I'm ready now to fly from the highest wing ♦ Kara Isobel Williams

Il était une fois une petite princesse qui répondait au doux nom de Kara, cette petite princesse vivait dans un beau château, entourée de son petit chat, de sa maman, la douce reine Katherine et de son père, le roi. Ce conte de fée ferait rêver n’importe quelle petite fille et je n’étais pas en reste quand il s’agissait de m’échapper par la voie de la pensée de mon quotidien si banal. L’appartement partagé avec ma mère était loin de ressembler à un château et certains jours, je n’étais même pas sure qu’elle connaissait l’identité de mon père. Quand j’étais toute petite, elle m’avait dit qu’il était militaire et qu’il avait péri au combat mais alors que mes questions devenaient plus précises, plus insistantes aussi, les versions avaient commencé à diverger. Tantôt soldat ayant laissé la vie au nom du devoir et de la patrie, tantôt médecin militaire ayant été pris dans une embuscade, les histoires fantasques de ma mère me faisait presque douter de son existence et surtout de son décès sur le champ de bataille. Pourtant je restais cette petite fille, fière de ce héro banal qui avait choisi de défendre son pays au péril de sa vie. Mon père n’était pas roi mais je le dessinais souvent comme un ange parti trop tôt pour connaitre sa fille. Vers quatorze, quinze ans, j’avais voulu en apprendre plus, réclamant l’identité de ce géniteur mystérieux dont ma mère gardait précieusement le nom et le prénom. D’abord réticente, elle finit par m’avouer que l’histoire qu’elle me racontait depuis toujours n’était pas la vérité. De là commença le chantage, chaque bribe d’information, chaque détail était l’occasion pour elle de me soutirer quelque chose. Au début, ce furent les tâches ménagères et les courses mais rapidement et à mesure que les petits amis de ma mère s’enchainaient, on me demanda de ramener de quoi remplir le frigo, de quoi payer les factures. Après tout, je vivais ici et ma mère avait quelque chose que je voulais, des informations sur mon père. Alors que j’avais dix-sept ans, les indices donnés par ma génitrice me conduire dans plusieurs impasses, incohérents entre eux, ils n’en dévoilaient jamais assez pour me permettre de retrouver celui à qui je devais la vie. Était-il lui-même encore de ce monde ? Est-ce que ma mère se souvenait au moins de son nom ? Ou s’était-elle tellement perdu dans son jeu de mensonges et de fausses pistes qu’elle en avait oublié le vrai du faux ? Notre relation qui n’avait jamais été au beau fixe empira alors qu’elle quitta son travail sans raison valable, me laissant la charge complète des dépenses de la maison. Contrainte de travailler à plein temps, je lâchais le lycée et l’idée stupide de faire des études. Les petits boulots s’enchainaient pour un salaire de misère que ma mère lapidait sans vergogne dans des gadgets inutiles. Les coups d’un soir envahissants, les petits amis de passage qui se servent dans le frigo et vous engueule car celui-ci est vide alors que vous rentrez d’un service de huit heures étaient devenus mon quotidien. Mais ce n’était pas ce que je souhaitais pour moi. Si je devais galérer et tout gérer, autant que cela soit pour moi et moi seule. Claquant la porte, une valise à la main et mes dix-huit ans tout juste atteints, je squattais d’abord chez quelques amis, notamment chez Cole, mon meilleur ami qui m’avait soutenue et encouragée depuis aussi loin que je m’en souvenais. Puis vint le temps de se prendre un appartement toute seule. Ce n’était pas le grand luxe mais j’avais un toit sur la tête et de quoi me nourrir au moins une fois par jour. J’enchainais les petits boulots, sans jamais en garder un plus de six mois. Côté cœur, je refusais de reproduire le même schéma que ma génitrice à qui je n’adressais que très peu la parole. Les quelques relations que j’eus furent toute sérieuses et durèrent plusieurs mois au grand dam de Cole, mes compagnons ne trouvant jamais grâce à ses yeux. Début 2018, alors que je commençais un énième petit boulot de vendeuse dans un institut de beauté, j’eus une révélation, une sorte de coup de poing dans le ventre qui vous indique quelle voie est la vôtre, quel rêve doit vous aiguiller et vous prendre aux tripes. Le maquillage, les soins, les parfums, l’envers de ce monde de luxe était une découverte pour moi, simple consommatrice de marques petits budgets mais il développa chez moi tout ce que je refrénais depuis l’enfance, mon envie de partager, de transmettre et de créer. Trouvant enfin un domaine qui me plaisait, je restai plus de deux ans à ce poste, une grand première pour moi, apprenant un maximum de chose sur ce domaine et sur les produits. Mais jamais je ne sautais le pas, jamais je ne décidais de me lancer dans cette voie. Pourquoi ? Parce que celui qui partageait alors ma vie, me mis dans la tête que je n’en étais pas capable, que ce rêve était celui d’une petite fille et qu’à vingt-six ans, il était largement temps de grandir, de trouver un véritable boulot et de reprendre ses études que j’avais lâchement arrêté bien des années plus tôt. En octobre 2020, alors que les disputes s’enchainaient, que l’anxiété prenait le pas sur le plaisir que j’avais à exercer mon job, que mon soutien, mon roc était loin de moi, je décidais de tout plaquer pour le rejoindre. Laissant mon petit ami sans une explication et mon boulot avec une démission inattendue, je rejoignis la capitale. Là-bas, se trouvait ce dont j’avais besoin pour me redécouvrir, pour reprendre confiance en moi et pour un jour peut-être me lancer dans cette voie qui me faisait fantasmer. Là-bas se trouvait aussi Cole, mon pilier qui lorsqu’il était parti avait laissé mon monde bien vide et sans but. Je n’étais peut-être pas la petite fille du conte de fée pour enfants mais je comptais bien être l’héroïne de ma propre vie !