I don't need a hand to hold, even when the night is cold I got that fire in my soul. [Jesabel]

Tout commença en 1939, en Pologne. Piotr et Magda Kielenski étaient un couple de notables de Varsovie. Monsieur était instituteur à l'Académie du corps des cadets de la noblesse de Sa Majesté et de la République. Un poste prestigieux dans une école tout aussi prestigieuse. Quand à sa femme, elle possédait une boutique d'accessoires de prêt-à-poter féminins. Chapeaux, gants, bas, écharpes... les dames de la capitale polonaise s'arrachaient ces marchandises qui venaient de Paris, Londres ou encore Milan. Les Kielenski étaient un modèle de réussite dans leur pays. Le soir, dans leur hôtel particulier, ils dînaient tranquillement avant de profiter d'un repos bien mérité auprès d'un bon feu. Ils étaient heureux, s'aimaient et vivaient dans une parfaite harmonie. Mais ils ne se doutaient pas un seul instant qu'en ce mois de septembre 1939, la folie d'un homme allait sceller leur destin. L'Allemagne et l'Union Soviétique envahirent la Pologne. Si l'idée de vivre dans un pays occupé par l'ennemi n'était en rien réjouissante, les choses allaient se montrer encore plus terrible pour Piotr et Magda : en effet, ils étaient juifs.
Dès l'hiver, les persécutions anti-sémites commencèrent. Les Kielenski se sont vus obligés de porter un brassard avec l'étoile de David, la boutique de Magda fut identifiée comme "commerce juif"... Et si la situation était déjà compliquée à vivre, elle n'allait faire qu'empirer. Piotr perdit son travail et l'échoppe de Magda lui fut retirée au profit de la femme d'un officier allemand. Le couple se retrouva dépossédés de leurs biens et de leur maison. A peine un an après l'arrivée des allemands, ils furent dans l'obligation de déménager avec des milliers de juifs dans un même quartier de la ville. Les conditions de vie dans ce qu'on appela plus tard "le ghetto de Varsovie" étaient inhumaines. Trop peu de places pour un nombre de personnes toujours grandissant, les habitants connaissaient la faim et le froid dans ces rues qui étaient oubliées du reste de la capitale.
En 1942, alors que Piotr et Magda travaillaient dans une usine du ghetto, ils furent arrêtés par la Jüdischer Ordnungsdienst, la police juive. Ils furent alors emmenés à Umschlagplatz, la gare de triage de Varsovie. Les Kielenski auraient pu subir le même sort que celui de milliers de juifs. Mais le destin en aura décidé autrement. Le train qui devait les emporter vers une mort certaine n'arriva jamais à destination et ils purent s'enfuir.
Après plusieurs mois à vivre dans le sous-sol d'une famille polonaise qui les cachait, ils finirent par être pris en charge par un réseau de passeurs. Ils se retrouvèrent d'abord en Suisse puis en Espagne et au Portugal. En 1944, alors que les choses commençaient à bouger et que la domination de l'Allemagne sur le reste de l'Europe vacillait, ils obtinrent une place dans un bateau pour les États-Unis. Ils débarquèrent finalement sur les côtes américaines et allaient pouvoir essayer de se reconstruire dans ce nouveau monde. Bien qu'ils eurent échappé au pire, ce qu'ils avaient vécu laissa à tout jamais une marque indélébile dans leur esprit. Ils apprirent l'anglais et se reconstruisirent une vie. Ils mirent du temps à se décider à avoir un enfant. Après toutes les horreurs qu'ils avaient vu, ils n'étaient pas sur de vouloir élever un enfant dans un monde où les hommes étaient capable de telles atrocités. Ils finirent malgré tout par avoir un bébé, l'enfant de l'espoir, une petite fille qu'ils prénommèrent Elena.

Elena Kielenski était désormais une jeune femme. Elle avait grandi aux États-Unis, loin de son pays d'origine, de la guerre et du chaos semé par les nazis. Ses parents ne parlaient presque jamais de ce qu'ils avaient vécu en Pologne mais leur silence ne pouvait dissimuler cette tâche indélébile dans l'Histoire. Elle apprit les horreurs qui avaient ravagé le monde au milieu du XXème siècle et bien sûr elle pouvait à peine imaginer ce que ses parents avaient du subir. Quand ils finirent par lui expliquer ce qu'avait été leur vie, elle sut que la sienne ne serait plus jamais la même.
Elena devint une fille particulièrement utopiste. Elle avait grandi dans une société où certains rêvaient de changer le monde. Baignée dans cette doctrine et ne voulant plus jamais que d'autres vivent ce que ses parents avaient connu, la jeune femme était de tous les combats. Mais ce fut sa rencontre avec un certain Isaac Lovenstein qui bouleversa véritablement sa vie. Il était beau, grand, charmant, il avait 10 de plus qu'elle. Lui aussi était juif. Ses parents n'eurent pas la même chance que ceux d'Elena et c'était donc avec sa tante qu'il avait fui l'Allemagne. Il n'était qu'un petit garçon à l'époque mais il se souvenait très bien de choses qu'il aurait préféré oublier. Il était donc un fervent défenseur de la paix et de la liberté. Il militait pour que tous les hommes soient égaux. Il avait été envoyé au Viêt Nam, il en était revenu encore plus déterminé. Il avait été à Woodstock aussi, il en garda de beaux souvenirs, de merveilleux amis et encore plus de pacifisme. Cet homme, il la fascinait et il l'entraîna dans un tourbillon qui ne s'arrêta jamais. Il se battait pour des causes justes, elle en fit de même.
Bien des années après leur rencontre, ils décidèrent de vivre en communion avec la nature. Ils emménagèrent dans un petit village. Ils trouvèrent une petite maison avec un confort pour le moins sommaire. Ils cultivèrent d'abord un petit potager sur un coin de leur terrain. Ils élevèrent ensuite des poules pour leurs œufs et des moutons pour la laine. On aurait pu se croire revenu à d'autres temps mais il n'en était rien. Elena et Isaac vivaient juste comme ils l'entendaient. Ils étaient considérés comme des originaux non pas parce qu'ils vivaient humblement mais parce qu'ils vivaient dans un monde bien à eux. Et de cette bulle à l'abri du monde naquit une petite fille.

Enfin Jes' pointa le bout de son nez le 13 mai 1994 à Harper's ferry. Enfin, pas Jes' mais Jesabel. Jesabel Eve Loventstein. Elle porte comme prénom ceux des deux plus grandes pécheresses de l'histoire. A croire qu'elle était prédestinée à enchaîner les moments de débauches.
Lorsqu'elle était enfant, elle était une petite fille heureuse, pleine de vie et enjouée. Elle courait après les poules devant la maison, elle faisait la sieste au milieu des moutons... Elle vivait simplement, comme ses parents. Elle les aidait dans le potager à ramasser les légumes que sa mère préparait ensuite. Ils ne mangeaient pas de viande, elle faisait l'école à la maison. Jes' vivait dans un petit paradis sur terre et elle en était très heureuse. A ses yeux, ce mode de vie simple était normal, tout le monde vivait comme ça, à l'image de ses parents, dans le respect des autres et de la nature. La rencontre avec la réalité fut donc assez brutale pour cette jeune fille qui pensait que le monde au delà de son chez elle était aussi doux que la ferme de ses parents. En effet, Elena et Isaac décidèrent d'ouvrir une boutique pour vendre le fruit de leur exploitation: les légumes du potager, les vêtements et autres produits issus de la laine des moutons, le lait des brebis... Le capitalisme aurait-il eu raison de ce couple 100% nature ? Toujours était-il qu'avec cette nouvelle activité, la mère de Jes' n'avait plus de temps de s'occuper de son éducation.

A 10 ans, elle entra donc à l'école publique. Et le moins qu'on pouvait dire c'était que l'adaptation ne releva pas de la formalité.
Jes' était assise à son pupitre, écoutant son institutrice d'une oreille distraite. C'était beaucoup plus drôle avec sa maman. Elle se leva alors. « Mademoiselle Lovenstein, vous faites quoi ? », « Je vais aux toilettes. » répondit-elle comme si ça coulait de source. « Vous devez d'abord demander la permission. ». Jes' fut interloquée. « Pourquoi ? ». Elle ne voyait pas pour quelle raison elle devait avoir l'autorisation de quelqu'un pour se rendre aux toilettes, c'était un besoin on ne peut plus naturel et sa maman ne lui disait rien quand elle y allait pendant sa leçon à la maison. Autre jour, autre désillusion. « Mademoiselle Lovenstein, on ne mange pas en classe ! ». Jes' avala précipitamment le morceau de biscuit qu'elle avait dans la bouche. En quoi c'était grave de manger si elle avait faim ?
L'école était beaucoup plus réglementée que ce qu'elle avait connu chez elle et elle fut vite affublée de l'étiquette de perturbatrice. Mais son ignorance du cadre scolaire n'était pas la seule chose qui suscitait l'hilarité générale. Ses vêtements, ses manières, ses repas... Tout était sujet à se moquer d'elle. La petite fille se renferma donc sur elle-même. Et les choses n'allaient pas aller en s’arrangeant. On dit que les enfants peuvent être cruel ; toute personne ayant connu le collège et le lycée savait que ce dicton était bien loin du compte. Les rires avaient laissé place à la moquerie et aux insultes. Puis les mots n'avaient plus suffi et ses bourreaux passèrent alors aux actes... Bousculades, brimades. Les violences montaient crescendo jusqu'au jour où l'une d'entre elle alla plus loin que les autres.
Ça avait commencé comme tous les autres jours. Jes' rangeait son livre de math dans son casier quand l'une de ses camarades arriva dans son dos avec deux autres élèves. Cette fille, c'était le stéréotype de la blonde populaire, belle, adulée... Bref, une pétasse qui l'avait prise en grippe. « Salut Jesabel. Combien de fois je t'ai dit que tes pulls de campagnarde me dérangeaient ? ». Elle avait pris son partie de ne pas répondre à ce genre de provocation mais Leslie ne voulait pas en rester la. « Je pense qu'il faut faire quelque chose, pour que tu comprennes bien. ».
De cette escalade, Jes' a gardé une cicatrice le long de son bras. Ce fut cet incident qui fit réagir le corps enseignant et elle fut transférée dans une autre d'école. Mais c'était surtout cet événement qui avait changé Jes'. La jeune fille ne fut plus jamais la même depuis ce jour. La confiance qu'elle avait perdu en ses semblables, elle l'avait reportée sur elle. Elle avait décidé qu'elle ne se laisserait plus faire. Elle était désormais sûre d'elle avec un caractère bien trempé et un style plus affirmé.
Comme vous avez pu le constater, l'école n'a jamais été un endroit où elle se sentait bien. Après l'épisode de son harcèlement, elle était devenue une vraie perturbatrice pour le coup : elle dormait en cours, séchait, répondait à ses professeurs, ses notes étaient catastrophiques... Et pourtant, si elle s'en était donnée les moyens, Jes' aurait pu être une vraie tête ! En fait, elle possédait un QI de 121 soit un QI dit "supérieur". Et si elle n'avait jamais ressenti l'envie de mettre son cerveau au service de ses devoirs de mathou ses dissert' de philo, il y avait un domaine dans lequel elle était ravie de pouvoir s'en servir.
La première fois que Jes' a eu un ordinateur entre les mains, ce fut comme une révélation. Le langage informatique était comme une deuxième langue pour elle. C'était facile, logique, évident voire simpliste. Et si il lui fallut quelques semaines pour hacker son premier site, elle ne mit pas aussi longtemps pour savoir ce qu'elle allait faire de cette compétence. Elle commença par pirater le serveur du lycée pour modifier son bulletin... Puis finalement, pourquoi se contenter du sien ? Changement de notes, commentaires déplacés et mails improbables de la direction... Oui, ça pouvait paraître puéril... mais c'était trop tentant et elle ne se fit pas prier... ni attraper d'ailleurs. Et puis arriva ce fameux jour où, cherchant un moyen de se rendre en boite, elle se fabriqua une fausse pièce d'identité. Le vigile n'y avait vu que du feu et elle se dit alors que ce serait bête de ne pas en profiter. Elle n'avait pas prévu de fournir la moitié de son lycée en faux papiers mais après avoir fait fructifié son talent, il aurait été trop dommage de se priver. Ses camarades la sollicitaient, souhaitant pouvoir eux aussi rentrer en boite ou bien encore s'acheter de l'alcool. Toujours était-il que ce petit business lui permit de mettre un peu d'argent de côté.

Jes' réussit à avoir son diplôme de fin d'étude, seule condition pour que ses parents la laissent partir. Alors elle fit un effort pour obtenir sa liberté. Elle décida de partir pour Washington et commença une nouvelle vie. Ce n'était pas si loin que ça de Harper's ferry mais c'était grand, beaucoup plus grand et elle espérait y trouver une opportunité bien qu'elle ne sache pas encore laquelle. Elle s'installa dans un appartement à la salubrité douteuse. Problème d'eau chaude, d'isolation, voisins bruyants... Mais au moins ce n'était pas très cher et c'était tout ce qu'elle était en mesure de s'offrir de toute façon. Avec le recul, elle se dit qu'elle avait bien fait d'emménager dans cet immeuble pourri car sans ça elle ne l'aurait jamais rencontré lui.
Alors qu'elle écrasait son mégot dans son cendrier, Jes' entendit du bruit dans le couloir. Elle se rendit vite compte que ça venait de l'appart d'à côté qui était inoccupé depuis quelques semaines. Ni une ni deux, elle se faufila dans le corridor. Elle se retrouva nez à nez avec un jeune homme on ne peut plus banal qui la dévisagea. Elle avait l'habitude de ce genre d'attitude. Il était vrai que sa dégaine n'avait, elle, rien de banale. Elle ne s'en formalisa donc pas. « C'est toi le nouveau locataire ? » dit-elle tout en lui présentant une main chaleureuse. Elle avait compris depuis longtemps qu'il fallait mieux bien s'entendre avec ses voisins que le contraire. Elle s'empressa de se présenter. « J'suis ta voisine mais tu peux m'appeler Jes'. ». Il saisit sa main avant de répondre. « J'suis Popeye mais tu peux m'appeler voisin. ». Peut-être pas si banal que ça finalement. Elle ne savait pas trop comment le prendre et il ne lui donna pas l'occasion de se décider.Après un léger sourire en coin, il disparut dans son appartement, la plantant la, comme une débile. Elle resta deux minutes seule dans le couloir puis finit par retourner dans son propre appartement. Quand elle claqua la porte, elle décida de lui laisser une chance... à sa façon.
23h à Washington DC. Jes' toqua chez Popeye qui ne tarda pas à ouvrir. De toute évidence, il n'attendait pas de visite et fut surpris de découvrir la demoiselle sur son paillasson. Son pc sous le bras et sans demander son avis au principal intéressé, elle se faufila à l'intérieur. « Salut voisin, j'ai un problème avec internet, tu me donnes ton code WI-FI ? ». Posée sur le canapé, pieds sur la table basse, ordi sur les genoux, écran ouvert, elle attendait, on ne peut plus sérieuse.
Toc, toc toc. Une fois de plus, elle était devant sa porte d'entrée. Il ouvrit et comme elle en avait pris l'habitude, elle s'invita sans attendre qu'il le fasse. « J'ai encore plus d'eau chaude putain, je squatte ta salle de bain ! ». Et sans demander son reste, elle déambula les cheveux plein de shampooing et habillée d'une simple serviette jusqu'à la douche. Au passage, elle colla de la flotte partout avec ses cheveux mouillés. Elle claqua la porte puis la rouvrit. Tout en passant la tête par l’entrebâillement, elle ajouta « Merci voisin. » avant de disparaître une nouvelle fois dans la salle de bain.
Jes' débarqua de nouveau. Popeye ouvrit la porte et elle se dépêcha de rentrer, les mains prises par un plat à gratin. « Putain t'as mis des plombes à ouvrir, je me suis cramée avec le plat ! Tu t'branlais ou quoi ? ». Silence radio. « Peu importe, je t'ai préparé du flan de courgettes, elles viennent de chez mes parents. Ça te changera de tes pizzas. ». Et les cartons qui s'empilaient dans un coin de l'appartement ne pouvaient en rien la contredire. Des visites surprises comme ça, elle en avait fait des dizaines et contre toute attente, ils se lièrent d'amitié.
« T'es au courant que toi tu vies à côté ? ». Sans se départir de ce flegme qui la caractérisait, elle se tourna vers lui. « A partir du moment où j'peux t'entendre baiser depuis ma cuisine, je considère qu'on est coloc'. ».
Jes' ne regrettait aucunement de vivre dans cet appart' qui lui avait permis de rencontrer Poppy. Ce mec était devenu si important dans sa vie qu'elle ne se souvenait même plus de comment c'était avant de vivre près de lui. Leur relation était simple et sans tabou. C'était peut-être pour ça qu'elle durait depuis si longtemps. En tout cas, elle avait fini par développer un certain attachement pour ce taudis dans lequel elle créchait. Et quand bien même elle voudrait en changer, elle n'aurait sans doute pas les moyens de se payer autre chose. En effet, Jes' travaillait depuis quelques mois dans une supérette de quartier. Mais elle finit par perdre ce boulot qu'elle ne regrettait aucunement au final.
Plantée derrière la caisse, les yeux dans le vide à faire des bulles avec son chewing-gum, la demoiselle s'ennuyait sévère. C'était très calme, à peine deux clients et elle attendait, les yeux rivés sur sa montre, que passe cette satané journée. La visite surprise de Poppy à la supérette  égaya instantanément ses longues minutes de décrépitude. Le jeune homme attrapa un paquet de chips qu'il ouvrit sans ménagement avant de s'asseoir sur le comptoir, à côté de sa meilleure amie. Elle lui jeta un coup d’œil avant de piquer dans le sachet. « Tu comptes le payer celui-ci ? » demanda-t-elle en désignant l'emballage qu'il avait dans les mains. « Je pensais que tu m'en ferais cadeau Jesabel... ». Elle lui lança un regard noir. « Commence pas à faire chier Pop-Up ! ». Oui, c'était son petit nom quand il lui prenait la tête : après tout, les pop-up, ça surgissait de nul part et la plupart du temps, c'était de l'arnaque, ça lui correspondait plutôt bien. Mais si elle était autant agacée ce n'était pas à cause des chips mais bien parce qu'il l'avait appelé Jesabel. Elle détestait ce prénom et ne supportait pas qu'on l'utilise. Il le savait et prenait parfois un malin plaisir à l'employer pour la faire sortir de ses gonds. Si elle avait su que ce petit sachet de chips serait la cause de son licenciement... Enfin ça, c'était l'excuse officielle de son patron. Elle était persuadée que ça avait plutôt un rapport avec le fait qu'elle l'ait envoyé chier quand il lui avait proposé de le retrouver dans l'arrière boutique. Toujours était-il qu'elle n'était pas parti sans rien dire. Quelques jours après son renvoie, la femme de son ancien boss reçut un mail contenant en pièce jointe, une vidéo des caméras de surveillance de la boutique. La pauvre, elle avait du avoir un choc en découvrant son mari en train de se taper un livreur. Karma bitch.

En attendant, elle se retrouvait sans boulot. Elle décida alors de retourner à ses vieux travers. Après tout, les fausses pièces d'identité rapportaient pas trop mal à l'époque. Elle commença donc à traîner devant les lycées pour trouver de la clientèle. Mais sans faire partie des élèves, elle avait du mal à faire son business. Elle imagina alors un autre endroit pour trouver de potentiels acheteurs.
Depuis quelques semaines, Jes' faisait le tour des boites de nuit pour essayer de trouver des adolescents souhaitant profiter d'une bonne soirée avant l'âge. Tout se passait comme sur des roulettes. Mais si elle avait essayé de se faire connaître au début, ça faisait quelques jours qu'elle tentait de faire profil bas. Elle pensait s'être faite repérer par un des videurs et elle préférerait éviter de griller son petit business trop vite. A l'écart, la jeune fille comptait son butin de la soirée. Près de 400$. Satisfaite, elle commença à s'éloigner quand deux hommes lui barrèrent le chemin. Elle fit demi tour mais elle se retrouva nez à nez avec le fameux vigile du club. Et merde... Les deux autres l'attrapèrent par les bras et commencèrent à l'emmener. Alors qu'elle imaginait le pire, elle fut surprise de constater qu'ils l'escortaient de façon musclée vers le club. Ils la conduisirent dans ce qui semblait être le bureau du patron. En tout cas, le mec qui se tenait dans cette pièce, c'était forcément lui qui donnait les ordres. Il était de dos mais elle n'avait pas besoin de voir son visage pour le savoir. Les gorilles lâchèrent Jes' qui se massa ses avants-bras douloureux. Enfin, le boss se retourna. Il fit un signe de tête en direction du plus grand de ses subalternes qui attrapa de nouveau la jeune fille. Elle essaya de se débattre mais sans succès. Il fouilla alors dans ses poches et en sortit les 400$. « Votre business va tellement mal que vous êtes obligé de me racketter ? ». Il serait parfois préférable que Jes' se morde la langue au lieu de l'ouvrir. A quatre types montés comme des armoires à glace contre son petit gabarit, elle ne ferait pas long feu mais c'était plus fort qu'elle. Le patron lâcha un petit rire. Elle le défiait du regard mais cet homme semblait vouloir faire durer le suspense. Il s'assit dans un siège de maître du monde et au bout de quelques minutes il mit fin à l'attente de la jeune femme. « J'aimerai que tu fasses quelque chose pour moi et je te paierai. ». Jes' soutenait son regard. Elle s'avança et commença à ramasser sa recette du soir. « On dirait que j'ai pas besoin de votre aide pour me faire du blé. » et elle fourra les 400$ dans sa poche. Elle se retourna pour sortir de la pièce. Pas sur qu'elle puisse partir aussi facilement mais elle allait pas rester la encore dix piges. L'homme revint alors à la charge. « Je t’offrirai 2000 billets à chaque fois que tu "travailleras" pour moi. ». Jes' s'arrêta net. La façon dont il avait dit qu'elle "travaillerait" pour lui ne l'incitait pas vraiment à accepter les yeux fermés. Cela dit, ça faisait beaucoup d'argent et elle était fauchée. « Et c'est quoi votre boulot ? Je vous préviens, je fais pas le trottoir. ». Il rit de nouveau. « Tu le sauras bientôt, Jesabel. ». Entendre son prénom dans la bouche de ce mec qu'elle ne connaissait pas aurait du la mettre hors d'elle. Mais elle sentit un frisson remonter le long de son échine. Ce type il était dangereux, elle le sentait. Et alors que les gorilles l'escortaient vers la sortie, leurs regards se croisèrent une dernière fois avant que la porte ne se referme.