"I'm so sorry..." - ft Kara

Après l'évènement de la maison hanté.

Est-ce que vous connaissez cette sensation ressentie au moment précis où vous recevez un appel d'un numéro inconnu et où vous savez pertinemment que c'est une mauvaise nouvelle qui vous attends au bout du fil ? Je l'ai su dès que mon portable a vibré dans ma poche. C'est comme si ce dernier me brûlait la peau. Une émotion désagréable m'a envahie et j'ai eu besoin d'une ou deux secondes avant de décrocher. Lorsque j'ai entendu cette voix masculine qui m'annonçait qu'il était arrivé quelque chose à Kara, je suis d'abord resté silencieux. Les battements de mon coeur tambourinaient dans mes tempes et j'avais envie de hurler mais aucune réaction ne s'affichait sur mon visage. Je repassais alors dans mon esprit le dernier échange que j'avais eu avec ma meilleure amie et cela venait me glacer le sang. Elle était partie à cette soirée seule. Parce que j'avais du travail. Putain de merde. Est-ce que ça valait le coup ? Nous nous étions disputé pour la première fois depuis longtemps et je lui avais finalement raccroché au nez tel un enfoiré. Je lui en voulais de ne pas me comprendre, de ne pas se mettre à ma place alors que je bossais comme un fou. Mais c'est la culpabilité qui m'envahissait à cet instant précis. Parce qu'il lui était arrivé quelque chose et que je n'avais même pas été là pour elle. Je n'avais pas été là pour la protéger... « Où est-elle ? » finis-je enfin par dire à mon interlocuteur. La personne au bout du fil m'annonçait qu'elle avait été récupéré par les urgences et qu'elle se trouvait désormais à l'hôpital avec de nombreuses autres personnes présentes à cette soirée clandestines. Son état d'inconscience et son coup à la tête la plaçait en priorité face aux autres.

Ni une, ni deux, je raccrochais pour partir directement en direction de l'hôpital. J'abandonnais mon ordinateur et tout ce que j'étais en train de faire pour le travail et je montais dans ma voiture pour rouler à toute vitesse en direction de l'hôpital. L'accident avait eu lieu depuis quelques heures maintenant et la nuit était bien entamée. Je travaillais jusqu'à des points d'heure juste pour arriver à mes objectifs, sacrifiant de précieuses heures de sommeil. Actuellement, j'étais content de ne pas avoir mis mon téléphone en silencieux et de ne pas être en train de dormir. Je m'en serais doublement voulu d'avoir raté cet appel.

J'arrivais à l'hôpital en un temps record et je me garais précipitamment sur le parking avant de rejoindre l'accueil des urgences et de foncer vers la personne qui s'occupait des arrivées. « Une jeune femme, Kara Williams a dû arriver chez vous cette nuit ! Je... Je veux la voir... » La femme me pose plusieurs questions et je fais mon possible pour garder mon calme. Je suis parfois un peu agressif, mais c'est surtout ma peur qu'elle soit en danger qui parle à ma place. Je suis finalement orienté dans un autre service dans lequel on me demande d'attendre. Je ne suis pas de la famille, mais j'annonce être la seule personne dans son entourage proche. Le personnel médical se montre hésitant mais je me fait plus insistant et je suis finalement accepté dans la salle d'attente. On m'annonce que ma Kara a été touché à la tête, qu'elle a perdue connaissance et qu'ils sont en train de lui faire passer des radios pour s'assurer qu'elle n'est pas prit un coup trop grave. J'ai l'impression de devenir fou. J'ai mal au coeur et je peine à me calmer. Une multitude de pensées diverses s'emparent de mon esprit. Je ne sais même pas quoi faire pour apaiser mes maux. Putain qu'est-ce que je m'en veux.

Je patiente dans la salle d'attente et on vient régulièrement me donner des informations. Les minutes passent, puis les heures... Et moi je reste là à attendre. Faisant les cents pas et m'insultant mentalement d'avoir agis comme un imbécile avec cette femme qui compte tant à mes yeux. Finalement, on m'autorise à la voir enfin. Kara est encore inconsciente mais je peux rester à son chevet si je le souhaite. Je me fais la promesse de ne pas quitter ma place à côté de son lit tant qu'elle ne s'est pas réveillée. À l'instant où je rentre dans la chambre et que je la vois allongée, inconsciente, avec tout ces appareils autour d'elle, je sens mon coeur se briser un peu plus. La vie est injuste... Je viens m'installer sur la chaise à ses côtés et je viens caresser lentement sa joue avant de sentir les larmes rouler le long de mes joues. Je déteste les hôpitaux. Je les hais au plus profond de mon âme mais je ne m'étais même pas rendu compte jusqu'alors de l'endroit où je me trouvais. Il s'agit de Kara et je ne me suis pas posé la question une seconde de venir ici. Maintenant que je la vois ici et que je réalise enfin où je me trouve. Je me sens envahir par une angoisse que je ne peux contrôler. Je pose ma tête sur le lit et je me concentre sur ma respiration en tentant de retrouver mon calme alors que mon souffle se fait difficile et que les larmes recouvrent mes joues. « Je m'en veux tellement Kar'. Je suis tellement désolé putain. »

Après l'évènement de la maison hanté.

Le silence après le chaos. Le calme après la tempête. Le noir après les projecteurs. Cette absence de perturbation avait quelque chose d’apaisant, de salvateur, d’enviable même si au fond de moi, je savais que ce n’était pas normal de ne rien entendre, de ne rien sentir alors que quelques secondes plus tôt, je me trouvais au premier étage d’une maison pleine de fêtards alcoolisés. Mais le silence avait un côté réconfortant, ne pas ressentir, ne pas réfléchir, ne pas penser était galvanisant presque euphorisant. Je ne réalisais même pas qu’on me transportait à l’hôpital et encore moins qu’on me faisait passer des examens, qu’on me manipulait et qu’on me branchait à de nombreuses machines pour monitorer mes constantes. Pendant que les médecins s’inquiétaient de mon état de santé et s’assuraient que ma blessure derrière la tête n’était que superficielle, j’étais dans un endroit sans problèmes, sans soucis où personne ne disparait, où personne ne vous abandonne comme un animal de compagnie qu’on délaisse sur une aire d’autoroute pour profiter tranquillement d’un séjour à la mer. J’étais apaisée et quelque part, heureuse de me trouver dans cet environnement où le temps semblait comme arrêté, stoppé par la force d’un orage capricieux.

Mais toutes les bonnes choses ont une fin, même celles qu’on n’avait pas prévu. C’est d’abord le froid qui m’arracha un frisson. La température ambiante de la pièce où je me trouvais était bien plus fraîche que ce jardin d’Eden qu’on me forçait à quitter. Vint ensuite la douleur comme un marteau piqueur qui s’amusait au sommet de mon crâne et descendais doucement mais sûrement vers l’arrière de mon cou, laissant des traces à chaque terminaison nerveuse de mon cuir chevelu. Un grognement s’échappa de mes lèvres, il était certain que je ne boirais plus, cette gueule de bois du futur était pire que toutes celles que j’avais pu connaître dans ma vie, du genre à vous dégoûter pour de bons de l’éthanol et des soirées endiablées. A moi, les soirées cocooning avec un plaid sur les genoux et mes douze chats qui m’entourent. Au prix d’un effort considérable, j’entrouvris les yeux avant de les refermer complètement, recevant trop de lumière d’un coup. Ne pouvant me servir de ma vue, je fus surprise de constater que mes autres sens ne reconnaissaient rien de l’environnement qui m’entourait. Quel était cette odeur écœurante de désinfectant ? Je n’étais clairement pas chez moi. Etais-je restée sur les lieux de cette soirée ? Plus mon cerveau essayait de recoller les morceaux de ce qui s’était passé, plus l’ensemble semblait être un flou total. La dernière chose dont je me souvenais clairement ? Cette cliente qui voulait absolument un rouge à lèvre fuchsia pour aller avec l’horrible manteau qu’elle avait enfilé à son chihuahua.

Malgré ma volonté de reconstituer ma journée, mon attention fut rapidement focalisée sur autre chose. Cette voix, je la connaissais, cette voix, je l’associais à quelque chose de doux, de rassurant, de tendre… Cole C’est que mon cerveau m’indiqua mais mes lèvres ne semblaient pas prêtes à surmonter la douleur pour le partager avec le monde. Le marteau piqueur était de plus en plus présent, de plus en plus assourdissant. Un bip se fit entendre sur le côté de ma tête, est-ce qu’il y avait un réveil là où je me trouvais ? Le second bip fut accompagné d’une soudaine vague de chaleur dans mon corps, comme si quelqu’un avait posé une couverture sur moi. Cette douceur fit reculer le marteau piqueur, laissant à mon crâne les quelques ressources nécessaires pour appeler cette voix que je voulais réentendre. Cole… Mes yeux repartirent à l’assaut de cette lumière blanche et rencontrèrent une vision glaçante. Pas de réveil à l’horizon, pas de maison hantée mais un plafond blanc et lorsque je tournais la tête sur ma droite au prix d’un effort considérable, une grosse machine indiquant un rythme cardiaque qui s’affole et des tuyaux qui pendent un peu partout. Malgré une faculté cognitive réduite, je parvins à déterminer que je n’étais pas dans un endroit complètement inconnu, j’étais à l’hôpital et je n’avais aucune idée de comment j’avais atterri ici. Mes yeux descendirent vers le bas et tombèrent sur un Cole paniqué. Il était à l’hôpital. Il était ici malgré sa phobie de ce lieu. Qu’avais-je fait ? Comment avais-je pu me mettre dans un tel état qu’il avait dû surmonter une de ses plus grandes craintes pour se tenir à mon chevet ? Depuis combien de temps étais-je là ? Les questions se bousculaient dans ma tête et plus elles étaient nombreuses, plus le marteau piqueur revenait à la charge, entrainant un nouveau bip puis une nouvelle vague de chaleur… Cole, je… Je suis désolée…

Après l'évènement de la maison hanté.

J'ai beau être un grand gaillard musclé de 32 ans, je ne suis qu'un enfant quand je rentre dans un hôpital. Je ne contrôle plus mon propre corps tant les angoisses prennent le dessus. Maintenant que j'ai compris où je suis et que j'ai vu Kara dans cet état, je me suis écroulée sur la chaise à côté du lit et j'ai baissé la tête, les yeux rivés sur le sol pour tenter de calmer ma respiration saccadée. La crise d'angoisse menace de m'envahir mais je résiste. Une inspiration, une expiration. Deux inspirations, deux expirations. Je fais mon possible pour me concentrer là-dessus sans penser au lieu dans lequel je me trouve. Pourtant, l'odeur de l'antiseptique envahit mes narines et me ramène cruellement à la réalité.

Puis, alors que je faisais mon maximum pour calmer ce début de crise d'angoisse, je sentais du mouvement sur le lit. Aussitôt, je redressais brusquement la tête pour voir que Kara avait ouvert les yeux. Je ne pu empêcher les larmes de couler sur mes joues. Je me mettais à pleurer comme un enfant sans pouvoir le contrôler. Le fait de la voir réveillée mêlé à l'angoisse dans mon corps faisait un cocktail explosive qui m'empêchait de gérer mes émotions. J'attrapais sa main que je serrais entre les deux miennes. C'était si dur de la voir ainsi. Si dur de se sentir responsable de son état... « Non. Non Kar', tu n'as pas à être désolée. C'est moi qui le suit. Putain, j'aurais dû être là... » La culpabilité me rongeait de l'intérieur et je serrais un peu plus la main de ma meilleure amie, de la femme de ma vie. J'avais peur qu'elle disparaisse. J'avais peur de la perdre aussi brusquement que j'avais perdu ma mère... Cette idée me ronge mais je tâche de ne pas trop le montrer. Même si c'est déjà un peu trop tard pour ça.

Je me redresse finalement un peu et je viens caresser la joue de Kara. J'ai envie de la prendre tout contre moi et de la protéger. Je n'ai pas cette possibilité malheureusement. Je ne suis pas Superman. Pourtant réaliser que j'aurais pu la perdre me dévaste le coeur. Et me ramène à la réalité que je dois vraiment prendre soin d'elle. À partir de maintenant, je ne vais plus la lâcher d'une semelle. Elle pourra me traiter de pot de colle si elle le veut, mais c'est hors de question que je ne veille pas sur elle. « Dit moi comment tu te sens ? Tu as mal ? Tu veux que j'appelle un médecin ? Une infirmière ? » Une avalanche de questions... Pauvre Kara. Je ne pouvais pas m'en empêcher, je devais veiller à me rattraper après avoir complètement merdé et avoir en quelque sorte causé cette situation.

Après l'évènement de la maison hanté.

Je n’avais jamais eu de soucis de concentration. Capable de rester des heures à fixer mon propre reflet dans le miroir pour tracer un trait de liner parfaitement identique d’un côté et de l’autre de mon nez, j’étais dotée d’une certaine patience qui me servait au quotidien avec les clients de la boutique. Mais alors que l’odeur d’antiseptique me bouchait les narines et que ma vue s’habituait progressivement à la vision que cet environnement lui offrait, je peinais à saisir le sens des mots de Cole. Où aurait-il dû être ? Que s’était-il passé ? Comment avais-je fait mon compte pour me retrouver sur ce lit d’hôpital, monitorée par plusieurs machines et branchée à ce qui semblait être une pompe à morphine. Bien que faible et passablement shootée, j’essayais de me focaliser sur mon meilleur ami et de formuler une phrase cohérente. Qu’est-ce qui s’est passé ? C’était la seconde fois qu’il s’excusait en quelques minutes à peine, qu’avait-il fait ? Était-il responsable de mon admission à l’hôpital ? Bien qu’elle traversât mon esprit, je balayais vite cette idée de ma tête, j’avais une totale confiance en lui. Les larmes qui roulaient sur ses joues me donnèrent d’ailleurs envie de le prendre dans mes bras mais le simple fait de lever l’avant-bras droit m’arracha un gémissement de douleur. Baissant les yeux, je constatais qu’un vilain bleu et quelques entailles parsemaient mon bras, tranchant avec la blancheur naturelle de ma peau. Je n’étais clairement pas en mesure de faire quoique ce soit pour le moment. Impuissante face à la détresse de mon meilleur ami, je savais que le lieu dans lequel nous nous trouvions était son pire cauchemar. Peu importe ce qui m’avait conduit ici, je le mettais dans une position bien inconfortable. Les questions qui sortirent de ses lèvres furent difficilement assimilées par mon cerveau, il parlait vite et en posait beaucoup. Un mot cependant trouva grâce à mes oreilles « médecin ». Hochant péniblement la tête, j’espérais que le message réussirait à passer. Mais finalement, aucun de nous deux n’eut besoin de faire appel à l’équipe médicale, cette dernière ayant probablement reçu des alertes des différents moniteurs qui se trouvaient autour de moi fit son apparition. Ce que j’identifiais comme deux infirmières et un médecin annoncèrent tout un tas de choses à Cole dont mon cerveau ne capta que des bribes, « traumatisme crânien », « amnésie », « légères contusions ». Globalement, le souci semblait se situer au niveau de ma tête, le reste ayant été épargné. Pour une raison qui m’était inconnue, le mot « arbre » revint plusieurs fois dans l’échange. Finalement, après ce qui me sembla de longues minutes, les médecins quittèrent la chambre. Durant ce laps de temps, mon corps avait progressivement commencé à se réveiller, laissant mes sens reprendre leur rôle et la douleur envahir la moindre particule de peau. J’avais la sensation d’être une courbature d’un mètre soixante-treize et ce n’était pas la meilleure impression qui soit. Grimaçant, je me retournai vers le beau brun qui avait repris sa place à mon chevet. Tu n’es pas obligé de rester, tu sais… Faire une phrase complète me demanda moins d’effort mais ma voix restait plus faible que d’ordinaire. A moins que ce soit la perspective de le voir partir qui me faisait baisser d’un ton ? Je ne pouvais pas être égoïste et le garder à l’hôpital alors que ce lieu était la personnification même de tout ce qu’il avait perdu étant enfant. L’idée d’être seule ici ne me réjouissait pas mais de toute façon, je comptais bien sortir dans quelques heures. La douleur serait sûrement compliquée à gérer dans un premier temps mais elle le serait probablement moins que la facture qui allait tomber.

Après l'évènement de la maison hanté.

Toute cette situation est un enfer pour moi. Premièrement parce que je me sens terriblement impuissant face à la souffrance de Kara, et deuxièmement parce que j'ai envie de m'enfuir de cet hôpital tant l'angoisse est importante mais je refuse de laisser ma meilleure amie. Je suis tiraillé entre de nombreuses informations qui forment un nuage épais et noir dans mon esprit. Pourtant je reste là, à tenter de cacher ce qui est à l'intérieur de moi pour la protéger, elle. L'équipe médical rentrait finalement dans la pièce au moment où je comptais les appeler. Ils firent des contrôles sur Kara pendant que je m'éloignais un peu. Les larmes coulèrent à nouveau sur mes joues parce que j'avais peur du verdict. Ces hommes en blanc m'avaient un jour retiré ma mère, il était absolument hors de question qu'ils m'annoncent que j'allais perdre ma meilleure amie. Les mots traumatisme crânien et amnésie furent poser et j'eu envie de hurler. Lorsque nous furent à nouveau seuls dans la pièce, je m'asseyais à nouveau sur la chaise à côté du lit et je prenais la main de Kara, essuyant les larmes sur mes joues de ma main libre.

« Quelle est la dernière chose dont tu te souviens ? » demandé-je finalement pour essayer de comprendre à quel point elle avait perdu la mémoire. Ses questions précédentes avant que les médecins n'arrivent pouvait s'expliquer par cette amnésie désormais. Kara n'avait pas du tout de souvenir de leur dispute, ni de la soirée qu'elle avait passé dans cette maison hantée où j'ai refusé de me rendre à cause du travail. J'étais un putain de boulet. Un abruti. Et j'allais culpabiliser un long moment, même quand Kar irait mieux.

Lorsqu'elle m'indiquait que je n'étais pas obligé de rester, je secouais vigoureusement la tête. « C'est mort. Je ne te laisse pas seule ici. Il en est hors de question. » dis-je sur un ton ferme, sûr de moi. Je serre fort sa main dans la mienne, vérifiant sur son visage qu'elle ne soit pas en train de grimacer de douleur non plus. « Je crois que tu ne te rend pas compte à quel point je serais anéanti s'il devait t'arriver quelque chose...  » avoué-je en la regardant droit dans les yeux, retenant des larmes qui menacent de s'écouler encore une fois.