No damsel in distress here, thank you, moving on

1. Dernière addition de la fratrie Johansen, elle est la princesse, seule fille qu’on se doit de protéger et chérir. Famille digne d’une couverture de magazine, pas un seul faux pli de visible. Père au travail respecté, et au salaire qui va avec, PDG d’une grande entreprise. Mère charmante, impliquée dans plusieurs associations, avec un agenda de contacts plus longue qu’un building. Deux garçons astucieux, brillants depuis la maternelle. Elle vient compléter le tableau, dernier joyau de la couronne de famille parfaite qu’ils portent.  

2. Image bien trompeuse, portes closes le conte de fée s’évapore. Savannah n’en est pas réellement consciente les premières années. Elle est si jeune. Mais des cris s’entendent parfois, tard dans la nuit. Son père a le regard voilé, une tristesse qu’elle n’arrive jamais à faire disparaître, peu importe ses efforts. Sa mère et son éternelle expression oscillant entre la frustration et l’apathie. Ses frères et leurs commentaires mordants, toujours à vouloir se placer en haut d’une hiérarchie qu’ils sont les seuls à voir.

3. Heureusement, il y a les Parker. Meilleurs amis depuis le lycée, les patriarches se sont assurés que leurs familles respectives se connaissent presque autant que si elles étaient liées par le sang. Savannah n’a jamais connu la vie sans eux et c’est un peu grâce à eux qu’elle sait ce que vie de famille veut dire. Sans parler de la meilleure rencontre de sa vie, et également seule fille de la famille, Elena Parker. Meilleur amie, confidente et jumelle qu’elle n’a jamais eu, c’est sa personne. Même si leurs parents adorent rappeler qu’elles se détestaient étant bébés. Photos à l’appui.

4. Savannah considère qu’elle n’a pas de mère. Tout au plus une génitrice car difficile d’effacer complètement l’existence de cette femme. Même si elle se donne tout le mal du monde à prétendre que sa famille n’existe pas au vu des nouvelles inexistantes qu’ils reçoivent. Beaucoup de rancoeur entoure cette figure fantomatique de sa vie, la jeune femme ne pouvant pardonner son départ pour un autre homme. Un homme plus riche, plus influent, né dans un cercle social plus élevé. Une femme superficielle qui a piétiné le coeur de son père, qui a détruit la confiance de ses frères. Une femme qui ne l’a jamais aimé. Une femme qui ne mérite que l’oubli.  

5. Son père. Homme occupé, il n’a jamais pu être aussi présent qu’il l’aurait voulu pour ses enfants, mais il a fait de son mieux. Il a été le roc, cette présence que rien ne peut ébranler, le rempart, celui contre lequel s’appuyer. Sens de la famille qui l’a aidé à tenir toutes ces années. Savannah est la prunelle de ses yeux. Ils se comprennent tous les deux, mots parfois superflus. Souvent, leurs moments à eux sont silencieux, regards plus chargés de sens que tous les discours les plus éloquents. Il est son héros, son soutient, celui qui est fier d’elle simplement parce qu’elle est elle.    

6. Les choses sont bien plus complexes avec ses frères. Une barrière qu’elle n’a jamais su franchir, incompréhension actrice principale de la pièce de leurs relations. Ambitieux, si ambitieux, ils doivent exceller en tout, partout et surtout gagner l’éternelle compétition entre eux. Savannah n’a jamais compris et elle suppose qu’elle ne le fera jamais. Une certaine résignation se peint sur ses traits quand ses frères sont mentionnés. Elle veut croire qu’un jour, ils arrêteront leur bataille stérile et ils grandiront enfin. Rêver est gratuit après tout.

7. Elle a toujours voulu aider les autres. Complexe du héros aime plaisanter son père, plaisanterie sur laquelle elle se vengeait enfant en l’obligeant à jouer au patient avec elle, fausses aiguilles piquant son bras. Car elle voulait être infirmière. Elle en était convaincue, c’était sa future vie, et quand on sait de quoi le futur sera fait, on se prépare. Aussi simple que ça. Tout était méticuleusement préparé et elle s’était assuré d’entrer par la grande porte, déterminée à devenir la meilleure infirmière que cette terre ait porté.

8. Savannah n’est pas une fille de la haute. Enfin, techniquement si, elle est née dans un cercle privilégié, mais elle ne s’est jamais sentie comme en faisant partie. Aversion presque instinctive, son opinion sur les milieux aisés n’est pas particulièrement charitable. Prison doré, elle a vu les effets perfides que peut avoir un compte bancaire trop garni et elle refuse catégoriquement d’y rester. Elle n’est pas stupide, son but n’a jamais été de "vivre sous un pont avec un chenil et des bières" comme se moquaient ses frères et elle reconnaît que l’argent est fort pratique pour payer ses factures, mais elle n’aspire pas à beaucoup plus matériellement parlant. Idéaliste? Certainement.

9. Energique à souhait, la jeune femme a besoin de bouger. De préférence à ciel ouvert, bien plus sympathique que de lever des poids pour l’énième fois dans la salle de gym (même si son métier l’oblige à s’y plier de temps en temps). Elle connaît un bon nombre de sentiers de randonnée et a traîné un bon paquet de ses amis (de gré ou de force) lors de ses petites escapades. Son rêve? Prendre la route et partir faire du camping sauvage dans un lieu reculé dans les Rocheuses.

10. Quand elle aime, elle aime de tout son être Savannah. Ses proches, ce sont des piliers indispensables de son existence. Elle est le genre de femme à se pointer en bas de chez vous en moins de dix minutes si ça ne va pas, à vous aider à cacher un corps en cas d’accident (ou non) et globalement à sortir tout son armement dès que quelqu’un ose s’en prendre à vous. A ne pas en douter, elle possède une loyauté à faire pâlir Poufssouffle.

11. La vingtaine a été marqué par une épiphanie aux airs de tsunami. Son rêve d’enfant, ce sur quoi elle a basé tout son futur, s’est écrasé méchamment au sol. Pas parce qu’elle n’en est pas capable. Pas parce qu’une tragédie quelconque l’empêche d’atteindre son rêve. Elle s’est juste…trompé. Et elle a du mal à avaler la pilule. Elle n’aime pas avoir tort, encore moins quand cela la concerne.

12. Savannah ne se morfond pas longtemps. Elle n’est pas du genre à se laisser aller, toujours à chercher la porte de sortie, la lumière pour continuer à avancer et ce sortir d’un quelconque mauvais pas. La réponse à sa soudaine interrogation sur sa vie future, elle la trouve ironiquement grâce à son frère aîné. Grand râleur qu’il est, il s’était plaint de la pagaille causée par une intervention des pompiers non loin de son bureau et elle n’a pas perdu une seconde pour sauter sur le ring et frotter ses piques à celle de son frère. Comme souvent, cela a pris des proportions quelques peu ridicules et elle s’est retrouvée à affirmer qu’elle serait plus qu’honorée qu’on la considère pour faire partie de la profession plutôt que de rejoindre un quelconque bureau comme son frère.

13. Elle ne remerciera jamais assez son frère pour son snobisme. Le métier de pompier la comble au plus haut point. Véritable passion, elle passe sa formation haut la main et rentre dans celle qui est toujours sa caserne du haut de ses vingt-deux ans. Son entourage a failli faire une attaque à la savoir combattante des flammes mais ils ont bien vu que c’était peine perdue de la faire désister. La jeune femme est faite pour ce métier. Puis la caserne est devenue sa deuxième maison et ceux qui y travaillent, une sorte de deuxième famille. Cela rapproche énormément de défier régulièrement le danger ensemble.

14. Sa vie amoureuse a toujours été compliquée. Sa grande amitié avec Elena a toujours été vu comme un problème et Savannah refuse catégoriquement la moindre remarque désobligeante envers le lien qui l’unit à sa meilleure amie. S’il ne peut pas l’accepter, la porte est par là, merci, au revoir.

15. Pourtant, elle a connu sa grande histoire d’amour. Avec celui qu’elle n’aurait jamais imaginé qui plus est. Aîné de la fratrie Parker, elle ne lui avait jamais accordé un regard, le plaçant automatiquement hors du circuit avec les trois autres. C’était comme imaginer Elena avec un de ses deux frères, tout simplement inconcevable. Et pourtant. Elle ne saurait dire ce qui a changé mais il a soudainement cessé de n’être que le frère d’Elena et Savannah s’est pris l’équivalent d’un TGV en l’espace d’une bête conversation où le hasard a voulu qu’ils se retrouvent seuls. Un regard lourd de sens s’est chargé de lui faire comprendre qu’il y a eu deux TGV et le reste s’est fait naturellement.

16. Leur relation n’était pas des plus évidentes. Tous les deux dans un métier à risque, la sérénité n’était jamais complète, souci toujours présent dans un coin de la tête. Inquiétude de recevoir un appel, l’appel indiquant que cette fois-là, il ne s’en était pas sorti, qu’elle n’avait pas vaincu les flammes. L’appel marquant la fin brutale tant crainte. Sans parler des missions, des longs mois où le contact était réduit à une image tremblotante sur un écran. Quand ils avaient de la chance. Mais ils étaient heureux. Ils s’aimaient. Quand ils étaient ensemble, ils pouvaient conquérir le monde. Savannah, elle voyait son futur avec lui.

17. Elle se souvient. Elle avait regardé bêtement la tige en plastique pendant cinq bonnes minutes. Hébétée et un air ahuri qui lui aurait fait honte à n’importe quel autre moment. Une fois le choc passé, elle a hurlé. De joie. Tout son immeuble a dû l’entendre mais elle s’en moquait éperdument, bonheur brut gonflant sa poitrine. Elle a pourtant gardé le silence. Il rentrait dans deux semaines et elle tenait qu’il soit le premier au courant. Pour la première fois de sa vie, elle s’est mordu la langue et n’a rien dit à qui que ce soit, même pas Elena. Mais les deux semaines ne se sont pas écoulées. On l’a appelé. Et l’enfer s’est ouvert sous ses pieds.

18. C’est Elena qui l’a retrouvée, recroquevillée dans un coin de son salon, inerte, totalement apathique. Deux jours qu’elle ne donnait plus aucun signe de vie, se contentant de poser une absence à la caserne et disparaître dans un silence glaçant. Un simple regard et elle s’est écroulée Savannah. Elle ne l’avait pas seulement perdu lui. Elle avait également perdu le fruit de leur union. Choc trop fort, son corps n’a pas su le protéger. Elle les avait perdu tous les deux et elle ne tenait plus Savannah. Un secret dont Elena est la seule détentrice. Un secret qu’elle ne parvient pas à affronter, encore aujourd’hui. Cinq ans et elle est toujours aussi hantée qu’à la sortie des urgences, quelques heures après avoir appris que son soldat ne rentrerait pas.

19. Elle l’a retrouvé son soldat. Un miracle a bien voulu le ramener. Mais les choses n’ont plus jamais été pareilles. Chacun portait ses cicatrices. Et Savannah n’a jamais eu la force de lui dire ce qui était arrivé, ce que sa disparition avait causé. Il ne méritait pas cela. Ils se sont accrochés, ils se sont battus mais les choses n’allaient plus. Deux ans qu’ils ont pris la décision d’arrêter les frais. Le pire? Elle n’a jamais cessé de l’aimer. Et elle ne cessera probablement jamais. Mais elle sait aussi qu’ils étaient dans une impasse. Autant arrêter avant de finir par se détester.

20. Grande amatrice d’animaux, elle rêve d’avoir un compagnon à quatre pattes mais n’est pas certaine que son mode de vie soit le plus adapté. Puis son appartement n’est pas des plus spacieux. Elle se contente donc de piquer de temps à autres le chien de ses voisins favoris et faire des longues ballades avec. Pas d’inquiétude, elle le ramène toujours. Même si elle aime dire qu’un jour, elle finira par s’enfuir avec pour de vrai.