Prise de conscience ou prise de tête ? [Ft. Poppy]

Prise de conscience ou prise de tête ?

A chaque fois que Jes' revenait de chez ses parents c'était la même chose. Elle avait des sacs et des sacs remplis de fruits et de légumes. A croire qu'elle avait dévalisé l'étale d'un primeur sur le marché. Mais non, rien à voir. Elle était juste allée passer quelques jours dans sa ville natale. Carottes, céleris, courges, radis, potirons... Comme d'habitude, il y en avait pour un régiment et elle n'était pas sûre de pouvoir manger tout ça en temps et en heure. Elle n'était même pas sûre d'être capable de tout caser dans le bac à légumes du frigo. Elle avait beau dire à ses parents que c'était trop, elle ne repartait jamais avec le strict minimum. Comme si c'était une insulte de rentrer d'Harper's ferry les mains vides. Enfin, au moins, elle avait de quoi tenir deux bonnes semaines avec tout ça.
Soupe de carottes et quinoa, quiche chèvre épinard, salade d'endives, fondue de poireaux, smoothies orange/pamplemousse... Jes' avait passé une bonne partie de la matinée devant les fourneaux à cuisiner ce qu'elle avait rapporté de l'exploitation familiale. Elle préférait préparer un maximum de plats à l'avance et les mettre au frais pour ne pas gâcher tous ses fruits et légumes. Elle mit tout ça en tupperware avant d'y ranger au frigo ou au congélateur. La jeune femme adorait s'adonner à la cuisine, d'autant plus quand elle avait des produits de si bonne qualité ! Alors qu'elle essayait désespéramment de caser sa dernière bouteille de soupe à l'oignon dans la porte du réfrigérateur, elle se dit qu'il serait peut-être bien d'en donner un peu à son voisin. Bien que l'appartement d'à côté ait changé de locataire, elle n'avait pas pour autant modifié ses habitudes. Et si ce n'était plus Poppy qui profitait de sa présence inopinée à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, Adam avait l'air de s'en accommoder. Ou plutôt, il n'avait pas le choix que de s'en accommoder, Jes' ne lui laissant pas spécialement d'autre solution. Cela dit, il appréciait les plats qu'elle lui apportait, plus que son meilleur ami qui "avait l'impression d'être une chèvre" selon ses dires à force de manger des légumes. Elle ressortit alors quelques boites du frigo, sélectionnant ses meilleures recettes pour aller les apporter à Adam.
Les bras encombrés, elle toqua à la porte de son voisin. Habitude qu'elle avait perdu avec Poppy et qu'elle s'efforçait de reprendre depuis le changement de locataire. Non pas qu'elle commençait à se soucier de concepts tel que le respect de la propriété privée mais elle tentait d'entretenir de bonne relation de voisinage. Et apporter quelques douceurs au nouveau locataire était un bon moyen d'arriver à ses fins, bien qu'il ne soit plus vraiment nouveau. Malgré le fait qu'elle ait toqué, personne ne vint ouvrir. Est ce qu'il s'était déjà habitué au fait que Jes' n'avait pas besoin qu'on vienne l'inviter à entrer pour le faire ? Par acquis de conscience, elle retoqua mais toujours rien. Il devait être absent. Les tupperwares attendraient donc. Elle n'avait plus qu'à recommencer son tetris pour les caser dans le frigo.

Jes' termina sa séance de yoga par quelques étirements. Encore un stéréotype de la végétarienne, fille de hippies qui faisait des sports de bien-être. Sauf que ses parents n'avaient pour le coup rien à voir avec ça. C'était Sigrid, une des sœurs de Poppy, qui l'avait initiée à cette pratique. Elle avait commencé sans grande conviction mais au final, elle avait apprécié. Le yoga l'aidait à se détendre et à se sentir bien. Elle retrouvait les mêmes effets thérapeutiques que le dessin à l'époque où elle était harcelée. Elle avait donc continué à le pratiquer en suivant des cours sur internet... enfin, plutôt en piratant les lives d'un prof sur son site. Mais il n'était pas rare non plus qu'elle retrouve Sig pour une petite séance collective en salle ou à l'extérieur.
Une fois l’entraînement terminé, une douche était toujours la bienvenue. Jes' se débarrassa donc de ses vêtements et se glissa dans la salle de bain. Elle lâcha un juron lorsque l'eau qu'elle espérait bien chaude se trouva être glacée. Ça, c'était mauvais signe. Elle attendit quand même quelques instants, laissant une chance à sa chaudière d'échapper à un bon coup de pied. Mais c'était en vain. Putain de chaudière à la con ! Jes' s'enroula dans une serviette, alla chercher une ses Dr. Martens dans sa penderie et commença à tabasser la responsable de son énervement. Si la technique pouvait sembler barbare, elle avait pourtant fait plusieurs fois ses preuves. Malheureusement, il semblait qu'aujourd'hui la dérouiller n'était pas suffisante. Elle balança sa chaussure à travers le salon et attrapa son paquet de cigarettes. Elle alluma sa clope et tira une longue bouffée de nicotine. Elle s'était posée devant la fenêtre, un léger rayon de soleil venant caresser son visage. Ce n'était pas la première fois qu'elle avait une panne d'eau chaude. D'habitude, elle allait squatter la salle de bain d'à côté mais Adam n'était pas la. A l'époque de Poppy, elle n'avait pas besoin de sa présence, elle avait les clés...
Son esprit se perdit alors dans ses souvenirs, se remémorant toutes les fois où elle avait fait irruption en petite tenue chez son meilleur ami parce qu'elle avait un problème de plomberie. Pas étonnant que la plupart des gens s'imaginaient qu'ils couchaient ensemble. Mais il n'en était rien. Leur relation était sans doute la plus saine que l'on puisse avoir. Il lui manquait... Depuis qu'il avait déménagé, elle avait du se calmer sur les visites surprises. A priori, tout le monde n'était pas aussi habitué que lui à la voir débarquer à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Malakai n'était pas fan de ses intrusions alors elle avait fait des efforts. Elle regrettait que Poppy soit parti et d'un autre côté, elle comprenait très bien qu'il ait sauté sur l'occasion de se barrer de cet immeuble pourri contre une somme modique. Sa nouvelle piaule avait tout le confort dont on pouvait rêver ! Sans parler de la salle de bain ! Jes' était tombée amoureuse de cette salle de bain. Pas de robinetteries en or ou de marbre blanc au sol mais pas loin ! Une option jacuzzi, du bain moussant à volonté... il n'en fallait pas plus pour lui plaire.

Jes' jeta sa serviette par terre et se dépêcha d'enfiler de quoi pouvoir se rendre chez Poppy sans se faire arrêter pour attentat à la pudeur. Elle termina sa cigarette qu'elle écrasa dans le cendrier avant de sortir de son appart.
Elle attrapa un taxi, la distance qui séparait Anacostia de Downtown étant un peu trop grande pour qu'elle la fasse à vélo. Arrivée devant l'immeuble, elle n'eut aucun mal à rentrer. La concierge étant un peu dure de la feuille, elle laissait entrer n'importe qui de peur de laisser un locataire sur le carreau. Une fois à l'intérieur, elle dut emprunter les escaliers, l'ascenseur étant hors-service. Comme quoi, même ici le matériel faisait des siennes. Heureusement il n'y avait que deux étages à monter. Elle n'eut pas non plus trop de mal à se faufiler dans l'appartement de Popeye et Malakai, la porte n'étant pas verrouillée, ce qui l'étonna. A l'intérieur, c'était le calme plat. Pas un bruit... Ils étaient peut-être absents mais dans ce cas, ils n'auraient sans doute pas oublié de fermer la porte à clé. Enfin, ce n'était pas son problème ! Elle était venue pour voir son meilleur ami mais puisqu'il ne semblait pas être la, autant utiliser la salle de bain, qu'elle ne soit pas venue pour rien. Jes' n'était vraiment pas une personne qu'on pouvait qualifier de gênée. Elle faisait comme chez elle, fidèle à la désinvolture qui la caractérisait.
Une fois qu'elle eut fini de barboter dans l'eau, elle se dirigea automatiquement vers la chambre de son meilleur ami. Elle comptait y trouver quelques fringues qu'elle aurait laissé. Au pire, elle se servirait dans celles de Poppy. La pièce était plongée dans le noir et il lui fallut quelques minutes pour s'habituer à l'obscurité. Elle le vit alors : il était la, allongé dans son lit avec une bouteille de vodka vide pour toute compagnie. Encore une gueule de bois. Elle traversa la pièce et ouvrit grand les volets et la fenêtre pour aérer car ça avait bien besoin d'un peu d'air frais. Était-ce la lumière ou le changement de température ? En tout cas ça semblait faire émerger le jeune homme. « Debout marmotte ! T'as assez pioncé ! » dit-elle en lui jetant sa serviette de bain sur la tête. En farfouillant dans la penderie, elle trouva en effet quelques affaires à elle et s'habilla avant de monter sur le lit. Elle attrapa la bouteille d'alcool vide. « Je croyais que c'était moi ta meilleure amie... » dit-elle avant de la  laisser tomber au sol dans un petit bruit sourd. Elle n'avait pas cassé, heureusement. Jes' s'installa à califourchon sur Poppy. « Tu m'racontes ta soirée d'hier ? Ça avait l'air plus palpitant que la mienne. ». Et c'était rien de le dire. L'énième rediffusion de la petite maison dans la prairie chez ses parents avait été d'un ennui mortel...

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Prise de conscience ou prise de tête ?

Jes' n'avait jamais eu énormément d'amis. Elle n'était pas spécialement du genre solitaire. Mais quand elle était petite fille, elle passait plus de temps au milieu des moutons et des agneaux qu'avec des enfants de son âge, d'autant qu'elle n'allait pas à l'école. Elle n'avait donc pas vraiment l'occasion de se trouver des petits camarades de jeu. Ses parents étant considérés comme des originaux, ce qui n'aidait pas non plus à nouer des liens. Quand elle arriva au collège, elle aurait pu se faire des amis. Elle avait toujours été gentille et pas farouche. Elle aurait pu s'entendre avec Miles Stewart par exemple. Il la trouvait très drôle surtout quand elle faisait tourner en bourrique la prof d'anglais avec ses expressions de "campagnarde". Il y avait aussi Rebecca Ellis qui n'était pas très douée en math contrairement à Jes' qui aimait bien les chiffres. Elle lui avait même donné un coup de main pour un devoir. Oui, elle aurait pu se lier d'amitié avec eux et plein d'autre encore. C'était sans compter sur celle qui l'avait prise en grippe dès qu'elle avait mis un pied dans l'établissement : Leslie. Leslie avait l'apparence d'un ange et le sourire qui allait avec. Tout le monde l'adorait, la trouvait drôle, buvait ses paroles. Et quand Leslie avait trouvé une tête de turc, elle devait l'être pour tout le monde. Et si certains essayaient de sympathiser avec sa cible, ils en devenaient une à leur tour. Au début, ce n'était que des petites remarques. Jes' n'avait aucune idée de la méchanceté derrière ses paroles anodines. Peut-être que si elle n'avait pas vécu dans une bulle bisounours depuis sa naissance, elle aurait pu s'en rendre compte plus tôt. Mais comment aurait-elle pu deviner qu'on pouvait être aussi cruel ?
Ainsi la rouquine n'avait jamais connu la présence d'un véritable ami à ses côtés. Personne pour la soutenir, la défendre, l'accompagner. Quand elle arriva au lycée, elle avait changé du tout au tout. Elle s'était forgée un caractère et une armure qui ne la mettrait plus dans la peau de victime. Mais elle n'avait toujours pas réussi à se créer de lien avec d'autres. Sans doute son expérience de la vie en société l'avait encouragée à ne laisser personne approcher vraiment. Ainsi elle avait eu des potes, des connaissances, des clients, des plans cul et des coups d'un soir. Mais personne qu'elle aurait pu appeler "ami". Elle avait du attendre une rencontre banale avec un type pas si banal dans un couloir entre deux appartements pour découvrir ce que ce mot voulait dire. Rien ni personne n'aurait pu prédestiner que ces deux-la développeraient un lien aussi fort. Pour Jes', il était l'homme de sa vie. Elle était sûre qu'elle ne pourrait jamais avoir une relation plus profonde, saine, franche et intense avec un autre homme. Elle était transparente pour lui, il était transparent pour elle. Ils se connaissaient par cœur, n'avaient pas de secret l'un pour l'autre, ne se sentaient pas jugés en présence l'un de l'autre. C'était sans doute pour ça que ça marchait entre eux. Et ils n'avaient jamais couché ensemble non plus. Pourtant ils connaissaient l'anatomie de chacun presque par cœur. Zéro secret jusque dans leur intimité. Oui, sa rencontre avec Poppy avait été la meilleure chose qui lui était arrivée dans la vie. Si elle avait été croyante, elle aurait sans doute remercié le ciel tous les jours de l'avoir mis sur sa route. En attendant, elle se contentait de savourer la joie de l'avoir à ses côtés.
Mais bien qu'elle soit plutôt du genre pot de colle avec lui, ça faisait un moment qu'ils ne s'étaient pas vus. Il avait déménagé et Jes' avait eu du mal à s'y faire au début. Elle passait souvent à son nouveau chez lui, comme elle l'avait toujours fait. Celui-ci lui avait demandé de lever le pied et elle l'avait fait, un peu à contre cœur mais elle l'avait fait quand même. Pour elle, ne pas se voir pendant quelques jours étaient déjà beaucoup. C'était normal quand on savait qu'elle passait presque toutes se journées avec lui quand ils étaient voisins. Mais la, ça faisait vraiment longtemps qu'il n'avait pas donné signe de vie. Il lui manquait, la salle de bain aussi. Elle ferait d'une pierre deux coups. Et c'était pour ça qu'elle se retrouvait dans son appart.

Elle était là, nue dans sa chambre et cette situation était on ne peut plus naturelle pour eux. Une fois habillée et montée sur le lit, elle évoqua la bouteille d'alcool vide à ses côtés comme étant sa meilleure amie. Lui, il la qualifia tout autrement : un plan cul... sans cul. Elle avait du mal à visualiser le concept et le regard qu'elle jeta vers la bouteille était bien différent maintenant. Elle n'était vraiment pas du genre à juger mais il y avait quand même plus attrayant comme sex-toy. Puis le plan cul sans cul se transforma maintenant en vieille ennemie. « J'ai bu dans ma chambre jusqu'à m'assommer, c'était fou, une vraie fiesta. ». Jes' soupira. Il était vrai que lorsqu'on en arrivait au point de passer sa soirée en compagnie d'une simple bouteille d'alcool, les choses n'étaient pas aussi réjouissantes que ça. Et les raisons qui pouvaient amener quelqu'un à se faire un petit tête à tête avec de la vodka jusqu'à en tomber ivre mort n'étaient jamais de bonnes raisons. Il allait mal, c'était évident. Quand elle allait mal, elle l'appelait parce qu'elle savait qu'il était le seul à pouvoir changer sa vie pourri en arc-en-ciel délirant. Il en faisait de même normalement.
Jes' fut coupée dans ses réflexions par un brusque changement de position. Alors qu'il la serrait dans ses bras, ils basculèrent et elle se retrouva sous lui. Il fit mine de vouloir se rendormir mais le sourire scotché à ses lèvres trahissait clairement son intention de juste la faire chier pendant un petit temps. Vengeance d'un réveil brutal ? Peut-être. Et même si il n'avait pas la carrure d'un rugbyman, elle n'avait pas non plus la force pour le déloger. Elle ne tenta même pas de bouger, sachant d'avance que c'était inutile. Elle se contenta alors de jouer dans les cheveux de rouquin. D'un coup, comme si il avait eu une révélation, il releva la tête sans se bouger pour autant. Il l'interrogea sur sa propre soirée de la veille qu'elle avait évoqué comme n'étant pas très folichonne. Il s'imagina plusieurs scénarios qui auraient pu la rendre bien pourri et il en fit part à Jes'. Celle-ci rigola. « Oh non. J'aurai préféré ! Ça aurait été le summum du fun ! Je suis sûre que la pêche à dos d'hippopotame aurait été mille fois moins soporifique. ». Elle se tut, repassant dans sa tête les images de la veille. Plus chiant c'était pas possible. Puis elle mit fin au suspens. « J'étais chez mes parents. ». Elle n'en dit pas plus. Depuis le temps qu'ils se connaissaient, il savait pertinemment ce que ça signifiait : une cargaison de fruits et légumes et la fameuse rediffusion de la petite maison dans la prairie. « Je vais finir par fantasmer sur Charles Ingalls si je dois le revoir encore une fois avec son violon, son pied sur la cheminée... ». Elle n'était pas spécialement difficile sur le physique ou le look de ceux avec qui elle partageait ses draps. Mais le style bretelles et santiags ne la faisait pas vraiment frémir. Elle imagina alors Mr. Ingalls avec seulement ses bottes et son violon, toujours son pied sur la cheminée. Vision d'horreur. Elle secoua la tête pour s'enlever cette image de la tête et se dépêcha de changer de sujet. « Au fait, j'ai préparé pas mal de trucs avec les légumes de la ferme, faudra que je te ramène quelques tupperware ma petite chèvre. ». Elle avait susurrer ses derniers mots à son oreille. La réaction fut immédiate et elle éclata de rire. Il lui fallut quelques minutes pour retrouver son calme. Quand ce fut chose faite, elle prit un air un peu plus sérieux. « Bon, tu m'expliques pourquoi tu t'es jeté cette bouteille en solitaire ? ». Ses yeux plantés dans les siens, elle n’accepterait aucune défection.

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Prise de conscience ou prise de tête ?

Non, clairement, la pêche à dos d’hippopotame devait être une activité passionnante ! Pas que Jes' en était une fervente pratiquante mais elle se disait qu'au moins, ça devait avoir le mérite de sortir de l'ordinaire. Même Poppy semblait avoir changé d'avis sur la question et elle se dit qu'une petite recherche sur la question une fois rentrée chez elle ne serait pas forcement inutile. Ça ou du surf sur crocodiles, ça leur ferait une énième connerie à réaliser. Mais son ennui n'avait rien à voir avec ça !
Rien qu'à l'évocation d'un week-end à Harper's Ferry, Poppy s'était tout de suite avoué vaincu dans la bataille de la soirée la plus foireuse. Il avait vu les parents de Jes' quelque fois et le courant était bien passé entre eux. La rouquine se souvenait avec amusement de leur première visite. Comme beaucoup, ils avaient cru que la relation qu'entretenait leur fille avec ce jeune homme était plus qu'amicale. Ils n'étaient d'ailleurs pas passés par quatre chemins pour leur faire part de leur supposition. Ça avait tout de suite détendu l'atmosphère, même si sa mère n'avait pu s'empêcher d'être déçue quand ils avaient assuré qu'il n'en était rien. Mais tout comme sa meilleure amie, Poppy préférait les Lovenstein loin de lui. Il faut dire que les parents de Jes' étaient un sacré numéro.
Lorsqu'elle était petite, elle ne s'en rendait pas spécialement compte. Pour elle, tout paraissait on ne peut plus normal. Vivre au milieu des animaux, se nourrir du dur labeur de la terre qu'ils cultivaient. Coudre ses propres vêtements plutôt que d'aller les acheter dans une quelconque boutique. Boire le lait des brebis... Même leur chez eux était plus proche de la yourte mongole que de la maison de banlieue chic. Elle a longtemps dormi dans le même lit que ses parents. Elle n'avait jamais invité d'amis chez elle puisqu'elle n'en avait pas. N'ayant connu que l'école à la maison, elle ne savait pas qu'on pouvait se réunir avec ses camarades pour le goûter. Avec le recul, elle se dit que même si elle en avait eu l'occasion, elle ne l'aurait sans doute pas fait. Ce mode de vie était assez à part et si on pouvait assimiler l'idée qu'il n'y ait pas vraiment d'intimité chez les Lovenstein, les toilettes sèches auraient achevé de lui tailler une réputation de fille des bois. Déjà que sans cela elle était considérée comme une campagnarde. En dehors de cette façon de vivre qui sortait de l'ordinaire, ses parents avaient également une personnalité peu commune. Son père, à la rigueur, avait un peu plus les pieds sur terre. Mais sa mère était des plus fantasque. Vivant dans son propre monde, dans sa propre bulle. Souvent on la croyait un peu simplette pour ne pas dire attardée. Elena Lovenstein n'était pas stupide, elle était juste quelqu'un de très honnête, de naturel et surtout de sensible. Souvent victime de ses émotions exacerbées, elle pouvait très bien être euphorique au retour des hirondelles au printemps que profondément affectée de la perte d'un agneau... Tout cela avait fini par leur construire une réputation d'originaux. Si pendant un temps, Jes' avait tenu cette réputation pour responsable de ce qu'elle avait vécu, elle avait fini par prendre du recul, se rendant compte que ça n'avait été qu'un prétexte pour lui faire vivre un enfer. Elle avait tout de même voulu s'éloigner de cette existence, souhaitant vivre une vie plus proche de la réalité. Pourtant, quand elle y pensait, elle avait elle aussi décidé, à sa manière, de ne pas rentrer dans le moule. Elle le voyait tous les jours dans le regard de ceux qu'elle croisait dans la rue, elle n'était pas comme tout le monde. Au final, elle était toujours considérée comme une originale à l'image de ses parents ce qui la faisait sourire. Ils avaient beau avoir l'air différent, elle avait beaucoup plus de points communs avec ses géniteurs qu'elle ne l'avait pensé à une époque. Déjà elle avait gardé le régime végétarien qu'elle suivait depuis toute petite. Certains avaient essayé de la convertir au carnivorisme mais sans succès. Et puis il y avait aussi ce problème qu'elle avait avec l'intimité. Aujourd'hui, il était plus qu'évident que le mépris de la vie privée qu'elle affichait fièrement était une conséquence de sa vie à Harper's Ferry. Même si son enfance lui avait parfois laissé une sensation douce/amer, elle aimait revenir entre ses murs qui l'avait vu grandir avec ses parents qui, comme elle, avaient juste décidé de vivre leur vie comme ils l'entendaient. Alors oui, elle s'en plaignait de cette rediffusion de la petite maison dans la prairie mais ça faisait aussi parti de ces petites choses qui vous remplissaient d'une nostalgie réconfortante.
Quand elle évoqua le fantasme Charles Ingalls, Poppy lâcha un rire avant de parler de sa deuxième passion : la découpe du bois. Finalement, il s'y connaissait mieux que ce qu'elle pensait sur cette série. Il avoua même que lui, il n'aurait aucun problème à se le taper. Aussi bizarre que cela puisse paraître, elle commença à réfléchir à la question. Il était vrai que couper du bois avait du lui donner des abdos en béton et un joli petit cul. Et puis elle avait déjà connu pire dans son lit, un soir où elle avait trop bu. Il l'avait d'ailleurs charrié pendant des semaines quand elle lui avait raconté qu'elle s'était réveillée à côté d'un vendeur de kebab mexicain... Malgré tout, c'était définitivement non pour Charles Ingalls ! Les rediffusions avaient du la dégoûter de ses chemises à carreaux. « En même temps, qui tu ne te ferais pas à par moi ? ». Question qui méritait qu'on y réponde avec un certain sérieux.
Bien sur, il n'y avait pas que la Petite maison dans la prairie. Ce n'était sans doute pas uniquement parce qu'il avait de la peine pour la séance DVD qu'il s'était avoué vaincu. Il y avait aussi la sempiternelle livraison de fruits et légumes en tout genre. Il était évident qu'il y aurait droit et elle ne chercha pas à lui faire de fausse joie en étant arrivée les mains vides cette fois-ci. Elle ne fut pas étonnée de sa réaction, bien au contraire. Ç’aurait été qu'il ne se renfrogne pas qui l'aurait choquée ! Depuis toutes ses années, elle savait qu'il n'était pas fan des légumes. Un peu comme les enfants, il fallait batailler pour qu'il daigne se détourner des pâtes et de la pizza. Il eut la gentillesse d'accompagner son air de dégoût d'un joli doigt d'honneur fait avec amour et ça la fit rire de plus belle. « Je savais que ça te ferait plaisir. » dit-elle avec un clin d’œil histoire de bien enfoncer le clou. Oui, elle se foutait de sa gueule mais c'était avec un amour non dissimulé elle aussi.

Après avoir bien ri, il était temps de passer aux choses sérieuses. Il était clair qu'on ne s'enfilait pas une bouteille de vodka en solitaire pour le plaisir. Tous deux avaient beau être loin de la perfection, bien qu'ils aient des addictions, Jes' savait qu'il était loin d'être un alcoolique en puissance. C'était vrai qu'ils leur arrivaient d'abuser sur la picole mais c'était pendant des soirées, pour passer un bon moment, pas pour se faire exploser la tête. Poppy soupira avant de basculer sur le côté, libérant Jes'. « J'essaye de moins boire, et j'y arrive pas mal même si les apparences sont contre moi, j'ai craqué hier. Mais ça arrivera pas de nouveau tout les soirs, j'avais juste besoin d'une pause. C'est trop compliqué d'affronter ça H24, j'voulais arrêter d'y penser. ». Une petite rechute, c'était ce qu'il essayait de lui dire. Sauf que l'alcool ne résolvait rien sur le long terme ! Le problème était ailleurs. Il souffrait de la perte de sa sœur et ce n'était qu'un moyen d'anesthésier la douleur. Jes' n'avait jamais connu le deuil. Elle avait eu son lot de merdes dans la vie mais elle avait été épargnée en ce qui concernait la perte d'un proche. Elle ne savait donc pas à quoi il devait faire face. Elle ne pouvait qu'imaginer ce qu'on pouvait ressentir quand une personne qu'on aime vous quitte pour toujours. Elle essaya de s'inventer une vie où il ne serait plus et elle eut un aperçu de ce que pouvait être la souffrance de son meilleur ami depuis plusieurs semaines. Elle aussi se tournerait sans doute vers ce genre d'automédications... Elle serait peut-être imbuvable elle aussi, comme lui avouait l'être. Elle soupira à son tour. Elle resta la à contempler la plafond en se demandant si elle était la bonne personne pour l'aider à remonter la pente sachant qu'elle serait sans doute la première à abuser de tout ce qui lui tomberait sous la main pour oublier... Elle finit par l'ouvrir, lâchant la seule chose qu'elle savait être vrai. « Écoute, loin de moi l'idée de te faire un discours foireux de psy de comptoir mais je ne pense pas que c'est ce que ta sœur aurait voulu. Si elle était la, elle te collerait sûrement son poing dans la gueule pour t'enlever tes idées de merde de la tête... ». Jes' lui donna un coup dans les côtes. Pas de quoi lui fêler la cage thoracique mais juste de quoi lui remettre un peu les idées en place. « Et depuis quand le fait que tu sois chiant est un problème pour moi ?! Encore une fois j'veux pas jouer les héroïnes de film mais tu le sais, depuis le temps que tu peux vraiment compter sur moi. Je serai la, toujours, n'importe quand pour n'importe quoi, pour toi. ». Elle le serra dans ses bras. Elle ne se considérait pas comme sa meilleure amie juste pour les conneries ! Ce mec, elle l'aimait plus que n'importe qui et elle serait capable de tout pour lui. Lorsqu'il affirma qu'il était temps d'arrêter ses conneries, elle acquiesça de la tête, contente de l'entendre dire. « Je suis pas ta mère alors je ne te dirais pas ce que tu dois faire mais je suis plutôt d'accord. ». Elle le serrait toujours contre elle quand il se compara aux légumes de la ferme et il fit même une suggestion pour diversifier l'activité de ses parents. Elle s'écarta en lui donnant un coup dans l'épaule. « T'es con ! ». Mais le sourire qui s'étirait sur ses lèvres trahissait son amusement. « Au moins je sais ce qu'il faut que je te ramène la prochaine fois. ». Elle allait cependant garder cette idée pour elle. Elle imagina la tête de ses parents si elle leur proposait d'ouvrir une section "sex-shop" dans la boutique... Cela dit, il n'avait sans doute pas tord sur le fait qu'ils trouveraient bien quelques personnes séduites par l'initiative. Il faut de tout pour faire un monde après tout.
Jes' tourna la tête vers son ami. « Poppy... tu peux m'épiler le maillot ? ». Et dans cette simple phrase se résumait le lien qui les unissait.

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Prise de conscience ou prise de tête ?

Les conversations banales qui finissaient en débat délirant étaient monnaie courante entre Jes' et Poppy. Des discussions cinéma qui bifurquaient sur la simulation dans les pornos. Ou encore une simple question sur les biscuits au chocolat qui terminait sur l'énumération des avantages et inconvénients à travailler dans une boite de strip-tease. Oui, c'était une habitude pour eux de laisser divaguer leur cerveau. Tous les deux sans filtre et sans tabou, ils n'avaient aucun problème à parler de tout et n'importe quoi. Preuve en était encore aujourd'hui alors qu'ils se retrouvaient à épiloguer sur l'éventualité de se taper Charles Ingalls... Tout ça à cause de la petite soirée rituelle chez ses parents. Si l'idée, même après réflexion, ne séduisait absolument pas Jes', elle avait un certain charme pour Poppy. Bizarrement, la rouquine n'en fut pas spécialement étonnée. Il faut dire qu'ils leur étaient arrivés à tous les deux de ne pas être trop regardant sur qui finissait dans leur lit. Et il n'avait pas tord sur le fait qu'il y avait sans doute pire. Ils avaient connu pire. Elle essaya de se rappeler qui était l'heureux gagnant dans la course au pire coup de sa vie mais elle en fut incapable. Déjà parce que certains étaient ex-æquo et surtout parce que dans ces moments-la, elle était tellement bourrée que c'était le black-out total. Elle essaya de faire de même pour Poppy et la aussi ce n'était pas évident... Toujours était-il que Charles Ingalls, no way ! Et elle lui fit d'ailleurs remarquer. Bien sur, elle s'excluait directement de la liste des potentiels. Au delà du fait qu'il n'aimait pas les femmes, il était plus qu'évident maintenant qu'ils ne pourraient jamais coucher ensemble. Même si il avait été hétéro, le pourcentage de chance pour qu'ils finissent par s'envoyer en l'air était proche de zéro sauf peut-être une fois au chalet. Fort de cette franchise qui était leur marque de fabrique, Poppy ne se fit pas prier pour lui dire que son père, lui, ne ferait jamais parti de son tableau de chasse. A l'évocation de son paternel, Jes' prit alors cette expression flegmatique qui la caractérisait tant. Ce regard qui voulait dire qu'elle réfléchissait sérieusement à la question et de manière totalement objective. Quand elle avait cette tête, on pouvait être sur qu'allait suivre une réflexion sortie de nul part et souvent, qui vous laissait sur le cul. « C'est vrai que je me le taperai pas non plus. ». Encore heureux... Au moins, elle n'avait pas de daddy's issues même si elle pouvait reconnaître objectivement que son père était quand même bien gaulé. Creuser des trous à coups de binette, ça entretenait plus que ce qu'on pouvait penser. Peut-être autant que couper du bois au final. Et puis, il était aussi plutôt bien proportionné à d'autres niveaux. Vraiment pas pudique chez les Lovenstein, elle l'avait déjà vu à poil donc elle pouvait le dire. Ce serait sans doute tout à fait satisfaisant pour Poppy, surtout que son père leur avait déjà avoué à sa mère et à elle qu'il avait eu des aventures avec d'autres soldats quand il avait été déployé au Viet Nam. Non pas qu'elle souhaitait voir son père et son meilleur ami se la donner sévère, c'était juste une constatation.
Des anecdotes de ce genre, il y en avait plein dans sa famille. Aujourd'hui, rien que le coup du père à poil devant sa fille aurait terminé par un appel aux services sociaux pour maltraitance. Mais elle était loin d'avoir été traumatisée par ces expériences la petite. Elle était juste devenue quelqu'un de franc et pas très prude, il fallait bien le dire.

Jes' était totalement nulle pour les discours réconfortants. Elle disait seulement ce qu'elle pensait, sans détour. Parfois, ces paroles étaient comme au baume qui faisait du bien. Et parfois, elle était si directe que ces mots étaient pris pour de la condescendance ou du jugement. D'habitude, elle se contrefichait qu'on puisse s'offusquer de ce qu'elle disait. Elle avait toujours considéré sa franchise et son honnêteté comme une vertu. Une des rares qu'elle pouvait se targuer de posséder. Mais la, elle était face à quelqu'un qu'elle appréciait énormément et qui avait vraiment besoin de soutien alors elle ne voulait pas rajouter à son mal-être. Et puis elle était très loin d'être la mieux placée pour lui dire qu'il avait tord de faire tout ça. Oui, se bourrer la gueule pour oublier était une idée de merde mais elle était loin d'être un modèle pour le lui faire remarquer. Elle avait pris quelques minutes pour réfléchir et finalement, elle lui parla de sa sœur. Il était évident qu'elle ne voudrait pas voir Poppy dans cet état. C'était une évidence et Jes' s'en voulait de ne rien avoir de plus profond à lui dire pour le faire sortir de ses conneries. Si ce simple fait suffisait pour empêcher les gens de vriller et leur permettre de faire leur deuil, ça se saurait et il n'y aurait plus besoin de psy ni de bar. Il était plus qu'évident que cette réflexion, il se l'était déjà faite et qu'elle n'avait pas eu l'effet escompté. Il le souligna en remarquant que ce n'était pas Dalhia qui avait à surmonter cette épreuve. Il était vrai que c'était toujours plus facile à dire qu'à faire. Sans compter que tout était toujours plus compliqué pour ceux qui restaient.
Jes' savait que ce n'était pas la première fois que Poppy avait à faire avec la perte d'un proche. Il avait perdu son père très jeune, son meilleur ami et même un petit neveu qui n'avait pas eu la chance de venir au monde. Et maintenant, c'était sa grande sœur. On pouvait dire qu'il avait connu la détresse plus souvent qu'à son tour. Il s'était toujours relevé mais gardant à chaque fois une cicatrice plus profonde que la précédente. Il n'avait peut-être plus assez de force aujourd'hui pour s'en sortir seul. « Sin et Sig, tu leur as parlé ? Elles aussi doivent souffrir. Comment elles gèrent ? ». Il n'était pas seul dans cette histoire. Il pouvait compter sur sa meilleure amie mais il n'y avait aucun doute sur le fait qu'il pouvait aussi compter sur ses sœurs. Si elle se savait très nulle pour les missions de sauvetage, elle pouvait quand même essayer de tout faire pour l'aider. Elle ne se fit pas prier pour le lui faire remarquer d'ailleurs. Elle ferait n'importe quoi pour lui et si parfois ça passait par lui faire manger des courgettes de force, elle pouvait tout aussi bien planquer un cadavre avec lui en plein milieu de la nuit. Elle n'avait pas cherché à lui faire verser sa petite larme, elle voulait juste lui rappeler qu'elle n'était pas la que pour squatter la salle de bain. Fidèle à lui même, il la taquina d'abord avant de la remercier et de déposer un baiser sur sa joue. Un sourire sincère plaqué sur le visage, elle l'embrassa à son tour, laissant une petite trace de rouge à lèvres au passage.
Calés dans les bras l'un de l'autre, il avouait être plus fragile qu'il ne le souhaiterait. « On est tous confronté à notre propre faiblesse à un moment ou à un autre. ». On aurait dit un dicton qu'on trouve dans les biscuits chinois. Mais le cantonnais du coin n'y était pour rien. Cette phrase, elle l'avait entendu une fois il y a longtemps et elle avait mis du temps à la comprendre. Mais elle avait fini par se montrer salvatrice. Se rendant compte qu'elle se la jouait Dalaï-lama, elle se dépêcha d'ajouter. « En gros, la prochaine fois que t'as envie de merder, tu m'appelles. ». Il y avait pas à chiotter !

Il était très difficile pour Jes' et Poppy de rester sérieux pendant plus de cinq minutes. Le fait qu'ils puissent parler du décès de sa sœur sans trop s'éloigner du sujet était un vrai miracle. Mais chasser le naturel, il revient au galop et les voilà en train de préparer la reconversion de la ferme familiale. L'idée avait beau être de lui, il ne semblait pas chaud pour tenter sa proche suggestion. La rouquine leva les yeux au ciel devant tant de classe et de poésie. Cela dit, elle n'était peut-être pas mieux dans le genre politiquement correct sachant qu'elle venait de lui demander de lui faire le maillot. Ni une ni deux, il se leva pour aller chercher ce qu'il lui fallait. Cette scène, ce n'était pas la première fois qu'elle avait lieu. Comme si elle avait envie de dépenser 50$ dans une épilation dans un institut alors que lui s'en chargeait très bien. Bon, ce serait mentir que de dire qu'il n'y avait pas eu quelques petits loupés au début. Mais il avait fini par se faire la main et le résultat était bluffant. Sauf la fois où il s'était improvisé artiste et lui avait fait une bite au lieu du traditionnel ticket de métro. Toujours dans le raffinement... Il lui demanda de retirer son pantalon et elle s'exécuta repensant au nombre de mecs qui devaient se dire : "Si j'avais su qu'il suffisait de demander...".
Alors qu'il s'attaquait à sa besogne, il lui demande si elle n'avait rien de plus palpitant à raconter que les délires télévisuels de ses parents. Avec un tact digne d'un bulldozer, il l'interrogea sur sa propre sexualité. « Laisse les légumes de mes parents dans mon frigo, les cadeaux que tu me fais à mon anniversaire font très bien l'affaire. ». Et il était vrai que ces derniers temps, à part avec son petit canard en plastique, elle ne prenait pas spécialement son pied. Non pas que personne n'était intéressé mais elle était perturbée depuis quelques temps et elle ne voulait pas d'inconnu dans son appart'. A la rigueur, le nouveau voisin pourrait faire l'affaire mais avec ses histoires d'ex et de tromperie, elle ne voulait pas que la conscience d'Adam le rattrape pendant qu'ils s'éclataient. Rien de pire que de se finir à la main parce que monsieur utilise sa boite de mouchoirs pour éponger sa culpabilité.
Jes' se mordit la lèvre. Rien à voir avec Poppy qui lui arrachait les poils pubiens à la pincette. Elle réfléchissait à la proposition de travail qu'on lui avait faite il y a peu. Elle n'avait pas spécialement envie d'accepter mais elle était quasiment sûre de ne pas pouvoir refuser... Est ce qu'elle devait en parler à son meilleur ami ? Est ce que c'était bien le moment pour lui faire part du plan de merde dans lequel elle s'était fourrée sans le vouloir ? D'un autre côté, ça lui changerait peut-être les idées et pour le coup c'était plus intéressant que Laura Ingalls. « Il m'est arrivé un truc bizarre l'autre jour... Je suis allée du côté d'Adams Morgan pour mon petit business d'ID cards. Je me suis faite griller et j'ai cru que j'allais passer un sale quart d'heure mais... ». Elle marqua une courte pause, réfléchissant à comment présenter la situation. « Il y avait ce mec et... il m'a proposé 2000 billets pour bosser pour lui. ». Plus elle se repassait la scène et plus elle ne comprenait rien à ce qu'il s'était passé. C'était presque irréel et si elle s'était réveillée avec la gueule de bois, elle aurait pu penser à un rêve mais elle savait que ça s'était vraiment produit. « 2000$ c'est énorme mais je sais pas... c'est louche. Ce type ne m'inspire pas. Et il m'a appelé Jesabel ». Elle détestait son prénom, c'était bien pour ça que tout le monde l'appelait Jes'. Si quelques inconscients s'amusaient à l'appeler par son patronyme, ils le regrettaient assez amèrement. Même si elle n'était pas taillée comme une boxeuse, elle n'était pas de ses filles qui avaient peur de se casser un ongle ou de se faire mal. Très peu était ceux qui pouvaient l'appeler Jesabel sans se retrouver avec un coquard ou l’impossibilité de procréer. Il n'y avait que ses parents et Poppy qui pouvaient s'en sortir... et encore. Mais cette fois, elle n'avait rien pu dire. Elle s'était retrouvée paralysée. Ce n'était pas le fait qu'il utilise son prénom mais le fait qu'il le connaisse qui la dérangeait. Elle avait eu peur et cette peur perdurait encore aujourd'hui.

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Prise de conscience ou prise de tête ?

Bien sur que non elle ne se taperait pas son père ! Oui, son échelle de mesure de la décence était biaisée. Oui ses mœurs laissaient à désirer. Mais quand même, elle savait que vouloir se taper son père, c'était glauque. Elle avait un grain mais pas à ce point. Tout ce qu'elle disait c'était qu'il était bien foutu ! Bien mieux que Charles Ingalls en tout cas, ça il n'y avait pas de doute ! Poppy avait l'air rassuré de savoir qu'elle n'avait pas de vues sur son propre géniteur. Même si il semblait avoir eu des doutes puisqu'il l'avait analysée du regard avant d'éclater de rire. A croire que malgré toutes ses années, il ne s'était toujours pas totalement habitué à ses réflexions existentielles bizarres. Cela dit, il était tout de même le plus rodé à cette façon de penser qu'était celle de Jes'. Pour la plupart des gens, ils n'arrivaient pas à savoir si elle était sérieuse ou si elle plaisantait. Bien souvent, ils ne savaient même pas quoi répondre. Malheureusement, ils n'avaient pas le mode d'emploi de Jes'. Personne ne l'avait à part peut-être le rouquin qui était allongé près d'elle. Ce mec qu'elle considérait comme l'homme de sa vie. Ils n'étaient pas amoureux, ils ne se marieraient jamais à part peut-être pour un pari débile. Ils n'auront jamais de relations charnelles, jamais d'enfants, jamais de maison, de chien... Et pourtant il était celui qui la connaissait pas cœur et avec qui elle partageait tout. Si un jour un mec faisait irruption dans sa vie, il aurait sans doute l'impression de vivre en trouple... mais il devrait faire avec car si il lui demandait de choisir, ce serait Poppy sans hésitation. Elle pouvait se passer d'une bite. Ça faisait bien longtemps que le marché du plaisir avait trouvé un remède miracle à la solitude. Mais ce lien qu'elle avait avec son meilleur ami, personne d'autre ne pouvait le lui offrir. Et elle le chérissait plus que tout sur Terre.
Le voir malheureux était donc une épreuve. Elle n'irait pas jusqu'à dire qu'elle souffrait autant que lui. Mais il était clair que le voir dans cet état ne la réjouissait pas, bien au contraire. Et si elle ressentait de la peine, elle se sentait également impuissante. Il était sa moitié mais elle n'avait même pas été capable de voir qu'il était dans une merde noire. Et elle n'était même pas sûre de réussir à l'aider à en sortir. Paye la meilleure amie en carton sérieux ! Elle espérait tout de même qu'il cherchait un soutien ailleurs, autre que le sien. Ses sœurs par exemple. D'autant qu'elles traversaient elles aussi le même désert. Sauf qu'à priori, se la jouer bureau des pleurs c'était pas leur truc. Jes' avait beau ne pas être proche de ses parents, elle savait qu'elle pouvait quand même trouver un minimum de réconfort auprès d'eux. Alors certes, elle ne passerait pas sa vie à débiter ses malheurs en larme au téléphone mais de temps en temps, pour évacuer le trop plein émotionnel, elle le ferait sans doute. « Je vois... C'est vrai que les tête-à-tête avec la vodka sont moins larmoyant.». Pas sûr... Mais ce qui était sûr c'est qu'ils étaient moins efficace sur le long terme. Sur le coup ça semblait être la solution idéale mais au final ce n'était qu'un pansement sur une facture ouverte. Autrement dit : ça servait à rien. Tout ça pour dire que parler avec sa famille serait sans doute plus salvateur que de cuver son vin tout seul comme un ivrogne. « Un coup de téléphone n'a jamais fait de mal à personne tu sais. ». Sauf peut-être pour ce gars qui s'était tiré dessus parce qu'il avait confondu son arme avec son portable qui sonnait.
A défaut d'appeler ses sœurs, il pouvait l'appeler elle ! La question trottait d'ailleurs dans son esprit : pourquoi il ne l'avait pas appelé ? Loin d'elle l'idée de se sentir offusqué d'avoir été mise sur la touche. Elle se demandait juste pourquoi il n'avait pas voulu lui parler. C'était pas comme si il n'avait pas confiance en elle ou qu'il avait peur de se sentir jugé. Juste une certaine pudeur de ne pas montrer ses faiblesses. « C'est sur ça craint de se rendre compte qu'on n'est pas aussi solide qu'on le pensait. Mais ce n'est pas dans la capacité à ne jamais flancher qu'on reconnaît une personne forte ! C'est dans la détermination dont elle fait preuve pour se relever. ». Putain, la c'était clair, elle avait fait un stage au Tibet, c'était pas possible autrement !
Bon, plus sérieusement, il semblait convaincu par l'idée de faire appel à elle en cas de besoin. « Deal » répéta-t-elle, joignant leurs mains dans un high five pour sceller ce pacte. « C'est soit ça, soit je viens vivre ici. ». C'était sans doute la menace la plus foireuse qu'on puisse trouver dans l'histoire du chantage. Il avait déjà fait l'expérience de vivre avec elle au détail près qu'en fait elle vivait à côté... Mais cohabiter avec Jes', il connaissait et ça ne lui faisait sans doute pas plus peur que ça.

Même lui épiler le maillot ne l'effrayait pas. Lui offrir des sex-toys pour son anniversaire paraissait on ne peut plus naturel. Cette relation valait de l'or. Et quand il lui proposa un sex-vegetable, elle ne put s'empêcher de rire. Cette décontraction vendait du rêve ! « Rien que pour te voir entrer chez un primeur, j'ai hâte d'être au mois de mai. ». Bon ça répondait pas vraiment à la question. Mais comme il y avait peu de chance pour qu'il se ramène vraiment avec un concombre le jour de son anniversaire... Elle y réfléchirait le moment venu. Poppy lui était déjà parti sur un tout autre genre de dilemme farfelu. Un délire à la freaky friday. Il était clair, en effet, qu'ils ne chercheraient pas très longtemps avec qui échanger. En soit, Jes' n'avait rien contre les nouvelles expériences. Mais elle aimait bien être une fille même si parfois ça pouvait être vraiment chiant : les règles, le harcèlement de rue... Ça c'était vraiment merdique. « Je sais pas toi mais moi je passerai ma journée à faire l'hélico avec ta bite. ». Sûr à 100% ! Ce serait sa principale occupation. Pour Poppy, par contre, elle se demandait qu'est ce qu'il pourrait bien faire dans son corps. C'était clairement pas comme si il ne l'avait jamais vu à poil ou même peloté donc les trois quarts des trucs qu'auraient fait n'importe quel mec, il l'avait déjà testé. Jes' se redressa sur les coudes pour observer le travail d'orfèvre de son meilleur ami. « Je suis pas sûre d'être aussi doué que toi. T'as un putain de talent ! Je confierais mes poils de chatte à personne d'autre. » dit-elle en se rallongeant sur le lit. Quel compliment... Pas sur qu'il puisse le rajouter sur son CV mais il pourrait se reconvertir dans l'esthétique au besoin.

Quand il avait voulu savoir les détails de sa vie intime, il s'attendait sans doute à ce qu'elle lui raconte un truc bien loufoque dont elle avait le secret comme un rencard avec le recordman du cassage de noix avec le cul. Cela dit, au vue de la forêt vierge qu'elle avait dans le string, il devait bien se douter qu'elle n'avait pas baisé depuis un moment. Les yeux fixant le plafond, son esprit divaguait. A défaut d'une anecdote sympa, elle lui fit part d'une rencontre étrange qui, aujourd'hui encore, la laissait dans un trouble certain. Quand elle avoua qu'il connaissait son prénom, la réaction de Poppy ne se fit pas attendre. Le fait que ce mec qu'elle n'avait jamais vu avant connaisse son prénom ne signifiait qu'une chose : il avait fait des recherches. Elle essayait de jouer l'autruche et de se dire qu'il y avait forcément une explication moins glauque au fait qu'il sache. Mais ça, l'offre d'emploi, l'argent... Tous les signaux d'alerte étaient au rouge et elle l'avait bien senti. Voir Poppy s’inquiéter de la sorte lui confirma qu'elle n'était pas parano. Toute cette histoire puait l'embrouille... Mais dans quoi elle s'était embarquée ?! Justement, elle ne le savait pas vraiment. « Bah en fait... il n'a rien dit sur ce que je devais faire... ». Prostitution, trafic de drogue, d'organes, d'êtres humains... Elle n'avait strictement aucune idée de ce qu'il attendait d'elle et c'était encore plus flippant.
Quand il la questionna sur les détails de cette rencontre, appuyant sur le côté Al Pacino, elle se dit que peut-être tout cela n'était qu'une vaste blague. C'était vrai que ça faisait très cliché de cinéma. Si ça se trouve c'était un canular et elle allait se retrouver sur Youtube dans le top 10 des meilleurs pranks de l'année. Mais son instinct lui disait qu'elle ne se trompait pas. Tout ça, c'était louche et Poppy était de son avis. Il lui proposa même de venir avec elle la prochaine fois. « C'est mort ! Je veux pas te mêler à cette histoire ! ». Si il y avait bien une chose qu'elle ne voulait pas, c'était qu'il se retrouve dans une embrouille à cause d'elle. Elle ne voulait pas le mêler à tout ça. C'était juste qu'ils se disaient tout... Et puis elle voulait juste s'assurer qu'elle n'était pas folle. « De toute façon, il y aura pas de prochaine fois. Je vais éviter les boites de nuit et faire profil bas. ». Jes' soupira, plaquant son bras devant ses yeux. Elle essayait de réfléchir calmement. Elle ne voulait pas céder à la panique mais elle sentait que c'était loin d'être terminé. En attendant, elle ne pouvait rien faire de plus que d'essayer d'esquiver au maximum les endroits où elle était susceptible de le revoir.
Mais arrêter son petit business signifiait dire au revoir à sa seule source de revenus. Et sans argent, elle allait finir par se retrouver à la rue. Jes' n'était pas le genre de personne à s'apitoyer sur son sort. Elle était plutôt débrouillarde mais il fallait avouer qu'elle se retrouvait à court d'idées. Retourner vivre chez ses parents ? Hors de question ! « Si je me fais virer de chez moi, je vais devoir venir habiter ici. ». Elle avait essayé de prendre un ton dégagé mais dans un futur proche, ce serait peut-être sa seule solution.

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Prise de conscience ou prise de tête ?

Jes' connaissait la famille de Poppy. Elle avait déjà eu l'occasion de les rencontrer à plusieurs reprises et ce qu'elle pouvait dire c'était que les Sörvik étaient on ne peut plus normaux. Comparés à ses parents en tout cas, ils avaient l'air d'une famille américaine classique. Les quelques fois où elle s'était retrouvée chez la mère de son meilleur ami, elle avait été traitée comme une membre de la famille. Sachant qu'elle n'était pas du genre timide, cette familiarité dont elle était l'objet ne la dérangeait pas du tout. Au contraire, elle se sentait totalement à l'aise chez eux. Elle qui était fille unique, elle touchait du doigt ce que signifiait avoir une fratrie et elle trouvait ça plutôt agréable. Si Poppy était son meilleur ami, Sin et Sig étaient peu à peu devenues des sœurs de cœur. Pouvoir compter sur quelqu'un et lui confier ses angoisses étaient quelque chose de nouveau pour elle. Bien sûr, elle avait toujours pu compter sur Poppy mais parfois, il était plus pratique de s'adresser directement à un membre de la gente féminine. Les seules personnes qu'elle n'avait jamais rencontré étaient Monsieur Sörvik, qui était décédé bien avant sa rencontre avec Poppy ; et Dahlia, qui vivait sur la côte ouest. Mais elle n'avait aucun doute sur le fait que si elle avait eu l'occasion de faire leur connaissance, ils l'auraient également accueillie à bras ouvert !
En somme, tous les Sörvik étaient des personnes généreuses et absolument adorables. L'ambiance chez eux était chaleureuse et conviviale. Non pas que chez elle l'atmosphère était merdique. Mais elle était plutôt spéciale surtout avec sa mère toujours dans sa bulle. En vrai, Jes' adorait ses parents. Mais ça lui faisait du bien parfois d'évoluer dans un milieu plus classique.

C'était peut-être pour ça qu'elle avait du mal à assimiler la réticence dont Poppy faisait preuve. Elle était persuadée que ce serait une bonne chose de se confier à ses sœurs. Mais il ne semblait pas convaincu par l'idée, préférant l'absolut. Il assura qu'au moins il n'y avait pas de risque pour qu'il soûle la bouteille alors que l'inverse était une évidence... Jes' voulut répliquer et elle ouvrit la bouche mais il lui coupa l'herbe sous le pied. Il était loin des discours passionnés, pleurant à chaude larme en buvant de la vodka. La rouquine resta quelques instants la bouche ouverte avant de la refermer. L'image d'un Poppy en train de vider son sac tout en chialant et enlaçant la bouteille entre deux rasades d'alcool était vraiment pathétique. Elle espérait vraiment qu'il n'était pas tombé aussi bas. Pourtant, il était déjà arrivé qu'elle ou lui se retrouve dans des états déplorables, à ne pas se souvenir de la veille à cause de leur faible pour la tequila. Jes' avait beau très bien tenir l'alcool, elle n'était pas toujours été maîtresse de la situation. Et dans ces moments-la, Poppy était toujours dans le coin. En tout cas, la plupart du temps. Et heureusement que l'un d'eux pouvait boucher les trous de la soirée dans la mémoire de l'autre. Même si il était vrai que parfois, il lui arrivait d'en rajouter un peu juste pour voir la tête de sa meilleure amie. Ce qu'elle lui pardonnait volontiers puisqu'elle faisait pareil. Et parfois, aucun des deux n'était en mesure de raviver la mémoire de l'autre. Comme l'année dernière quand ils avaient fêté leur anniversaire. Ils s'étaient réveillés chez Kai, en plein milieu du salon, entouré de quelques invités tout autant dans le mal qu'eux. Elle portait un masque de tigre et était enroulée dans un tapis de salle de bain. Quant à lui, il était à poil avec un haut-de-forme en guise de feuille de vigne. Les détails de cette soirée resteront à jamais dans les méandres du black out de la gueule de bois. Mais toutes ces fois, ils s'amusaient, ils n'essayaient pas d'oublier leur problème.
Enfin bref, se bourrer la gueule dans ce but apportait plus de problème qu'il n'en résolvait d'où le fait qu'il était bien plus conseillé et utile de se confier à quelqu'un plutôt que d'essayer de se retourner la tête. Et quoi qu'il en disait, la famille ça servait à ça. Juste un petit coup de fil pour savoir comment ça va et se donner du courage, c'était pas la mer à boire quand même ! Il n'avait pas l'air chaud et il joua la carte de l'humour en affirmant qu'un téléphone en pleine tête ça pouvait faire mal. L'entendre dire ça lui rappela un souvenir alors qu'elle était chez lui à l'époque où ils étaient encore voisins. Ils étaient dans le salon, lui allongé, la tête contre le bras du canapé, elle assise à l'autre bout, les jambes du rouquin posé sur les siennes. Elle regardait son portable quand elle avait reçu un sms qui l'avait mise en rogne. Elle avait alors jeté son téléphone qui avait rebondi sur le sofa pour atterrir en plein sur le front de son ami. Elle s'était excusée bien sûr, entre deux éclats de rire. « C'était un accident. » dit-elle en posant son doigt la où le portable lui avait fait une bosse à l'époque.
Mais revenons aux choses sérieuses. Elle se doutait bien que si il était aussi réticent à l'idée d'appeler sa famille ou même elle, c'était parce qu'il avait honte et qu'il ne voulait pas montrer ses faiblesses. Un truc de mâle alpha vieux comme le monde. Courber l'échine ça voulait dire être un moins que rien. Alors si en plus on allait pleurer dans les jupes de sa mère, c'était le pompon ! Mentalité de merde à ses yeux. D'autant que Poppy était très loin d'être un fragile ! Il avait connu le deuil plus souvent qu'à son tour et ce n'était clairement pas une chose à laquelle on pouvait s'habituer. Il avait le droit de flancher et d'avoir besoin d'aide. Ça ne faisait pas de lui un faible. Bien au contraire ! Avouer qu'il avait eu un passage à vide était une force en soi. Certains restaient dans le déni, assurant le nez dans la merde que ça sentait la rose. « Sauf que la plupart des gens n'ont pas vécu ce que tu as vécu. Moi je te trouve courageux et si quelqu'un te dit le contraire, je lui ferais part de ma sagesse. ». Mais pas comme le Dalaï-lama, c'était clair ! Oui, elle avait passé un peu de temps chez ses parents mais elle n'était pas restée assez longtemps pour se transformer en hippie pacifiste. Dans la réalité, la gentillesse côtoyait la cruauté et elle avait une réponse pour chacune des deux. Elle ne prônait pas la violence. Mais elle avait appris qu'avec certaines personnes, il n'y avait pas d'autres solutions pour leur faire comprendre les choses.

Jes' avait toujours été franche. Elle pensait tout ce qui passait la barrière de ses lèvres. Elle était donc plus ou moins sérieuse quand elle disait qu'elle débarquerait ici si il continuait à la remplacer par une bouteille de vodka. Comme elle s'y attendait, la menace n'avait pas eu l'impact espéré. Mais ses faux airs de mec offusqué et son ton ultra ironique avaient, eux, le mérite de la faire rire.
Elle était également très sérieuse quand elle disait attendre avec impatience le jour de son anniversaire pour voir Poppy acheter des légumes. Sauf qu'il avait une toute autre idée en tête. Il ne perdait pas le nord. C'était clair que les parents de Jes' lui donneraient tout un stock de légumes gratuitement si il leur demandait... Cela dit, il y avait une faille dans le plan. « C'est 20$ le billet aller/retour pour Harper's ferry. Pas sur que ce soit plus rentable. ». Tout dépendait de la cargaison que lui refourguerait ses parents. Mais les courgettes n'avaient pas autant de succès que la coke dans les rues de Washington.
Et elle était on ne peut plus sérieuse quand elle disait qu'elle ferait le zizicoptère toute la journée si elle devait se retrouver dans le corps de Poppy. Lui par contre, avait d'autres projets en ce qui concernait son corps à elle. Et il fallait dire que ses arguments étaient valable. C'était pas rose tous les jours d'être une femme mais le fait de pouvoir jouir plusieurs fois au cours d'un même rapport était quand même un sacré avantage. « Tant que tu me fais pas chopper de MST, tu fais ce que tu veux ! ». Si ça c'était pas avoir une confiance aveugle. Mais il fallait bien l'avouer, il était la personne en qui elle avait le plus confiance au monde, y compris pour lui faire un maillot impeccable. Pour un mec, il était vachement doué. Comme quoi, dessiner des bites dans ses poils pubiens avait servi à quelque chose. Quand elle évoqua son talent, il avança l'idée de se reconvertir. Certes, il avait le doigté mais pas sûr qu'il kifferait épiler des inconnus toute la journée. Le maillot et les aisselles passaient encore mais quand tu devais t'occuper d'un mec avec un tapis dans le dos ou encore de ses poils de cul... C'était pas très glamour quand même.

Ce qui était encore moins glamour, c'était le merdier dans lequel elle s'était fourrée ! Poppy n'avait pas l'air très rassuré non plus de savoir qu'un parfait inconnu lui avait proposé du fric sans lui expliquer ce qu'elle devait faire pour l'obtenir. Il chercha un moyen de la sortir de cette embrouille proposant de jouer les victimes si il s'approchait d'elle encore une fois. Jes' n'était pas du genre à appeler à l'aide. Elle était plutôt du style à foncer dans le tas quitte à se prendre un mur. Elle ne se voyait vraiment pas jouer les demoiselles en détresse à espérer qu'un prince daigne venir à son secours. Mais ça avait l'air sérieux alors elle devrait peut-être revoir sa stratégie de bourrin pour une fois.
La rouquine ne s'était même pas aperçue que son meilleur ami avait terminé. Ce n'était que quand il revint se poser à côté d'elle qu'elle en conclut qu'il avait achevé son œuvre. Elle jeta un coup d’œil vers son intimité qui était nickel après le traitement expert de Poppy. Elle se rhabilla rapidement avant de se rallonger lourdement à ses côtés. La blague qui sous-entendait qu'elle allait s'installer chez lui prenait un caractère beaucoup plus réel. Elle appréciait sa sollicitude. Encore une preuve qu'elle pouvait compter sur lui même si ils espéraient tous les deux ne pas avoir besoin d'en arriver la. Poppy continua d’échafauder des plans pour la sortir de la galère. Il lui suggéra d'y aller carrément au culot et de lui dire d'aller se faire foutre avec son deal de merde. « Je suis pas sûre qu'il soit du genre à accepter un refus... Je vais finir dans la Potomac river avec ses conneries. ». Pourquoi fallait-il toujours qu'elle se retrouve dans des plans foireux de ce genre ? Elle voulait juste se faire un peu de blé, pas terminer avec des blocs de béton aux chevilles... Poppy ne s'arrêta pas la. Il lui proposa une idée sorti tout droit d'une série policière. « Mec, t'as cru qu'on était le FBI ?! ». Elle lâcha un petit rire nerveux. La situation pourrait être comique si elle n'était pas aussi craignos. « Mais si ça tourne mal et que je me retrouve avec un cadavre sur les bras, promis je t'appelle. Tu ramènes une pelle et on va l'enterrer dans les bois... ». Bon elle espérait quand même ne pas en arriver la hein. Mais elle savait que si ça arrivait, il viendrait vraiment avec une pelle et l'aiderait à se débarrasser du corps. Elle ferait la même chose pour lui.
Jes' essayait de réfléchir calmement à une solution miracle. L'histoire du micro était peut-être un peu tirée par les cheveux mais ça lui avait permis d'envisager autre chose. « Si je piratais le réseau de la boite ? ». Ses talents en informatique n'étaient plus à démontrer et il était clair que ce serait un jeu d'enfant pour elle. « Je pourrais me connecter au caméra, fouiller dans leur compta et essayer de savoir qui est ce mec ! ». Après tout, il avait bien fait sa petite enquête sur elle, elle ne ferait que lui rendre la monnaie de sa pièce. Qui se prenait pour le FBI maintenant ?

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Prise de conscience ou prise de tête ?

L'humour était un bon remède contre les problèmes mais aussi un très bon moyen d'esquiver les conversations sérieuses. La preuve avec cette histoire de téléphone. Poppy avait un don pour se faufiler entre les mailles du filet. Et elle avait la fâcheuse manie de le suivre dans ses délires. C'était un peu pour ça qu'ils étaient amis aussi. En tout cas le coup du téléphone elle ne l'avait vraiment pas fait exprès et elle avait eu beau s'excuser après son méfait, il l'embêtait toujours en l'accusant d'avoir voulu attenter à sa vie. Encore à l'instant, il sous-entendait que si il avait échappé à la mort c'était parce qu'elle louperait un éléphant dans un couloir. « Moi je sais pas viser ?! Moi je sais pas viser ?! Tu vas voir. ». Elle attrapa un coussin et le lança en direction de Poppy qui n'eut aucun mal à l'esquiver puisqu'il était passé à un mètre de sa tête. Silence dans l’assistance. Il n'allait sans doute pas tarder à se foutre de sa gueule. « Ça compte pas, j'étais gênée avec toi qui m'écrase la ! ». Ouais non en fait c'était juste qu'elle était vraiment nulle pour viser, il avait raison. Sauf dans Tomb Raider où la elle enchaînait les head shot comme une tireuse d'élite. Mais bon... c'est pas parce que t'es bon à Gran Turismo que tu peux te la jouer au grand prix de Monaco.

Jes' n'était clairement pas un modèle de patiente et de délicatesse. Elle jurait beaucoup et avait tendance à agir avant de penser ce qui, au vu de son gabarit, n'était pas toujours une bonne chose. Poppy le savait et le fait qu'il l'imagine en train de casser des culs à coup de discours sur la paix dans le monde n'avait rien de délirant. C'était même totalement son genre ! « C'est pour que ça rentre plus facilement dans leur tête. ». Et elle lui lança le regard le plus innocent dont elle était capable, digne de la voix de la sagesse. Comme si quelqu'un qui la connaissait aussi bien que Poppy pouvait y croire. Mais la conversation n'était pas aussi légère que ça. Ils avaient beau essayer de détendre l'atmosphère avec des boutades, il n'en restait pas moins que le sujet principal était suffisant sérieux et important pour qu'ils s'y attardent. Même si le rouquin aurait sans doute préféré y couper court.
Elle ne voulait pas lui balancer le cliché du "Si tu ne le fais pas pour toi fais le pour tes proches". Déjà parce qu'elle n'était pas du genre à se soucier beaucoup des autres. Bon, elle n'était pas égoïste non plus mais elle avait pris depuis longtemps maintenant qu'il fallait mieux se faire passer en premier. Après, c'est toujours plus facile à dire qu'à faire quand on est quelqu'un bien comme lui. Bien sûr qu'il ne pensait pas qu'à se gueule. C'était d'ailleurs pour ça qu'il essayait tant bien que mal de continuer et d'avancer malgré les saloperies qui lui étaient tombées dessus. Si il ne pensait qu'à se gueule, ça ferait sans doute longtemps qu'on l'aurait retrouvé dans un caniveau en train de faire un comas éthylique. « J'ai fait aucun choix courageux, j'ai juste subis des trucs, des pertes, et j'ai pas eu d'autres choix que de faire avec. ». Des deux, ils étaient sans doute le plus courageux malgré ce qu'il pouvait en penser. L'unique fois où Jes' avait du faire face à l'adversité, elle n'avait pas réussi à se défendre. Elle était restée la, sans rien dire et avait juste subi jusqu'à ce qu'on finisse par venir la sauver. Elle n'avait pas essayé de se battre, de s'échapper, d'affronter les choses. Elle s'était juste placée en victime. Mais lui, même si ce n'était pas toujours parfait, il tentait de s'en sortir. Il ne restait pas passif. « Tu as tenu le coup par la force des choses, c'est ça que tu penses ? Tu sais que des gens se font sauter la cervelle quand ils ne parviennent pas à surmonter leur peine. Pas toi. Toi t'es la et tu fais ce que tu peux pour y arriver. T'as l'impression de te laisser porter par les événements mais crois-moi, c'est pas le cas. T'es pas du genre à te complaire dans un rôle de victime... » Contrairement à moi. Jes' posa instinctivement sa main sur son avant-bras. Certes leur situation n'avait rien de comparable mais il n'était pas une petite chose fragile. Il avait beaucoup plus de force qu'il ne le pensait et elle voulait qu'il le voit.

Cette histoire de sex-vegetables commençait à prendre une tournure inattendue. Enfin, rien que le concept était peu conventionnel mais ça leur correspondait bien comme le fait de débattre sur une éventuelle partie de jambes en l'air avec Charles Ingalls. Toujours était-il que son petit aller-retour juste pour la blague ne serait sans doute pas rentable. Mais comme Poppy était toujours plein de ressources, il lui demanda quand ses parents étaient censés lui rendre visite. Bah oui, beaucoup plus simple comme ça, il avait plus qu'à se servir dans le frigo et sacrifier une de ses capotes. Même pas en fait, il pourrait facilement en trouver chez Jes'. Donc en gros, il n'aurait qu'à se baisser et se servir. Plutôt bien pensé. « J'espère pas de sitôt. Ce week-end m'a suffit pour les deux prochains mois. ». Donc en soit, ils seraient de retour à peu près pour leur anniversaire donc pile dans le bon timing !
Et après les idées de créations d'entreprise de Poppy, place à ses idées farfelus. Bon ok, elle aussi avait parfois des idées tordues. Bien trop souvent pour une personne normale d'ailleurs. Ce qui la confortait dans l'idée qu'ils étaient tous les deux bon pour l'asile. Surtout avec des délires comme passer une journée dans le corps l'un de l'autre pour faire l'hélicobite. Jes' affirmait qu'elle n'aurait aucun problème à lui prêter son corps tant qu'il ne lui faisait pas chopper une merde. Évidemment, il sauta sur l'occas' de savoir si il pouvait aussi lui faire tatouer une déclaration d'amour à son nom sur le cul. Si elle avait son mot à dire, elle aurait choisi plutôt sur l'aine vu comment il s'occupait de son maillot. Ça aurait un peu fait comme un peintre qui signait sa toile. Ça aurait sans doute jeter un froid dans certains contextes plus intimes mais en soit, l'idée la faisait plus rire que pleurer. Et lui aussi d'ailleurs de toute évidence. « Non je m'en fous. Sur le front ça m'ferait plus chier par contre. Je suis pas une licorne. ».

Ils divaguaient entre conversations sérieuses et conneries sorties de nul part. Ainsi, le sujet joyeux était terminé, il était donc temps de passer au sujet foireux. En l’occurrence cette histoire bien pourrie dans laquelle elle s'était fourrée sans le vouloir. Passé la surprise, Poppy essayait tant bien que mal de trouver des solutions pour la tirer de la. Il y mettait de la bonne volonté, ça se voyait qu'il se sentait un minimum concerné et inquiet. Mais elle n'était pas sûre que se la jouer franche et réglo serait très efficace. Ni le fait de s’improviser Mulder et Scully. « Sauf que nous on n'a pas de flingues pour se défendre si ça part en couille ! ». Et autant dire qu'avec leur gabarit, c'était mal barré si ils se retrouvaient à devoir sauver leur peau contre les gorilles de la dernière fois. Après, sur un malentendu ça pouvait passer. Mais à défaut de compter sur leur capacité à se battre, elle pouvait compter sur sa loyauté. Il confirma qu'il viendrait sans hésitation et pas seulement pour creuser un trou. L'idée était un peu glauque mais d'un autre côté ça pouvait être efficace.
Leur truc de FBI c'était surtout pour Fausse Bonne Idée en fait. Et comme il n'y en avait pas un pour rattraper l'autre, ce fut à son tour de sortir le plan du siècle. Cela dit, c'était sans doute plus dans ses cordes que de bluffer avec un micro caché dans son décolleté. Poppy était hypé par l'idée ! Il suggéra même des améliorations à son plans. Et il fallait dire que c'était pas bête. Mais la, en l’occurrence, elle voulais plutôt se la jouer discrète. Pour la fourberie, elle verrait plus tard. En tout cas, pirater le réseau de la boite devait être un jeu d'enfant. Et puis depuis son premier hackage au lycée, elle avait quand même pas mal progressé. « Mec, j'ai besoin de ton pc ! ». Jes' était remontée à bloc mais lui il avait l'air beaucoup moins ambiancé d'un coup. A la tête qu'il faisait, son pc était en train de mourir sous un tas de poussière, quelque part entre des caleçons et une boite de pizza... La rouquine se leva et commença à faire le tour du propriétaire pour le trouver. Bizarrement, elle ne mit pas tant de temps que ça pour mettre la main dessus ce qui était satisfaisant. Ce qui le fut moins c'était la tronche du pc en question. Déjà, elle avait raison, il était couvert de poussière mais également d'une substance collante qu'elle identifia comme du tabasco et elle espérait ne pas se tromper. Elle ouvrit l'ordinateur et commença à désespérer en constatant qu'il ne s'allumait pas. Elle voulut lâcher l'affaire puis elle se dit que, vu l'état de la bécane, il ne serait pas impossible que la batterie soit vide. Elle repartit donc à la chasse en quête du précieux chargeur. Elle mit plus de temps à le trouver par contre. Elle avait du s'aventurer dans les méandres de la chambre de Poppy mais l'important était qu'elle avait ce qu'elle voulait. Elle brancha le tout avant de venir s’asseoir en tailleur sur le lit de Poppy. Elle put enfin allumer l'ordinateur. « Windows 7 ? Sérieusement ? ». Jes' leva les yeux au ciel et commença à bidouiller deux trois trucs dans le système. De toute évidence, il n'avait pas servi depuis longtemps et ce que la demoiselle attendait de lui allait sans doute le faire planter. Elle tenta quelques manipulations et au bout de plusieurs minutes, elle réussit à avoir une image dégueulasse de la caméra à l'entrée de la boite. Elle constata que de cet angle, on voyait parfaitement le coin où elle faisait son petit business. C'était sans doute grâce à ça qu'ils avaient pu l'observer. Malheureusement, comme elle l'avait prédit, le pc n'arriva pas à tenir la cadence et planta avant de laisser place à un écran noir. « Faut vraiment que tu te trouves du meilleur matos. ». Jes' referma l'écran et poussa le pc à côté d'elle tout en soupirant avant de s'allonger une nouvelle fois. Elle devrait attendre d'être sur sa propre bécane chez elle pour espérer un meilleur résultat. Sauf si... « Il a un ordi ton coloc ? ». Bah voyons, faire ses trucs de délinquante pour stalker un mec qui avait tout du mafieux sur le pc d'un type avec qui elle n'avait pas forcément d'accointance. Encore une bonne idée de merde tiens. « Non laisse tomber, je vais éviter de le mêler à ça lui aussi. ».

Retour à la case départ. Elle se retrouvait sans info mais toujours avec une épée de Damoclès au dessus de la tête. « Si je meurs, j'aurai été contente de t'avoir dans ma vie... ». Elle comptait faire pleurer dans les chaumières ou quoi ? Encore une fois, on aurait dit qu'elle se laissait porter, comme à l'époque du collège. Elle se sentait incapable de se défendre. Elle se mordit la lèvre, énervée de sa propre faiblesse. Elle faisait des beaux discours à Poppy et était totalement incapable de les appliquer pour elle. Quand elle disait qu'il était le plus courageux des deux, elle le pensait vraiment. Est ce qu'elle allait être une victime pour toujours ? Non, intérieurement, elle le refusait. Elle s'était promis il y a des années que ça n'arriverait plus ! Alors elle commença à réfléchir à ce qu'elle pouvait bien faire pour changer la donne. Puis elle sut. Si elle avait été croyante, elle aurait pensé à une intervention divine. « Tu crois que ta sœur pourrait me donner des cours ? Je suis pas sûre de devenir Chuck Norris mais au moins je pourrais me défendre, un peu... ».

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Prise de conscience ou prise de tête ?

Comment ça c'était pas logique qu'elle assure mieux viser à cinq mètres qu'à dix centimètres ? Oui bon d'accord, c'était pas logique en effet. Mais qui en à quelque chose à faire des lois de la physique et de la logique ? L'idée d'un deuxième essai avec la serviette dont elle s'était servie dans la salle de bain lui effleura l'esprit. Mais il se foutait déjà tellement de sa gueule. Sans parler du fait qu'il en rajoutait une couche tout seul. Donc non, c'était pas la peine de se ridiculiser une nouvelle fois même si elle avait l'habitude devant Poppy. Je t'en foutrais du Love Einstein ! C'était un autre petit surnom qu'il avait trouvé après avoir appris qu'elle était surdouée. Il l'avait saoulée pendant une semaine en la traitant d'intello, de petite tête pour au final s'arrêter sur ce sobriquet. Et c'est qu'il en était super fier de sa blague ! Mais tant qu'il ne l'appelait pas Jesabel, tout allait bien pour elle. Et alors que Monsieur était occupé à se payer sa tête, elle levait les yeux au ciel tout en murmurant des blablablas du bout des lèvres et en les mimant avec ses mains. Vexée ? Peut-être un peu.
Mais Jes' ne bouda pas très longtemps. Déjà parce qu'elle n'était pas vraiment offusquée mais surtout parce qu'ils étaient déjà passés sur un autre sujet beaucoup plus drôle. Prêcher la paix et l'amour à grand coup de bouquin sur le crâne était un concept assez contradictoire mais qui correspondait totalement aux deux amis. Et puis ce n'était pas totalement dénué de logique puisque certains ne comprenaient qu'avec la force. M'enfin, la logique n'était pas son fort de toute évidence. Lorsque Poppy se proposa pour prendre la relève si elle le souhaitait, elle éclata de rire. « Tu seras mon assistant bourrage de crâne ! ». En même temps, qui de mieux que son meilleur ami pour l'aider dans une mission pour changer la mentalité des cons ? Au vu du temps que ça prendrait avec la proportions de coincés du cul dans le monde, elle aurait bien besoin de son soutien !

Qu'est ce qu'ils pouvaient être bornés tous les deux à camper sur leur position. Si ça n'avait pas été lui, ça ferait bien longtemps que Jes' aura laissé tomber. Elle ne serait même pas entrée dans le débat dès le départ. Plutôt du genre à se foutre de ce que les gens pouvaient penser, elle n'était pas de ceux qui imposent leur façon de penser chez les autres. Mais la, le sujet était assez touchy sans compter qu'il s'agissait la du bien-être de la personne la plus importante à ses yeux. Alors elle n'avait pas vraiment envie de lâcher l'affaire, loin de la. Si seulement il pouvait être moins sévère avec lui-même. Au final, elle n'avait même pas à le sermonner pour ses conneries, il le faisait tout seul. Elle trouvait dommage qu'il ne voit pas les choses à sa façon. Ou plutôt, qu'il ne se voit pas comme elle elle le voyait. Son discours était tellement pessimiste. Quoi qu'il en dise, il avait choisi la voie la plus difficile. Vivre ou mourir, il avait choisi de continuer malgré les difficultés. Être l'ombre de lui-même ou bien rebondir ? Encore une fois, il avait pris le chemin le plus compliqué. Pour lui, c'était juste par la force des choses et que ses décisions avaient été imposées plus que prises de son propre chef. « ...si y'avait aucune conséquence, c'est probablement ce que je ferais. ». Les mots résonnaient en elle. C'était tellement plus facile de ne rien faire. Elle n'avait rien fait à l'époque malgré les fameuses conséquences dont il parlait. Tout ça aurait pu durer encore longtemps puisqu'elle n'avait pas le courage d'aller contre les événements qui lui paraissaient insurmontable. On dit qu'une image vaut mieux que milles mots. Il en était sans doute de même pour les gestes. Alors elle le serra dans ses bras. Elle ne disait plus rien, elle voulait juste qu'il sache qu'il n'était pas seul. Et elle resta la, juste à l'enlacer pendant plusieurs minutes.

« Si j'voulais te transformer une licorne c'est une bite que je te ferais tatouer sur le front. ». Pourquoi ça ne l'étonnait pas le moins du monde ? Peut-être parce que ça paraissait logique ou bien parce qu'elle avait l'habitude qu'il lui dessine des phallus dessus ? D'ailleurs elle avait de la chance de ne pas avoir subi une nouvelle crise artistique sur son pubis. En tout cas, elle était intransigeante, pas de tatouage sur son joli minois ! Ailleurs, elle s'en foutait. Il pouvait mettre lui tatouer Charles Ingalls si il le voulait... Jes' s'imagina devoir vivre toute sa vie avec sa tête sur le cul et après mure réflexion, l'idée ne la séduisait pas non plus.

Fin de la récré, retour aux choses sérieuses. Toujours pas convaincue par l'idée du micro ou de la surveillance. Encore moins lorsqu'il évoqua la possibilité de se trouver des flingues. Il était vrai qu'aux États-Unis, nombreux étaient les gens qui possédaient une arme et encore plus nombreux ceux qui se prenaient pour des gangsta et souvent ça tournait à la catastrophe. Elle préférait éviter le risque de se prendre une balle perdue ou que Poppy s'en prenne une. Bon ça voulait pas dire que si ils n'avaient pas d'arme, il n'y avait aucun risque pour qu'ils se fassent trouer la peau mais au moins, elle réduisait le pourcentage. De toute manière, Jes' n'était pas partisane des armes à feu. Sans doute à cause de ses parents et de leur éducation peace and love... Mais elle était de ceux qui trouvaient dangereux de mettre ce genre de choses entre toutes les mains. Elle regarda son amie, faisant un non catégorique de la tête.Elle n'avait pas besoin d'un flingue mais de son pc. Sauf qu'à priori, il avait plus de chance de lui trouver le premier que le deuxième. De toute évidence, il ne savait pas où il l'avait rangé. L'interrogeant du regard, les indices qu'il lui donnait étaient totalement inutile. Une vraie chasse au trésor. Mais elle finit par trouver ce qu'elle cherchait sans son aide et quand elle alluma la bête, elle constata avec agacement qu'elle était loin d'être mise à jour. Mais il tenait à la vétusté de son système d'exploitation puisqu'il la supplia de ne pas en changer. « T'inquiète pas, je le laisserais à l'âge de pierre si ça te fait plaisir. ». Ses doigts volaient sur les touches avec agilité et rapidité. Les ordinateurs c'était vraiment son truc. Elle comprenait le langage informatique beaucoup mieux que certaines personnes et au moins, avec ses lignes de codes, elle ne risquait pas de s'embrouiller. Il ne lui fallut pas plus de quelques minutes pour arriver à ses fins. Malheureusement, l'ordi de Poppy ne tint pas le choc et planta, les laissant sur leur faim. Jes' était dépitée. Bon certes, elle pourrait toujours recommencer chez elle avec son propre matos qui serait bien plus performant. Elle lui suggéra tout de même de s'en racheter un ce à quoi il répondit qu'il ne voyait pas l’intérêt... Et il n'avait pas tord. D'habitude, c'était avec son pc à elle qu'ils faisaient ce genre de choses. Elle eut alors l'idée de prendre celui de Kai mais elle se ravisa et le rouquin lui sembla gré. Si il était comme son ami, son matos ne tiendrait pas la route non plus. Sans compter que sans toutes les petites choses qu'elle utilisait pour couvrir ses traces, n'importe qui pourrait remonter à son IP et donc à lui. Le pauvre, il n'avait rien demandé.
Allongée et complètement démunie, elle commença à partir en live en s'imaginant au fond d'un cours d'eau avec de jolies chaussures en ciment. Au moins, si elle disparaissait, Poppy pourrait aller au poste pour expliquer ce qu'il s'était passé. Peut-être que ce serait suffisant pour coffrer ce connard. Quand elle évoqua la possibilité de ne plus être de ce monde, il répondit instantanément que ça allait pas être possible sinon il recommencerait ses conneries. Il savait que cet argument allait avoir son petit effet. « T'as raison, je te laisserai pas. ». En se tournant vers lui elle déposa un baiser sur sa joue. Même si ça réglait pas le problème. Mais alors elle se souvint que la sœur de Poppy proposait des cours de self-defense. Elle n'en aurait peut-être jamais besoin mais au cas où, elle serait prête, un minimum. Il lui assura qu'il n'y avait pas de soucis et lui donna même quelques conseils pour faire mouche. Elle pouvait même tuer quelqu'un si elle s'y prenait bien, rien qu'en lui pétant le nez. « Mais t'es un vrai tueur en fait. Je devrais t'engager comme garde du corps, ce serait peut-être la meilleure solution. ». Oui, elle se moquait un peu. Mais en attendant, c'était pas tombé dans l'oreille d'une sourde. Reprenant son calme, il lui proposa de venir vivre quelques temps ici au cas où son appart ne soit pas sûr. Elle avait paranoïé sur pas mal de truc depuis un certain temps mais elle n'avait pas encore été jusque la. Cela dit, ça pouvait être une possibilité. En plus il connaissait son nom et pas sur que des Jesabel Lovenstein ça court les rues de Washington... « C'est pas comme si j'avais besoin d'une invitation. ». Un peu d'humour sur son tempérament intrusif. « Si je me sens en danger, je vais mes valises et je débarque, promis. ». Pour l'instant, elle se sentait en sécurité chez elle. Elle éprouva tout de même un petit soulagement de se dire que si ça tournait au vinaigre, elle avait une solution de replis. « Heureusement que je t'ai quand même. ». Et elle roula sur le côté pour se caler dans ses bras.

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