(Iris) Douce folie

Iris, le prénom parfait pour la petite fille parfaite qu'on voulait que tu sois dès le jour de ta naissance. Tu as ouvert les yeux dans un monde qui t'a rapidement éblouie, entre sourire et larmes parce qu'il y avait des absents le jour de ta naissance. En premier ton père, militaire, homme sur le terrain, en réalité, il ne t'a jamais parlé, tu n'as jamais senti le contact sur ton coccoon et pour cause, il n'est rentrée qu'une fois depuis que ta mère sait que tu es là. Et ce sera comme cela durant de nombreuses années, papa sera le gentil, papa c'est un héros qui sauve le monde. On te le présente ainsi, tu n'as pas besoin de grandir beaucoup pour comprendre que papa, c'est avant-tout un fantôme. C'est un week-end de rêve contre plusieurs mois d'absence. Et l'angoisse constante de ne jamais le voir revenir excusé parce que c'est son rêve. Tu grandis surtout avec ta mère qui s'est donné comme mission que tu sois parfaite. Tu tiens à peine de debout quand elle t'inscrit pour les cours de danse et tu parles à peine de manière compréhensible quand elle commence à t'apprendre de nouvelle langue. Avec maman, c'est compliqué. C'est l'école à la maison parce que personne ne peut aussi bien de toi qu'elle, enfin c'est ce qu'elle dit. C'est une enfance dans les cartons surtout pour tenter de se rapprocher des diverses bases où ton père est affecté. Mais tu y crois, tu veux y croire et tout comme elle, tu veux que tout soit parfait quand papa est là, tu veux qu'il soit fier de toi.

Ton enfance n'était pas malheureuse, tu n'as pas connu de grands drames, c'est à adolescence qui va s'avérer plus tumultueuse. Tu as douze ans quand tu te balades dans un parc et qu'un cri t'interpelle, naturellement tu cours vers la scène et tu vois ce garçon dans le lac qui semble avoir effrayé les canards mais pas que. Le parc est presque vide à cette époque de l'année, il fait assez froid dehors même si le printemps est là mais tu n'hésites pas une seconde à aller le chercher. Tremper, tu installes ta veste restée au sec sur vos jambes et vous partagez un bout de ton gouter. D'abord dans le silence, un silence que tu brises assez vite avec douceur. Vous échangez quelques mots d'enfants mais également quelques douleurs. Il te raconte comment il a été poussé dans ce lac et tu trouves cela tellement horrible que tu lui promets de l'accompagner demain pour le traverser. C'est comme cela que votre amitié va naitre, en quelques minutes, dans ce parc, il y a ce lien si fort qui se forme entre vous. Tu vas le revoir, pas une mais une bonne centaine de fois. Tu vas lui partager tes secrets et tes peurs, et il va faire la même chose jusqu'au drame. L'appel que personne ne veut recevoir, celui qui traumatisait ton enfance et ta mère. Le héros est tombé sous les drapeaux. Votre coeur se brise, tu rates l'un de vos rendez-vous en te disant que tu lui expliqueras demain, sauf qu'il n'y a pas de demain. Le soir-même, vous quittiez la ville pour rejoindre Washington. Ville qui t'a vu naitre et qui t'a vu souffrir ce jour-là. Il va vous falloir du temps pour vous relevez. Mais finalement, le temps va faire son oeuvre et vos blessures vont cicatriser, celle de ta mère plus vite que tu ne l'aurais cru. A peine deux ans plus tard, elle te présente un homme. Un homme qui va finir par l'épouser l'année de tes quinze, signant définitivement la fin de ta relation complice avec elle. Parce que tu comprends l'envie de changer de vie, l'envie d'un nouveau départ mais un mariage, si tôt, sans ton avis, c'est trop pour l'adolescence sensible que tu étais. Habituée à cette perfection contente, tu étais en apparence l'adolescente idéale, cheerleader, membre du club qui s'occupait du journal, bonne élève depuis toujours mais amoureuse de la musique, alors derrière l'apparence parfaite et le travail acharné, ce n'était pas rare que tes nombreuses activités soit une excuse pour faire la fête chez des amis. Le sac à dos rempli de produit de maquillage et de tenues moins sage, c'était ton quotidien. Mais il a fallu montrer qui tu étais à la fin du lycée. Et tu vois encore le visage de ta mère quand tu lui a annoncée que tu voulais bosser dans la musique, devenir productrice. Nouveau chantage, nouvelle crise de la jeune fleur et nouvelle victoire. Tu rejoins le programme de musique à la rentrée sans grande difficulté, sauf que .. Tu avais besoin d'un stage et la radio te semblais être une excellente idée, après tout, c'est de là que tout commence, c'est par la radio qu'on fait connaitre une chanson. Tu n'avais pas prévu de tomber amoureuse de cette ambiance, de la liberté d'expression qu'on offre à la radio. Ton stage s'était bien passé, si bien qu'ils t'ont proposés d'animer une émission de musique la nuit où tu peux faire revivre tes vieux classiques préférés et échanger avec des inconnus. Tu imaginais que ce serait un simple job étudiante mais rapidement, tu as compris qu'on ne peut pas travailler le jour et la nuit. Rapidement, tu as fait le choix du coeur et tu as quitté l'université. Évidemment ta mère ne le sait pas -et c'est bien la seule-, mais cela fait quelque temps maintenant que tu ne vis plus sous son toit. Alors tu t'en moques. Toi, tu as envie de vivre ta vie comme tu l'entends, avec la jolie danseuse et le beau fêtard sur qui tu peux râler tranquillement et qui sont aujourd'hui, une véritable famille de coeur.