QUINN | Call me "Her Majesty"

La naissance de la jolie petite Quinn n’avait pas commencé comme un conte de fées. Née prématurée, elle avait passé plusieurs mois en couveuse pour être sevrée des drogues que sa mère avait consommées pendant la grossesse. Elle avait bien essayé de s’arrêter mais c’était une junkie et la volonté seule ne suffisait pas… encore moins en s’étant mariée en catimini avec son propre dealer. Pendant les premiers mois, elle avait réussi à diminuer sa consommation à défaut d’arrêter mais son mari fut arrêté par la police pour ses trafics et mis sous les verrous en plein milieu de la grossesse. Aubrey n’a pas supporté le chamboulement et a replongé dans la drogue malgré le petit être qui se battait pour survivre en elle. Quand Quinn a pu quitter l’hôpital, ce sont ses grands-parents qui se sont occupés d’elle. Son père était en prison – et même s’il ne l’avait pas été, ses grands-parents auraient tout fait pour qu’il n’ait aucun contact avec la fillette – et ils avaient réussi à convaincre sa mère de faire une cure de désintoxication. Heureusement, dès son plus jeune âge, elle avait été choyée par ses grands-parents qui lui offraient tout l’amour et la tendresse dont elle avait besoin et un paquet de choses dont elle n’avait pas besoin également. Pendant son enfance, Quinn a appris à être une fille modèle. Être belle tout en étant intelligente. Bien s’habiller. Bien parler. Avoir de bonnes notes dans son école privée. Chaque fois que sa mère sortait de cure, elle essayait de revenir dans la vie de Quinn mais cette dernière n’était pas vraiment réceptive. La première fois, elle était toute petite, elle voyait sa mère presque pour la première fois… avec le temps, elle n’y croyait simplement plus. Elle voyait sa mère revenir, essayer d’être une mère pendant quelques semaines, parfois quelques mois… et céder à ses vieux démons une nouvelle fois. Au final, la simple idée d’avoir une relation à peu près normale avec sa mère lui était complètement sorti de la tête. Il faut dire que les grands-parents ne disaient pas que du bien de leur fille… inconsciemment, ils avaient poussé Quinn à ne pas vouloir d’elle. Son père ? Elle avait posé très peu de questions sur lui… ses grands-parents lui avaient simplement dit que c’était un raté. Seule sa mère lui avait présenté son mari comme un homme qu’elle aimait, qui avait fait des erreurs… Lui apprenant ainsi que son père était en prison. A treize ans à peine, elle aurait préféré continuer à ne rien savoir sur lui finalement.

Le temps de l’adolescence s’est accompagné du temps des fêtes. Ses grands-parents lui laissaient rarement l’occasion de sortir. Oh bien sûr, elle n’était pas obligée de rentrée immédiatement après l’école, elle pouvait traîner un peu avec ses copains, aller boire un chocolat chaud au café du coin mais elle ne devait pas rentrer trop tard et elle devait les prévenir par SMS, elle avait également l’autorisation de dormir chez des amis mais après vérification avec les parents. Comme elle n’avait jamais donné de raison de ne pas lui faire confiance, ils avaient un peu arrêté de vérifier. Et c’est à ce moment que Quinn en a profité. Elle avait quinze ans et c’était sa première grosse fête. La première fois qu’elle buvait de l’alcool en dehors des quelques gorgées de vin qu’elle était autorisée à boire lors des repas. Première bière, première vodka, premiers véritables flirts… Mais elle n’avait franchi aucune limite ce soir-là. En revanche, elle s’était sentie grisée par cette sensation de liberté, de braver les interdits, de sortir du chemin de briques dorées tracé par ses grands-parents. Elle les aimait et elle leur était reconnaissante, mais il fallait bien admettre qu’elle avait besoin de vivre quelque chose de plus… pimenté. Rapidement, Quinn saisit la moindre occasion pour se rendre à des fêtes en donnant de faux prétextes à ses grands-parents et à mesure que les fêtes avançaient, Quinn vécu sa première cuite, son premier trou de mémoire. Elle rencontra également le garçon avec qui elle eu sa première fois quelques mois plus tard. Les fêtes étaient de plus en plus souvent, Quinn devenait vite à court d’excuse. Les exposés, les anniversaires, juste dormir chez des copains… ça commençait à devenir louche aux yeux de ses grands-parents. Elle avait donc dû se faire violence pour refuser quelques soirées… et finalement, elle avait opté pour une autre option : faire le mur. Un véritable parcours du combattant pour réussir à revenir dans sa chambre avant six heures du matin pour que ses grands-parents ne se rendent compte de rien. Evidemment, une fois ça n’avait pas loupé et c’était bien la première fois qu’elle se faisait réellement engueuler par eux. Pendant plusieurs semaines, elle avait été plus que punie puisque ses moindres faits et gestes étaient épiés pour qu’elle ne recommence pas ses bêtises. Elle leur en avait beaucoup voulu d’être ainsi traitée comme une gosse, il lui avait fallu pas mal de recul pour comprendre qu’ils étaient surtout fous d’inquiétude à l’idée qu’il ait pu lui arriver quelque chose.

Quinn avait bien compris que pour avoir la paix, elle allait devoir être maligne. Devant ses grands-parents et au quotidien, elle se comportait comme la parfaite petite gosse de riche, parfois même un peu hautaine. Et plus elle présentait bien, plus elle se déchaînait en secret. Quinn sortait de plus en plus souvent mais ça ne l’empêchait pas de conserver des notes acceptables à l’école jusqu’à ses dix-sept ans. Elle faisait du shopping au centre-commercial avec sa mère clean, depuis quelques semaines, quand une femme l’aborda. Grande, mince, métisse, sexy et classe. Travaillant pour une boîte de mannequinat, elle cherchait des jeunes filles et le profil de Quinn l’intéressait. Si la jeune fille ne savait pas trop quoi en penser sur le moment, sa mère avait en revanche posé beaucoup de questions à la femme et cette dernière avait laissé sa carte avant de partir. « Tu te rends compte, c’est génial ! T’as une de ces chances, tu vas accepter j’espère ? » Quinn haussa un sourcil dubitative « Ben… j’sais pas, c’est clair que ça a l’air cool mais… avec l’école et tout, je sais pas si j’vais pouvoir gérer, faut voir… » « Oh mais l’école c’est pas bien grave ça » Quinn ne releva pas, bizarrement, ses grands-parents n’allaient probablement pas être du même avis. Elle soupira et les deux femmes rentrèrent à la maison. Quinn n’écouta que d’une oreille le baratin de sa mère dans la voiture sur le chemin du retour. « Mannequin ? A son âge ? Et puis quoi encore ! » entendant les voix s’élever, Quinn retira son casque de ses oreilles « Mais c’est une occasion en or ! C’est dur de percer dans ce métier tu sais, c’est une chance unique pour elle. » « Peut-être mais on verra quand elle aura son diplôme et qu’elle sera majeure » « Arrête, ce sera trop tard dans quatre ans, c’est maintenant qu’il faut saisir l’occasion ! » « Et elle en pense quoi ta fille, tu lui as demandé au moins ? » « Mais bien sûr qu’elle a envie, toutes les filles de son âge rêvent de ça » Quinn ferma les yeux et remit son casque en augmentant le volume pour arrêter de les entendre. Après quelques temps, Quinn rappela l’agent qui l’avait contactée, à l’abri des oreilles de sa mère et ses grands-parents. Elle posa ses questions, ce qu’elle avait besoin de savoir, comment ça allait se passer si elle acceptait. Elle écouta attentivement et elle finit par accepter la proposition. Elle signa un contrat quelques semaines plus tard, avec la signature de sa mère malgré le désaccord de ses grands-parents. « T’es sûre de toi Quinny ? C’est vraiment ce que tu veux ? » lui demanda son grand-père sur un ton bienveillant « Tu préfères pas attendre un petit peu avant de te lancer là-dedans ? » Quinn y avait pas mal réfléchi et sa mère avait raison sur un point : elle devait saisir sa chance maintenant avant qu’il soit trop tard. La jeune blonde hocha la tête et son grand-père soupira. Ils voulaient le bonheur de leur petite-fille, et si ça pouvait la rendre heureuse alors… ils allaient laisser faire, mais ça ne les enchantait pas de projeter la jeune femme de dix-sept ans dans le monde du travail, qui plus est, dans un domaine réputé impitoyable.  Si son contrat promettait de la laisser poursuivre ses études jusqu'à l’obtention de son diplôme, il y avait beaucoup de travail, de shootings, elle était invitée à des soirées huppées et peu à peu cet univers devint le sien. Surtout lorsqu'elle atteint ses dix-huit ans. Elle avait raté son diplôme et avait dû retaper son année de terminale mais elle ne fut que moins assidue que l’année précédente, elle se faisait engueuler par ses grands-parents à cause de ses absences et de ses notes, sa mère la défendait bec et ongles. Elle l’obtint finalement et put profiter d’être mannequin à plein temps avec tout ce que ça impliquait. Quinn s’installa dans un appartement dès que possible. Elle obtint ainsi son indépendance et la vie allait bon train, les sorties, les fêtes, les voyages, les hôtels, les hommes, l’argent, les soirées VIP, c’était la belle vie. Les soirées, c'était aussi de l'alcool et pas que... Si Quinn avait déjà tiré sur des joints pendant l'adolescence, elle bravait les interdits, gouttait aux pilules, aux poudres, ce qui lui semblait maintenant indispensable à une soirée réussie.

Alors que Quinn avait vingt-deux ans, elle rencontra un homme durant une soirée, le genre jeune investisseur plein aux as qui ne savait pas quoi faire de son fric et ravi d’exhiber une jolie pouliche à son bras. Les deux jeunes gens se mirent rapidement en couple, six mois plus tard, ils se mariaient… mais il n’avait fallu que trois semaines pour que son mari la trompe. Un shooting avait été annulé pour des raisons matérielles et elle était rentrée plus tôt que prévu, elle avait trouvé une de ses collègues dans son propre lit, avec son mari. Non seulement elle l’avait tirée par les cheveux jusqu'à la foutre à poil dehors mais elle avait giflé son mari d’une telle force qu’elle en avait gardé mal à la main pendant plusieurs jours. Aussitôt elle avait demandé le divorce et lui avait saigné un paquet de fric. D'office, elle la victime cocue fut traitée de tous les noms et accusée d’avoir calculé son coup depuis le début, d’avoir juste voulu se faire du fric facile. La victime devenait le bourreau et l’enfoiré qui l’avait trompé était une pauvre victime innocente. On marchait sur la tête… Quinn avait fait une pause dans le mannequinat peu de temps après. Avec tout l’argent qu’elle avait empoché, Quinn décida de se prendre une année sabbatique ou deux. Elle fit quelques voyages dont elle rêvait depuis longtemps, revenant de temps en temps à Washington et repartant régulièrement. Après être allée aux quatre coins du monde et avoir trop pris l’habitude de prendre de la drogue tous les jours pendant presque deux ans, Quinn revint véritablement à Washington. Elle vendit la maison dont elle avait hérité pendant le divorce pour se prendre un joli appartement qui lui suffisait amplement. Déchirée du matin au soir, Quinn entreprit de se calmer avec ça et de se retrouver un travail… Pour ça, elle demanda un petit coup de main à ses grands-parents. A quoi bon avoir de l’argent et de l’influence si elle n’en profitait pas pour être pistonnée dans une grosse boîte ? Le book de Quinn était déjà bien rempli mais avec quelques coups de fil de la part de ses grands-parents, elle ne mit pas bien longtemps à décrocher un nouveau contrat dans une autre agence. Il était hors de question qu’elle retourne dans l’ancienne agence où tout le monde lui avait tourné le dos sinon elle allait foutre le feu aux locaux avec les ex-collègues dedans. Dès lors, elle avait freiné sur les drogues de sorte à arriver au travail de manière présentable la plupart du temps, attendant son retour à la maison pour fumer un joint ou prendre un peu de speed et aller se coucher.

Quinn écrasa sa cigarette par terre avant de grimper dans sa voiture. Depuis quelques années maintenant, sa mère n'avait pas retouché à la drogue. Elle s'était trouvé un boulot, bon c'était un simple job de serveuse mais c'était suffisant pour qu'elle paye le loyer de son petit appartement, elle se rendait aux réunions des narcotiques anonymes. On ne pouvait pas dire qu'elles soient devenues très proches mais devant les efforts que faisait enfin sa mère, Quinn se devait bien d'en faire un peu. La veille, sa mère lui avait téléphoné en disant qu'elle avait une grande nouvelle qu'elle voulait lui annoncer en face. Il fallait bien admettre que sa curiosité avait été piquée même si elle se méfiait. Grande nouvelle pour qui ? C'était la question à cent mille mais il lui fallait une réponse. Le lendemain, elle s'était donc rendue chez sa mère. Elle frappa à la porte et entra. « Salut, c'est moi ! » Quinn posa son sac à main dans l'entrée, elle entendait la voix de sa mère dans le salon et la rejoint. Aussitôt, elle se stoppa net. Sa mère n'était pas seule, elle parlait avec un homme. Mince, les cheveux poivre et sel, légèrement plus grand qu'elle. Un sourire apparut sur leurs visages alors qu'ils se levaient du canapé pour se tourner vers Quinn. La blonde fronça les sourcils. C'était quoi le piège ? C'était ça la nouvelle ? Elle s'était trouvé un mec ? « Les photos de toi ne te rendent pas justice... tu as tellement grandi » Okay, c'était quoi le délire là ? L'homme fit un pas vers elle et aussitôt, Quinn fit un pas en arrière. Des photos d'elle hein ? Grandi ? Elle n'avait jamais vu ce type. Oh putain... Elle avait compris qui était ce mec et pourquoi sa mère semblait si heureuse. Ce mec, c'était son père. A chaque période de sobriété de sa mère, elle avait tenté de convaincre Quinn de venir rendre visite à son père au parloir. Mais pour elle, ce n'était qu'un inconnu. Elle n'avait pas de père et elle n'avait aucune envie de le connaître. « Faut dire que t'as vingt-huit ans de retard » lâcha-t-elle froidement. Elle se tourna vers sa mère « Tu pouvais te contenter d'un SMS franchement, j'en ai rien à foutre c'est une grande nouvelle que pour toi » « Mais enfin chérie... » « Woh woh woh ! Depuis quand tu m'appelles comme ça ? Y'a pas de "chérie" qui tienne, ça y est t'as ton p'tit mari qui est revenu près de toi et tu penses que ça fait de toi une mère parfaite qui va pouvoir tout reprendre à zéro ? » Quinn émit un rire nerveux « Allez tous les deux vous faire foutre, et toi » dit-elle en se tournant vers lui « Tu seras jamais mon père. Et si ma mère retombe dans ses conneries, ce sera toi le responsable et j'te jure que j'te bute. » Quinn ne prit même pas la peine de s'attarder sur leur réaction, elle fit demi-tour et claqua la porte derrière elle. Non mais c'est une putain de grosse blague ! Quinn passa ses mains dans ses cheveux. Elle n'était pas un modèle concernant sa consommation, que ce soit les stupéfiants ou l'alcool mais elle, elle n'avait pas enchaîné les cures de désintox. Sa mère s'en était sortie, elle avait repris une vie relativement normale... et maintenant, celui-là revenait dans sa vie. Elle espérait seulement qu'il ne recommence pas ses conneries en emmenant sa mère dans son sillage.