouvait pas lui en vouloir : eh, quoi ? Elle aussi, il lui arrivait d’être à la bourre ! Et ce n’était pas pour ça qu’il fallait en faire un drame ! Et puis, en toute honnêteté, Tamara devait bien admettre qu’elle non plus, n’était de toutes façons pas très en avance à ce moment précis. Là, Charlie la taquina, lui demandant si elle était déjà entrée dans la loge d’une drag queen. Et la rouquine se mit à rire, lui adressant un clin d’oeil moqueur « non… et d’ailleurs, j’dois bien avouer que ça m’étonne, que tu ne m’aies jamais invitée dans la tienne ! Je bude ! Du verbe buder ! » elle éclata de rire, puis lui proposa de prendre un café avec elle avant de s’attaquer aux choses sérieuses.

L’invitant à venir avec elle, elle lui prépara un une tasse, qu’elle déposa sur la table. Elle baissa le son de la musique qui raisonnait autour d’eux, et s’installa tranquillement face à son ami.

« hm. Quoi de neuf… très bonne question ! » elle se mit à rire, avant de poursuivre : « pas grand-chose en fait ! Zazie est en cours alors pendant ce temps… j’en profite pour faire les croquis de ma nouvelle collection. C’est pas encore ça, mais je crois qu’il y a quelques trucs prometteurs ! » elle lui adressa un sourire à Charlie, avant de prendre une nouvelle gorgée de sa tasse, qu’elle prit entre ses deux mains. « et toi alors ? qu’est ce que j’ai raté dans ta vie ? Tu as fini ta dernière tenue ? » demanda-t-elle curieuse, ses deux coudes posés sur la table, toute ouïe : elle avait toujours admiré le travail de son ami, aussi, elle avait toujours du mal à cacher son enthousiasme et sa curiosité à ce sujet. Aujourd’hui ne semblait pas faire exception, visiblement !

Tamara se mit à rire. Bien évidemment, qu’elle n’avait aucune intention de bouder pour de vrai. Encore moins de raisons d’ailleurs : elle n’était pas du genre à prendre la mouche pour rien, il lui en fallait vraiment beaucoup pour s’agacer. Du genre patiente donc, ce n’était pas elle qui s’offusquerait parce que Charlie ne lui avait pas fait visiter sa loge. Et puis en toute franchise… elle s’en moquait : après tout, c’était à peu de choses près comme demander à quelqu’un de vous montrer sa chambre : enfant, c’est normal. Adulte, c’est chelou. Du moins, c’était ainsi que Tam le ressentait ! Riant, elle lui adressa un petit clin d’oeil amusé « ok. Alors… dans ce cas, j’arrête de buder ! » ricanant, elle lui tendit sa tasse et hocha la tête «  bien évidemment ! Si tu veux… j’ai les esquisses juste là ! » elle lui désigna un carnet à dessins et sourit « j’te montrerai les pièces en vrai, bien sûr ! Prends ça comme… une mise en bouche ? » elle lui adressa un clin d’oeil et lui tendit ensuite son carnet et prit une gorgée de son café. Concentrée sur son ami, elle hocha la tête et fronça les sourcils :  « oh, je suis sûre que ce n’est pas grand-chose ! » elle lui adressa un sourire, et poursuivit : « vraiment ? C’est facile pourtant les ourlets ! » elle reposa sa tasse et lui adressa un sourire, après quelques millièmes de secondes de réflexion : « tu sais quoi ? j’vais te montrer ma super technique, tu verras, ta hantise ne sera plus qu’un lointain souvenir ! » elle lui adressa un clin d’oeil et attrapa la housse que Charlie lui tendait. A son tour, elle se leva, et mit ses lunettes. Pas qu’elle soit bigleuse, mais il fallait bien ça, pour les petits détails, lorsqu’on voulait faire dans la précision ! Elle observa avec attention le travail de son ami, et hocha la tête avec satisfaction : « c’est un super ouvrage que tu as fait là ! Je crois que… je vais te montrer, pour les ourlets, je crois qu’il faudrait renforcer ici et ici ! » elle lui montra quelques coutures à consolider, avant de lui adresser un sourire « qu’est ce que tu en penses ? Tu avais d’autres choses que tu voulais faire dessus ? Pour moi… c’est une magnifique robe ! j’te la jalouserais presque, mais tu es bien plus fin que moi ! » avait elle avoué, riant de bon coeur

Elle n’était pas du genre à se vexer pour n’importe quoi. Raison pour laquelle, d’ailleurs, elle gardait toujours le sourire, même devant les imbéciles. Alors face à ses amis… pensez donc ! Une fois Charlie rassuré, elle lui adressa un clin d’oeil, terminant sa tasse. Puis, elle lui donna son précieux carnet. Elle redoutait son avis. Pas qu’elle n’ait pas confiance en son travail. Non, ça, ça allait relativement bien. Et puis, si des choses ne marchaient pas, ce n’était pas un drame non plus : elle n’aurait qu’à changer quelques choses : peut-être quelques couleurs, ou retirer quelques pièces qu’elle jugerait de trop. Non. C’était en elle, qu’elle n’avait pas plus confiance que cela. Et si elle essayait de rester la plus objective possible, l’avis de ses proches était primordial. Adressant un sourire à Charlie, elle haussa un sourcil « oh vraiment ? Merci beaucoup ! Tu seras le premier averti, c’est promis ! » avait elle lancé, riant légèrement. Enfin, elle s’était proposée de lui apprendre à faire des ourlets. Oui, bon, ok. Certains auraient clairement pu se moquer. Mais Tam n’était pas de ceux là : eh, quoi, fallait bien débuter quelque part non ? Et puis si lui ne gérait pas cette base là, elle, avait très longtemps galéré à gérer sa machine à coudre : chacun sa lacune, hm ? Éclatant de rire, elle avait lâché : « oh. Maintenant, j’comprends mieux comment t’es devenu chauve… moi qui supposais qu’c’était du à une calvitie… quelle tragédie ! » elle lui adressa un clin d’oeil amusé et ricana. Toujours dans la vanne, elle reprit pourtant son sérieux lorsqu’il lui présenta son travail qu’elle observa avec attention. A sa remarque, elle éclata de rire « non, sérieux ? Ça t’est vraiment arrivé ? Oh mon dieu, mon pauvre ! » situation drôle quand on l’entendait, elle avait conscience de la honte qu’il avait du ressentir ce jour là. Pourtant, elle ne put s’empêcher de rire face à la surprise. Elle haussa ensuite les épaules, souriante « remarque… ça ne m’étonne qu’à peine. Une fois, un chanteur a fait un crochet dans ma boutique, en catastrophe. Il s’était tellement donné sur scène qu’il avait craqué son pantalon ! De ce qu’il m’a dit, il a fini son concert au garde-à-vous, le pauvre gars ! » elle se mit à rire en imaginant la scène « remarque, ça fait plaisir, de se dire qu’il y a des gens qui se donnent autant dans leur métier. Tout est une question de point de vue... » elle se mit à sourire et hocha la tête « eh bien laisse moi te dire que ton idée était vraiment cool ! » elle se leva, allant fouiller dans son nécessaire de couture, prenant les instruments nécessaires à la réalisation de l’ourlet « On commence ? j’propose qu’on se mette au salon, on sera plus à l’aise ! » et joignant le geste à la parole, elle tira la table sur laquelle elle avait l’habitude de coudre, attrapant quelques épingles et posa tout son matériel.