9 Décembre de l'an de grâce 1993. Prélude de ton passage ici bas. Un incipit sans grande pompe, ni cérémonial. Tambours et trompettes restent muets dans le tout Washington, qui emmitouflé d'un blanc manteau, tourne au ralenti et se paralyse en cette glaciale matinée hivernale. Une éclosion feutrée, discrète et conforme à ce que tu es. Le ton est donné, la couleur est annoncée. Ton caractère et ton essence s'inscriront d'ailleurs dans la droite lignée de cette aurore.
Ta venue au monde eut au moins le mérite de faire de ta mère la femme la plus heureuse du monde. Pour ce qui est de ton père, c'est un bonheur en demi-teinte. Après avoir engendré un héritier mâle, "Papa" aurait bien aimé avoir une petite princesse à pouponner. Mais qu'il se rassure, il sera très vite exhaussé. Par trois, et même quatre fois. A l'image de bien des couples, le choix de ton prénom fut sujet à d'âpres tractations. Papa jeta son dévolu sur Kęstutis. Maman n'en démordit pas et s'accrocha à Rytis. Comme toujours, ou presque, Madame eut le dernier mot. Ce sera donc Rytis. Rytis Kęstutis Algimantas Tereškinas. (Prononciation : Ritisse Téréchkinasse).
° P A R E N T S F I G U R E S
Unique raison de vivre d'une génitrice abusive et possessive, faisant passer les mères juives pour des modèles de laxisme ; ton éveil et ta prime jeunesse se firent en vase clos et autarcie. Au sein d’un rupin hôtel particulier sur l'Avenue de Georgetown. Cadre édénique où tu crûs à l'ombre d'une petite cellule familiale soudée et presque exclusivement féminine. Maman, tes sœurs, mamy, tes tantes, tes cousines, l'armada de nourrices et de gouvernantes à tes petits soins ... . Retenu par sa flopée d'obligations, quand il n'était pas parti par monts et par vaux en emmenant Mantas avec lui tel un hippocampe mâle portant sa progéniture, "Papa" est ce solennel Monsieur que tu admires autant que tu crains et qui te fait épisodiquement la grâce de t’honorer de sa présence à raison de quelques heures les week-ends.
"Le courant d'air". Sobriquet dont tu lui affubleras a posteriori. Dorloté, choyé et bichonné comme un véritable petit coq en pâte, tu as bien conscience de n'avoir manqué de rien. Simplement ... tu déplores le fait de n'avoir eu de modèle et de figure d'autorité masculine sur laquelle te calquer. Un homme à prendre en exemple. Tu aurais apprécié pouvoir t'appuyer sur l'épaule patriarcale et trouver conseil lorsque tu en avais le plus besoin. Notamment au moment de la puberté où ton corps changea et que toute une déferlante de questions t'assaillirent. Convaincu depuis toujours devoir mériter la tendresse de ton paternel, tu vis avec l'éternel et indéfectible souci de te montrer digne de ce dernier. De lui prouver que tu es quelqu'un de bien. Que tu vaux quelque chose. Que tu n'es plus ce gosse vulnérable et efflanqué. Que tu es désormais grand et fort, comme lui. Qu'il peut être fier. Que tu es un tant soit peu digne d'intérêt. D'être aimé.
En dépit d'un père aux abonnés absents, il est une personne qui joua un rôle capital et prépondérant dans ton tortueux cheminement vers l'âge de raison. Une femme pouvant se targuer d'être la co-architecte de l'homme que tu es aujourd'hui. "Tante Vestina". Vestina Bložytė. Surnommée affectueusement "Stina" par le peuple et la presse lituanienne. L’ex femme de "Oncle Ricardas", ténor émérite et de renommé internationale. La paria de la famille. Une Lady Diana en plus Rock’n’roll et trash. Tu gardes d'inoubliables et fabuleux souvenirs de toutes les fois où cette fantasque, indomptable et excentrique rabelaisienne te gardait pour les vacances. Aujourd'hui encore, tu te revois entrain de trépigner d'impatience les jours précédent cette parenthèse enchantée. Tandis que ta mère se rongeait tout les sangs.
Quelques instants volés qui se sont envolés, où il était dès lors possible de faire des monceaux de bêtises et de choses prohibées en temps normal. Manger des fast-foods ainsi qu'une multitude de douceurs sucrées. Porter des jeans, des baskets et des T-shirts "Rolling Stones". Folâtrer jusqu'à te rompre de bonheur dans les parcs d'attractions et les fêtes foraines. Écouter de la musique Pop et entraînante jusqu'à pas d'heure. Regarder des films d'horreurs et d'épouvantes. S'abrutir toute la sainte journée devant des jeux-vidéos. Dire des gros mots et jurer comme un charretier.
Une désinvolte nantie qui te fit prendre conscience que tu devais avant tout être à l'écoute de ton cœur, tes envies et ton instinct. Être à leur écoute, et surtout ne jamais aller à leur encontre. Grâce à elle, tu sais. Tu sais désormais qu'il est interdit d'interdire, et que tu as le droit imprescriptible d'être ce que bon te semble. Reconnaissant et redevable pour avoir fait de la chrysalide que tu étais un papillon prenant doucement son envol, tu restes aujourd'hui en étroit contact avec cette loufoque dilettante que tu appelles régulièrement et à qui tu rends plusieurs visites annuelles. Pour rien au monde tu ne raterais son anniversaire chaque 15 Octobre. Une soirée placée sous le signe de la liberté accessoirisée d'un revigorant grain de folie. Une appréciable bolée de fraîcheur, dans ta vie bien stricte et monochrome.
° S I B L I N G S
- /!\ Violence & Propos Haineux:
- Mantas. Le conquérant, le flamboyant, l'éblouissant. Petit morceau de roi cochant tout les critères du fils idéal selon "Papa". Nec plus ultra et incarnation dépassant toutes les espérances et les attentes paternelles enorgueillies les plus exigeantes. Lui, le Yang ; terre à terre, cartésien, ambitieux et déterminé. Toi, le Yin ; rêveur, cultivé, sensible et raffiné. Un majestueux Phœbus à côté duquel il est bien difficile d'exister. Conscient de ne pouvoir rivaliser, tu as bien vite compris que jamais tu ne ferais le poids, ni ne serais en capacité de soutenir la comparaison face à cette âme de leader. Le despote en culotte courte a d'ailleurs très tôt marqué sa suprématie et annihilé tes maigres envies de lui tenir la dragée haute, en prenant un malin et cruel plaisir à te rappeler que tu n'es "que" le second. Ses mots résonnent encore à tes oreilles comme le fer d'un couperet que l'on abat. Tu lui dois respect et obéissance, vociférait-il. Tu n'es qu'une erreur de la nature, s'égosillait-il. Jamais papa ne t'aimera, tonitruait-il. Les injures crachées à la figure allant crescendo avec le temps. "Mauviette" ; "Femmelette" ; "Lopette" ; "Tapette" ... .
Les coups qui pleuvaient lorsqu'il te sommait de baisser tes billes pers embuées de rosée. La maturité s'en venant et les peurs de ton aîné quant à tes velléités, pourtant inexistantes, de lui faire ombrage dissipées ; vos rapports s'avèrent pour le moins complexes et fluctuants. Le lot de maints frères proches en âge. Tantôt complices et solidaires ; tantôt rivaux et antagonistes. Depuis ton entrée à à l'Université, les choses n'ont fait que se déliter. Tanguant sur le filin de l'indifférence, vous ne vous voyez plus que lors des réunions familiales et les représentations publiques auxquels vous ne pouvez vous soustraire. Des banalités affligeantes échangées, des futilités d'usage distillés de-ci de-là, d'assommantes platitudes débitées avec parcimonie : voilà bien tout ce qui vous relie à présent.
Quand le ventre de "Maman" s'est arrondi pour la troisième fois, tu étais à des années lumière de réaliser et comprendre qu'un heureux événement se profilait à l'horizon. A ta décharge, et du haut de tes six petits mois de vie, ce qui faisait ton monde se résumait aux bras aimants de ta mère, ses douces berceuses, tes biberons bien chauds et les jouets colorés suspendus à ton mobile que tu n'avais de cesse de faire tintinnabuler de tes mimines malhabiles en babillant et rigolant. Sans oublier ton fidèle Teddy Bear auquel tu t'accrochais comme une sangsue vampirisant la sève rubis de son hôte. Au seuil de tes deux ans, ce ne fut pas une mais bel et bien deux heureuses surprises qui pointèrent le bout de leur nez. Des jumelles monozygotes. Oona et Dita. Deux siamoises indissociables l'une de l'autre, et qui ne manquaient jamais une occasion de gentiment t'embêter et t'asticoter, en te coiffant et jouant avec toi comme un Ken de chair et d'os. "Maman !", t'époumonais-tu en accourant tel un petit faon à la démarche incertaine. Tes doigts agrippées au tissu chatoyant de sa robe, en t'abritant derrière ses jambes et attendant que l'orage se calme.
Quand Madame ta mère amorça sa quatrième et dernière grossesse, tu étais cette fois-ci en âge de pleinement saisir ce que cela signifiait. La famille allait une fois de plus s'agrandir. Au fond de toi, tu entretenais le secret espoir que la cigogne t'apporte un petit frère. Un "allié" qui t'aurait permis de rééquilibrer les forces en présence et déjouer les desseins des jumelles infernales. Mais comme dit le proverbe ; "Jamais deux sans trois.". Une autre sœur : Vitalija. Ambivalente, la benjamine de la fratrie pouvait selon son humeur du jour aussi bien jouer avec toi que se liguer avec ses sœurs. Toutefois, la venue de Vita' vous permis de former un solide noyau d’atomes agglutinés entre eux, sans que jamais l'un d'entre vous ne soit laissé pour compte.
En grandissant, les caractères de chacun se sont affirmés, et d'infimes divergences ont fini par rendre cette connivence friable. Bien malgré toi, tu es à l'origine de quelques fissures ayant morcelé cette insouciante complicité d'antan. La faute à ta soudaine prise de distance depuis que tu te sais homosexuel, et ton éloignement inexpliqué afin de le dissimuler aux tiens. Nonobstant, tu continues à ce jour d'entretenir dans l'ensemble de bons rapports avec tes cadettes. Nettement meilleurs qu'avec ton frère, et même si vos études ne vous offrent que très peu de disponibilités pour passer du temps ensemble. Ce qui finalement n'est peut-être pas plus mal. Ainsi, les chances que ton secret soit percé à jour s'amenuisent considérablement.
° S O U L A M T E
Olivija. Ton supplément d’âme. Ton oxygène. Ta moitié. La femme de ta vie. Ce petit angelot qui naguère avança vers toi à quatre pattes et fit tomber ta version bien à toi du Capitole en Lego, que tu étais entrain d’ériger à grand renfort de briques en plastique versicolores, pour venir se blottir et s’endormir tout contre toi. Ton petit cœur en guise d’oreiller chantant. La genèse. Votre "Il était une fois". Une bribe de tendresse passée depuis à la postérité et figée dans l’éternité. Immortalisée sur pellicule et trônant sur la cheminée du salon de ta dulcinée spirituelle. Elle est belle Olivija. Quand elle habille le silence de son mélodieux rire cristallin. Quand le vent s’engouffre et fait danser ses boucles blondes. Quand elle caracole gracieusement dans les champs de tournesols. Tes soucoupes d'émeraude scintillent, ta mécanique cardiaque s’emballe et cette niaise et extatique risette élit domicile sur tes lippes, à chaque fois que vous êtes réunis.
Un candide entichement enfantin qui n’échappa pas à l’œil affûté de maman, qui entra dans une colère monumentale et te passa le savon de ta vie, alors que tu mirais piteusement le bout de tes Derbys en cuir. Oui … elle est belle Olivija, mais pas pour toi. Un fruit défendu qui porte le nom de "cousine". Car tu étais trop jeune jadis pour entendre toute la vérité dans son plus simple appareil. Que c’est le même sang qui coule dans vos veines. Demi-sœur, cousine, parfaite inconnue : qu’importe. Jamais cela ne changera d’un iota ce que tu ressens pour elle. Cette indicible sensation ressemblant à s’y méprendre, à l’attirance physique et charnelle que t’inspire un mignon. Un honteux et platonique amour, que tu t’évertues depuis des années à taire et révoquer. Il n’y a qu’elle dans ton ciel. Les autres ? Tu t’en fiches pas mal. Tu ne vois qu’elle. Tu ne veux qu’elle. Tout ou rien. La morale et les convenances t’interdisant "tout" … alors tu prends et te satisfait de "rien".
Si vous n’étiez pas ce que vous êtes et que le destin avait distribué les cartes différemment : il y a déjà bien longtemps que tu aurais demandé la main de ton Iseult balte. Tu as besoin d’elle pour te sentir vivant. Viscéralement. Besoin de la toucher. De la sentir. D’entendre son palpitant battre. Sur le campus de la FAC, assise sur tes genoux. Son bras assoupis autour de ta nuque. Les tiens ceignant sa taille gracile et le verrou de tes mains jointes plaqué sur sa hanche. Front contre front, la pointe de vos nez jouant à touche-touche. Sous le regard sceptique de certains étudiants, trouvant ces attitudes quelque peu équivoques et déplacées pour des frères et sœurs. Mais tu en as cure. Ils ne peuvent pas comprendre. Jamais ils ne pourront. Elle t’appartient autant que tu es à elle. Vos gourmettes de baptême échangées tel des alliance scellant cette connexion dépassant l’entendement.
° F A L L F R O M H I G H
Du jardin d’enfants au lycée, ta scolarité s’est apparentée au paisible cours de l’Hudson par une caniculaire journée aoûtienne. Exception faîte des deux premières années universitaires, où tu trimas pour t’acclimater et trouver tes marques, loin de ton illégitime alter ego. Pourvu d’une forte sensibilité, d’une créativité et d’une fibre artistique intrinsèque ; tu présentes une prédisposition évidente pour les matières littéraires, et n’es pas en reste lorsque tu te frottes au versant scientifique. N’ayant connu que les brimades de ton tyran de frère, tu étais ravi de constater que moult enfants de ton âge puissent se montrer affables avec toi.
Toutefois, ce bonheur naissant flétrit et se fana lorsque tu constatas que certaines personnes de l’espèce des hypocrites, te côtoyaient uniquement pour ce que tu représentes et non pour ce que tu es entant qu’individu. Se faire bien voir auprès de toi et t’utiliser, tout cela pour avoir un quart d’heure de célébrité et se faire mousser auprès d’autrui … ça fait mal. Une fois de plus. Que cela soit à cinq ou vingt-sept ans ; la déception reste la même et la chute demeure aussi haute. Des attentats au cœur dont tu ne sors jamais indemne. Des petites portions de toi que l’on pille, arrache et s’accapare. Encore et encore.
° G U I L T Y P L E A S U R E
- /!\ Passage Explicite:
- 8 Août 2008. Arrêt sur image. Sur l’été de ton quinzième anniversaire. Date gravée au fer rouge dans tes notables chairs. A l’ordre du jour : visite diplomatique du Député Maire de Washington et son immuable pattern. Comme toujours, "Papa" et Mantas palabrent avec leurs homologues américaines sur de pompeux sujets économiques, politiques et financiers de la plus haute importante. Ces Dames se perdent en salamalecs sur la splendeur de leur toilette, cancanent et parlent chiffon en sirotant élégamment leur Earl Grey. Les filles écument les boutiques de Pennsylvania Avenue, en compagnie des invitées du beau sexe et sous la protection d’un cheptel de malabars constituant le service d’ordre. Et toi … toi tu te retrouves face à ce Kennedy en herbe de dix-sept ans. Keith. Peau laiteuse, œil de crin, lèvres gourmandes, chevelure d’ébène, voix satinée, carrure égarée dans un no man’s land entre adolescence et âge adulte … .
La glace qui se brise très vite sous le torrent de similitudes et analogies caractérielles. Des rires comme s’il en pleuvait. Une balade à bride abattue à dos de pur-sang dans le parc du domaine. Une halte au bord de l’étang. Crapuleusement allongés sur le flanc, l’un en face de l’autre, sur l’étendue chlorophylle. Des quatrains de Thomas Stearns Eliot récités, alors que le rouge montent aux pommettes. Des sonnets de William Butler Yeats, déclamés avec des sequins pleins les yeux. Les Cantos d’Ezra Pound qui s’égrainent et transforment le palpitant en castagnettes. Avec en toile de fond les lueurs de l’astre solaire déclinant et le pépiement du geai indiscret. Déjà, il faut rentrer et prendre part au façonnier dîner dans la fastueuse salle de réception de l’ostentatrice bâtisse. Foudroyé par un coup d’audace, ta paume téméraire se faufile sous la table et se pose délicatement sur sa rotule. Pas de sursaut, pas d’à-coup, pas de mouvement défensif. Alors tu pétris langoureusement l’articulation et remonte pianissimo vers son quadriceps. Les doigts qui s’échouent sur son entrejambe durci, au moment où il feint de se rasseoir convenablement. Un profonde inspiration qui te fait frémir.
L’impression de te sentir enfin vivant. Comme si le poids d’une enclume comprimant ta poitrine se volatilisait soudainement. Fébriles, tes phalanges gambadent et se nouent autour de sa hampe avant que tu ne formules respectueusement une excuse fallacieuse pour sortir de table. Dix interminables minutes à faire les cents pas et te ronger les cuticules dans le corridor de l’aile est. Le péché incarné qui te rejoint enfin. Vos lèvres s’entrelacent dans le confinement d’une alcôve. Vos langues qui joutent et croisent le fer. La découverte de vos corps enfiévrés à grands coups de caresses empressées. Sa main dans la tienne, il t’emmène. Ce fut ta première fois. Donnée et reçue. Longtemps tu as cru ne plus jamais rien connaître de tel. Aujourd’hui avec le recul et l’expérience, ce souvenir te semble catastrophique et désastreux. Mais les premières fois ne le sont-elles pas par définition ?
° L E G A C Y
Lorsque ton aîné n’est point enclin à remplir ses obligations, il n’hésite pas à sortir de sa manche sa botte secrète et défausser son joker. Toi. En bonne roue de secours toute désignée, c’est donc à toi qu’incombe la tâche de remplacer ton frère au pied levé et de le représenter auprès des dignitaires étrangers, lorsqu’il t’en intime l’ordre. Tâche dont tu t’acquittes de bonne grâce et que tu réalises consciencieusement avec un éternel souci de gravité et de dignité. Ne pouvant décemment pas honorer ces impératifs avec à ton bras ton amant du moment, tu remplis bien souvent ces formalités accompagné de la femme de ta vie.
Une façon de la nimber dans la lumière qu’elle est en droit de recevoir et de la seoir à la place qui est à la sienne. Ta manière de prouver à la face du monde qu’elle n’est pas une bâtarde, une pestiférée ou une ignominie qu’il faut à tout prix cacher. Qu’elle fait partie à part entière de la famille. Seule petite ombre au tableaux à déplorer ; les nauséabonds et putrides calomnies concernant la nature de votre relation, relatées par les publications à sensations pour faire le buzz. Des intox qui, en ce qui te concerne, ne le sont pas tellement. Oui … c’est en gros titres que s’étalent et sont déterrés tes inavouables et avilissant désirs à jamais inassouvis.
° K I N D H E A R T
Généreux et humaniste, tu t’impliques dans la défense de tout un cortège de causes t’étant chères, sans jamais compter ton temps et ton énergie. Des visites aux enfants gravement malades et hospitalisés. La concrétisation avec le Prince Harry des Invictus Games, à destination des vétérans et blessés de vos Forces Armées. Ton vif soutien à la cause animale et environnementale, t’ayant valu le titre d’Ambassadeur de la World Wildlife Fund. Un altruisme des plus innés et naturels, t’ayant permis de te voir auréolé par la presse et la population du surnom de "Petit Prince des cœurs". Ton dévouement sans borne et ta personnalité attachante te permettent aujourd’hui de briguer la seconde place sur le podium des personnalités préférés des lituaniens. Juste derrière l'acteur Eimutis Kvosciauskas, et loin devant ton père et ton frère. Ce qui n’est guère pour plaire à ce dernier. Avec toi, les conseillers en image et communication de l’Ambassade sont loin d’être surchargés de travail et savent qu’ils peuvent dormir tranquilles sur leurs deux oreilles.
° V O C A T I O N
- /!\ Passage pouvant heurter la sensibilité :
- A onze ans, ton père a pour la première fois décidé de t’emmener avec lui à la place de Mantas, dans un de ses déplacements à l’étranger. Une visite aux hommes déployés sur le front en Afghanistan. Une immersion au milieu des bombes, des armes de poing et des balles traçantes. Chaotique théâtre uniquement composé de vaillants et athlétiques acteurs en uniforme, dont la simple contemplation t’émoustillait déjà et attisait tes « vilains penchants ». Mais l’acte fondateur de ce voyage tint dans le fait d’avoir assisté aux efforts d’un trio de médecins, pour sauver un soldat aux viscères s’échappant d’une gigantesque béance abdominale. Du sang, de la suer et au final des larmes. Profondément marqué par cette scène qui continue d’habiter tes nuits, tu as dès lors su quel était ton rôle. Où était ta place. Ce à quoi tu étais destiné. L’émergence d’une vocation. La Traumatologie. Pour le sauver. Pour les sauver. Pour que plus aucune vie ne chavire. Pour que plus aucun œil ne s’embrume. Pour que plus jamais. Plus jamais ça.
° F L I P S L I D E O F F A M E
Depuis le mariage du chanteur Donny Montell, tu t’es à ton plus grand regret retrouvé catapulté au sommet de la liste des plus beaux partis de Lituanie. Une mise sur le devant de la scène et sous le halo des projecteurs dont tu te serais bien passé. Entant qu’aîné, l’attention des médias et des chasseurs de scoops se focalisent et se concentrent - pour l’instant encore - essentiellement sur ton frère, qui te sert de dernier rempart et paravent humain. Un pavois des plus précaires, qui ne suffit malheureusement pas à chasser les vautours journalistiques planant au-dessus de ta carcasse. Épie, traqué comme un gibier de choix et ne connaissant désormais que très peu de répit ; tu redoutes que cet intérêt intrusif et frénétique autour de ta personne, mette à mal la confidentialité de ton secret. L’étau se resserre, tu le sais. La corde abrase le fin épiderme de ton cou. Ta tête est sur le billot. Ce n’est plus qu’une question de temps avant que la lame de la guillotine ne tombe, et que le "Petit Prince des cœurs" deviennent la "Reine des invertis".
° I W I S H I C O U L D . . .
La neuvième et dernière année universitaire se profile à l’horizon. La fin imminente d’un cycle, avec pour apothéose la clôture de l'exigeant internat. Bientôt, et si aucun nuage n’entache ton ciel grisonnant, tu deviendras Résident en chirurgie. Le temps des études périra. De la théorie à la pratique. Des cadavres ayant généreusement fait don de leur corps à la science, aux patients luttant pour s’accrocher à la vie. Quel homme seras-tu ? Dans un mois. Un an. Dix ans. Te complairas-tu dans ce costume étriqué de faux-semblants et faux-fuyants, qui te pèse et te plombe chaque jour un peu plus ? Auras-tu enfin le courage d’être toi ? De libérer de sa geôle celui que tu es réellement. Qu’importe les murmures, les injures et les poings sur la figure. Comprendront-ils ? Ceux que tu as aimé. Dont tu t’es éloigné. Que tu as délaissé. Resteras-tu leur frère, leur fils, le leurs ? « S’il vous plaît … ne me détestez-pas. », soupires-tu quand vient le soir en dénouant ton mouchoir.