Please, Let me just explain | Aedan

Il était très tôt lorsque je suis arrivée au tribunal. Depuis qu'on m'avait délégué cette simple affaire de vol à l'étalage, j'avais passé quelques nuits blanches à étudier les moindres détails de l'affaire. J'étais une perfectionniste, qui ne voulait pas être prise au dépourvue pendant l'audience. Mon client était coupable. Il n'y avait pas grand chose à faire, sauf peut-être à lui trouver des motifs atténuants et encore. Je n'avais jamais aimé prendre en charge des clients coupables. C'était à l'encontre du principe le plus important pour moi, la justice. Mais puisque j'étais la petite nouvelle au cabinet, je devais bien me plier aux demandes de mes collègues. Même si après cette soirée au bar, je m'étais montrée plus froide et directive, à l'origine, j'avais accepté l'affaire. Je ne pouvais donc plus faire machine arrière  et quoi qu'il en soit, je connaissais le dossier sur le bout des doigts maintenant, alors autant y aller. En entrant dans le tribunal, je me sentais tellement petite face à cet énorme édifice. Il était tellement impressionnant. Cette odeur de vieux papiers qui s'en émanait, me rappelait les quelques audiences que j'avais eu la chance de faire en Suède. Finalement que ce soit dans mon pays natal ou ici, un tribunal restait un tribunal.

Puisque j'avais un peu de temps devant moi, je me dirigea vers les toilettes pour faire une dernière mise au point. Dans le miroir, je pris le temps de m'observer. Mes cheveux tirés en un chignon parfait. Mes grandes lunettes rondes sur le nez. Mon tailleur tiré à 4 épingles. Mon maquillage à peine visible, tellement il était discret. C'était parfait. J'étais parfaite. En me regardant, j'eu une petite pensée pour mon père. Je sentais les larmes qui commençaient à me monter. Ce n'était pas le moment.  Aujourd'hui, c'était ma première affaire à Washington. Je ne pouvais pas déjà m'effondrer de la sorte. Rapidement, je repris toutes mes affaires et me dirigea vers la salle d'audience. D'autres affaires étaient traitées avant la mienne, ce qui me laissait largement le temps de reparcourir le dossier en toute tranquillité. Au loin, j'entendais les querelles incessantes des avocats. Je n'avais pas eu la chance de rencontrer l'avocat du plaignant, puisque l'affaire m'avait été confié en dernière minute et j'espérais sincèrement que notre plaidoirie ne se déroulerait pas comme ceux que j'écoutais depuis toute à l'heure. Je détestais les esclandres. J'avais toujours préféré le dialogue aux disputes de marchands de poissons du marché. De plus, mon client était coupable, je n'allais certainement pas me mettre à crier et à le défendre bec et ongles. Tout ce que je devais faire, c'était limiter la casse.

Quand ce fût notre tour, je me dirigea vers le bureau des accusés, sans adresser de regard à la partie adverse. Même si je ne laissais rien transparaitre, j'étais stressée en cet instant précis. Une salutation au juge et c'était parti. Après l'exposition des faits par le juge, c'était à la partie plaignante d'exposer ses arguments. Cela ne m'aurait pas fait relever les yeux en leur direction, si la voix de cet avocat, ne m'avait pas autant troublé ... L'écoutant un instant, je me rendis compte que cette voix me rassurait, comme si j'avais passé des heures à l'écouter dans un autre temps. Pourtant, dès les premiers mots, cette voix eu aussi pour effet de me serrer le cœur. Relevant mon regard qui avait été aveuglé par la paperasse depuis mon arrivée, je remarqua avec beaucoup de stupeur que cette personne était loin de m'être inconnue. Je compris pourquoi je me sentais si rassurée et à la fois attristée. Aedan. Comme une claque venue du passé, je resta stoïque alors que mes yeux suivaient chacun de ses mouvements. Depuis mon retour, je m'étais souvent imaginée nos retrouvailles. Que ce soit dans le pire ou le meilleur des scénarios, je ne m'étais jamais imaginée le retrouver ici. J'avais tellement de chose à lui dire. Et pourtant, à cet instant précis, je ne pouvais rien faire.

Lorsque ce fût à mon tour d'exposer mon point de vue, je resta silencieuse quelques instants avant de me lever. J'étais toujours paralysée. J'avais l'impression d'être ailleurs alors que mon regard ne pouvait lâcher Aedan, ce qui me voulu un petit coup de coude de la part de mon client. Secouant légèrement la tête, je m'excusa et je me leva afin de parler à mon tour. Je devais être professionnelle. Pour être honnête, ce fut très compliqué. Mais lorsque la sentence fût donnée, nous invitant à quitter l'audience, ce fût comme une délivrance. La seule chose que j'avais en tête, c'était Aedan.

D'ailleurs, alors que je saluais mon client, je vis au loin le jeune homme qui se dirigeait vers la sortie de la salle. Reprenant en 4eme vitesse toutes mes affaires, je me freya un chemin afin de le rejoindre. Une fois sortie de la salle, je regarda dans la direction qui me semblait le plus probable pour sortir du bâtiment mais je ne le vis pas. Il avait tout simplement disparu ... A moi et mon immense sentiment de désespoir à cet instant précis ...

" Et ... Merde."

Je me sentais tellement déçue que je n'avais même pas fait attention au groupe de personnes qui étaient en train de se saluer juste derrière moi. J'étais là, plantée comme une plante en plein milieu du couloir alors que je venais de louper ma chance pour la deuxième fois ...  

Alors que je me tenais là, en plein milieu du couloir, gênant le passage des gens qui se voyaient obligé de me contourner pour pouvoir sortir, je n'arrivais pas à avancer. J'étais comme tétanisée. Mes jambes ne répondaient plus à aucun ordre donné par mon cerveau. Autant dire, que je ne répondais plus non plus. Alors que mon regard s'était désespérément posé sur la sortie, je me refaisais le film de ce procès. Là, debout devant Aedan qui ne m'avait adressé aucun regard, je m'étais tellement sentie mal. Je m'étais sentie comme une petite fille qu'on venait d'abandonner et qui aurait aimé crier après ses parents. Je m'étais sentie tellement désemparée ... Depuis mon retour, je m'étais retournée le film dans tous les sens. J'avais imaginé nos retrouvailles un million de fois et pourtant, aucun scénario dont j'avais pu avoir l'idée, n'était à la hauteur de ce que je venais de vivre. Si j'avais su que le jeune homme était l'avocat de la partie adverse, aurai-je accepté de remplacer mon collègue ?

Quoi qu'il en soit, Aedan semblait avoir pris la poudre d'escampette comme ... La dernière fois, sans que je ne puisse le rattraper. Je me sentais tellement minable à cet instant. Comment pouvait-on être aussi lamentable ? Fixant la sortie désespérément, j'espérais tellement le voir revenir sur ses pas ... Et pourtant, après quelques secondes à avoir nourri un espoir totalement fou, je décida de me resigner. Me résigner comme le jour où j'ai embarqué pour la Suède ... Dire que j'étais partie sans prévenir personne, était un mensonge dont je me servais pour éviter la pitié des gens. La réalité était toute autre. Dès l'instant où j'avais pris la décision de rejoindre ma famille, j'avais tenté de joindre Aedan. Je ne compte même plus le nombre d'appels et de messages que j'avais bien pu lui laisser. Mon dernier, surement le plus pitoyable, contenait le lieu de l'embarquement et l'heure. Lorsque je l'ai écris, je ne sais pas vraiment, ce à quoi je m'attendais. Je me souviens de cette attente à l'aéroport. Jusqu'au dernier appel d'embarquement, j'ai attendu. J'avais tellement espéré le voir apparaitre. Ou du moins, j'avais surement regardé trop de films à l'eau de rose. Il n'y a jamais que dans ces films à la noix que le mec court vers la fille qui s'apprête à partir. Resignée comme je l'étais aujourd'hui et pleine de regrets, j'avais simplement embarqué. Laissant derrière moi, celui que j'aimais, sans même avoir eu l'occasion de pouvoir m'expliquer. Comme la pauvre fille que j'étais.

Soupirant légèrement, je m'apprêtais à avancer vers la sortie, lorsque je sentis quelqu'un s'approcher par derrière. Même si je ne m'étais pas retournée à cet instant précis, la froideur de ses mots, l'auraient trahis. Aedan. J'avoue être restée quelques micro-secondes sans voix, tellement j'étais surprise, alors que je lui faisais face. Je m'étais tellement sentie mal de l'avoir loupé et voilà que maintenant, il apparaissait comme sorti de nul part. Ah oui. Le groupe. J'avoue ne pas avoir vraiment prêté attention à ces gens quand j'étais sortie. Peut-être aurai-je du ?

" Surement la même chose pour laquelle, tu es venu jusque dans ce tribunal. "

Qu'est-ce que je fais là ? Je suis revenue pour toi, idiot. Mes yeux limite larmoyant, trahissaient presque ce que j'aurai aimé lui dire mais ... Je ne le pouvais tout simplement pas. Je ne pouvais tout simplement pas réapparaitre devant lui et tout lui balancer. Scrutant un instant les traits du jeune homme, je ne décela aucune émotion. Que ce soit la joie, la surprise, la colère, le dégout ... Bref. Rien. Que dalle. Aedan avait toujours été un expert pour cacher ses émotions comparé à moi ... J'étais comme un putain de livre ouvert et pour être honnête, cela ne jouait pas en ma faveur pour le coup. Tentant de reprendre le dessus sur le torrent d'émotion qui parcourait chacune de mes cellules, je serra un peu plus la poignée de mon sac à main. Comme si mon emprise sur cette poignée allait faire la différence ...

" Oui, je suis de retour pour .... De bon cette fois-ci. Ca m'étonne même que tu aies remarqué mon départ ... "


Bien sûr qu'il l'avait surement remarqué, vu le nombre de messages vocales et écrits que j'avais pu lui laisser. Quelle bécasse. Et puis, j'avais missionné Elijah. Même si Aedan n'avait rien lu, ni même rien écouté, j'espérais qu'Eli lui ait dit au détour d'une conversation ... Ou pas. Puisque j'avais fait du mal à son meilleur pote, Eli m'avait peut être tout simplement maudite. Le connaissant, ça ne m'étonnerait qu'à moitié s'il me disait avoir fabriqué des poupées vaudou à mon effigie. Une chose était sûre, je n'avais pas eu besoin qu'on me plante d'aiguilles virtuellement pour avoir mal. Les douleurs occasionnés pour les histoires de cœur, étaient surement les pires ... Et j'en avais fait les frais depuis toutes ces années. Finalement, l'être humain était champion dans l'art de se faire du mal gratuitement ...

" Parce que tu crois que j'ai eu le choix ? Si j'avais su que c'était toi ... Je ne ... Quoi que non. Je ne changerai rien. Même si j'avais su que c'était toi, j'aurai quand même accepté l'affaire. "

Devant le jeune homme, je tentais de cacher le fait que ses mots ne me touchaient pas. Alors que c'était tout le contraire. Même si je ne m'attendais pas à une effusion de joie, je ne m'attendais pas à autant de désinvolture de sa part. M'en voulait-il encore à ce point ? Pour être honnête, je perdais toute crédibilité face à lui. Même si mon discours était prêt depuis toutes ces années, je ne savais pas par où commencer. Comment lui expliquer que ce qu'il avait vu, n'était pas le reflet de la réalité ? Comment lui avouer que ma seule erreur, était de l'avoir aimé et d'avoir cru cette bande de pimbêche ? D'avoir eu le cœur brisé et d'avoir trop bu ? D'avoir cru pouvoir faire taire mes sentiments dans les bras d'un autre mais de m'être dégonflée ? Tout semblait si irréel. Pouvais-je vraiment le blâmer d'avoir réagi de la sorte ? Non. J'en aurai surement fait autant. Pourquoi n'avais-je pas tout tenter pour le rattraper ? Pour lui expliquer ? La réalité ? J'ai été lâche. Mais aujourd'hui, j'étais bien décidée à ne plus l'être. Tentant de reprendre un peu d'assurance, je tenta de paraitre décidée et intransigeante alors que mes yeux le suppliaient presque de m'écouter ... Juste un instant.

" Aedan. Je ... On doit ... Non. Je dois te parler. Et cette fois-ci, je ne te laisserai pas partir avant que tu ne m'aies écouté."

Même si j'étais curieuse de savoir ce qu'il était devenu depuis toutes ces années, je devais saisir ma chance avant qu'Aedan ne me glisse entre les doigts comme la dernière fois ...

Prendre la décision de revenir à Washington, avait surement été la plus  lourde décision que j'avais eu à prendre de toute ma vie. Ma famille, mes amis, ma vie. Tout était en Suède. J'avais terminé avec toutes les mentions. J'étais reconnue. Les cabinets se battaient presque pour m'avoir parmi leurs collaborateurs. Et pourtant, chaque parcelle de mon esprit, me soufflait constamment de repartir, là où tout avait commencé. Là où tout s’était terminé. L'idée de partir une nouvelle fois de chez moi, ne m'avait pas quitté durant des mois, comme une ombre planant au dessus de ma tête. Contrairement à ce que pouvait penser Aedan, je n'étais pas partie par pure lâcheté. Ni même par peur d'assumer mes erreurs. J'étais simplement partie parce que je le devais. Peut être était-ce le signe que notre relation devait finir comme ça. Sur un horrible malentendu. Rien que d'y penser, cela me rendait complètement folle. Je ne pouvais pas croire qu'une relation n'ayant jamais réellement de commencement, pouvait se terminer de manière aussi brutale. Cependant, le destin en avait décidé autrement.

Quoi qu'il en soit, j'étais belle et bien de retour et Aedan était la seule et unique raison de mon retour. Cependant, hors de question de lui dire. Je me sentais déjà assez misérable comme ça. Face à son regard, j'aurais aimé être aussi petite qu'une souris afin de pouvoir me cacher. Alors que lui, me fusillait presque, moi, je fondais littéralement. Il était le chalumeau qui me brûlait, laissant ma peau à vif et moi, le chocolat qui fondait lamentablement comme au premier jour. Je fondais devant ses prunelles d'un brun si intense et si envoutant. Même si les quelques mots qu'il m'adressait, étaient plus qu'incendiaire, sa voix me faisait frissonner intérieurement, me rappelant les instants précieux d'un passé lointain. Ses rires, aussi mélodieux qu'une symphonie, me manquaient terriblement. A en mourir. Le voir devant moi, aussi froid et impassible, me rappelait inlassablement tout le mal que j'avais pu lui faire. Tout le mal que nous nous étions fais, à coup de non-dis et de malentendus.

Comment aurais-je pu ne pas le remarquer ? Ces mots résonnaient dans mon esprit, percutant chaque petit neurone sur son passage. Malgré son silence radio avait-il cherché à me voir pour avoir la chance de me déverser toute sa colère en pleine face ? Ou ... Est-il possible que je t'ai manqué ? Ne serait-ce qu'un instant ? Une seconde ? Mes yeux complètement omnibulé par ses lèvres, j'espérais tellement les entendre ces mots presque interdits. Je me berçais tellement d'illusions que ça en devenait presque pathétique. Oui, je l'admettais. J'étais complètement et irrémédiablement, une fille pathétique. La vérité, c'est que pendant toutes ces années, ce mec m'avait terriblement manqué. Voilà la vraie vérité. Restant silencieuse, je me contenta simplement de baisser la tête un instant. Parfois, il s'avérait plus judicieux de laisser nos pensées à l'état de ... Pensées. Peut être qu'un jour, je trouverai le courage de lui avouer combien ma vie n'avait eu aucun sens sans lui.

Alors que mon regard s'était baissé quelques instants afin de ne pas trahir mes états d'âme davantage, je remarqua les poings serrés d'Aedan. J'étais étonnée. Vraiment.  Cependant, je compris bien vite la raison de ce geste si inhabituel. La violence de ses paroles me heurta de pleins fouets, comme les rafales d'un vent violent.  Alors que je parlais simplement de l'affaire, le jeune semblait avoir fait un amalgame. Le détruire encore une fois ... Ces mots me blessèrent sincèrement. Je pense qu'à cet instant précis, je me détestais encore plus qu'Aedan pouvait me détester. Je me haïssais. L'entendre de sa bouche, était un vrai crève-cœur pour moi. Détruire une personne qu'on aimait, était inacceptable. Je me sentais tellement monstrueuse à cet instant précis. Je ne pouvais me résoudre à le regarder. Finalement, je ne méritais peut être pas qu'il m'accorde de son temps. Etais-je vraiment capable de me défendre ? Je n'ai jamais voulu ça, je t'en supplie. Crois-moi.

Soupirant légèrement, je sentis mes ongles s'enfoncer un peu plus dans l'anse de son sac à main. Si ça continuait comme ça, je pourrais bien aller en acheter un nouveau avec toutes les marques que je lui infligeais depuis tout à l'heure.

" Je n'ai jamais voulu ça ...", Murmurais-je simplement, espérant qu'il ne m'entende pas.

Malgré toutes ces années, j'avais osé imaginer qu'enfin, il me laisserait une chance de m'expliquer sur les évènements de cette soirée-là. J'étais consciente que toutes les excuses de l'univers, n'effaceraient jamais ce qu'il s'était passé. Cependant, je ne pouvais pas continuer à vivre sans avoir eu la chance de lui expliquer pourquoi j'en étais arrivée là. Même si finalement, il n'y avait eu que quelques baisers échangés et rien d'autre, je lui devais la vérité. Je me devais la vérité. Je nous devais la vérité. Je ne m'attendais pas à ce qu'il me pardonne. Mais je ne pouvais pas continuer à vivre en sachant qu'Aedan me détestait à un point qu'il m'était presque impossible d'imaginer. Rien que d'entendre cette colère dégoulinant grossièrement de ses mots, me rendait complètement folle. Le faire passer pour un connard ... Quelle blague quand on s'avait que dans l'histoire, c'était moi la pire des connasses.

" Je pourrais simplement te dire que je t'attraperais, te ligoterais et te forcerais à m'écouter mais ce n'est pas ce que je veux. J'aimerais simplement que tu puisses m'écouter, comme tu écouterais l'un de tes clients. Faut-il que je demande un rendez-vous à ton cabinet pour que tu prennes enfin la peine de m'écouter ? "

Mon regard ne l'ayant pas quitté un instant, soulignait ma détermination. J'étais extrêmement sérieuse. S'il fallait en arriver jusque-là pour qu'il soit obligé d'écouter ce que j'avais à lui dire, je le ferai. Même s'il fallait que je prenne une fausse identité, j'étais absolument et désespérément résolue à le faire. Quitte à vivre avec des remords toute ma vie, autant éviter les regrets. Finalement, je ne sais pas ce qui l'a fait changer d'avis. La seule chose que je sais, c'est qu'à l'instant où les mots " Très bien, je veux bien t'écouter", arrivèrent jusqu'à mes oreilles, une vague de chaleur me transporta. A cet instant, plus rien n'avait plus d'importance. Après toutes ces années, j'allais enfin pouvoir lui expliquer. J'étais tellement contente qu'Aedan m'accorde un peu de son temps, que je n'avais pas entendu la suite. Le voyant s'éloigner, je sautilla un instant comme une enfant. Sur le moment, je me sentais tellement heureuse et ... Soulagée.

Reprenant mes esprits, je tapa un petit sprint afin de rattraper Aedan qui s'était allumé une cigarette. Quelle mauvaise addiction. Cependant, je resta muette. Ce n'était certainement pas le moment de lui faire un cours sur les effets toxiques de la cigarette sur la santé. Croisant mes mains dans mon dos, dissimulant mon sac à main à l'arrière, j'en profita pour prendre une grande bouffée d'air frais. Maintenant que j'avais réussi à me faire entendre, ce n'était pas le moment de me dégonfler. Marchant derrière Aedan qui ne m'adressait aucun regard, j'essayais de me refaire le monologue que j'avais préparé toutes ces années. Dans ma tête, ça sonnait tellement bien ...

En arrivant devant le café qui n'était pas loin du tribunal, je jeta un coup d'œil à l'enseigne. Pour être honnête, je ne me souvenais pas du tout de cet endroit. Durant mes études à Washington, j'avais passé tellement de temps à la bibliothèque et dans ma chambre d'étudiante, que je n'avais jamais vraiment pris la peine d'explorer les environs. Attrapant la porte qu'Aedan m'avait presque lâchée à la figure, j'entra. Pour être honnête, je n'étais pas vraiment à l'aise avec les bars. Il serait presque idiot de me demander pourquoi. Repérant une table qui était un peu reculée, je proposa l'endroit à Aedan. A vrai dire, je n'avais pas vraiment envie que tout le monde entende ce que j'avais à lui dire. Lui devançant le pas, je m'installa. J'enleva mon manteau et mes lunettes avant de déposer le tout sur la chaise à côté de moi. Après tout, je me doutais bien qu'Aedan ne comptait pas s'asseoir à côté de moi. Posant mes mains sur mes jambes, je me sentais tellement gênée à cet instant. Replaçant une mèche blonde qui me gênait, je posa mon regard sur Aedan.

" J'ai revu Elijah, il n'y a pas longtemps. Il n'a pas du tout changer depuis toutes ces années. Je lui en dois une, d'ailleurs ... "

Oui. Bon. Ok. C'était nul. Mais en même temps, je n'avais rien trouvé d'autre pour briser la glace. Je ne pouvais pas lui balancer tout simplement ce que j'avais à lui dire. Je ne voulais pas le braquer. Avec ce qu'il s'était passé au tribunal quelques minutes plutôt, j'en avais la certitude, Aedan m'en voulait à mort. Je devais trouver les mots. Par où commencer ?

" Mon père est décédé. C'est pour ça que je suis partie. Je ne cherche pas à m'en servir comme excuse mais ... Je voulais simplement que tu saches que ce n'était pas par choix."

Partir à cette époque, n'avait pas été une chose facile. Surtout dans ces circonstances.

" Tu te souviens de ce groupe de filles qui te bavaient littéralement sur les pieds lorsque nous étions à l'unif ? "

Puisqu'il fallait bien commencer par quelque part ... Autant commencer par le début ....

Le lit du premier venu. Le lit du premier venu ... Ces mots résonnaient encore dans ma tête comme un horrible écho. A cet instant, j'aurais tellement aimé lui hurler que ce n'était pas ce qui s'était passé. Et pourtant, alors que j'avais entrouvert la bouche, aucun son ne sortait. Je me sentais tellement impuissante devant la scène qui se jouait depuis tout à l'heure sous mes yeux. D'aussi loin que mes souvenirs me le permettaient, je n'avais jamais vu Aedan dans un état comme celui-là. Je ne le reconnaissais pas. J'avais l'impression d'avoir un autre homme en face de moi. J'avais l'impression d'avoir été catapultée dans un univers parallèle. Comment pouvait-il me détester autant après toutes ces années ? N'avait-il vraiment rien écouté de ce que je lui avais dit dans les messages vocaux ? A en croire cette colère  et ce regard, qui transperçaient mon âme à chaque instant ... J'imaginais que non.  Peut-être était-ce une terrible erreur d'avoir espéré pouvoir lui parler. Peut-être était-ce une erreur de vouloir tout lui avouer. Peut-être était-ce une erreur d'être tout simplement revenue.

Même si j'aurais aimé me défendre, je n'en avais plus la force. En à peine quelques minutes, il m'avait déjà plaquée au sol, me mettant KO au passage. J'avais l'impression que quoi que je dise, quoi que je fasse, il trouverait toujours une phrase ... Une idée ... Pour m'accabler d'avantage. N'avais-je pas assez l'air minable comme ça ? Fallait-il que je me mette à pleurer comme une enfant pour le soulager ? Ou ... Voulait-il simplement me faire subir ce qu'il avait subi pendant toutes ces années ? Pourquoi fallait-il qu'il tourne chacun de mes mots à sa sauce ? Alors que j'avais décidé de me taire, je n'avais pas su m'empêcher de lui spécifier que même s'il refusait de m'entendre, il y serait bien obligé si je me rendais dans son cabinet ... Sous un faux nom évidemment pour qu'il ne sache pas à qui, il avait à faire. Encore une fois, il détourna mes paroles. Me présenter devant lui en victime ... Cela n'avait jamais été mon intention. Bien au contraire. Contrairement à certaines personnes, j'assumais totalement la responsabilité de mes actes. Aedan me connaissait. J'avais toujours été comme ça. Comment pouvait-il me faire passer pour une personne que je n'étais pas ? S'il avait dédaigné me répondre ou me voir à cette époque, je lui aurais tenu le même discours qu'aujourd'hui ... J'étais coupable de l'avoir aimé comme une folle. Coupable d'avoir écouté ces filles. Coupable d'avoir embrassé un pauvre type sous l'emprise de l'alcool. Cependant mes crimes s'arrêtaient là.  Alors que mon regard soulignait ma détermination, sous ses mots, cette dernière plia comme un roseau, pliant sous la force du vent.

" Arrête de déformer mes propos, Aedan. Je ne suis pas une victime. Et je ne le serai jamais."

Finalement, même si j'avais été remplie de joie lorsqu'il avait décidé de m'accorder une chance de lui parler, je sentais que j'allais très vite le regretter. Pendant que nous marchions, je m'étais repassée en boucle tout ce que je devais lui dire. Dans ma tête, tout était clair. Tout était limpide. J'avais préparé ma défense comme un avocat préparait son plaidoyer. Lorsque nous étudions ensemble, Aedan et moi, il nous arrivait de jouer à ce genre de petits jeux. Je connaissais Aedan. C'était le genre d'avocat qui ne lâchait pas le morceau tant que la cause qu'il défendait, n'était pas blanchie. Il voulait toujours avoir raison. Il était tellement doué, qu'il arrivait même à faire douter les gens de leur propre prénom. Ca m'avait toujours perturbé. En y repensant, même s'il nous arrivait de nous disputer après ce genre de jeux, tout finissait toujours bien. Aujourd'hui, ça ne serait surement pas le cas. D'ailleurs, alors qu'il marchait devant moi, je ne pouvais pas m'empêcher de rêvasser ... Je nous imaginais comme dans un de ces films qui me faisaient pleurer à chaudes larmes. Dans ces films, il n'aurait suffit que d'une accolade et de trois petits mots pour que tout s'arrête. Pour que ce cauchemars s'arrête. Malheureusement, nous n'étions pas dans un film et la réalité était tout autre. Notre réalité était bien plus douloureuse ... Tragique.

Alors qu'Aedan s'était commandé un café, pour ma part, je n'avais rien voulu. J'avais l'estomac totalement noué. Avec le stress, j'avais la nausée. Il n'était pas question que je tente de boire quelque chose si je voulais être en état d'entamer cette discussion que je redoutais tant depuis toutes ces années. Finalement, si je m'étais mise à parler d'Elijah, c'était simplement dans le but de briser la glace. Aedan me perturbait et son regard me déstabilisait. J'étais à la fois en train de baver discrètement devant lui car ... Mon dieu ... Qu'est-ce qu'il était canon ... Et à la fois, je sentais qu'il m'attendait au tournant, prêt à bondir et à me balancer dans le ravin comme un vulgaire déchet à la moindre erreur. D'ailleurs, cela ne manqua pas.

Même si je fuyais son regard depuis l'instant où nous étions entrés dans ce bar, je tentais de me reprendre. Je ne sais pas si c'était l'air frais qui m'avait donné un coup de fouet ou simplement, ma fierté qui commençait à repointer timidement le bout de son nez après m'avoir lâchement abandonnée lorsque nous étions au tribunal, mais je comptais bien répliquer à ses paroles. Je voulais qu'il m'écoute. Je devais me reprendre.

" Effectivement. C'était juste pour détendre l'atmosphère. Détend-toi. Quand j'en aurai fini, j'irai voir ailleurs."

Plantant mes ongles dans mon jeans, je me faisais violence pour ne pas me décomposer. J'étais de nature sensible. Et même si j'avais eu envie de pleurer 36.000 fois depuis l'instant où ma route était rentrée en collision avec celle d'Aedan, je me refusais de le faire devant lui. Puisque la manière douce ne lui convenait pas, je comptais bien passer à la manière forte. Je n'avais jamais aimé les conflits. Malheureusement, quand je devais y être confronté, j'étais de nature à l'aborder de manière diplomate. Avec Aedan, j'avais essayé au tribunal. En vain. Maintenant, c'était tout. Même s'il avait toutes les raisons de m'en vouloir - Bien que pas tant que ça en réalité -, je ne pouvais plus supporter la façon dont il me parlait, dont il me regardait. Cela me blessait trop. Bien plus que je n'aurais pu l'imaginer. Même si c'était difficile à croire, je l'aimais et ... Le voir se comporter de la sorte, me heurtait avec une telle violence, que cela me détruisait à petit feu. Après tout, n'était-ce pas le but de sa manœuvre en se comportant comme ça ? Me détruire autant que lui, l'avait été ?

Grimaçant un instant alors qu'il me disait être désolé pour mon père ... Une nouvelle fois, il interpréta à sa façon mes paroles. Qu'est-ce qu'il pouvait être détestable quand il faisait ça. Troquant mon air limite abattu pour un regard défiant, je posais mon regard sur lui. Je comptais bien lui faire face, lui faire comprendre que je n'étais pas de ce genre de filles au cœur sensible que tu pouvais balancer dans la boue comme bon lui semblait.

" Déjà ... Descend d'un étage. Je ne crois rien du tout. Si je t'ai dis ça, c'était simplement parce que toute à l'heure, tu m'as balancé que c'était trop facile de dire qu'on a pas eu le choix. C'était la seule et unique raison pour laquelle, je t'ai dit la vraie raison de mon départ. Ca s'arrête là. Ne fais pas semblant d'avoir de la pitié pour moi. Je sais que tu n'en penses pas un traitre mot. "

Je ne sais pas vraiment ce qui me prenait à cet instant. J'avais l'impression que mes lèvres allaient plus vite que mon cerveau. Ou plutôt ... J'avais l'impression de rentrer de le jeu d'Aedan. C'était un jeu un peu cruel quand on y pense. C'était le jeu du " A celui qui blessera le plus l'autre ". Un jeu dangereux quand on s'y met. D'ailleurs, alors que je tentais de commencer à lui expliquer ce qui m'avait conduite à réagir de manière déraisonnable, encore une fois, il m'enchaina. Beaucoup de mots s'entrechoquaient dans mon esprit. Trahison. Tromperie. Jalousie. Vengeance. Certains étaient acceptables. Alors que d'autres, me mettaient carrément hors de moi. Je pense que c'est à cet instant que la petite fille fragile, laissa sa place à la lionne.

" Attend. On va remettre les choses dans leur contexte. De un, je ne t'ai pas trompé. Pour la simple et bonne raison que nous n'avons jamais été ensemble. De deux, la seule trahison que tu peux me reprocher et que je reconnaîtrais, n'est pas celle que tu crois. Mais ça, tu l'aurais su, si tu avais dédaigné m'écouter ou écouter les nombreux messages que je t'ai laissé. "

Puisqu'il voulait en terminer rapidement ... Ok. Je comptais réaliser son souhait. Je me sentais envahie d'une colère limite ... Inexpliquée. Peut-être avais-je trop absorbé toute la haine d'Aedan au cours de cette soirée. Mon regard autrefois déstabilisé et lamentable, traduisait ma colère et à la fois ma peine. Assez contradictoire à vrai dire. Claquant mes mains sur la table, je soupirais comme pour me donner le courage qui m'avait tant manqué depuis toutes ces années.

" Bordel Aedan. Je n'ai pas couché avec ce type. Tu comprends ce que je te dis ? JE N'AI PAS COUCHE AVEC CE TYPE ! Faut-il que je te le dise dans une autre langue pour que tu le comprennes mieux ? Alors arrête de me traiter comme si j'étais la pire des traînées. "

Ouch. Une nouvelle fois, je n'en revenais pas d'avoir dit cela. Être vulgaire ne me ressemblait pas du tout. J'avais l'impression d'être possédée par une fille que je n'étais pas. Pourtant, sur le moment, j'avais l'impression qu'un énorme poids venait de disparaitre de ma poitrine.

" Tu veux savoir la vérité ? Quand tu es arrivé, je venais de lui dire que c'était mort. Je ne pouvais pas. La seule personne que je désirais à sa place, c'était toi espèce d'idiot. J'étais en colère contre toi. C'est vrai. J'étais verte de jalousie même. Ces filles ... Ces filles m'ont manipulé. Et j'ai été trop idiote pour m'en rendre compte. Comme tu le dis si bien, je n'ai pas vu plus loin que le bout de mon nez. Tu me semblais tellement distant depuis quelques temps, j'avais l'impression que tu m'échappais. Il m'a donc paru très facile de croire, ce qu'elles m'ont dit. Je mourrais pour toi. Tu étais mon obsession. Mon premier amour. J'avais tellement peur de te perdre que je n'ai jamais rien dit. Mes sentiments pour toi, me consumaient. Quand j'ai entendu des rumeurs sur le fait que tu avais quelqu'un dans ta vie, j'ai vrillé. Ce soir-là, je suis sortie avec des amies. J'ai bu pour noyer mes sentiments, ma peine. A cet instant-là, je t'ai détesté autant que je t'aimais. Et puis, il y avait ce type. J'avais l'impression qu'il te ressemblait. Puisque je n'étais pas ton premier choix, je voulais être celui de quelqu'un d'autre. Nous nous sommes embrassés et nous sommes allés chez moi, c'est vrai. Et c'est la seule chose pour laquelle, je suis coupable. "

Je m'arrêtais un instant afin de reprendre  mon souffle, alors que je me faisais bataille pour ne pas que mes larmes ne coulent. Mon cœur, quant à lui, battait tellement vite, que j'avais l'impression que d'un moment à l'autre, il allait me lâcher, lui aussi.

" Je n'ai pas pu Aedan. J'étais aveuglé par ma jalousie. Par l'alcool. A ce moment-là, je t'en voulais mais pas assez pour me venger en me tapant le premier plouc qui passait par là. Alors c'est vrai, tu n'as pas mérité ce que je t'ai fait subir ce jour-là, ni même toutes ces années. Mais tu n'es pas le seul à avoir eu le cœur brisé pendant toutes ces années. Tu t'es enfui sans même me laisser l'occasion de te rattraper pour te l'expliquer. Tu m'as simplement nié comme si je n'avais existé pour toi, tu as tout balancé au feu. Tu me connaissais mieux que personne. Comment as-tu pu croire que je serai capable de faire ça ? Je t'ai attendu, jusqu'au moment de monter dans ce putain d'avion. "

Ne supportant plus son regard accusateur rempli de haine, je me levais. En attrapant mon sac qui se tenait sur la chaise à côté de moi, je sentis une de mes larmes couler le long de ma joue. La balayant avec l'une de mes mains, je ne pus retenir les autres.

" Tu sais quoi ? Laisse tomber. Oublie tout ce que je viens de te dire. De toute façon, je suis certaine que tu ne crois pas en un seul des mots que je viens de te dire. Pardonne-moi de t'avoir fait perdre ton temps. "

Sans même attendre une réponse, je sortis à toute hâte du bâtiment. Lorsque je fus enfin dehors, je laissais s'échapper toutes les larmes qui s'étaient accumulées depuis notre rencontre. A cet instant, j'étais faible. Les gens me regardaient, mais je m'en fichais complètement. J'avais l'impression que mon cœur s'était serré, m'empêchant de respirer par la même occasion. Peut être était-ce simplement un sanglot ? Quoi qu'il en soit, cette fois-ci, j'avais décidé de fuir, comme il l'avait fait des années plutôt. Au moins, Aedan pourrait rajouter ca sur sa longue liste d'accusation qu'il tenait depuis autant d'année contre moi ... Game over. Il avait gagné, j'avais perdu.

Plus le temps s'écoulait et plus, je me faisais violence pour ne pas m'effondrer. Pour ne pas perdre le contrôle. J'avais tant de choses à lui dire. Je ne pouvais pas me défiler comme la dernière fois. Je m'y refusais catégoriquement. Dans ce café, j'avais l'impression d'étouffer. De manquer d'air. J'avais la sensation d'avoir une main qui pressait ma gorge, alors que je sentais l'air frais s'infiltrer doucement dans mes poumons. A moins que ce ne soit l'angoisse finalement. Je détestais me sentir aussi vulnérable. J'avais l'impression que chacun de ses mots ... Chacun de ses regards, me poignardaient sans ménagement. Que cherchait-il ? La vengeance ? Probablement. J'avais l'étrange sensation d'être un boxeur qu'on était en train de mettre littéralement ko. Je me sentais prise au piège, telle une petite sourie se tenant entre les pattes d'un chat aux crocs acérés. Pour le coup, il était le chat, j'étais la sourie.

Pourtant, ses mots m'avaient blessé. Vraiment. Aedan était dur. Bien trop dur alors qu'il n'avait jamais pris la peine de m'écouter. De me lire. J'avais l'impression de voir mon cœur s'envoler en mille morceaux alors qu'il me faisait passer pour une fille que je n'étais pas. Mon seul moyen de défense ? Lui balancer la vérité sans ménagement. Après tout ... A quoi bon prendre des pincettes avec lui ? Il ne comprenait pas les mots que j'essayais de choisir avec ménagement. Peut-être comprendrait-il la façon plus ''vulgaire''. Je n'avais pas mâché mes mots. Ces derniers avaient même dépassé ma pensée par moment. Ma colère m'avait enveloppé de ses bras et je me sentais mieux ... J'avais l'impression d'être ... Une fille que je n'étais pas. Je n'étais pas fondamentalement méchante et finalement, j'en voulais un peu à Aedan, de m'obliger à l'être. En y repensant, je me sens  tellement coupable d'avoir perdu le contrôle ...

Alors que je venais de déballer toute l'histoire, sans omettre aucun détail, je remarqua qu'Aedan semblait ... Un peu sous le choc. Tout au long de mon monologue, je l'avais vu jouer avec sa cuillère. Ce qui m'énervait ... Il ne me regardait pas alors que j'aurai aimé lui crier : " Mais putain, regarde-moi ! ". Etait-ce voulu ou était-ce simplement parce qu'il n'osait pas me regarder dans les yeux ? Quoi ? Je faisais si peur que ça maintenant que la colère consumait chaque parcelle de mon être ? La vérité était difficile à entendre ? Finalement, je laissa tomber. Je ne pouvais pas continuer comme ça. Je devais partir. Fuir avant que je ne dise quelque chose qui dépasserait VRAIMENT mes pensées. Comme il l'avait fait plutôt, moi aussi, j'aurai bien aimé lui balancer des reproches à la figure. Maintenant que j'y repense, j'aurai peut être du. Simplement pour lui faire ressentir, ce qu'il m'avait fait subir depuis notre rencontre au tribunal. Je lui aurais dit à quel point, il avait été idiot de ne pas chercher plus loin que le bout de son nez, lui aussi. A quel point, je l'avais détesté pour n'avoir jamais donné suite à aucun de mes messages, aucun de mes mails. Comment avait-il pu jeter au feux notre ''amitié'' - Si on peut appeler ça, de l'amitié -, sans aucun regret ?

Maintenant, c'était à mon tour de disparaitre sans me retourner. En reprenant mes affaires, je ne lui avais adressé aucun regard. Mon cœur saignait à torrent. Il ne suffisait que d'un regard pour m'effondrer. A toute hâte, j'étais sortie du bar, bousculant la serveuse par mégarde en passant. J'avais besoin de sortir, de reprendre mon souffle. Depuis que j'avais commencé mon monologue, je m'étais sentie comme en apnée. Il me fallait de l'air. Appuyant mes mains sur mes cuisses, je baissa la tête un instant. Je tentais de reprendre mon souffle alors que je sentais les larmes inonder mes yeux. Je devais m'éloigner. Je ne devais pas rester ici. Sans vraiment faire attention à la direction, je m'étais mise à marcher. Comme une pauvre fille, je pleurais. Je m'étais retenue depuis un petit moment et maintenant, je ne pouvais plus me retenir. Il fallait que ça sorte. Il fallait que ma frustration et ma tristesse, s'échappent. Les gens me dévisageaient mais je m'en moquais. Tout ce que je voulais, c'était me sentir mieux. Enfin mieux ... Tout était relatif ... Alors que je marchais, je sentis une main se poser sur l'un de mes poignets, m'arrêtant net, m'empêchant d'avancer. Cette voix qui me demandait d'attendre ... Me fit frissonner. Je n'osais pas bouger alors que ma tête me disait de partir. J'aurai du continuer mon chemin. Après tout, je n'avais plus rien à lui dire ... Pour le moment. Je n'avais plus la force de me battre avec lui. Il avait gagné ... Que voulait-il de plus ? Laisse moi Aedan ... Je t'en supplie.

M'incitant à me retourner, je lui dévoila mon regard immergé de larmes. J'avais beau essayer de me faire violence, je n'arrivais plus à me contenir. Et puis bon ... A quoi bon ? Fallait-il vraiment qu'il me voie dans cet état pour satisfaire sa "victoire " ? Qu'il en soit ainsi. Qu'il me voie comme la fille la plus pitoyable du monde, je m'en moquais. Pourtant, alors que mon regard le fusillait - ou le suppliait de me laisser tranquille - , je remarqua que quelque chose avait changé chez lui. Il avait le regard baissé, comme si il fuyait le mien. Etrange. Pourtant, quelques instants plus tard, alors qu'il tenait toujours avec fermeté mon poignet, il se mis lui-aussi, à se lancer dans des explications assez inattendues ... Je n'en croyais pas mes oreilles. D'ailleurs, à mesure qu'il parlait, mes larmes s'arrêtaient de couler. Alors que je l'écoutais avec attention ... J'avais l'impression qu'on m'arrachait le cœur, une seconde fois.

Comment pouvait-on se faire autant de mal, en s'aimant ? Cette question tournait en boucle dans mon esprit alors que je voyais les yeux d'Aedan se remplir de larmes, eux-aussi. Même si je lui en avais voulu à mourir quelques minutes plutôt, la seule chose dont j'avais envie à ce moment-là, c'était de le prendre dans mes bras. Qu'il me prenne dans ses bras. J'avais besoin qu'il me console. Il avait besoin que je le console. On en avait besoin. Même si tout avait changé entre nous, je ne pouvais nier l'évidence ... Je l'aimais. Comme une idiote, je n'avais jamais pu renoncer à lui. Il était mon premier amour et malgré moi, il avait laissé une trace indélébile dans ma vie. Il avait laissé un vide immense dans ma vie.  Le voir dans cet état, était difficile. Pourtant, je me sentais liée. La seule chose dont j'étais capable, c'était de l'écouter, du mieux que je pouvais.

Alors qu'il venait de lâcher mon poignet, mon regard se porta sur ma main, qui reprenait sa position, le long de mon corps. Soupirant un instant, la seule chose à laquelle, je me sentais capable de réagir, était les derniers mots que le jeune homme venait de prononcer ...

" Le mal est fait ... C'est vrai. "

Tout se bousculait dans ma tête. J'étais complètement perdue. J'avais envisagé beaucoup de scénario possible et inimaginable mais ... Je ne m'attendais pas à un tel discours de sa part ... Finalement, je lui en voulais de m'avoir balancer la vérité sur ses sentiments. Il ne pouvait pas simplement me dire, qu'il m'avait aimé, au point de nous imaginer un futur ensemble, et me laisser comme ça. Qu'étais-je censée faire ? Qu'attendait-il de moi ? Que voulait-il entendre ? J'avais tellement envie de crier à ce moment-là ... De piquer une crise de nerf. La vie était tellement injuste.

Cherchant mes mots afin de briser le silence pesant qui s'était installé, je vis Aedan se rapprocher de moi et me ... Prendre dans ses bras. Etait-ce réel ? Je n'en revenais pas. J'étais tellement sous le choc que je resta tétanisée quelques instants avant de réellement me rendre compte de ce qui était en train de se passer. Puisqu'il avait baissé les armes, je me devais de faire pareil. Et puis ... J'avais tellement rêvé d'un moment pareil ... Je ne pouvais pas le repousser. Je refusais de le repousser. Bien au contraire. Reprenant mon souffle quelques instants, j'enroula mes bras autour de lui, le serrant légèrement. Alors que je m'étais risquée à poser ma tête contre son épaule, je me rendis compte à quel point ... J'étais fichue. Même si notre relation n'était qu'un tas de débris, en cet instant, plus rien n'avait d'importance. Le temps, le monde n'existait plus. Si l'arrêt sur image existait dans la vie réelle, je l'aurais certainement invoqué à coup sur. Tout en fermant les yeux quelques instants, je me mis à lui murmurer quelques mots, tout en enfouissant ma tête dans son cou ... Son odeur ... Un doux rappel d'un passé heureux, si lointain.

" Je suis tellement désolée, Aedan. Tu ne peux pas imaginer à quel point, je m'en veux d'avoir été si cupide. J'aurai du avoir le courage de tout t'avouer. "

Le serrant un peu plus quelques instants, profitant une dernière fois de cette proximité qui ne reviendrait peut être plus jamais, je décida de le lâcher. A ce qu'il parait, toutes les bonnes choses avaient une fin ... Pour le coup, j'aurai aimé taper l'idiot qui avait inventé cette phrase. S'il n'y avait eu que moi, je serai restée contre lui toute la soirée. Il m'avait tellement manqué ... Horriblement manqué, même. J'avais l'impression d'avoir pris une dose d'héroine, en plein sevrage. Le soucis avec ce genre de one shoot, c'était assurément la chute ... Par pitié, Aedan.

Maintenant que j'étais sortie de son étreinte, lui faisant face, je me sentais effrayée par la suite ... Que faire ? Après toutes ces émotions, il commençait à se faire tard. Je me sentais tellement épuisée. Nous avions tellement besoin de digérer tout ce qui avait été dit ce soir. Résolue, je posa mon regard sur Aedan.

" Je pense qu'il est temps de rentrer ... Laissons-nous quelques jours pour y voir plus clair ... Tu veux bien ? "

Oui, je l'admettais. J'avais besoin de repenser à tout ce qu'Aedan avait dit. J'avais besoin de remettre mes idées en place. J'avais besoin de sortir de cette situation afin de revenir plus forte. J'espérais bien que nous ayons une nouvelle discussion lorsque la colère et l'amertume, seraient redescendues. Fouillant dans mon sac à main, je sortis une de mes cartes de visite, fraichement sortie de chez l'imprimeur. La tendant à Aedan, je lui adressa un sourire timide ...

" Prend-là ... Si jamais un jour, tu ressens le besoin de me voir ou de me parler ... Tu sauras où me joindre. "

Croisant mes bras derrière mon dos, je fus prise par un élan de ... Courage. J'en mourais tellement d'envie ... M'approchant de lui, je ne pus m'empêcher de déposer sur l'une de ses joues un baiser. Je ne lui avais pas demandé son avis mais ... Ce n'était pas grave. Puisque j'avais manqué de courage jusqu'aujourd'hui, autant mettre ça sur le compte de la situation plus que déroutante.

" A bientôt Aedan. ", Lui dis-je avant de me retourner et de reprendre ma route.

Pour être tout à fait honnête, j'ai marché pendant longtemps avant de retrouver le chemin de mon appartement. Pensant à notre prochaine entrevue, j'espérais sincèrement qu'Aedan me contacte quand il serait prêt ...