A mourir pour mourir autant mourir debout | Tamara

Tamara est née dans une famille irlandaise aimante. Elle a passé toute son enfance à Galway, où elle a passé, selon elle, les plus belles années de sa vie: les balades en forêt, les pieds dans l'eau, les aventures imaginaires avec les amis. Très appréciée de tous, ses amis l'ont toujours suivie dans ses moindres idées quand bien même elles étaient farfelues.

Enfant, elle a été harcelée, mais a toujours refusé de se laisser faire ou abattre. Elle a toujours été joviale, têtue mais surtout méfiante, consciente des horreurs que chacun pouvait inventer pour faire souffrir ses pairs.

Souvent dans sa bulle, elle aime la solitude, et il n'est pas rare de la voir dessiner dans ses carnets, face à sa fenêtre, casque sur les oreilles: ne la dérangez sous aucun prétexte !  à moins que vous fassiez partie de ces gens si importants pour elle, qu'elle les laisserait venir même en pleine nuit, s'ils le voulaient. L'autorisation d'entrer dans sa bulle, elle ne l'a jamais donnée à n'importe qui.  

De façon générale, elle privilégiera la parole à la violence, mais n'hésitera jamais à faire un doigt d'honneur bien senti au premier connard qui osera venir les importuner, elle et ses amis. Lorsqu'elle est avec eux, tout est possible. Elle se sent invincible, forte, rien ne peut l'atteindre, pas même un regard mal-placé de crétin insensible, sur ses courbes trop bavardes au goût de certains.

Pour autant, elle ne voue pas de quelconque haine à l'encontre de ceux qui lui en ont fait baver dans sa vie en général: vous connaissez l'adage: "l'enfer, c'est pas les autres, c'est ceux qui te font rêver". Aussi, elle n'a pas vraiment d'idole. Comme tout le monde, il y a certaines personnes qu'elle respecte plus que d'autres. Mais elle part du principe qu'avant de vouloir être un exemple pour les autres, il faut pouvoir en être un pour soi: elle veut s'assurer d'être capable de se lever tous les matins en pouvant se regarder dans la glace.

Adolescente, elle est tombée amoureuse d'un américain, touriste à Galway. Il s'était perdu dans la ville qu'elle lui avait fait visiter. Et puis ne s'étaient plus quittés de tout l'été. Elle fut surprise de le voir frapper à sa porte l'année suivante... et celle d'après...

Plus qu'un amour d'été adolescent, elle a fini par se marier avec lui. Pendant deux ans, ils ont été heureux comme jamais. Mais tout a changé lorsqu'ils ont voulu avoir un enfant...

Ne comprenant pas pourquoi elle ne parvenait pas à tomber enceinte, elle décide d'aller consulter. Quelques jours plus tard lui sont diagnostiqués des ovaires polykystiques. Bien sûr, ce syndrome ne rend pas stérile dans tous les cas. Cependant, Tam reste du mauvais côté de la barrière.

Sonnée par la nouvelle, elle se terre dans son travail de décoratrice d'intérieur. Son mari ne comprend pas vraiment pourquoi elle s'éloigne. De son côté, elle est incapable de lui dire la vérité: elle a besoin de digérer la nouvelle, avant de pouvoir en parler, même avec lui.

Au bout de quelques semaines, elle décide de crever l'abcès de peur de le perdre. Son mari, choqué malgré tout, propose l'alternative de l'adoption. Tamara a trente ans lorsqu'ils se lancent dans les démarches.

Cependant, celles-ci sont longues, surtout lorsqu'il s'agit d'adopter pendant le scandale de l'arche de Zoé qui touchait la France au même moment. Au bout de trois ans, ils arrivent à leurs fins et accueillent une magnifique jeune fille, devenue instantanément la prunelle des yeux de Tamara.

La petite famille déménage en Amérique, pays natal du mari de Tam. Elle et sa fille se font naturaliser américaines et Tamara recommence son affaire de décoration d'intérieur qui reprend doucement mais sûrement sur le sol américain...

Tous les jours, elle regarde, de plus en plus aimante pour sa fille à mesure que les minutes passent, ce petit bout de chou grandir et devenir une belle adolescente. Avec elle, elles se chamaillent, elles se déchirent souvent, mais c'est l'âge, et elle le sait. Elle se chamaillent et se déchirent, mais surtout, elles s'aiment et ça ne dure jamais bien longtemps.

A son tour, c'est son mari qui s'éloigne. D'abord, elle met ça sur le compte du travail, puis de la fatigue. Elle va même jusqu'à se blâmer: c'est vrai, son affaire marche bien, peut être même un peu trop. Victime de son succès, elle n'a plus de temps pour elle et ne s'apprête plus autant pour plaire à celui qu'elle aime... C'est sans doute pour cette raison qu'il rentre toujours plus tard, elle en est sûre, il doit trainer avec des amis.

Un soir, elle décide de lui faire la surprise d'une soirée en amoureux. Mais l'enfer est pavé de bonnes intentions. Alors qu'elle va jeter quelques emballages à la poubelle, elle remarque le téléphone de son cher et tendre sur le bord de la piscine. L'écran s'allume et elle découvre avec stupeur le message de sa maîtresse, avec qui il a rendez vous le lendemain matin.

Folle de colère et de chagrin, elle se rend à l'adresse indiquée dans le message avant lui, et c'est avec stupeur qu'il la découvre dans la chambre d'hôtel qu'il avait réservée. Elle n'attend pas d'explications et après quelques minutes amères, elle demande sans tarder, le divorce.

D'abord, ils font semblant, pour protéger leur fille et continuent de l'élever, l'air de rien mais finissent, lorsque les démarches sont enfin terminées, par lui dire la vérité. Abasourdie, l'adolescente fait le choix de rester avec sa mère.

Depuis trois ans maintenant, elles vivent toutes les deux et contre toute attente, l'adolescente et sa mère se disputent moins . D'ailleurs, elles sont très proches et aiment passer du temps ensemble. Faire les magasins, regarder la télévision ou faire la cuisine, tout est prétexte pour elles, à un moment privilégié.

Il y à de cela un an, on a décelé à Tamara un cancer du sein. Détruite par cette nouvelle, elle n'a rien montré à sa fille, voulant faire bonne figure, mais ne s'est jamais totalement remise de cette intervention barbare sur son corps...

Pourtant, elle refuse de se laisser abattre, et travaille sans relâche depuis quelques mois sur des modèles uniques de vêtements, qu'elle produit et vend dans son magasin: finie pour elle la décoration d'intérieur, elle s'est improvisée créatrice de vêtements. De toutes les tailles, de toutes les formes, asymétriques, pour redonner une dignité et un peu de légèreté dans la vie de ces femmes abimées...pour toutes celles à qui l'on a tenté de voler leur féminité, mais qui, face à l'adversité, restent debout coûte que coûte.