pop-corn -- kovu.

① C’est entre deux chaises, dans l’odeur plus que négligeable de ce bar miteux, que tu fis tes premiers cris. A peine né, et te voilà déjà le grand gagnant de la vie : Puisque tu es né dans ce foutu bar, tu auras le droit d’y boire à volonté jusqu’à tes 18 ans. Tu ne sais finalement pas si c’était une bonne chose, de toute façon, ce fût la dernière fois, que tu imposas ta présence.

② Il y a des vies plus importantes que la tienne, te disais-tu déjà alors que tu étais très jeune. Ta génitrice tentait comme elle le pouvait d’être une bonne mère. Tandis que ton géniteur, te rabâchait sans cesse a quel point tu étais une erreur. En même temps, tu t’étais caché pendant neuf mois dans le ventre de ta mère, sans jamais lui montrer des signes de vie. Forcément, le jour de ta naissance, ce fût une énorme surprise pour ses deux personnes, qui n’étaient rien d’autre qu’amants.

③ Elle s’appelait Flora. Tu n’avais alors que quatre ans, quand celle-ci décéda. Lorsque la décision de soit te garder et avouer à sa femme qu’il l’avait trompé, ou bien t’envoyer en foyer, ton « père » fit la -rapide- décision de t’abandonner. On t’accueillit chez les bonnes sœurs. Ce qui devait être temporaire, allait devenir ta seule et unique maison pendant de longues années.

④ Très vite, ce fût ingérable. Plus tu grandissais, moins tu étais sage. Pourtant, élevé par des personnes calmes et honnêtes, tu usais de tous les stratagèmes possibles pour rendre la vie des bonnes sœurs bien plus compliquée. Malgré tout, tu fus élevé avec amour et patience. Tu étais le seul petit garçon laissé à l’abandon, quelques petites filles étaient également là pour la même raison, la différence créa un fossé gigantesque.

⑤ Jusqu’aux environs de tes 12 ans, ton entourage s’inquiétait beaucoup pour moi. La raison ? Un profond mutisme. Ce fût grâce à l’acharnement d’une sœur, engagé dans cette lutte à la parole, que tu te délivras. Bien sûr, les débuts furent très difficiles. Tu gérais mal ta voix, qui était à la fois enfantine, et devenait doucement celle d’un garçon qui muait. Même si les sœurs étaient là pour réprimander les vilaines demoiselles qui se moquaient de toi, le fait de subir les moqueries incessantes, provoqua un sentiment de gêne et de timidité.

⑥ Pour ton bien, et sûrement pour le calme des bonnes sœurs, tu fus transféré vers un foyer pour garçons. En arrivant, tu compris qu’il fallait combattre ta timidité, car le foyer pour jeunes garçons était loin, très loin de ce que tu avais toujours vécu auprès des femmes. Rapidement, tu te fis des copains, qui t’apprirent l’Art, d’être un garçon. Turbulent, malhonnête, rusé. Tout ce qu’on avait tenté de chasser chez-toi, se démultiplia par cent en quelques semaines.

⑦ Les journées semblaient longues dans ce bâtiment que tu côtoyais maintenant depuis de longs mois, heureusement tu avais des copains avec des idées farfelues, pour occuper ton esprit d’enfant brisé. Vous passiez votre temps à faire des bêtises, plus ou moins graves, à vous faire réprimander, être puni, et reprendre votre « liberté ». C’était juste devenu un quotidien, pour vous faire oublier la réalité, un poil moins sympathique.

⑧ C’est dans l’année de tes 15 ans, qu’une surprise de taille allait te tomber sur la tronche. Comme tous les six mois, l’orphelinat proposait des journées découverte ; pour tisser possiblement un lien avec l’un de tous ses garçons en manque d’amour. Une famille, s’était proposé pour t’accueillir dans leur foyer. Tu ne savais pas réellement, si tu étais heureux, ou juste soulagé de quitter les lieux. La procédure allait être longue, mais il y avait de l’espoir. Qui finalement se brisa totalement, quand ladite famille, renonça à ton adoption à quelques jours, de ta sortie. C’est certainement à ce moment-là, que tu t’es mis à abandonner tout espoir, d’être aimé par des parents.

⑨ Si tu t’étais habitué à cette incessante routine, tu n’en étais pas pour autant friand. Tu arrivais à échapper à la vigilance des éducateurs, pour fuir quelques heures à l’extérieur. Tu profitais de la nature qui entourait le foyer, pour respirer un air pur, loin de celui du bâtiment, où tu avais l’impression d’étouffer. Tu te retrouvais enfin, et tu comprenais que tu aimais être seul.

①⓪ La majorité venait enfin d’arriver. Et dans le contrat, tu ne pouvais plus rester dans le lieu de vie, ce qui t’arrangeait pas mal ! Si au départ, tu avais organisé cette nouvelle vie, tu allais vite comprendre que ça n’allait pas se passer comme il le fallait. En commençant par le fait que, tes « amis » qui t’avaient promis une collocation pour vous en sortir ensemble, avait finalement abandonné cette idée, pour aller chacun chez d’autres personnes. Des potes, des petites chéries. Tu te retrouvais seul. Comme un con. Toi qui te ventais d’aimer ça, pour le coup, tu jurais d’avoir été aussi bête de le penser.

①① Grâce à un peu de sympathie d’un gars, au départ inconnu, qui deviendra finalement très rapidement ton pote – et la seule personne que tu considéreras comme ta famille – vous avez créé une colocation ensemble. Il semblait droit dans ses bottes, travaillait dans une grande entreprise et faisait tout ce qu’il fallait chez-vous ; il était clairement le gars idéal pour cohabiter ensemble. Si ce n’est, quelques petits points négatifs. Il t’entrainait un peu trop dans l’alcool et les jeux d’argent. Chose que plus tard, tu finiras par totalement arrêter pour tenter de t’en sortir dans la vie.

①② Malgré l’aide de tes éducateurs, pour trouver un travail, aucun ne te garda. Ta vie était instable, tu vivais dans un centre pour sans domicile fixe, puisque tu n’arrivais pas à clôturer les deux bouts à la fin du mois. Tu te faisais d’ailleurs sans cesse piller, les mauvaises fréquentations s’enchaînaient. Tu vivais un calvaire pas possible, mais à force, et comme tout le temps, tu t’habituais. Au point où, plus rien ne pouvait te blesser.

①③ C’est par hasard total, ou peut-être pas qui sait, que tu as fait la connaissance d’une jeune femme. Au départ, rien d’exceptionnel, si ce n’est qu’elle était très belle, et sentait le grand luxe. Une douceur incomparable. Mais c’était vraiment trop louche, pour qu’elle veuille en savoir plus sur toi, le minable vaurien. Ce n’est que quelques semaines plus tard, en cherchant des informations sur elle, que la révélation te sauta à la gueule. Elle était la fille de cet homme. Ta demie-sœur. Et si la presse savait ça, s’ils savaient que tu étais l’enfant de ce puissant homme… Qui sait ce qu’il se passerait.

①④ Elle décida tout de même de t’emmener dans son chaleureux foyer. Te présenta sa mère, sans lui dire qui tu étais. Forcément, tu revis ton père. A l’exacte d’il y a des années en arrière, il nia. Ou du moins, il fit comme si, de rien n’était. Juste un garçon, sans plus. Elle la seule chose qu’il te proposa, ce fût d’acheter ton silence. Mais tu étais bien plus coriace que ça. L’argent t’intéressait, pour te sauver de ta précarité. Mais le tenir par les couilles, ça, c’était bien plus amusant.

①⑤ Tu enchaînas donc les petits boulots de merde, tant que ça te nourrissait, que tu pouvais payer ta colocation avec ton pote, tout roulait comme sur des roulettes. Tu étais même à deux doigts de ne pas comprendre, comment tu pouvais avoir autant de « chance » qu’aucune merde ne te tombe dessus. Tu vivais simplement, préférant sombrer doucement, que de laisser ton géniteur vivre en paix.

①⑥ Cependant, il te manquait un petit quelque chose. Tu aimais les courbes de toutes ses filles qui passaient sous tes draps, mais au fond, ne manquais-tu pas un peu de quelque chose de stable ? Tu ne savais pas vraiment ce qu’était l’amour, l’avais-tu un jour vécu ? Tu n’en avais aucune idée, avec un modèle parental comme le tien, il n’était pas anormal de ne pas connaître la vérité sur ce sentiment.

①⑦ Puis un bon jour, tu rentres du travail et trouves ton colocataire pendu dans sa chambre. Alors, tu appelles les secours, fébrile. Tu fais le fort devant les hommes qui viennent le chercher, tu te poses mille questions. Aucune lettre, cette enflure te souriait ce matin même. Tu tentes de comprendre, pourquoi il s’est donné la mort. Mais rien ne vient, bordel. Vous étiez votre propre putain de famille, te voilà de nouveau seul. Avec des dettes jusqu’au cou, comme si ses putains de funérailles étaient ce qu’il te fallait en plus !

①⑧ Les mois qui suivent cet événement, tu t’en souviendras. Tu t’es fait jeter de votre petit appartement, à défaut de pouvoir payer pour deux personnes. Cependant, tu te relèves toujours, même quand tu es au plus bas. Et c’est grâce à l’un de tes collègues, dans l’un de tes nombreux jobs de merde, qui t’a branché avec une connaissance, que tu as pu passer un entretien qui allait donner suite à une nouvelle chance.

①⑨ Embauché par le grand patron d’une boîte de nuit aux tendances un peu spéciales, tu te retrouves à être le vigile. Après une formation, qu’il t’aura payée, et que tu devras rembourser au fil des mois, évidemment. Tu as enfin, ton premier contrat à durée indéterminée. On t’aide, plus ou moins, à trouver un appartement pas trop cher et pas trop loin de ton emploi. Derrière ça, tu te permets de travailler au Black, tu fais le sale boulot des autres.

②⓪ Infos en vrac :
Tu fumes depuis très jeune, un peu comme une drogue dont tu ne pourrais te passer. Tu as tenté une fois ou deux d’arrêter, sans succès. – Ta dernière relation qui ne s’est pas cassé la gueule, c’est avec une rouquine, tu as peur de l’emmener en enfer avec toi, mais tu fais de ton mieux pour ne pas qu’elle rejoigne tes vieux démons. – Sans le vouloir, tu as quelques animaux « de compagnie ». Sois, deux pigeons qui ont décidé de vivre sur ton petit balcon ; celui où tu fumes. Puis aussi, tu as un chien, celui de ta voisine décédée. Au fond, tu t’es un peu attaché à lui, mais tu n’oublies pas qu’il a vu une vieille femme nue, avant de voir tes couilles tous les matins. – Tu bois exclusivement du café, si tu pouvais t’en faire transfuser, il est presque sûr que tu le demanderais. – Tu fais beaucoup de boxe et lorsque tu peux entrer illégalement dans les grands hôtels, tu fais quelques longueurs. À ce jour, tu ne t’ai jamais fait choper, espérons que ça n’arrive jamais.