Jailynn || Daddy's little girl

/!\ Cette histoire contient des propos (violence, dépression, dépendance aux drogues, viol) pouvant heurter la sensibilité de  chacun. Si vous n'êtes pas à l'aise avec ce genre de contenu, vous êtes priés de ne pas poursuivre votre lecture. Merci.

Ses mains encerclaient ta gorge. Leur froideur contrastait extrêmement avec la chaleur de ton cou et cela t’arracha un frisson. Ou peut-être était-ce la peur qui s’emparait de toi, tandis que tes eux horrifiés se plongeaient dans les siens, remplis d’une fureur incontrôlable. Lorsque ses doigts s’enfoncèrent dans ta chair, prenant appui contre ta trachée, tu sentis le manque d’oxygène s’insinuer, petit à petit, dans ton esprit, tandis que tes poumons recherchaient inlassablement de l’air sans y parvenir. Tes pensées s’embrumèrent et ton seul instinct de survie te poussa à te débattre, bien que cela risquait simplement d’aggraver les conséquences à tes actes. Son visage, proche du tien, se teintait de rouge colérique. Ses veines apparaissaient, tandis que la rage qui animait son sang parcourait tout son être à une vitesse vertigineuse. Tu sus, à cet instant précis, que tu n’avais aucune chance de gagner, en dépit de ta lutte. Pourtant, dans un geste de raison, la pression exercée se fait moins dense. Moins puissante. Un éclat de lucidité serait-il né dans son esprit aussi sombre que les abîmes ? Tu n’en es pas certaine. Et la gifle qu’il t’inflige immédiatement après que tu aies pu enfin remplir tes poumons d’oxygène te confirme que ton sort est scellé.

Aussitôt, ton âme cherche à quitter ton corps. Le laisser là, tel un cadavre, te paraît la meilleure option possible. Les yeux clos, le visage tourné vers le plafond, tu attends que l’acharnement de Tony se passe. C’est de ta faute, songes-tu, hypnotisée par les sottises tant répétées. D’un point de vue plus pragmatique, il aurait suffi que tu prennes plus d’opiacé pour éviter de sentir cette affreuse douleur qui tiraille chacune des parcelles de ton être. La prochaine fois, tu te rendras davantage stone. Ainsi, au moins, le physique souffrira moins. Quant à ton esprit meurtri, il vagabonde. Il refait le fil de ta misérable existence. Tu imagines le visage de ton père biologique, qui t’a abandonnée peu après ta naissance, accusé d’un horrible meurtre et envoyé en prison pour ces faits. Te défendrait-il, s’il savait ce que tu endurais, toi petite poupée brisée ? Probablement, oui. Hélas, il n’est pas là. Il ne l’a jamais été. Ton seul modèle, ce fut ton oncle maternel. Et, tu devais le souligner, il ne fut guère le détenteur de grandes vertus. Lui aussi, il a décelé tout ton potentiel grâce à ton joli minois. C’est de sa faute, en partie, si tu as dû commencer de t’adonner à quelques passes ci-et-là pour boucler les fins de mois. T’étais qu’une adolescente, la première fois. A peine formée. Le plus ironique, c’est qu’il préférait largement se payer son héroïne plutôt que de s’acheter des pâtes. Et puis, c’est lui qui t’a vendue à Tony contre quelques billets. Ce n’est pas tellement comme si tu avais eu le choix, n’est-ce pas ?

Tu revois les yeux livides de ta propre mère, incapable de te regarder dans les tiens si ce n’était pour te hurler dessus. Sa descente aux Enfers fut longue et prévisible. Après son divorce, elle t’a éloignée de tous pour rester auprès de son frère. Evidemment, elle a connu des hommes. Des « copains » de ton oncle, pour la plupart. Tous des camés, arrogants et violents. Ils ont tout entraîné dans leur sillage, y compris ton innocence. Tu n’as connu que cela, Jailynn : les cris, les coups de poings, la drogue. Et toi, telle une imbécile, tu as cru que ton destin serait différent. Qu’en étant sage, docile et obéissante, Tony finirait par te relâcher. Mais comment le pourrait-il, alors que tu lui rapportes tant ? Il t’utilise comme une vache à traire. Il le fera, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de toi-même.

Les minutes défilent. Tu restes dans ta bulle, le plus longtemps possible. Il a enfin fini de t’infliger sa divine colère. Lorsque tu reprends tes esprits, tes côtes te font un mal de chien. Tu te redresses, tant bien que mal, sentant encore le poids écrasant de son corps contre le tien, dont les vêtements furent détruits. Arrachés. Malmenés. Comme toi. Sans un mot, tu te redresses sur tes deux jambes tremblantes. Tu peines à respirer, alors que ses mains n’entourent plus ta trachée. En voyant ton reflet dans la glace, tu pousses un profond soupir. Tu allumes la douche, machinalement, et tu te glisses sous l’eau chaude. Les larmes envahissent ton visage blême et tu finis par te recroqueviller sur toi-même, t’asseyant par la même occasion. Tu te sens sale. Tu te sens vide. Et, encore une fois, tu laisses ton âme s’échapper loin de tout ce foutoir. Le plus loin possible. Parce que, finalement, c’est ta seule chance de survivre une journée de plus.