Range donc ces chaussettes sales ! ft. Elijah

Voilà un moment qu’Aedan n’avait pas vu Elijah et cet idiot lui manquait. Bien sûr, il ne l’admettrait jamais, sinon l’autre allait encore se foutre de lui, mais c’était un fait. Son meilleur ami lui manquait. Aedan s’en voulait d’ailleurs un peu car il travaillait souvent beaucoup et beaucoup trop et avait tendance à délaisser le pauvre Elijah pendant une certaine période. Pourtant, ça faisait des années qu’ils se supportaient, tous les deux. Des années qu’ils pouvaient toujours compter l’un sur l’autre et ce, peu importe combien de temps ils ne s’étaient pas vus. Et puis, ce n’était pas comme s’ils ne se charriaient pas au moins une fois par jour par sms ou via les réseaux sociaux. Entre eux, c’était vraiment l’amour vache et surtout, leur relation était unique et n’appartenait qu’à eux. Malgré tout ce qui les opposait, malgré leurs vies si différentes, leur personnalité si différente, ils étaient meilleurs amis. La vie était étrange, parfois. Quoiqu’il en soit, Aedan voulait se rattraper, ce soir. Alors, il s’était plus ou moins invité chez Elijah. Non, pas plus ou moins. Il s’était carrément invité et n’avait pas du tout laissé le choix à l’autre. Et puis, en allant chez lui, il n’aurait pas à se soucier du bordel que son meilleur ami serait susceptible de faire s’il venait chez l’avocat. C’était fou ce qu’une seule personne pouvait foutre comme bazar. Bien sûr, il n’allait pas juste le voir pour l’embêter, mais aussi parce qu’il avait besoin de lui parler, de se confier. Notamment au sujet d’Elvyra. Aedan était totalement perdu et ne savait pas trop quoi faire. Il ne savait même pas ce qu’il ressentait réellement après l’avoir revue. Il ne savait pas si son ami allait être de bon conseil, mais il avait surtout besoin de parler.

Il avait donc pris la direction de l’antre d’Elijah après être rapidement passé chez lui en finissant le boulot, histoire de se changer et d’enfiler une tenue plus décontractée. Sinon il y avait fort à parier que son ami se moquerait encore de lui parce qu’il portait tout le temps des costards. Est-ce que ça l’énervait que cet idiot dise constamment qu’il avait un balai dans le derrière ? Oui, parfois. Parce qu’Elijah savait pertinemment qu’Aedan savait se lâcher et qu’il n’était pas un gros coincé ! Non mais ! Bon, il n’était pas allé jusqu’à mettre un survêt’, mais il avait troqué son costard pour un jean et un sweat confortable. En chemin, il s’arrêta à la supérette du coin pour acheter un pack de bières puisque Monsieur Elijah avait exigé à boire. Aedan n’était-il pas un bon ami fidèle et obéissant ? Oui, bon, il n’était pas un chien non plus. Il acheta aussi quelques trucs à grignoter comme des chips, des cacahuètes et autres trucs très bons pour la santé. Pour le dîner, ils n’auraient qu’à commander des pizzas ou il ne savait quoi. L’avocat était bien sympa, mais il n’avait pas non plus l’intention de faire les courses à la place d’Elijah. D’autant plus qu’ils ne mangeaient sans doute pas souvent la même chose. Aedan préférant nettement les produits frais qui lui permettaient de cuisiner lui-même, sauf quand il n’avait pas le temps. Ou la flemme après une longue journée de boulot. Okay, ça arrivait plus souvent qu’il ne le voudrait, c’était vrai.

Ses petits achats en main, il arriva enfin devant chez Elijah et juste pour faire chier ce dernier, il appuya sur la sonnette et garda le doigt appuyé dessus. De quoi bien agacer l’autre. Lorsqu’il vit la porte s’ouvrir, il adressa un sourire des plus innocents au jeune homme et brandit le pack de bières et le sac de courses. « Cadeau ! » Sans plus attendre, il entra et retira ses chaussures, puis alla poser ses achats à la cuisine. Non sans soupirer en voyant l’état de l’appartement de son ami. C’était désespérant. « T’es sérieux ? Tu savais que je viendrais et t’as même pas fait un petit effort ? » Oui, il se plaignait, et alors ? Bon, c’était plus pour la forme qu’autre chose car il savait très bien comment était Elijah, mais tout de même ! Il finit tout de même par faire une accolade à Monsieur Bordélique. « Content de te voir ! Ça fait bien trop longtemps ! Comment tu vas ? » Ne pas faire gaffe au bordel. Ne pas faire gaffe au bordel. Bon sang, ce que ça le démangeait de remettre de l’ordre là-dedans !

A tous les coups, Aedan ne verrait que ce putain de bordel toute la soirée. Au moins, ça l’aiderait à penser à autre chose parce qu’actuellement, ça n’allait pas fort. C’était le moins qu’on puisse dire. Bien sûr, il comptait un peu sur cette soirée pour se changer les idées et quoi de mieux que de passer du temps avec son meilleur ami ? Parfois, il se demandait quand même comment ils pouvaient être meilleurs amis. Ils étaient si différents l’un de l’autre. Mais ils se complétaient, sans doute. Et même si Elijah avait tendance à le chercher et à l’énerver, il ne l’échangerait pour rien au monde. Mais chut. Il ne fallait pas le dire. C’était trop gênant. Même si le jeune homme avait moins de mal à exprimer ses sentiments quand ils étaient d’ordre amical ou familial. En termes d’amour par contre, c’était une toute autre histoire et c’était en partie à cause de ça que les choses s’étaient si mal passées avec Elvyra. C’était désespérant et il se désespérait lui-même, en fait.
Elijha, fidèle à lui-même, ne se gêna pas pour affirmer qu’Aedan finirait par ranger le bordel dont il se plaignait. Quel culot ! Aedan croisa les bras et afficha un air faussement vexé. « T’es sérieux ? Y a pas marqué femme de ménage perso d’Elijah, là ! » Déjà, ce serait bien trop long pour pouvoir figurer sur son front. Mais ce n’était qu’un détail. Ils savaient tous deux qu’Elijah avait raison, même si Aedan faisait toujours genre, même s’il affirmait qu’il n’en ferait rien. Et nouvelle pique. Sérieusement ? « Hé ! C’est censé dire quoi, ça ! J’ai l’air de pas aller bien ? » Qui essayait-il de leurrer ? Lui-même avant toute chose. Après tout, c’était lui qui s’était mis à geindre auprès de son meilleur ami en lui envoyant plusieurs messages pitoyables.

Il lâcha un énorme soupir. Le voilà qui se faisait traiter de boulet, en plus. « La ferme ! C’est toi, le boulet ! » Wow, quel magnifique sens de la répartie. Quel superbe avocat il faisait ! Mais au fond, il savait qu’Elijah avait raison. Il était un boulet. Le plus gros boulet qui ait jamais foulé cette Terre. Oui, bon, il exagérait sans doute, mais les faits étaient là. Il suivit le jeune homme et s’installa dans le canapé à côté de lui, puis attrapa la bière proposée pour en boire quelques gorgées. Il en avait certainement besoin. « Pourquoi ce serait totalement de ma faute, hein ? » Il fronça les sourcils et se mit à râler tout seul avant d’apercevoir quelque chose, à moitié planqué derrière un coussin du canapé. Intrigué, il tira dessus et…dévoila une magnifique chaussette qui, manifestement, ne sortait pas de la machine à laver. « T’es sérieux, mec ? C’est quoi, ça ? Tu comptais m’asphyxier à coups de chaussettes sales et puantes ? » Il exagérait un peu, juste un peu. Il fronça le nez et balança la chaussette sur Elijah. « Vire-moi ça ! » Il but une nouvelle gorgée de bière, puis posa la bouteille sur la table basse, déjà bien frustré d’y voir aussi peu de place. Non, ce n’était pas possible. Il se leva d’un bon, râlant toujours dans sa barbe inexistante. « Comment on peut vivre comme ça ? C’est pas possible ! C’est pas possible ! » Est-ce qu’il se défoulait sur le bordel d’Elijah ? Est-ce qu’il préférait ranger son bazar plutôt que d’affronter la réalité ? Très probablement. « T’es chiant, Eli ! Je suis pas ta mère ! Ni ta femme de ménage ! Ni même ton homme de ménage ! » Pourtant, le voilà parti à la recherche d’une corbeille à linge pour y balancer toutes les fringues sales qui traînaient par là. Et il ne faisait que commencer. « J’étais venu pour me changer les idées et on m’oblige à faire le ménage. J’aurai tout vu ! » Il marmonnait toujours tout seul. En plus, personne ne l’y obligeait. Il était incorrigible.

Était-il venu pour faire le ménage d’Elijah ? Clairement pas. S’apprêtait-il à le faire quand même ? Evidemment. Comme à chaque fois. Il avait beau râler, il le faisait toujours. Parce qu’il ne supportait pas de voir l’appartement dans un tel état, encore moins aujourd’hui. Car aujourd’hui, il était frustré, il était en colère, il avait envie de pleurer, de gueuler, de frapper quelque chose. Alors il valait sans doute mieux qu’il se défoule sur le ménage de son meilleur ami plutôt sur la tête de quelqu’un. Néanmoins, Elijah, fidèle à lui-même, ne pouvait évidemment pas s’empêcher de le charrier. Aedan souffla, l’agacement pouvant clairement se lire sur son visage. « Si je pouvais te transmettre un peu de ce côté maniaque pour que tu fasses au moins le minimum syndical, je le ferais ! » Entre l’appartement d’Aedan et celui d’Elijah, c’était le jour et la nuit. Celui d’Aedan était toujours nickel, hormis quelques dossiers qui traînaient parfois par-ci, par-là lorsqu’il travaillait sur une affaire importante, mais ça s’arrêtait là. Et quand il recevait quelqu’un, il veillait à ce que tout soit en ordre. Est-ce que c’était fatiguant ? Certainement. Mais c’était plus fort que lui. « A cran ? » Il lâcha un soupir et se passa une main dans les cheveux. « Ouais, je suppose…Alors tu m’en voudras pas si je me montre sans pitié envers ton bordel ! » Il l’admettait à moitié, au moins. De toute façon, il ne pouvait rien cacher à son meilleur ami. Il lisait en lui comme dans un livre ouvert. Et puis, vu la tête d’Aedan en ce moment, même un parfait inconnu aurait pu déduire que l’avocat était énervé et pas content.

« Chihuahua ? Tu te fous de ma gueule ? Crétin ! » Il attrapa un coussin qui traînait par là et le balança sur la tête d’Elijah. Ça commençait bien. Et ce n’était que le début des provocations de l’autre. Parfois, Aedan se demandait comment cet idiot pouvait être son meilleur ami. Mais certaines choses ne s’expliquaient pas. Il continuait à râler dans son coin, tentant de ne pas prêter attention aux paroles de l’autre qui se la coulait douce sur son canapé, comme s’il était en vacances. Mais la remarque du meuble fut sans doute la goutte de trop. Il tenait toujours la corbeille à linge qu’il avait dégotée et qu’il avait déjà pas mal remplie lorsqu’il se tourna vers Elijah. « T’es qu’un p’tit con, tu le sais, ça ? » Il fronça les sourcils et poussa un énorme soupir agacé. « Tu sais où tu peux te la mettre, ta pièce ? Et crois-moi, je suis naturellement vacciné à force. » Néanmoins, son ami avait raison. Evidemment qu’il avait raison. Il n’était pas là pour ça. S’il était venu à la base, c’était pour parler d’Elvyra, pour parler à son meilleur ami. Mais ce n’était jamais facile. C’était toujours plus simple par messages. Et quand on avait un petit coup dans l’aile. Là, s’il se mettait à boire, il serait bien capable de pleurer sur l’épaule d’Elijah. Littéralement. Nouveau soupir, alors qu’il revenait vers le canapé, non sans vider la corbeille à linge sur son idiot de meilleur ami. « T’as raison. Je suis pas là pour ça. Alors, tu te démerdes. » Il avait beau dire ça, il ne pourrait sans doute pas résister à l’appel du ménage jusqu’à la fin de la soirée.

Pour l’heure, il reprit place à côté d’Elijah qui, évidemment, n’y alla pas par quatre chemins. Son côté direct pouvait parfois faire très mal, mais c’était aussi ce qu’Aedan avait besoin d’entendre, ce dont il avait besoin pour se reprendre en main.
« J’te déteste, tu le sais, ça ? » Ouais, très convaincant, dis donc. En attendant, il reprit sa bière pour en boire une longue gorgée. Il ne savait même pas par quoi commencer. C’était tellement compliqué. Ou alors était-ce juste lui qui rendait les choses compliquées, alors qu’elles n’avaient pas lieu de l’être ? « Quand est-ce que je lui ai foutu un râteau ? J’ai jamais fait ça ! » Du moins, pas consciemment, c’était certain. Même si, après coup, son comportement pouvait s’expliquer comme ça, en effet. « Je lui ai proposé qu’on se voie pour parler parce que j’étais prêt à l’écouter. On est donc allé au resto et au début, tout s’est très bien passé. Elle m’a expliqué ce qui s’était réellement passé ce fameux jour où j’ai cru qu’elle avait couché avec un autre…j’ai décidé de la croire, j’étais prêt à lui donner une nouvelle chance, à nous donner une nouvelle chance… et j’ai tout fait foirer en quelques instants. » Il soupira et leva les yeux au ciel. Il était conscient d’avoir merdé, il était conscient que tout était de sa faute. Ou presque. « Je n’ai entendu que ce que je voulais entendre. Je n’ai pas entendu ce qu’elle essayait vraiment de me dire. J’ai été maladroit quand je lui ai demandé de reprendre là où on s’était arrêté. Elle a cru que je lui proposais de redevenir amis comme avant. Et elle a refusé. Je suis resté bloqué sur ce putain refus et j’ai fini par dire des choses que je ne pensais pas. » Il secoua la tête. Il avait été tellement en colère, ce soir-là qu’il avait entraîné Elvyra dehors de force, sous la pluie. « Elle doit me détester maintenant… autant que je me déteste. » Pourquoi faire simple quand on pouvait faire compliqué ?

Aedan se remit à râler, grognant bêtement lorsqu’Elijah le corrigea en se qualifiant lui-même de grand con. « Ouais ouais, ça va ! Je sais que t’es plus grand que moi, pas la peine de me le rappeler à chaque fois ! » Sans doute avait-il seulement entendu ce qu’il voulait entendre. Après tout, Elijah n’avait jamais dit ça, même s’il l’avait probablement fortement insinué. « Y a rien de petit chez toi ? Vraiment ? » Il haussa un sourcil et s’approcha de lui avant de lui saisir bêtement le petit doigt pour tirer dessus comme le crétin qu’il était. « Il est petit, lui. C’est le petit doigt. » Sérieusement ? Il n’était même pas bourré ou quoi et il sortait une connerie pareille ? Bah, il n’avait pas besoin de picoler pour ça. Le pire ? Il se croyait drôle. Comme souvent. « Tu l’avais pas vu venir, celle-là, avoue ! » Ou alors, c’était l’influence de son idiot de meilleur ami qui faisait ressortir le pire en lui. Mouais. C’était trop facile de rejeter la faute sur quelqu’un d’autre. Quoiqu’il en soit, s’il avait cru bon commencer à faire le ménage en arrivant – le tout en râlant – il avait vite laissé tomber. Déjà parce que ça l’énervait trop de voir Elijah le pacha ne pas lever le petit doigt – p’tit doigt, le retour ! – et puis, il n’était pas venu pour ça à la base. Se calmant donc, il rejoignit son ami sur le canapé, non sans avoir finalement causé plus de bordel qu’avant en vidant la corbeille à linge sur l’autre idiot. Et puis, il lui déballa tout. Du moins, il commença par lui dire ce qui le tracassait, ce qui le déprimait, même. Bien sûr, l’autre semblait avoir du mal à comprendre ce qui s’était passé…et plus Aedan y pensait, moins il y comprenait lui-même quelque chose.

« Mais bordel, Eli ! C’est bien ça le problème ! On s’est mal compris ! Je n’ai pas compris ce qu’elle essayait de dire et elle n’a pas compris ce que je voulais dire. » Il soupira et se retint de s’énerver. Il allait finir par s’épuiser s’il continuait. Pourquoi n’avait-il pas rectifié ? Bonne question. « Je me le demande…J’avais pas l’impression de lui avoir mis un râteau. J’avais très bien compris ce qu’elle avait dit. Elle m’a dit clairement qu’elle…m’aimait. » A ces mots, il se sentit bêtement rougir, mais il se sentait surtout honteux. Sur le moment, il n’avait pas vraiment réalisé. Il avait été trop aveuglé par la déception et la colère suite au refus concernant sa proposition. « Je m’étais mal exprimé… et il s’en est suivi un gros malentendu. Je ne sais même plus pourquoi je n’ai pas cherché à rectifier le tir. J’étais…paumé. » Il soupira à nouveau, puis se prit la tête entre les mains, à la limite de s’arracher les cheveux. « AAARGH ! Je suis un crétin ! » C’était le cas de le dire. Et Elijah n’allait certainement pas le nier. Il finit par lâcher un petit rire sans joie aux propos de son ami. Oui, il était intelligent. Mais pas pour tout. Il était clairement idiot quand il s’agissait de relations humaines et surtout amoureuses. Heureusement qu’il faisait mieux son boulot qu’il ne gérait sa vie amoureuse. Sinon ce serait une vraie catastrophe. « Je suis resté bloqué sur son refus. Je n’ai rien voulu entendre d’autre. Je ne sais même pas expliquer ce qui s’est vraiment passé, je n’ai pas compris comment on avait pu en arriver là, comment j’ai pu la faire pleurer comme ça… » A cette pensée, son cœur se serra. Il n’avait jamais voulu faire pleurer Elvyra, il n’avait jamais voulu lui faire de mal. « Ce que j’ai dit ? Des conneries. » Pas besoin d’entrer dans les détails, le mal était fait.

Il se mit à boire sa bière en silence, affichant un air clairement boudeur, un air de pauvre misérable. « Je devrais m’excuser, hein ? Essayer d’expliquer les choses, de dissiper le malentendu. Je devrais… lui dire que je l’aime. Pourquoi j’ai pas réussi à le lui dire la dernière fois ? » Il secoua la tête, puis posa la bière vide sur la table basse avant d’en prendre une autre. « Tu dois me trouver vraiment pathétique. » Se mettre dans de tels états pour une fille. Mais Elvyra n’était pas n’importe quelle fille.