You saved me tonight, sweetie | Elijah

Cela faisait quelques semaines que j'étais revenue à Washington. Je m'étais faite une place au sein du cabinet dans lequel j'avais eu la chance d'être engagée. Et même si j'étais loin de ma famille, je me sentais apaisée dans ce bureau, portant mon nom fraichement ajouté sur la porte. Maitre Fölck. J'avais tellement travaillé pour en arriver là, que je me sentais heureuse, rien qu'en pensant à toutes les affaires que j'aurai à traiter prochainement. D'ailleurs, mon nouveau collègue venait justement de me proposer de reprendre une affaire sur laquelle, l'avocat attitré, ne pouvait pas être présent le jour de l'audience au tribunal, en raison d'une  maladie, juste avant de m'inviter à boire un verre avec d'autres membres du bureau, ce soir. Pour être tout à fait honnête, depuis ce qu'il s'était passé cette nuit-là, je n'aimais plus vraiment sortir dans les bars. Mais puisqu'il s'agissait d'un petit verre entre collègues, cela me permettrait surement d'apprendre à mieux les connaitre et ça, c'était une raison plutôt valable pour faire une entorse à mes résolutions.

C'est donc en me sentant quelque peu stressée que j'entra dans le Manhole. Le bar n'avait pas vraiment fière allure. Cependant, une aura plutôt agréable se dégageait de la salle. A l'intérieur se trouvait beaucoup de monde. Non loin d'une fenêtre, se trouvait cinq de mes collègues. Aussi étrange que cela puisse paraitre, je semblais être la seule femme de la soirée. Entourée de tous ces hommes avec qui je travaillais presque 12 heures par jour, armée de ma petite robe noire et de mes talons aiguilles, je me sentais plutôt mal à l'aise. D'ailleurs l'un d'entre eux, m'adressait des regards assez malsains depuis mon arrivée. Je ne les connaissais pas suffisamment pour me permettre de porter un jugement mais sa réputation l'avait précédé. Restant silencieuse tout en sirotant le verre qui m'avait été commandé quelques instants plus tôt, mes pensées s'étaient perdues. Au loin, j'entendais les rires incessants et les blagues de mauvais goût. Pour être honnête, je n'avais jamais imaginé que des hommes aussi respectables de part leur métier, pouvait être aussi ... Simple d'esprit lorsqu'il s'agissait de sortir des blagues aussi salasses que de mauvais goût. Moi qui avait tant espéré passer une bonne soirée ... Croisant mes bras sur la table, mon regard s'était fixé sur une fenêtre non loin de nous, qui donnait sur la rue. Malgré l'heure, la rue semblait encore bondée de monde. Beaucoup de jeunes ... Quelle insouciance. Je m'imaginais quelques années auparavant lorsque moi aussi, j'étais transandée par tant de légèreté. Cette époque me manquait terriblement. Les sorties, les fou-rires ... Tout me manquait. Plus particulièrement ... Il me manquait ....

Sentant une présence s'installer non-loin de moi, je sortie de mon étourderie momentanée. Voyant ce collègue, avec qui je n'avais aucune envie d'avoir un quelconque rapprochement ou même contact, je redescendis instantanément ma robe au maximum. Je me sentais étrangement gênée et mal à l'aise face à sa présence. Il me parlait ou plutôt ... Il me faisait du rentre-dedans alors que moi, je n'avais qu'une envie, c'était de fuir. Remarquant qu'il se rapprochait de plus en plus de moi, je scruta le bar à la recherche d'un échappatoire. Les autres étaient partis fumer et j'avais clairement exprimé que j'étais non-fumeuse. Il me fallait une autre excuse. Soudain, je sentis quelqu'un passer derrière ma chaise. M'excusant un instant auprès de mon interlocuteur, je me leva presque instantanément et attrapa le bras de la personne qui n'avait fait que quelques pas, non loin de ma table.

" Oh chéri ! Quelle surprise ! Tu aurais pu me dire que tu étais là ! ", Dis-je en m'accrochant à son bras telle une sangsue en manque de sang frais.

Jetant un rapide coup d'œil à mon collègue, j'espérais vraiment qu'il ne tenterait plus d'approche dans ce genre. Je venais d'arriver dans le cabinet et je ne tenais certainement pas à me retrouver au milieu d'une polémique à cause d'un collègue un peu trop en manque et avenant comme un camionneur. Entrainant mon interlocuteur un peu plus loin, je n'osa pas lui adresser un regard tout de suite, tellement je me sentais gênée par la situation ...

" Veuillez m'excuser. Vous étiez ma seule chance de m'extirper d'une situation quelque peu ... Embarrassante ! Je vous remercie."

Relevant la tête, je croisa le regard du jeune homme qui était loin de m'être inconnu ...

" Eli ! Mon dieu ! Mais qu'est-ce que tu fais-là ?! Si je m'attendais à tomber sur toi, ce soir ! "

Au bureau, j'essayais de paraitre irréprochable. Je venais d'arriver au sein du cabinet et je me refusais d'être au cœur d'une polémique. Ces regards, je les avais déjà remarqués. J'avais simplement choisi de ne pas y prêter attention. Mais aujourd'hui, je n'avais pas pu me résoudre à le laisser faire. J'étais crispée, tendue. Mon sourire, semblait fixé dans le marbre. Souriant plus par obligation que par plaisir. Je n'étais pas de nature impolie. C'est surement la raison pour laquelle, je n'avais pas fuie lorsque mon collègue s'était installé à mes côtés. Je voyais toujours le bon côté des gens. Du moins, j'essayais. Malgré les échos que j'avais pu entendre à son sujet, j'avais essayé de ne pas le juger. Cependant, ses agissements le trahissaient. Je n'étais pas de ces poules de bureau, qui se laissaient faire sans broncher. J'avais une fierté. Je refusais qu'il pose, ne serait-ce qu'un doigt sur moi. Hors de question. J'avais pris la fuite de la manière la plus clichée qu'il soit. Choper un inconnu et le faire passer pour mon petit-ami ... C'était déjà tellement vu. Et pourtant, ca restait efficace. Tout ce que je voulais, c'était échapper à mon horrible collègue. Une chose était sûre maintenant, après m'être tirée de cette situation, je comptais bien rentrer chez moi. J'avais eu mon compte d'émotion pour ce soir.

Alors que je venais de lâcher de bras de mon sauveur, je m'excusa. J'étais tellement gênée par la situation, que je n'avais même pas osé porter mon regard sur lui. Je lui devais une fière chandelle pour ce geste. Après tout, il aurait très bien pu m'envoyer balader. Il ne me devait rien. Pourtant, il fallait bien que je lui fasse face. Je ne voulais pas paraitre impolie. Quelle ne fût pas ma surprise lorsque je compris que mon sauveur était ... Elijah. Bon dieu. Ca faisait tellement longtemps ! Enfin longtemps. Depuis mon départ, en fait. Après mon retour en Suède, j'avais un peu coupé les ponts avec mes amis. Entre la décès de mon père et ma dépression ... Je n'avais pas vraiment la tête à discuter. Quoi qu'il en soit, la jeune homme ne semblait pas avoir changé ... Toujours ce même humour un peu décalé. En même temps ... Il n'avait pas tort. Que pouvait-il bien faire dans un bar ? Cruche que j'étais.

Lui adressant un grand sourire, je me hâta de répondre à ses questions. Il était vrai que mon retour s'était fait dans le plus grand des silences. Cela faisait quelques semaines que j'étais de retour en ville et on ne peut pas dire que j'avais fait un retour en grande pompe ... Bien au contraire.

" C'est vrai. Mais je suis revenue pour de bon cette fois-ci. Du moins, je l'espère ... "

Mon retour avait été guidé par un seul objectif, m'expliquer avec Aedan. Cela m'avait tellement obsédé que je n'avais pas vraiment pensé à la suite ... Allais-je vraiment rester ? That was the question.

" Ca doit faire 3 semaines, si je compte bien. J'ai tellement été occupée avec mon installation et mon boulot, que je n'ai pas vu le temps passer. ''

Je faisais mine de réfléchir alors qu'en réalité, je ne voulais pas paraitre grossière. Nous étions amis avant mon départ, et entre mon silence radio et mon retour surprise, je concevais que je devais passer pour la pire des amies. De plus, je me sentais tellement mal-à-l'aise, même si mon sourire traduisait l'inverse. J'étais sincèrement contente de le voir après autant de temps et en même temps, je me sentais extrêmement embarrassée. Avant d'être mon ami, Elijah était le meilleur ami d'Aedan, ce qui compliquait ma position. M'en voulait-il, lui aussi, pour ce qui s'était passé entre nous ?
 
Jouant un instant avec mes doigts, je me mis à rire légèrement quand j'entendis la petite plaisanterie d'Eli. Vraiment. Il n'avait vraiment pas perdu une once de son humour légendaire et sarcastique.

" Boh ... Arrête de faire ton prude. Je suis sûre que ça te plairait d'avoir une si jolie fille comme moi à ton bras ! "

Ou peut-être pas.

" C'est l'un de mes collègues de cabinet. Je ... Enfin, il me mettait dans une position plutôt embarrassante. D'habitude, ça s'arrête à ses regards mal sains mais ce soir, il s'est pris d'un élan soudain entrepreneur. C'est un vieux dégueulasse qui pense pouvoir profiter de la petite nouvelle. "

Soupirant un instant en baissant les yeux, je me rendis compte à quel point, j'avais l'art de toujours m'attirer des ennuis, même si je ne les cherchais pas vraiment.

" Je te remercie Elijah. "

Sincèrement curieuse de rattraper le temps perdu en une conversation, mon regard se posa une nouvelle fois sur le jeune homme alors que je croisais les bras, laissant pendre mon sac à main, que j'avais pris au vol avant de m'enfuir. Au moins, ça m'assurait de ne plus avoir à retourner à la table pour le récupérer.

" Alors Eli ! Qu'est-ce que tu deviens ? Laisse-moi deviner ... Marié, Père de 4 enfants et propriétaire d'une magnifique paire de pantoufle avec un pompom ? "

A mes mots, je ne pu m'empêcher de me mettre à rire. Après tout, ça paraissait tellement loufoque lorsqu'on connaissait un peu le jeune homme.